Paru le :22/08/2002
Editeur hebus
Collection :Litt.etr.
ISBN :2859408444
EAN :9782859408442
Nb. de pages :
Quatrième de couverture
Mohammed Al-Koni, écrivain (libyen) de l’espèce la plus secrète, est en train de conquérir des lecteurs dans le monde entier — mais avec discrétion : peu dans chaque pays où il est traduit, et qui lui vouent une admiration inconditionnelle. Venu tard à la littérature (il a appris à écrire à l’âge de douze ans, après une enfance passée dans le désert), il a déjà donné à ce jour une vingtaine de « romans », écrits dans une langue dont la pureté semble échapper à l’emprise du temps (Poussière d’or, Gallimard, 1998 ; L’Herbe de nuit, L’Esprit des Péninsules, 2001). L’Oasis cachée, parabole qui interroge en nous une « mythologie » étrangement actuelle (le vrai débat politique de notre monde ne serait-il pas celui qui oppose, sans cesse, raison et poésie ?), est surtout pour lui prétexte à nous rappeler ceci : puisque nous avons perdu de vue le désert dont nous sommes issus, il ne nous reste plus, si nous voulons répondre avec vérité aux questions qui nous tourmentent, qu’à laisser parler le désert en nous. « Retenez bien le nom de cet auteur : Ibrahim Al-Koni… (il) réunit les dons d’un grand artiste et ceux d’un profond connaisseur des différentes traditions littéraires arabes. Il est temps que le public européen le connaisse et lise ses oeuvres. Inutile d’ajouter qu’il ne s’agit pas du pain — ni d’un succédané de pain — de tous les jours. » JUAN GOYTISOLO / LE NOUVEL OBSERVATEUR Comme souvent dans l’oeuvre d’Al-Koni, nous sommes transportés dans un lieu assez largement indéterminé (le désert profond, dans un pays qui évoque vaguement la Libye… même si l’auteur le décrit avec une précision aiguë), et à une époque des plus floues (à l’approche d’une vague « modernité » annoncée… mais aussi bien, dirait-on, aux commencements du monde). L’intrigue elle-même paraît avoir été tissée au temps d’Abraham… Un homme doit renoncer à la poésie et à l’amour (ainsi le veut la Loi) pour jouer le rôle de chef à la tête de sa tribu. Ce sacrifice marquera la vie des siens, mais n’empêchera pas que ne soient posées à tous — et d’abord à lui — les antiques questions (les plus modernes, bien sûr) : faut-il partir ou rester, écouter la prudence ou élire le risque, écouter les devins ou les moquer, se soumettre à la tradition ou oser le sacrilège… Un étranger se présente un jour, porteur d’un secret… Une poétesse tombe malade d’amour… Un chef absent (on s’interroge sur les raisons de sa disparition) continue de régner sur les têtes et les coeurs sans se donner la peine d’être là… Une possédée s’arrange pour posséder son monde après l’avoir quitté… Un voyageur qui a tourné le dos aux siens pour se mettre en quête d’une autre vérité arpente un désert plus désertique encore que le sien… Un groupe d’hommes et de femmes menacés par un regain de la sécheresse s’en vont créer une nouvelle oasis : soit une oeuvre d’art qui doit sa vie — têtue — aux forces conjuguées de la raison et du rêve… Tout le livre d’Al-Koni est comme aimanté par des couples d’énergies contraires qui ne cessent de s’opposer et de se balancer : la terre nourricière et le désert, la prophétie inspirée et la logique opératoire, la poésie et la loi, la vie et la mort… Chaque personnage, chaque objet même est donné par lui comme une sorte de résumé du monde (cf. l’extraordinaire chapitre consacré au couteau : la lame s’identifie à la Mort, le manche à celui qui s’estime en droit de la donner — c’est-à-dire au Pouvoir). On est ici dans une littérature résolument moderne… et qui pourtant donne l’impression d’avoir été écrite à l’époque d’Ovide, voire d’Hésiode. L’islam lui-même — jamais nommé ou désigné — semble comme effacé par l’ombre d’une religion intemporelle, « mythologique »… mais les mythes qu’elle induit nous parlent avec une force étrangement actuelle. Et s’il fallait lire Al-Koni… pour se persuader que les débats d’aujourd’hui relèvent des mystères de la plus antique magie ?
3 mars 2012
AUTEURS MAHGREBINS