D’où la question : que faut-il pour que le pays se soulève vers son statut de pays, pour que le régime bascule, le peuple naisse et pour que l’histoire nationale redevienne intéressante pour les siens ? Peut-être une colonisation dure et directe. Une rupture dans les stocks du pétrole. Les deux conditions de déclenchements en Algérie : le viol ou la faim. Peut-être. Car mis à part cela, le pays semble tout subir sans bouger le muscle. Il faut peut-être une atteinte profonde au corps de tous pour que l’âme de tous revienne à la vie. Sans cela, il ne se passe rien. On est là, tous, dans l’ordre de la chaine alimentaire nationale que l’on peut voir dans la haie d’honneur réservée à l’accueil du Président quand il visite une wilaya : d’abord lui, puis les siens et, en face, le chef de région, puis les ministres, puis le wali, le chef de Daïra, les élus, le maire, les notables. Dans l’ordre alimentaire de la nation. Pas dans l’ordre de la démocratie, apparemment, ni de la primauté de l’élu sur le désigné et du civil sur le militaire. Etrange spectacle que tous voient mais peu décode selon la biologie. Cet ordre alimentaire est là. Il n’a été bouleversé ni par les élections, ni par les multipartismes, ni par les tentatives de démocratisation par le bas vers le haut. C’est un ordre de préséance. Rien ne semble l’ébranler ni le remettre en cause. Il est biologique. Comme l’espérance de changement en Algérie. On attend tous que cela change par le vieillissement et la mort et la disparition. Rien n’a pu accélérer ce mouvement, pas même le printemps arabe et ses chutes de dictateurs en fracas. Rien. Les pays pétroliers provoquant une étrange métaphysique de la stupeur et de la fatalité. Tout y est visqueux, lent, absorbant le mouvement, noir, glissant et contraire au muscle et à la conquête.
L’ordre biologique de la haie d’honneur par Kamel Daoud
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17 avril 2012
Kamel Daoud