Paru le :01/09/1982
Editeur :Denoel
Collection :Romans Traduits
ISBN :2207228150
EAN :9782207228159
Nb. de pages : 352
Le démantèlement
Après la mise en scène de l’ histoire lointaine qui sert de toile de fond au présent historique, Le Démantèlement s’ attache à interroger, au moyen de l’ expression directe, un pan du passé récent de l’ Algérie contemporaine. C’est autour des doctrines islamistes et communistes que nous est rapportée, par bribes, l’ histoire de l’ Algérie, de ses partis, de sa révolution. L’ envergure politique confère au roman la forme d’un débat, d’un procès, d’une mise en accusation.
Ce bilan, nous le devons à Selma, la jeune héroïne en rupture avec l’ image traditionnelle de la femme, qui harcèle de ses questions et de sa vindicte Tahar El Ghomri, celui qui a « assisté à la naissance de l’ univers et à son démantèlement » et qui passe maintenant aux aveux révélateurs de la vérité spoliée:
Battu en brèche, coincé, il quittait ses vieilles idées et ses vieux manuscrits, et se mettait à sélectionner les vérités… Tahar El Ghomri reconnaissait alors la globalité de l’ histoire et avouait son incapacité à l’ inventorier, la jauger et la mettre au point. Il admettait que le parti avait laissé passer les occasions les unes après les autres: 1945, 1954… Il quitta la confrérie des clercs musulmans et adhéra au parti… Voilà maintenant que Selma se mettait à lui reprocher de n’avoir pas été au-devant de l’ histoire, le bousculant… elle restait insoumise à tous ses prétextes qu’elle trouvait fallacieux. Qu’avez-vous fait? Qu’on fait les ancêtres? Laisse-moi rire….
Les ancêtres longtemps sublimés sont aujourd’hui accusées des « séismes » de l’ Algérie. L’ écriture se voulant « historicité » divulgue la turpitude des hommes et expose le tableau noir du destin sociologique de la nation: « Nous portons tous des surnoms… Qui sommes-nous donc?
En son revers, cette même écriture est poésie « érigée selon les modes de la psalmodie ». La matérialité du signe transcendé et le rituel scriptural accomplissent une sorte de profanation du sacrement de la parole et d’avilissement « de la logorrhée divine ». Rachid Boudjedra voit dans le signe la compensation de l’ impossibilité de la foi religieuse, il substitue l’ écriture à toute essence et voit en elle la métaphore de l’ amour. Le roman est alors aussi « une grammaire de la sexualité ».
2 mars 2012
Rachid Boudjedra