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- Publié le Jeudi, 05 Avril 2012 09:05
- Écrit par Didi Baracho

Par Didi Baracho
J’ai assisté à un triste spectacle hier soir en arrivant au bar clandestin de Sidi Yaya. Voulant ingurgiter mes dernières bouteilles avant d’aller me jeter dans les bras de Morphée, j’avais décidé d’effectuer cette ultime virée. Dans un brouhaha indescriptible, à l’intérieur d’une salle enrobée d’un brouillard de fumée, je me suis dirigé vers mon coin habituel allant à la rencontre de mes comparses. Je découvris que H’mida Layachi, Lounès Guemmache et Anis Rahmani, les trois journalistes que nous envie la presse de l’émirat de Tombouctou, n’étaient pas seuls. Un quatrième ivrogne les avait rejoints. Et vous n’allez probablement jamais me croire. Abdelaziz Belkhadem était là !
Au départ, j’ai refusé de lui parler, mais mes trois compagnons de beuverie ont insisté. « Didi ! Il a des choses importantes à te demander », me murmura Anis Rahmani.
Là, je me mis face à Belkhadem tout en commandant un double scotch. Le moment était grave. Soudain, mon vis-à-vis se mit à pleurer. H’mida Layachi qui connaît les subtilités de l’ouest de la Corée Saoudite s’approcha de moi et me lança « Je crois qu’il a besoin d’une Rokya ». Une Rokya est une séance d’exorcisme au cours de laquelle, il faut chasser le mauvais génie qui s’approprie l’esprit de toute personne qui passe plus de temps à la mosquée qu’au bar. Je ne vous l’ai jamais dit, mais j’ai ce don divin que j’utilise de temps à autre pour alléger les souffrances de certaines personnes. Je le fais naturellement bénévolement. C’est tout au plus si j’accepte une bouteille de Whisky ou un tonneau de bière, en guise de cadeaux.
J’ai demandé à Belkhadem s’il était prêt à se soumettre à un tel exercice. Il hocha la tête de haut en bas tout en baissant les yeux. J’ai commencé par lui commander une bouteille de Vodka et lui servit plusieurs verres qu’il avala les uns après les autres.
Là, son visage se tordit, ses mains se mirent à trembler, une bave fit une apparition au coin de sa bouche et d’une voix rocailleuse, qui n’était pas la sienne, il me lança : « Laisse-moi tranquille ! Laisse-moi tranquille ! ».
Alors que les autres consommateurs du bar, terrifiés, commençaient à quitter les lieux les uns après les autres, je me suis mis à réciter mes formules magiques toute en chantant l’une des mélodies de cheïkha Remiti. Je fis boire à mon patient un autre verre de vodka dans lequel, à ma demande, H’mida Layachi avait craché.
Belkhadem s’allongea par terre. Sa chemise était ouverte, son pantalon aussi. Une odeur nauséabonde se dégagea. J’appris alors que mon patient ne s’était pas lavé depuis l’arrêt du processus électoral en 1992. Symptôme supplémentaire qui montrait qu’il était habité jusqu’à l’os. La voix rocailleuse s’exprima à nouveau lançant des propos incohérents et indescriptibles. « Qui es-tu ? », ai-je demandé avec beaucoup d’autorité. Après quelques minutes de silence, Belkhadem tenta de se relever et j’entendis la voix, cette fois caverneuse, me lancer : « Je suis le système ! ».
Je mis mes deux doigts sur les tempes de Belkhadem tout en poursuivant la récitation de mes formules magiques. La voix s’exprima une fois de plus pour m’informer que l’esprit du système habitait également Bouteflika, Ouyahia, les membres de l’ONM, le RND, le FLN, les généraux M. dit T. et T. dit B., la famille révolutionnaire, l’Assemblée, le Sénat, etc.
Après plusieurs tentatives, je me suis rendu compte qu’il faudra plusieurs séances d’exorcisme pour soulager Belkhadem. Je lui prescris néanmoins une hygiène de vie. Il faudrait qu’il se batte contre le mal qui l’habite. Je lui ai donc demandé de quitter immédiatement le FLN. Ce serait une condition nécessaire, mais pas suffisante pour espérer sa guérison. Cela dit, je vous avertis, et inutile d’insister, je ne vais pas exorciser tous ceux qui sont touchés par le mal. Beaucoup ne veulent même pas se soigner. Mais ça, c’est une autre histoire. Alors, malgré tout, vive les Indigènes !
5 avril 2012
Didi Baracho