Paru le :03/05/2001
Editeur : Points
Collection : Nle Pts Virgule
ISBN :2020426250
EAN :9782020426251
Nb. de pages :
Quatrième de couverture
Ils sont nés Outre-Mer. Caraïbes, Afrique, Océanie… Ils ont en commun une langue : le français. Seize écrivains racontent un fragment d’une enfance. Une enfance singulière dans des paysages aux couleurs outremer..
Hélé Béli (Tunisie). La robe blanche à petits pois
Maïssa Bey (Algérie). « C’est quoi un Arabe ? »
Roland Brivol (Martinique). Sang-mêlé
Guy Cabort-Masson (Martinique). Le signe du destin
Aziz Chouaki (Algérie). Confitures et bobos
Emmanuel Dongala (Congo). L’enfant de l’instituteur
Kossi Efoui (Togo). Enfant, je n’inventais pas d’histoires
Patrick Erouart-Siad (Djibouti). L’Évangile de Brise de Mer
Marie-Thérèse Humbert (île Maurice). Les galants de Lydie
Yannick Lahens (Haïti). La folie était venue avec la pluie
Fouad Laroui (Maroc). Le jour où le nain cessa de parler
Gisèle Pineau (Guadeloupe). Les papillons noirs
Raharimanana (Madagascar). Anja
Leïla Sebbar (Algérie). Les jeunes filles de la colonie
Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire). Adjamé, quartier Saint-Michel
Abdourahman A. Waberi (Djibouti). L’homme aux deux tombeaux
Dans la presse
« La robe blanche à petits pois » (p. 9-23) de Hélé Béji (Tunisie) est celle d’une photo qui enclenche le processus mémoriel et le voyage au pays de l’enfance et du rêve, jusqu’au temps de la découverte du mal et des premières méditations sur la cruauté d’un animal domestique et néanmoins félin.
Avec « C’est quoi un Arabe ? » (p. 25-40), Maïssa Bey (Algérie) se souvient de ces années après sa première humiliation d’écolière, sur fond de grève générale décrétée par le FLN. Ce souvenir qui est arrivé des années après la mort de son père instituteur et martyr hante l’auteur encore aujourd’hui (voir le dossier sur Entendez-vous dans les montagnes, à venir).
Dans « Sang-mêlé » (p. 41-57), Roland Brival (Martinique) revisite le topos du carnaval pour lever les masques de l’identité raciale et sexuelle et dire le malaise d’un adolescent qui peine à s’émanciper de la « ligne de couleur » et du matriarcat compensatoire, dans une Fort-de-France en quête de modernité.
« Le signe du destin » (p. 49-57) de Guy Cabort-Masson (Martinique) est rabelaisien et dérisoire. Motif d’une autobiographie parodique en trois actes, les lieux d’aisance, trop longtemps ignorés par la littérature, fournissent matière à une critique acerbe du colonialisme et de son avatar, l’exotisme.
Dans « Confitures et bobos » (p. 59-72), si Aziz Chouaki (Algérie) convoque les clichés de l’enfance et de l’adolescence – de l’absence du père à la guerre, des contes de Perrault à la circoncision, de la « découverte de la télé, en noir et blanc, chez des voisins pieds-noirs » à ce que l’histoire en noir et blanc ne dit pas – c’est pour affirmer l’existence de « Pieds-noirs musulmans » et pour promettre « du boulot pour l’anthropologie ».
Dans « L’enfant de l’instituteur » (p. 73-85), Emmanuel Dongala (Congo), se souvient de l’école coloniale en Afrique Équatoriale Française et des efforts de son père désireux de transmettre aux Pygmées les valeurs de la République française.
Si « enfant, [il] n’inventai[t] pas d’histoires » (p. 87-99), c’est parce que Kossi Efoui (Togo) n’avait pas encore fait l’expérience de la mort. Mais quand sa sœur meurt et que son père commence à regarder fixement sur la carte le morceau de terre qu’il souhaitait acquérir s’impose la nécessité de pallier le réel qui faisait défaut, d’écrire et de réécrire la douleur de la perte.
« L’Évangile de Brise de Mer » (p. 101-113), c’est le nom de Patrick Erouart-Siad (Djibouti) dans la langue somalie de la mère, « Warsama », « Bonne Nouvelle », mais c’est aussi l’apparition tant attendue du père blanc, de retour d’Algérie.
Avec « Les galants de Lydie », Marie-Thérèse Humbert (île Maurice) propose le portrait d’une « maîtresse femme », la bonne qui, entre deux rendez-vous amoureux, apprend à la narratrice à aimer, en créole, la vitalité de Port-Louis.
Dans « La folie était venue avec la pluie » (p. 129-141), l’écriture de Yannick Lahens (Haïti) oscille entre le non-dit et le baroque pour faire surgir l’univers du bidonville avec ses veillées funèbres, ses scènes de folie collective, ses émeutes de la faim et de la colère, ses tentatives de viols avortées et ses renaissances après la pluie.
Dans « Le jour où le nain cessa de parler » (p. 143-156), le narrateur de Fouad Laroui (Maroc) sort de la logique de l’enfance pour découvrir l’art de nommer le monde et le pouvoir créateur du langage.
Dans « Les papillons noirs » (p. 157-168), Gisèle Pineau condense, dans l’espace de la nouvelle, les thèmes de l’exil, de la mémoire et de l’identité (cf. le dossier sur Les Colères du volcan), et, dans celui de la photographie, les figures de son roman autobiographique, L’Exil selon Julia : le père militaire, les grands-parents maternels, les vacances dans l’arrière-pays guadeloupéen et Man Ya, la grand-mère qui, arrachée, malgré elle, aux mains du « bourreau », fut emmenée « de l’autre côté de la mer », dans le froid de la banlieue parisienne, au bord de la folie.
« Anja » (p. 169-184) est devenue pour Jean-Luc Raharimanana (Madagascar) le symbole des victimes de l’intransigeance manichéenne qui accompagna l’arrivée au pouvoir, en 1975, du gouvernement révolutionnaire de Didier Ratsiraka, de l’histoire récente que l’on voudrait oublier dans le retour aux cosmogonies, des traumatismes que l’on tente d’exorciser par l’écriture. « Coups, insultes … la violence fit irruption dans ma vie d’enfant, et rien ne fut plus comme avant. J’avais l’habitude de tout transformer en conte […]. Cette réalité-là ne pouvait se transformer si facilement en conte, en fiction. J’étais incapable de le concevoir. Ce jour-là volait en éclat la langue apprise, langue pourtant si fière de sa “ sagesse ancestrale ” – ny fa hendren’ny Ntaolo, de son “ humanité proverbiale ” – ny fanaby no maha olona… », écrit-il dans un article consacré aux « langues, langages, inventions » (Notre Librairie n°159, juil.-sept. 2005, p. 114).
« Les jeunes filles de la colonie » (p. 185-197) firent subir à Leïla Sebbar (Algérie), qu’elles ne croyaient ni française, ni arabe, mais peut-être juive, l’épreuve de la différence au travers de mots restés incompris. Dès lors s’impose la nécessité de se souvenir pour s’enraciner dans la géographie et dans la langue.
Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire) choisit un quartier d’Abidjan, « Adjamé, quartier Saint-Michel » (p. 199-210) pour retracer l’histoire de son pays et celle de ses parents, des promesses de l’Indépendance aux désillusions d’aujourd’hui.
2 mars 2012
Leïla Sebbar