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Une mélancolie arabe De Abdellah Taïa -Extrait


Une mélancolie arabe - Abdellah Taïa
Paru le :07/10/2010
Editeur : Points
Collection : 
ISBN : 

EAN :9782757821060
Nb. de pages : 

Quatrième de couverture

Salé, près de Rabat. Milieu des années 80.
Un adolescent pauvre court à perdre haleine. Vers son rêve, devenir metteur en scène de cinéma, vers sa star égyptienne : Souad Hosni – ailleurs, loin de son quartier, qu’il aime et déteste à la fois, qui veut le fixer dans une identité-cliché, dans la honte à jamais : le garçon efféminé. Un futur fou. Alors, il court… C’est sa seule force, sa seule façon d’affronter la violence de son Maroc. Détourner le regard. Dans cette course, il rencontre une bande de jeunes hommes qui essaient de le violer. La voix du muezzin appelant à la prière le sauve. Quelques instants après, il s’accroche à un poteau électrique, rencontre la mort. Une mélancolie arabe donne à voir et à sentir le corps possédé et poétique de ce jeune Marocain qui tombe quatre fois. À Salé. À Marrakech. À Paris. Au Caire. Il meurt. Il ressuscite. Avec ses propres images, il construit pas à pas son destin : sa vocation de créateur, son amour pour les hommes, le mystère des origines. Décrivant les désarrois d’un «je» en pleine bataille, Abdellah Taïa invite aussi à regarder différemment la culture d’un monde arabe qui, comme lui, tombe et renaît.

Extrait du livre

J’étais dans ma deuxième vie. Je venais de rencontrer la mort. J’étais parti. Puis revenu.
Je courais. Je courais. Vite, vite. Vite. Vite.
Vers où ? Pourquoi ? Je ne le sais pas pour l’instant. Je ne me rappelle pas tout. Je ne me rappelle rien maintenant à vrai dire. Mais ça va venir, je le sais.
Je vois des mots, j’entends des voix. Je vois une image, la même image rouge et jaune encore et encore. C’est flou. Ça finira par se préciser. J’attends. Je n’écris plus. Je suis sur mon petit lit. J’essaie de remplir les pages de mon journal intime. Un futur livre. Je me concentre. Je me force à retrouver ce moment, cette course. Cette poursuite. Je ne respire plus. Je ferme les yeux. Je me concentre davantage. Je me recroqueville et j’essaie de distinguer les voix d’un autre monde qui m’arrivent avec fracas et qui d’un seul coup s’arrêtent. Je me relâche. J’ai peur. Je regarde le ciel puis mes pieds un peu sales.
C’est en train de revenir à ma tête, à ma mémoire, à mon corps. À mes doigts. Je le sens, je le sens. Ça vient, ça vient. Je suis heureux. Je suis excité. Mon coeur s’emballe. Ma peau se détend. Je lève la tête, j’ouvre un oeil et je regarde ce qui descend.
C’est moi. Moi. Petit. Adolescent des années 80. Un gros cartable plaqué sur mon ventre, je traverse le temps, les secondes, les minutes, à toute vitesse. Je suis dans une course. Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne, mythique, belle, plus que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue.
Je cours de plus en plus vite. Je cours longtemps. Par la bouche grande ouverte, j’avale l’air. Je ne sens plus mes grands pieds. Je ne sens plus mon nez encore petit. Je ne me sens plus tout entier. Je me dépasse. Je n’ai plus de consistance. Je vais bientôt voler, survoler les frontières des mondes. Disparaître dans les nuages, revenir et voir, me voir.
Il ne reste de ma première vie, mon premier cycle de vie, l’enfance nue, seule, parfois en groupe, qu’une odeur, humaine, forte, dérangeante, possessive. Celle de ma mère M’Barka. Celle de son corps campagnard et légèrement gras. Ma mère qui ne s’est pas lavée depuis une semaine. Une odeur des origines, les siennes. Les miennes. Tadla : elle est de ce bled traversé par le fleuve d’Oum Rabii. Je suis avec elle dans son corps. Je suis comme elle de cette région que je n’ai jamais connue. Ni respirée. Mais à travers M’Barka, ce monde d’hier, je l’ai palpitant en moi ce jour-là, durant cette course pour arriver chez moi et aller vers Tailleurs, le rêve léger et bientôt heureux d’une autre vie qui a commencé avant moi.
Une rencontre. Une fusion.
Les pieds nus je venais de mourir.

Je me souviens de tout maintenant.
Je peux écrire.
C’était l’été, en plein été, août, le 7 août. C’étaient les vacances, les grandes et interminables vacances qui me donnaient quotidiennement la folie et la fièvre.
Mes parents dormaient. Tout le quartier de Hay Salam faisait la sieste. Seuls les vendeurs de cigarettes au détail résistaient à l’appel du sommeil. Ils restaient au coin du derb, fidèles, à attendre, à espérer, leur petit transistor branché sur la radio de Tanger, Medi. Je les aimais. De loin. Je ne leur parlais jamais. Ils m’attiraient. C’étaient des mauvais garçons. Les durs. Les maudits. Les balafrés. Ils buvaient toutes les nuits du vin bon marché en écoutant leur muse, Oum Kalthoum. Je les aime toujours. Je ne les oublie pas.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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