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L’ONS a réalisé depuis quelque temps déjà des enquêtes trimestrielles sur «la situation et les perspectives dans l’industrie». Ces enquêtes sont des interviews d’opinion réalisés auprès des chefs d’entreprises industrielles publiques et privées : quelque 340 entreprises publiques et 400 entreprises privées.
Les questions posées aux chefs d’entreprise portent généralement sur les conditions de fonctionnement des entreprises, sur la demande du marché, la main-d’œuvre, la trésorerie, l’équipement et les perspectives immédiates.
Globalement, la situation des entreprises industrielles est morose
Plus morose pour les entreprises publiques que pour les entreprises privées et plus dégradée pour certains secteurs par rapport à d’autres.
Des capacités de production oisives
La moitié des entreprises publiques industrielles affirment avoir utilisé leurs capacités de production à moins de 75 %. 40 % des entreprises industrielles privées sont dans ce cas. Il y a donc dans l’industrie algérienne des capacités de production oisives. Cette situation de sous-utilisation s’explique par plusieurs facteurs selon les chefs d’entreprise enquêtés.
1/ Il y a des difficultés d’approvisionnement en matières premières
50 % des industriels publics et 22 % de ceux du privé affirment avoir un niveau d’approvisionnement en matières premières inférieur aux besoins. Des ruptures de stock ont occasionné plus de 30 jours d’arrêt de production pour 15 % des entreprises industrielles publiques et pour 8 % des entreprises privées. Est-ce dû au Crédoc ? L’enquête ne le dit pas.
2/ Quand les entreprises reçoivent des commandes, elles n’arrivent pas à les satisfaire : 56 % seulement des chefs d’entreprises publiques ayant reçu des commandes affirment avoir pu les satisfaire. Ils sont 86 % dans les entreprises privées. Beaucoup d’entreprises ne reçoivent pas de commandes et plus de 87 % des chefs d’entreprise du secteur public et 73 % de ceux du privé ont déclaré avoir des stocks de produits fabriqués. Ainsi, malgré un marché intérieur captif, la demande adressée aux entreprises industrielles nationales reste globalement faible (plus faible pour les entreprises publiques que pour les entreprises privées). Il est intéressant de souligner aussi que les entreprises (surtout publiques) qui ont des marchés n’arrivent pas toujours à y répondre. Beaucoup d’entreprises n’ont pas de marché et accumulent les stocks. Les entreprises industrielles nationales ne sont pas compétitives même sur le marché intérieur où, pourtant, ces deux dernières années, l’Etat multiplie ses aides directes et indirectes : priorité accordée aux entreprises nationales dans la réalisation des projets publics, commandes de l’Etat de gré à gré au bénéfice des entreprises publiques, encadrement des importations (Crédoc), etc.
La main-d’œuvre et l’équipement
Ces deux facteurs de production posent quelques problèmes aux entreprises nationales. Près de 10 % des chefs d’entreprise du secteur public et près de 20 % du secteur privé ont cherché à recruter du personnel d’encadrement et de maîtrise et déclarent avoir buté sur des difficultés pour trouver ce personnel. De plus, 27 % des chefs d’entreprises publiques et 30 % des chefs d’entreprises privées jugent que le niveau de qualification du personnel est insuffisant. Dans le domaine de l’équipement, la situation n’est pas meilleure. 62 % de l’outil de production du secteur public et 35 % de celui du secteur privé ont connu des pannes d’équipement. Les causes : la vétusté et le manque de maintenance. «Ces pannes ont occasionné des arrêts de travail de plus de 6 jours pour 76 % du potentiel de production du secteur public concerné et plus de 30 jours d’arrêt pour 41 % du potentiel de production du secteur privé». (ONS).
Une productivité globale des facteurs faible
Nous savions déjà que nos entreprises affichent une faible productivité globale des facteurs. L’enquête d’opinion de l’ONS confirme cette insuffisance puisque près de 72 % des chefs d’entreprise du secteur public et près de 63 % de ceux du secteur privé déclarent pouvoir produire davantage en renouvelant l’équipement et sans embauche supplémentaire de personnel. D’autre part, 15 % des chefs d’entreprise du secteur public et plus de 11 % de ceux du secteur privé affirment pouvoir produire davantage seulement en «réorganisant le processus de production sans renouvellement ni extension». On voit bien ici l’utilité et la nécessité d’un vaste programme de mise à niveau de nos entreprises !
Les problèmes de trésorerie
Les entreprises publiques sont beaucoup plus nombreuses à souffrir de problèmes de trésorerie que les entreprises privées (58 % contre 17 %). Les trois causes citées par les chefs d’entreprises qui souffrent de problèmes de trésorerie sont dans l’ordre :
1- Les délais longs de recouvrement de créances ;
2- les charges obligatoires élevées ;
3- le remboursement des emprunts.
Que peut-on retenir ?
En résumé, on peut rappeler quatre observations :
1) L’entreprise algérienne est en proie à de sérieuses difficultés plus lourdes à supporter pour les entreprises publiques (qui traînent un long et lourd passif) que pour les entreprises privées.
2) Un déficit de compétitivité et une faible productivité globale des facteurs (dus principalement à des équipements obsolescents, une main-d’œuvre qualifiée en nombre insuffisant, une mauvaise organisation du travail) plombent la rentabilité financière des entreprises algériennes.
3) Le programme de mise à niveau doit être sérieusement mis en œuvre et le climat des affaires, plus sérieusement encore, amélioré et débureaucratisé.
4) Lorsqu’on voit ce tableau clinique de nos entreprises on est en droit de se demander si, finalement, nos banques n’ont pas raison d’être prudentes dans leur stratégie de financement de peur d’être entraînées elles-mêmes dans des difficultés financières (créances douteuses, mobilisations importantes de ressources, etc. Beaucoup de difficultés rencontrées par les entreprises ne mettent pas en cause les banques. Les entreprises ont sérieusement besoin de plans de redressement interne même si les banques ont, elles aussi, besoin de débrider quelque peu leur politique de crédit pour aider à la réussite de ces plans de redressement.
A. B.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/03/14/article.php?sid=131559&cid=8
14 mars 2012
Abdelmadjid Bouzidi