Chronique du jour : DECODAGES
ALGERIE
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Lorsqu’on observe la scène politique nationale actuelle et qui en fait l’effort difficile, il est vrai, d’écouter les discours de ces partis politiques qui se créent à foison, il n’est pas aisé de ne pas désespérer de notre avenir.
Serait-on condamné à refaire le chemin des années 90 alors même qu’il nous a conduits à l’impasse, que dis-je, à la tragédie ? Est-on obligé d’attendre qu’une élite politique puisse émerger en brisant les digues érigées jusqu’à maintenant pour traiter enfin les vraies souffrances de la société ? Doit-on continuer à bricoler et à faire du «boogli-bougla» politique qui ne mène qu’à la désespérance ? Toutes ces questions ont d’autant plus de résonance que l’Algérie de 2012 n’est plus celle de 1962 : elle est plus forte de ses élites, jeunes et qualifiées, elle dispose de ressources humaines compétentes mais qui, hélas, donnent pleine expression de leurs talents sous d’autres cieux. La jeunesse algérienne, truffée de diplômes et de plus en plus de savoir-faire, ne nous comprend pas car nous ne savons pas écouter son énergie, ses potentialités, son dynamisme. Il est vrai que l’Algérie est une société complexe, bien complexe. Non pas qu’elle ne soit pas lisible, qu’elle ne se prête à aucune analyse mais bien plutôt parce qu’elle souffre d’un sérieux déficit d’analyse. Personnellement, une question me taraude depuis belle lurette que je ne suis arrivé à prendre par aucun bout jusqu’à présent. Je la livre à la réflexion. La situation difficile que vit notre pays depuis plus de deux décennies trouveraitelle sa solution plutôt dans les réformes politiques qui attendent d’être effectivement mises en œuvre ou bien doit-on d’abord engager de vraies réformes économiques qui créeront par leur dynamique une nécessité de réformes politiques que le pouvoir en place ne pourra plus reporter ? En d’autres termes, doit-on attendre de vraies réformes politiques (mais qui les fera ?!) pour pouvoir réussir la nécessaire restructuration de notre économie ou bien doit-on plutôt faire germer les réformes politiques par des transformations structurelles de l’économie, audacieuses qui libèrent les initiatives et débureaucratisent la gestion ?
La relance du développement économique passe par une refondation de la tripartite
Notre pays a la chance d’être doté de ce qui devrait constituer assurément une véritable institution : la tripartite. Une tripartite devrait être un espace stratégique de dialogue social et de débat et concertation économiques. Nous avons là, en effet, réunis les acteurs réels de l’économie nationale : les patrons d’entreprise, les représentants des travailleurs, les pouvoirs publics. Mais jusqu’à maintenant, cette instance que beaucoup de pays nous envient est une coquille vide : on se réunit, on prend du thé et on arrête quelques procédures de partage, non pas de la valeur ajoutée créée par l’effort productif, la performance et la compétitivité des entreprises, mais on partage la rente. Dans notre pays, seule la redistribution fonctionne bien. Le problème chez nous, aujourd’hui, est bien celui de trouver les meilleurs voies et moyens d’engager et de gagner la bataille de l’investissement et de la production.
Nous devons passer du pacte social au pacte productif et la prochaine session de la tripartite devrait être consacrée exclusivement à l’élaboration de ce pacte productif. Trois grands chantiers devront être engagés
1/- Comment débrider l’investissement productif. Il ne s’agit pas ici de poursuivre sur la démarche actuelle d’adoption de mesurettes au gré de la conjoncture et qui, additionnées, donnent un fatras «d’obligations de faire et ne pas faire» incohérent et qui crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Non. Il s’agit de définir la stratégie à adopter en matière d’investissements productifs pour les cinq années à venir.
a/- Qui seront les acteurs de ces investissements ?
b/- Quelle option privilégier : substitution aux importations ou orientations exportatrices ou bien les deux mais alors où placer le curseur ?
c/- Quels instruments financiers mettre en place pour réaliser cette stratégie d’investissement ?
2/- La seconde question à débattre dans le cadre de l’élaboration et de l’adoption de ce pacte productif est celle qui doit traiter de l’augmentation de la production. Ici, il n’y a pas à bricoler : l’augmentation de la production passe par une politique déterminée de recherche-innovation. C’est à l’Etat que revient en premier lieu cette tâche.
b/- L’augmentation de la production passe aussi par une nouvelle politique de formation des ressources humaines. Une formation orientée sur la demande et non plus une formation d’offre comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut que notre appareil de formation cesse de tourner pour lui-même : il forme des ressources humaines sans se soucier de la demande du marché du travail. Formation et besoins en ressources humaines des entreprises sont parallèles : ils ne se rencontrent jamais !
c / – L’augmentation de la production passe aussi par la fameuse mise à niveau de nos entreprises.
Ah ! la mise à niveau, ce véritable serpent de mer. Et pourtant, il n’est assurément pas difficile de passer réellement à l’acte et de le réussir !
3/- Le troisième chantier que doit engager le pacte productif est celui de l’économie fondée sur la connaissance (EFC) Aujourd’hui et encore plus à l’avenir, la production dépend non plus seulement de la productivité globale des facteurs capital et travail, mais de plus en plus de l’EFC, c’est-à-dire :
1/- de l’éducation-formation
2/- de la recherche-innovation
3/- des technologies de l’information et de la communication (TIC)
4/- du climat des investissements (qui doit être favorable). Dieu, que le retard est grand dans ces domaines dans notre pays !! Alors on arrête de bricoler, on mobilise nos élites (et elles sont consistantes) et on engage la bataille !
A. B.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/11/article.php?sid=132755&cid=8
11 avril 2012
Abdelmadjid Bouzidi