Culture :
A travers la biographie de Aïssat Idir, c’est toute l’histoire du syndicalisme algérien d’avant-1962 que nous fait découvrir l’auteur Mohamed Fares dans ce bel ouvrage paru aux éditions Zyriab.
Premier secrétaire général de l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens), ce militant a rendu l’âme le 26 juillet 1959 après avoir subi le calvaire au centre de torture de Birtraria. «A l’hôpital, d’après le délégué général, le malade subit six greffes de la peau, vingt-deux anesthésies et de multiples perfusions de sérum et de sang.» (P. 168). Puis plus loin, l’auteur écrit : «La famille, appelée à l’identifier, constate les marques de brûlures profondes aux jambes et sur le corps. Il semble que l’on ait plaqué un fer à repasser brûlant sur le visage.» (P. 168). La liquidation de ce syndicaliste militant provoquera une vague de protestations à travers le monde. Indira Ghandi, présidente du Congrès national indien, déclarera alors : «Nous sommes profondément attristés d’apprendre la mort de Aïssat Idir… Ces circonstances de la disparition sont choquantes et causeront une indignation générale dans le monde.» (P. 176) LA CGT (France) exprimera ses condoléances à travers un communiqué : «A la suite de la mort du leader algérien Aïssat Idir, la Confédération générale des travailleurs français exprime ses condoléances aux travailleurs algériens et à leurs organisations syndicales en même temps qu’elle demande aux travailleurs de France de manifester leur solidarité et d’exiger que toute la lumière soit faite sur les circonstances précises de la mort de Aïssat Idir.» (P. 173). Devant la pression des organisations syndicales mondiales, le gouvernement français tente de se dédouaner en parlant de suicide un tissu de mensonges dont personne n’est dupe. Même après élimination de ce militant, l’administration française n’est pas prêtre à lâcher du lest à sa famille. Cette dernière subira harcèlement et intimidation, comme en témoignera Ahmed Idir, le fils de Aïssat, alors âgé de 16 ans : «Ce n’est malheureusement pas la fin de nos soucis. Les paras installés dans le quartier ont continué à nous harceler. Tous les jours, les paras (bérets verts) viennent chez nous, ils questionnent ma mère et m’interrogent : “Qui sont les amis de ton père ?”… ils fouillent l’appartement puis m’entraînent vers leur caserne pour une corvée d’une journée… Leurs provocations sont multiples : bousculades, travaux pénibles et humiliants pour un jeune de mon âge, excès d’injures et vexations afin que je réagisse.» (P. 189 et 190). Un ouvrage riche en documents et témoignages sur le syndicalisme algérien et sur son leader charismatique Aïssat Idir. A lire absolument.
Sabrinal
Aïssat Idir, de Mohamed Fares, préface de Mahfoud Kaddache, Edition Zyriab 2009, 267 P., 450 DA.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/08/article.php?sid=132608&cid=16
8 avril 2012
LITTERATURE