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- Publié le Dimanche, 11 Mars 2012 17:13
- Écrit par Rachid Bali
La coupole du complexe Mohamed Boudiaf. 9 mars 2012, 10 heures. Un Instant, on se croirait dans un pays normal. Dans cette Algérie dont rêvaient les enfants de novembre et de la Soummam. 2200 congressistes élus par des véritables militants étaient rassemblés dans une salle omnisport où des rapporteurs liront quelques heures plus les synthèses élaborées dans des pré-congrès et qui serviront de base aux commissions devant plancher sur le nouveau programme du parti.
Le décor où dominait le jaune et le bleu, couleurs fétiches du RCD, illustrait les épopées algériennes, le tout sur fond de belles et grandes banderoles écrites dans les trois langues, arabe, amazigh et français, rappelant les principes et les étapes qui ont façonné le Rassemblement. Même les petits détails étaient là pour souligner le respect de la règle et de la forme. Un bureau du congrès et un règlement intérieur soumis d’entrée à la plénière. Une commission de validation des mandats qui vient donner les données chiffrées du conclave et les recours dont elle a été saisie, une organisation impeccable dans la programmation des travaux puis, comme les trop beaux rêves, la brutalité du réveil s’impose avec son amertume. On apprend que la sonorisation de la salle avait été volée la veille du congrès et que ce fut un miracle de la remplacer un vendredi matin ; que 6 bus de l’ETUSA ( entreprise de transports urbains et suburbains d’Alger ) devant convoyer 350 congressistes hébergés dans le complexe hôteliers de Tipaza, distante de 60 km de la Coupole, ont été retardés - les congressistes concernés n’étant arrivés sur les lieux que vers 11H30 – et que les jeunes Libanais et Egyptiens et la fondation Friedrich Naumann les accompagnant qui devaient prendre la parole ne seront pas de la fête pour cause de refus de délivrance de visa.
Ensuite il y a le fond. Dans son introduction Saïd Sadi a informé que le RCD a délibérément refusé d’associer à l’ouverture de leurs travaux, toute organisation ou personne qui participe à l’entretien de l’illusion d’un changement concerté avec le système. Le choix de donner la parole à Ali Yahia Abdenour et Sid Ahmed Ghozali, deux personnalités qui ont publiquement annoncé leur conviction que le salut de l’Algérie passe par le départ du régime et que dans, l’immédiat, cela implique le rejet des prochaines élections n’est pas fortuit.
Le catalogue des invités étrangers renseigne aussi sur l’analyse et les projections politiques du RCD. En appelant en premier à la tribune le représentant du Conseil National Syrien, le message était clair : démarcation des démocrates algériens de la position officielle du pouvoir sur la drame syrien et priorité à la scène régionale. Au demeurant, seuls les Marocains et Tunisiens ont été conviés à s’exprimer. Pas un pays européen n’a été invité.
Vient enfin l’essentiel : Said Sadi, qui après avoir longuement retracé le parcours et les luttes du RCD, a annoncé sa décision de ne pas se représenter à la présidence du rassemblement car, a-t-il expliqué, cette malédiction qui fait que chaque génération enterre la suivante a conduit l’Algérie à une impasse historique. En regardant la remarquable biographie du nouveau président du RCD âgé de 41 ans, on mesure le sens et la portée du geste. Combien de cadres de cette valeur ont du attendre 15 ou 20 ans pour pouvoir exprimer leur potentiel ; c’est-à-dire servir leur pays ?
On peut être d’accord ou pas avec le RCD mais la rupture à laquelle il a toujours appelé a connu un saut qualitatif le 9 mars. Dans un système gérontocratique la leçon qui à l’évidence en sera pas appliquée de si tôt a résonné très fort dans le pays.
Comme pour donner encore plus de sens à l’exigence de rupture, la télévision algérienne, engluée dans ses turpitudes, annonçait dans son journal du soir que Said Sadi a démissionné, suggérant au passage qu’il a été contraint de le faire.
13 mars 2012
Rachid Bali