Demain se lèvera le jour a été écrit par mon cher et regretté père durant sa résidence surveillée sous le régime boumediéniste, et peaufiné dans les dernières années de sa vie.
Son écriture a été annoncée par mon père dés 1981 dans la nouvelle édition du Jeune Algérien, mais la maladie l’a empêché de le publier en temps voulu. Il me confia le manuscrit en insistant sur la chose la plus importante à ses yeux, que ce livre soit publié quand un système vraiment démocratique sera installé en Algérie, et que le mot «liberté» ait pris tout son sens. L’heure est donc venue de tenir cette promesse. Dans cet ouvrage, il voulait exprimer sa propre vision de l’avenir de son pays compte tenu de son engagement et de l’expérience acquise tout au long d’un combat politique mené contre toutes les injustices, aussi bien durant la période coloniale que pendant le règne du pouvoir personnel, après l’indépendance. En dépit d’un âge avancé, et bien que très malade, les idées qu’il développe tout au long de ces pages sont les preuves d’un raisonnement lucide et sont le reflet d’une clairvoyance prémonitoire que les tragiques événements qui ont traumatisé notre pays bien après qu’il nous ait quitté lui aient donné raison. Il n’a jamais perdu l’espoir de voir le peuple algérien vivre un jour dans un pays libre, démocratique, où tous auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs (…)
Sa clairvoyance et la sensibilité extrême qui était la sienne, lui firent craindre jusqu’à la fin de sa vie la survenue d’évènements graves et de nouvelles tragédies pour son pays. Aussi tenait-il à ce que les nouvelles générations puissent nourrir à l’égard de leur pays le sentiment d’un patriotisme vrai et libéré de la démagogie, qu’elles aient le sens du travail et de la responsabilité, et qu’elles croient aux vertus de l’éducation, du savoir scientifique et de l’ouverture sur le monde. Il rappelait toujours les vertus de la tolérance, de la liberté et de la responsabilité. Tel est le message que mon cher et regretté père voulait transmettre comme un dernier testament et un ultime appel aux femmes et aux hommes de son pays, qui n’ont d’autre ambition que celle de construire un pays réconcilié avec lui-même. Mme Leïla Benmansour, universitaire algérienne, a permis, par ses articles nombreux à travers la presse nationale, et par la publication de son livre Ferhat Abbas. L’injustice, à faire mieux connaître aux jeunes Algériens, le combat nationaliste et la pensée de mon père. Son ouvrage documenté et son engagement pour cette noble cause la désignent actuellement comme la personne la plus apte à présenter ce livre publié aujourd’hui à titre posthume.
Mme Leïla Benamar Benmansour(*)
«Une voix à écouter et à méditer»
23 mars 2012 à 14:08
Ferhat Abbas, l’injustice, de Leïla Benammar Benmansour Le président du GPRA, cet inconnu
L’Indépendance confisquée, un livre écrit par Ferhat Abbas, est toujours interdit en Algérie.
Ferhat Abbas avait dit un jour : « La parole porte en elle des forces insondables. Sans liberté de parole, un peuple ne vit pas. »Leïla Benammar Benmansour revient dans Ferhat Abbas, l’injustice, qui vient de paraître à Alger Livres éditions, sur l’itinéraire du premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), décédé dans l’anonymat en décembre 1985 (il a été tout de même décoré par le président Chadli Bendjedid en 1984). L’auteure n’a pas caché sa volonté de « rétablir la vérité » sur la vie de cet homme politique, mis en prison après l’indépendance de l’Algérie en 1962. « En mettant en prison le père de la nation et en falsifiant son combat, entachant l’honneur de l’homme, ceux qui ont pris la funeste décision, n’ont rien fait d’autre que faire de Ferhat Abbas un martyr. Parce que s’il est une chose qui est insupportable aux Algériens, c’est bien l’injustice, a-t-elle écrit.
Le passé de l’Algérie garde, selon elle, non seulement des zones d’ombre mais reste également, pour une grande part, méconnu des Algériens. « Ces derniers sont souvent en admiration devant les grands noms qui jalonnent l’histoire du monde et n’ont pas connaissance des grands hommes qui ont marqué l’histoire de leur propre pays. Et Ferhat Abbas fait justement partie de ceux dont la jeunesse algérienne d’aujourd’hui tirerait grand orgueil si elle avait connaissance de leur dévouement pour leur peuple », a-t-elle ajouté. D’après elle, la méconnaissance est entretenue par ceux qui, en 1962 « ont défini le nationalisme selon certains critères ». Leïla Benammar Benmansour s’est intéressée à l’accusation « Ferhat Abbas pro-français ». « Ce message est falsifié(…) C’est un message de la haine. L’objectif final était de cantonner définitivement l’homme dans l’oubli. Nous avons longtemps cherché le Ferhat Abbas pro-français, nous ne l’avons jamais rencontré », a-t-elle relevé. Les médias et l’école, d’après elle, ont été porteurs de ce message. Elle a rappelé que Ferhat Abbas a répondu à ses détracteurs dans ses deux livres, Le Jeune Algérien et L’Indépendance confisquée.
« Malheureusement, les livres de Ferhat Abbas sont interdits en Algérie, à l’exception de La Nuit coloniale, a indiqué l’auteure soulignant que le président du GPRA a été victime « d’une injustice odieuse ». Selon elle, si Ferhat Abbas n’avait pas été écarté de la gouvernance de l’Algérie, le pays aurait été démocratique et « une nation moderne », après 1962. Elle a expliqué l’évolution de la pensée politique du premier président de l’Assemblée nationale constituante depuis ses premiers écrits dans L’Entente, dans les années 1930, où il plaidait pour « l’autonomie » jusqu’à son appel à la lutte armée pour « la République algérienne » à travers l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA). « En tant que leader de l’UDMA, Ferhat Abbas était considéré par son peuple comme celui qui guiderait l’Algérie vers son destin », a-t-elle noté rappelant que l’UDMA a soutenu la proclamation de lutte armée par le CRUA en 1954.
« Au lendemain du 1er novembre 1954, j’ai adhéré au FLN, et écrit dans El Moudjahid pour expliquer la guerre d’indépendance. Sans hésitation, nous prîmes la décision d’être présents dans la lutte en soutenant le FLN, en aidant l’ALN et en engageant nos jeunes militants à rejoindre le maquis », avait souligné Ferhat Abbas dans L’indépendance confisquée. Leïla Benammar Benmansour a rappelé la rencontre entre Ferhat Abbas et Abane Ramdane. « Abane Ramdane, l’homme de la Soummam (avec Larbi Ben M’hidi en août 1956), est pour Ferhat Abbas, l’homme clé de la Révolution algérienne », a-t-elle noté. Ferhat Abbas a été désigné après le Congrès de la Soummam pour siéger au Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) avant d’être élu membre du Comité de coordination et d’exécution (CEE) une année plus tard.
Le président du GPRA (nommé à ce poste en 1958) avait salué la rationalité de Abane Ramdane dans l’organisation de l’insurrection et dans la mobilisation du peuple pour le combat.
« Il a été un coordinateur intelligent et désintéressé. Il a vite compris que l’insurrection ne devait pas rester la ’’propriété des révolutionnaires”, devait-il mentionner plus tard. Des raisons qui auraient, peut être, motivé l’assassinat de « l’architecte de la Révolution » par ses « frères » de combat en 1957. Selon Leïla Benammar Benmansour, l’éviction en 1961 de Ferhat Abbas de la présidence du GPRA au profit de Benyoucef Benkheda avait pour but de l’éliminer totalement de la sphère politique nationale. « A jamais », a-t-elle insisté. Benkheda fut écarté et remplacé par Ahmed Ben Bella, lui même « débarqué » après un coup d’Etat militaire en 1965.
En 1963, Ferhat Abbas a démissionné de son poste de président de l’Assemblée constituante pour protester contre le vote de la constitution algérienne dans une salle de cinéma, en dehors de l’assemblée et des députés. « Ben Bella fit voter une Constitution à sa mesure qui lui permettait de cumuler les fonctions de secrétaire général du FLN, transformé par ses soins en parti totalitaire, de président du Conseil et de président de la République, chef suprême de l’armée », devait expliquer Ferhat Abbas.
En 2010, l’esprit de 1963 flotte toujours à Alger ! Le colonel Boumediène a mis Ferhat Abbas en résidence surveillée dans sa villa de Kouba, a fermé sa pharmacie, bloqué son compte et confisqué son passeport. L’homme politique n’a récupéré son passeport qu’après la mort de Boumediène.
Aujourd’hui, l’université de Sétif et l’aéroport de Jijel portent le nom de Ferhat Abbas. « Il reste que la stature de Ferhat Abbas méritait que son nom s’inscrivît sur le fronton d’un édifice prestigieux à Alger. Mais apparemment, Ferhat Abbas est persona non grata dans la capitale algérienne, qui scandait pourtant son nom en 1962 », a relevé Leïla Benammar Benmansour
el watan
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