Chronique
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- Publié le Dimanche, 26 Février 2012 13:53
- Écrit par Rachid Bali
La vieillesse, quel naufrage ! Pour une fois, et sans le vouloir vraiment, Bouteflika a tenu des propos qui peuvent nous être utiles. Plus le pouvoir se ratatine, plus il essaie de se rassurer, plus il divague. Les SMS intrusifs ou les appels en boucle dans les médias ne suffisent plus à capter l’attention sur des élections plombées autant par les fraudes, les tripatouillages du fichier électoral que les créations ex- nihilo de partis voyous qui iront aux élections sans programmes ni même, pour certains, de direction.
Bouteflika, pensant devoir alors emballer l’opinion dans la semaine, sort la grosse artillerie et annonce que le scrutin du 10 mai est un deuxième 1er novembre qui pourrait, en toute logique, mener à un deuxième congrès de la Soummam. Rien que ça.
La putréfaction avancée du régime se double d’une pitoyable confusion des esprits. Le premier novembre est arrivé suite aux blocages de toutes les luttes pacifiques et à cause des fraudes du sinistre Naëgelin qui n’ont, du reste, rien à envier à celles du FLN et de ses satellites. Le message du 1er novembre a été développé par la plate-forme de la Soummam qui préconisait la primauté du politique sur le militaire, le respect des libertés individuelles et collectives et des libertés de conscience…Abane, Ben M’hidi, Krim et leurs compagnons avaient aussi tenu à déclarer, dès août 1956, que « la guerre de libération n’est pas une guerre de religion », ajoutant que la révolution algérienne « n’est inféodée ni au Caire ni à Londres ni à Moscou ni à Washington » . Qu’en est-il de l’Algérie de Bouteflika et consorts ?
- Le DRS, c’est-à-dire la police politique de l’armée, dispose du pays sans limite ni contrôle ;
- Les libertés sont plus menacées que jamais : une association algérienne établissant un contact avec une ONG étrangère est passible de tribunaux. Les élections internes des partis sont soumises à l’appréciation du ministère de l’intérieur qui, en dernier ressort, décide quel dirigeant doit être retenu et qui doit être éliminé ;
- En matière de liberté de conscience, il suffit de suivre les services de sécurité interpellant chez eux des citoyens pour rupture de jeun ou de voir le traitement infligé aux minorités religieuses pour constater le sort réservé au libre arbitre de l’Algérien ;
- Quant à l’éloignement de la religion du champ politique, un bref regard sur les programmes scolaires, ceux de la télévision ou l’envasement théocratique du pays permet de saisir l’ampleur des reniements du principe de laïcité assumé à Ifri en 1956.
- S’agissant, enfin, de l’indépendance de notre diplomatie, les mouvements pendulaires d’Alger qui s’offre tantôt à l’Europe, tantôt aux USA tantôt à la Russie sont édifiants ; chaque soumission se payant cash en contrats bonifiés sur les importations ou les services, en champ de pétrole bradés ou en achat, au prix fort, de chars et d’avions rouillés.
Concrètement, l’Algérie de 2012 est l’exact contraire de celle de novembre et de la Soummam, c’est-à-dire une forme d’oligarchie tentaculaire qui ignore l’intérêt général et qui privatise la nation avec ses ressources et son patrimoine symbolique.
Il faut croire que monsieur Bouteflika a oublié les moyens utilisés par les Algériens pour se défaire d’un tel système. Mais en évoquant aujourd’hui novembre 54, il leur donne des idées.
6 mars 2012
Rachid Bali