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En apprenant à lire et à écrire à 70 ans, na Tassadit a changé de vie Par Meriem Ouyahia

7 avril 2012

Contribution

Soirmagazine : C’EST MA VIE

Apprendre à lire et à écrire : une évidence pour les uns, un rêve pour les autres. Na Tassadit fait partie de cette catégorie de personnes qui ne caressent pas seulement un rêve, mais font en sorte de le réaliser. Retour sur un parcours d’une femme ordinaire avec un rêve, «extraordinaire».
Ce n’est pas na Tassadit, âgée de plus de 70 ans, qui raconte une seconde partie de sa vie, c’est plutôt son fils, Mohamed. Elle, par pudeur, par le poids des traditions, ne peut évoquer un sujet qui reste, estime-t-elle, très sensible. Assise, au beau milieu du salon, na Tassadit, avec son foulard jaune clair et son gilet gris, donne l’image d’une vieille mémé, tout droit sortie des contes pour petits enfants.
Mon père lui a juste permis de différencier les chiffres pour deux besoins bien distincts : connaître l’heure, pour dresser la table dès son retour du travail, et pouvoir composer un numéro de téléphone.
Avec ses yeux rieurs et son sourire malicieux, elle inspire la sympathie dès les premiers abords. Entourée de ses petits-enfants, sa fierté, elle l’a entre les mains, c’est un petit livre. Ce dernier est vraisemblablement destiné aux enfants : «C’est le bonheur de ma mère : pouvoir faire la lecture à ses petits-enfants !» Eh oui, na Tassadit sait lire et écrire, ce qui n’est pas rien pour elle et pour ses cinq enfants. «Elle s’est mariée très jeune. Je pense qu’elle n’avait pas encore 15 ans, lorsque avec mon père, elle avait fondé un foyer. A cet âge-là, elle ne savait ni lire ni écrire, mais elle caressait le rêve de connaître les secrets de cette science à laquelle elle n’avait pas accès. Et je pense que c’est pour cela qu’elle attachait autant d’importance à ce que tous ses enfants excellent dans les études», commence à raconter Mohamed, un peu gêné de revenir sur le passé de sa famille. «En tous les cas, je me suis toujo
urs souvenu que ma mère a toujours souhaité lire et écrire. Mon père s’est au départ engagé à lui apprendre, mais très vite, il a changé d’avis. Il lui a juste permis de différencier les chiffres pour deux besoins bien distincts : connaître l’heure, pour dresser la table dès son retour du travail et pouvoir par la suite composer un numéro de téléphone. Pour cela, il s’est contenté de lui apprendre les chiffres de zéro à douze. Je pense qu’elle a vécu cela comme une trahison, et elle s’en est accommodée durant un certain temps. Par la suite, lorsque nous avons grandi, elle a demandé à mon père de pouvoir s’inscrire aux cours d’alphabétisation. Plus il prenait de l’âge, plus il devenait plus dur, surtout avec elle. Elle s’est réfugiée dans le silence en essayant de grappiller quelques mots par-ci, parlà. Mais, je suis conscient, comme tous ses autres enfants, qu’elle en souffrait énormément. De temps en temps, ce sujet provoq
uait des colères et des disputes entre eux. Ma mère se fâchait quand mon père, malgré son âge avancé, lui refusait cette petite liberté. Le plus éprouvant pour elle a été la naissance de ses petits-enfants. Dans son for intérieur, elle sentait qu’elle ne pourrait pas être aussi proche d’eux que les autres grands-parents de cette génération». Les éclats de rire des enfants interrompent le récit de Mohamed. Et pour cause na Tassadit, tout en lisant la petite histoire, mimait des voix et des gestes de sorcières. Elle resplendissait de bonheur devant les fous-rires de ses petits. Mohamed reprend avec le sourire : «Mon père, de plus en plus acariâtre et presque méchant, est tombé soudain malade. Il y avait une grande différence d’âge entre eux. Ma mère s’est occupée de lui jour et nuit, elle l’a fait par souci du devoir. Cela a duré plusieurs mois, et puis il s’est éteint. Elle a fait son deuil et a respecté la période où elle ne devai
t pas sortir le soir. Dès que cette période s’est achevée, elle nous a tous réunis. C’était très émouvant. Ma mère a commencé à dire que du vivant de son mari, elle a de tout temps respecté ses décisions même si dans certains cas, elle n’était pas d’accord.
Elle a commencé à apprendre les lettres, puis les mots et après les phrases. «Ce qui nous surprenait, c’est qu’elle était stressée et anxieuse lors des examens, ou encore très heureuse quand on lui remettait son cahier de notes, comme une jeune écolière.»
Les yeux larmoyants, elle nous a expliqués qu’elle avait maintenant le choix de pouvoir apprendre à lire et à écrire, et qu’elle espérait que ses enfants ne l’en empêcheraient pas.» Tout en buvant une gorgée d’eau, Mohamed a sorti un mouchoir de sa poche : «Pour nous, c’était impensable de lui dire non. Personne n’a réagi, ou plutôt, nous nous sommes regardés et ma sœur lui a dit : bien sûr maman. Nous, les garçons, par pudeur je pense, nous nous sommes tus.» Et comme pour ne pas fléchir et continuer à aller de l’avant, na Tassadit s’est dirigée le lendemain à la mosquée du quartier pour savoir où peuvent s’inscrire les personnes âgées voulant apprendre la lecture et l’écriture. Sur place, elle a été orientée vers un local de l’association Iqraa. «Pour elle, c’est une nouvelle naissance ou la délivrance d’un poids qui pesait lourd sur elle. Ma mère était plus sûre d’elle et plus heureuse», confie en soupirant Moha
med, son fils aîné, qui a pu constater tous les changements dans sa vie. Au fil des cours, elle a commencé à apprendre les lettres, puis les mots et après les phrases. «Ce qui nous surprenait, c’est qu’elle était stressée et anxieuse lors des examens ou encore très heureuse lorsqu’on lui remettait son cahier de notes comme une jeune écolière. Je n’oublierais jamais le jour où elle a été classée deuxième dans sa classe. C’était une petite fille, toute fière, qui a, je dis bien, escaladé les escaliers du bâtiment pour nous apporter son cahier. Pour tout vous dire, ce jour-là, j’étais encore plus fier de ma mère.» Pour na Tassadit, c’était une victoire, mais aussi un pari qu’elle avait gagné. «Aujourd’hui, c’est avec joie qu’elle fait réciter à ses petits-enfants leurs leçons. C’est extraordinaire toute cette patience qu’elle a à le faire. Nous, les parents, nous nous énervons vite et sommes vite épuisés. Pour ma mère
, c’est toujours un plaisir, elle ne se lasse jamais.» Près de quatre années plus tard, na Tassadit continue toujours à prendre ses cours. Aujourd’hui, son objectif est de parfaire son apprentissage afin qu’elle ait plus d’assurance pour relever d’autres défis.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/07/article.php?sid=132537&cid=52

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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