Les bouleversantes confessions d’un chroniqueur de génie
C’est un livre qui donne la chair de poule que viennent de publier, à Paris, les éditions Téraèdre. Ce sont des entretiens donnés en décembre 1993 par Saïd Mekbel à Monika Borgmann. Une année après, le 3 décembre 1994, l’enfant de Bgayet (Béjaia), dans la basse Kabylie, était assassiné à Alger.
Saïd Mekbel était à ce moment là directeur du quotidien Le Matin. Celui qui écrivait le fameux billet, Mesmar Djeha, savait qu’il allait mourir. Et pourtant il n’avait pas voulu quitter l’Algérie. Il voulait résister dignement, jusqu’au bout. Il voulait aussi écrire un roman qui ne passerait pas inaperçu ; c’était son plus grand rêve. « Je crois qu’on veut réellement sacrifier pour sacrifier une partie de la population. Mais je suis troublé maintenant. Je suis troublé parce qu’au début, je me disais que c’étaient les intégristes qui tuaient. C’était facile. C’était confortable, c’était peut-être pas loin de la vérité.
Mais plus on avance sur les assassinats, plus on réfléchit, plus on se dit que ce ne sont sûrement pas que les intégristes. C’est sûrement une mafia, comme la mafia italienne, américaine ou japonaise. Donc, il y a les intégristes et puis il y a aussi la mafia. Ils tuent soit pour établir un nouveau régime, soit pour protéger leur régime », dit Saïd Mekbel à Monika Borgman, le 4 décembre 1993.
Pourtant, à cette période-là, le quotidien Le Matin soutient ouvertement les militaires algériens. Dans ce livre d’entretiens impressionnants et vrais, Saïd Mekbel va au fond du mal algérien et cite des noms de responsables (dont certains sont toujours au pouvoir) et les accuse de crimes. Saïd Mekbel revient également, dans ce livre, sur son parcours d’ingénieur et de physicien, sur son passage au quotidien Alger-Républicain (publication où Albert Camus a fait ses débuts dans le journalisme) avant que ce journal ne disparaisse à la suite du coup d’état du colonel Houari Boumediene en 1965.
Saïd Mekbel avait été arrêté par la sécurité militaire en 1967 et n’avait pas échappé à la torture. « C’était un combat, ils te torturaient un peu, parce que c’était leur métier et ils attendaient que tu résistes. C’était un match. C’était une compétition pour eux. Une fois, un de mes tortionnaires m’a dit, deux jours après m’avoir torturé : « ah, c’est bien, tu as résisté, c’est bien, je te félicite ». Il te torture et après il te félicite. C’est toujours un rapport de force. Il ne faut jamais perdre sa supériorité sur l’autre. Et la seule arme qu’on possède, c’est la réflexion. Il faut sentir l’autre, appréhender comment lui te perçoit. Certains de mes rapports avec mes tortionnaires se sont transformés. Vers la fin, l’un d’eux m’a demandé si je pouvais lui faire une lettre pour son supérieur afin que l’on revoie sa situation.
Voilà des tortionnaires qui viennent te voir pour que je leur écrive une lettre, c’est quand même terrible », avoue Saïd Mekbel, l’auteur de cet inoubliable billet, le dernier qu’il avait écrit, intitulé « Ce voleur qui… ».
Youcef Zirem
4 mars 2012 à 18:24
BILLET
Il ne faut plus dire « islamiste »
Détails Publié le Dimanche, 04 Mars 2012 13:55 Écrit par Didi Baracho
Par Didi Baracho
Bouteflika m’a appelé pour me remercier de lui avoir dédié le précédent billet à l’occasion de son anniversaire et de lui avoir fait l’honneur d’aller à la soirée, organisée pour fêter ses 75 bougies.
J’ai reçu le coup de fil alors que je débriefais, autour de quelques bouteilles, avec mes amis H’mida Layachi et Anis Rahmani, les deux Rambos de la presse que nous envient les médias internationaux.
Notre monarque bien-aimé m’a cependant formulé une faveur. « Didi, j’ai un service à te demander. Je te supplie de ne plus utiliser le mot islamiste dans tes écrits », m’a-t-il lancé un peu gêné. Comme je ne peux rien lui refuser, j’ai immédiatement répondu : « Tes désirs sont des ordres, mon cher Azizou ». Sur ce, on a parlé un peu de l’islamiste Abou Djerra Soltani, de l’islamo-conservateur Abdelaziz Belkhadem, du salafiste Abdallah Djaballah, de la politique néo-islamiste d’Ouyahia, de l’ami des barbus Seddik Chihab, des islamo-terroristes du sud algérien, du faux-démocrate, mais vrai-islamiste Abdelmadjid Menasra, des désormais alliés des islamistes, les généraux M. dit T. et T. dit B., des tendances islamistes de beaucoup d’Indigènes, sensibles à l’endoctrinement islamiste du pouvoir, des fanatiques de l’islamisme au sein du FLN et du RND, des islamistes qui ont infiltré le ministère des Mosquées et du sondage des cœurs, du code de la famille d’inspiration islamiste, du voile islamiste, de la barbe islamiste, mais aussi des Frères musulmans, des salafistes non violents, des salafistes djihadistes, des intégristes ne faisant pas de politique, de la victoire probable des islamistes aux prochaines élections législatives que certains islamistes vont cependant boycotter à commencer par le salafiste Ali Belhadj qui refuse toujours de rentrer dans les rangs de l’islamisme, version régime. On a, à ce sujet, évoqué les islamistes de l’ex-FIS. On s’est dit, finalement pourquoi ne pas les réhabiliter. On les a dissous pour rien. Non ? On ne pouvait pas ne pas aborder aussi l’arrêt du processus électoral de 1992 qui avait réussi aux islamistes en raison d’une politique déjà à connotation islamiste. On est revenu aussi sur les crimes islamistes des années 1990. Là, notre bien-aimé président m’a rappelé que lui aussi si, à l’époque, il avait 18 ans, il aurait été islamiste et aurait probablement rejoint les maquis islamistes. Pour conclure cet échange fort intéressant, on a abordé l’amnistie accordée aux islamistes et la légitimation de l’islamisme. Et ensemble, on s’est dit que le mot « démocratie » devait être banni, lui aussi, de notre vocabulaire. Mais ça, c’est une autre histoire. Alors, malgré tout, vive les Indigènes !
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