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- Publié le Samedi, 21 Avril 2012 17:51
- Écrit par Didi Barachodz

Par Didi Baracho
Ce billet, j’ai commencé à l’écrire au moment où décollait l’avion d’Air Corée Saoudite qui m’emporte vers Paris. Je suis dans le vol AH 1002. Comme d’habitude, les stewards sortis tout droit d’un film en noir et blanc et les hôtesses ménopausées m’ont regardé avec mépris dès que j’ai demandé un verre pour vider ma première bouteille de la journée.
Les membres de la rédaction d’Algérie Express, votre journal électronique préféré, ont cotisé pour m’envoyer, en France, couvrir les élections présidentielles de la mère patrie de nos dirigeants. Il paraît que pour eux, l’enjeu est important. Le pays qui leur sert d’hôpital, de supermarché et de coffre fort risque de changer de président.
L’avion a atterrit à l’heure. Vers 11 heures, j’étais déjà face à l’agent de la PAF, probablement un antillais, qui m’a scruté de haut en bas. J’ai fait de même. Fierté Indigène oblige ! Sauf que je ne l’ai pas trop montré, car lui pouvait me refouler, mais pas moi. Finalement, il me tamponna mon passeport avec un brin de lassitude. Mais moi, de sa lassitude je m’en tamponnai aussi.
Après quelques minutes d’attente, j’ai récupéré mes bagages contenant les cinq litres d’huile, les dix kilos de dattes et les sept bouteilles de Dahra, ingrédients nécessaires quand on part en France retrouver des copains et des cousins. Je n’allais pas non plus leur offrir un Ipad 3 !
Je me suis donc dirigé vers la sortie au milieu des femmes voilées et de quelques barbus qui étaient du voyage. Et là j’entendis une voix appeler « Hé Didi ! Didi, je suis là ». C’était Nicolas. Oh quelle surprise ! Nicolas s’est déplacé en personne pour m’accueillir. Quel honneur !
Vous connaissez Nicolas ? Mais non, pas celui qui a le même âge mental et la même taille que notre calife. Je ne vous parle pas de Nicolas Sarkozy. Non quand même pas ! Celui-ci est ami avec Bouteflika et avec les généraux M. dit T. et T. dit B. et avec tous les « bghels » du FLN et du RND. Il paraît que c’est comme ça qu’il les appelle. Non, moi mon copain, c’est l’autre Nicolas, le vendeur de vin, le grand patron de la chaîne du même nom qui distribue, dans toute la France, sans haine ni violence, tous les vins et spiritueux que l’hexagone peut produire. Je connais Nicolas depuis très longtemps. C’est même mon principal fournisseur en produits prohibés par la charia.
À Paris, il fait gris, mais c’est une grisaille différente de celle d’Alger. Le temps est morose, mais l’opinion semble déterminer à chasser celui qui a la même taille et le même âge mental que notre calife. Quand on voit ça, on se dit : Mais pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose : décider de notre sort. C’est un luxe qui ne semble pas être accessible aux Indigènes. C’est comme ça d’ailleurs que notre régime colonial se maintient. Nous, on ne décide de rien. Ils nous ont transformé en troupeau, nous dirigeant à leur guise tantôt vers des falaises tantôt vers des précipices. Le pire, c’est que cela ne semble pas déranger beaucoup de monde, à commencer par nos amis H’mida Layachi, Lounès Guemache, Ali Fodhil et Anis Rahmani, les quatre journalistes que nous envie la presse française d’extrême droite. Mais ces derniers, vous allez le constater, vont quand même commenter les élections françaises, ils vont saluer l’esprit démocratique, ils vont même donner leur avis sur tel ou tel candidat et vanter la sérénité des élections et la crédibilité des résultats. Vous allez voir ! Ces symboles de l’élite indigène considèrent que la démocratie, c’est bon pour les Occidentaux, mais pas pour nous autres. Ils savent de quoi ils parlent : leur statut de colonisés leur a permis d’être des patrons de presse. Chance inespérée qu’ils risquent de perdre dans un cadre démocratique. Et comment ! Quand on est érudit, capable juste d’aligner quatre phrases, avec des fautes d’orthographe à chaque mot, que ce soit en arabe, en berbère ou en français ou quand on est capable juste de participer à l’abrutissement des masses, on n’a pas vraiment sa place dans une presse démocratique.
Bref, demain j’irai scruter les bureaux de vote, mais pour l’heure, champagne à volonté, je viens de déchirer mon passeport. Mais ça, c’est une autre histoire. Alors, malgré tout, vive les Indigènes !
22 avril 2012
Didi Baracho