Quelle terrible et pitoyable aventure que de croire pouvoir fixer les dunes ! Quelle indicible folie que de vouloir transporter de l’eau dans des filets ! On dit que pour être gouvernant, il faut d’abord être sourd. On dit aussi que pour être gouverné, il suffit de croire aux légendes, aux fées et aux miracles. Mais si nos gouvernants se contentent de ne pas écouter, nous, pour notre part, nous faisons plus que de croire aux légendes, aux fées et aux miracles. Nous nous attachons le cœur, à chaque aube d’élections nouvelles, avec du fil barbelé et nous nous mettons à tournoyer autour de noms qu’on nous écrit sur le sable, en tapant des mains et en poussant des sons. On n’applaudit pas, on accomplit un rituel pour chasser le mauvais sort, on ne loue pas, on chante la détresse. Mais rien n’y fait ! Au crépuscule, le sable aura changé de place et les noms inscrits disparus. Il ne reste que la déception d’avoir cru, encore une fois, au miracle et aux autres bêtises des hommes.
Même l’aube et le crépuscule sont faux, car en réalité, dans notre monde à nous, le soleil est immobile. Il est toujours au zénith. Et depuis toujours, nous sommes là, en train d’attendre que le sable fleurisse. En attendant, c’est le fil de barbelé qui nous serre, qui nous lacère et qui nous ulcère. Les sourds continueront à ne rien écouter, à ne rien entendre, les inscriptions sur le sable continueront à changer au gré des vents, et les indigènes continueront à conjurer le mauvais sort et à pousser des sons que les vents continueront à étouffer.
28 mars 2012
El Guellil