Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BA
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It’s a joke ! Les Américains ont toujours le mot pour rire. Enfin, si on veut ! Ainsi en est-il de la «surprise d’octobre». What is that ? Habituellement, l’élection présidentielle aux Etats-Unis a lieu au mois de novembre.
«La surprise d’octobre» est cet événement inattendu, ce fait divers inopiné, la plupart du temps dramatique, qui vient au dernier moment, opportunément, modifier le cours d’une campagne électorale dans sa phase ultime. Lorsqu’un porte-parole du candidat socialiste François Hollande avait conditionné la sortie de Nicolas Sarkozy du purgatoire «sondagier» à un fait divers, il ne se doutait pas que, quelques jours plus tard, un certain Mohamed Merah lui donnerait raison. Analysant la relégation au bas des sondages du candidat-président sortant Nicolas Sarkozy, Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion, estimait lui aussi, dans un essai intitulé Le pompier ou le maçon, qu’une crise pendant la campagne électorale favoriserait Nicolas Sarkozy, mais qu’elle ne suffirait pas pour autant à écraser toutes les aspirations des électeurs pour l’avenir. «La surprise d’octobre» est donc un classique. L’histoire contemporaine récente en a retenu quelques exemples. Le 6 mars 2002, 9 jours avant les élections législatives néerlandaises, le leader populiste Pim Fortuyn était assassiné par un écologiste radical. Eh oui, ça existe ! L’acte de ce tueur solitaire a-t-il pesé sur l’issue des législatives ? Moyennement. Le vote de sympathie pour la victime n’a pas fonctionné. Le parti populiste n’a eu que les 17% de voix prévus par les sondages avant le meurtre. Il en a été de même de l’assassinat, le 10 septembre 2003, à Stockholm, d’Anna Lindh, ministre des Affaires étrangères suédoise, par un homme souffrant de troubles psychiatriques, quatre jours avant un référendum sur l’entrée du pays dans la zone euro. Très peu d’électeurs ont déclaré s’être ralliés au «oui» qu’elle défendait après l’assassinat. En revanche, les attentats terroristes islamistes ont, dans les deux cas suivants, plutôt modifié substantiellement la donne. s’agit d’abord de l’attentat de Madrid du 11 mars 2004 qui a fait 191 morts. Attentat survenu 3 jours avant les élections législatives ! Les électeurs ont alors sanctionné le gouvernement conservateur sortant, pourtant donné favori, pour avoir à tort attribué ces attentats à l’organisation basque ETA plutôt qu’à Al Qaïda. D’autre part, le 29 octobre 2004, 4 jours avant la présidentielle américaine, gagnée par le président sortant, le républicain George Bush, au détriment de son challenger le démocrate John Kerry, une vidéo de menaces de Ben Laden était diffusée. Un sondage réalisé par Newsweekattestait du coup de pouce que cette vidéo avait donné à la victoire de Bush. John Kerry ne déclarait- il pas : «On montait dans les sondages jusqu’à l’apparition de la cassette, on a stagné le jour où elle est sortie, et on est descendu.» La France aussi a connu, dans le passé, deux cas au moins de «surprise d’octobre». Le premier à l’occasion du meurtre de 4 gendarmes et de la prise en otage de 29 autres par des indépendantistes kanaks, le 22 avril 1988, advenu dans le cadre d’une cohabitation entre le président socialiste François Mitterrand et son Premier ministre de droite Jacques Chirac, tous deux candidats à la présidentielle. Les hésitations de François Mitterrand quant à l’assaut final ont eu pour effet sa réélection à un taux de voix inférieur à celui donné par les derniers sondages. En 2002, «la surprise d’octobre» a consisté en une vague d’actes violents dont la tuerie de Nanterre (fin mars), des incendies de synagogues (avril), et 3 jours avant le premier tour, l’attaque à la kalachnikov d’un commissariat et l’agression particulièrement sauvage d’un retraité à Orléans. Ces faits divers ont placé, comme chaque fois, la question de la sécurité au centre des préoccupations. Beaucoup d’observateurs ont attribué, au moins partiellement, l’élimination du socialiste Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen, à cette vague de violences. Plus récemment, c’est la menace islamiste qui est devenue, comme on dit dans le jargon de la mode, tendance. Ainsi, apprendra-t-on que Vladimir Poutine, alors Premier ministre et candidat à la présidentielle, aurait échappé à une tentative d’assassinat. Celle-ci, rendue publique par les responsables du FSB (services secrets russes), aurait été planifiée par des islamistes tchétchènes proches de Dokou Oumarov, chef de la rébellion islamiste du Caucase russe. La lutte contre le terrorisme islamiste tchétchène est le fondement de la carrière de Poutine. Août 99, le directeur du FSB, Vladimir Poutine, est nommé par Boris Eltsine, Premier ministre. Quelques jours plus tard, en septembre 1999, Poutine envoyait les troupes russes en Tchétchénie en réponse à une série d’attentats attribués à des islamistes tchétchènes. En 2002, Poutine est élu président avec une image fortifiée par le terrorisme et l’instabilité. «La surprise d’octobre» de 2012 en Russie consiste à accorder le sentiment de reconnaissance vis-à-vis de Poutine, protecteur des Russes contre le terrorisme islamiste, avec le résultat de l’élection qui, lui, était joué d’avance. L’affaire Merah est-elle «la surprise d’octobre» de Nicolas Sarkozy ? Oui, sans doute. Sa remontée dans les sondages est directement liée à la justesse du costume présidentiel qu’il a su revêtir en la circonstance. S’il ne parvient pas à camper le président protecteur contre la crise, il est sans doute plus facile de jouer le rempart contre un danger réel et pernicieux, autant que fantasmé, parce que protéiforme, l’islamisme. Cependant, si «la surprise d’octobre » peut modifier le cours d’une élection, le résultat n’est pas pour autant garanti. Deux semaines après l’affaire de Montauban-Toulouse, on sent comme un affaissement du soufflé. La vague d’arrestations d’islamistes radicaux menée depuis les onze assassinats de Toulouse- Montauban est perçue comme une mise en scène de Nicolas Sarkozy pour maintenir le projecteur sur la peur plutôt que sur un programme. D’ailleurs, il le reconnaît lui-même, implicitement, en en appelant à la tolérance zéro comme l’avait fait George Bush après le 11 septembre 2001, attentat auquel le président français compare ce qui vient de se passer. Si le drame de Toulouse ne donne pas totalement la main au candidat-président en exercice, ce n’est pas seulement à cause des doutes qui entourent l’affaire. C’est aussi que, pour tragique qu’elle soit, cette affaire ne peut occulter totalement les effets insondables des crises qui frappent la France. Celle de confiance comprise.
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/08/article.php?sid=132610&cid=8
8 avril 2012
Arezki Metref