Editorial
Par : Saïd Chekri
Le temps imparti à la campagne électorale est à moitié consommé. La fin de la foire aux discours sera bientôt sifflée et les partis politiques en lice n’arrivent toujours pas à “accrocher” les Algériens. Quand ils ne sont pas carrément empêchés par des jeunes définitivement blasés, les meetings ne drainent pas les grandes foules, hormis ceux des partis dotés de moyens financiers et logistiques pouvant leur permettre d’affréter bus et fourgons et, pour certains, de rétribuer cash les désœuvrés qui consentent à faire office de public. Les tableaux d’affichage, dont beaucoup restent encore désespérément vierges, sont utilisés plutôt par des jeunes qui, comme pour mener leur propre campagne, s’en donnent à cœur joie pour les charger de graffitis souvent désobligeants et insolents, tantôt insultants et obscènes, tantôt subtils et recherchés. Ces graffitis, gribouillés à la hâte ou prémédités, sont éloquents, assurément, quant au fossé qui sépare une classe politique ringarde, au discours affligeant d’indigence et de statisme, d’une jeunesse à l’imagination débordante, qui, sevrée de ses rêves et cloîtrée dans sa mal-vie, porte sa révolte en bandoulière.
À dire vrai, cette désaffection des citoyens vis-à-vis des élections n’est pas nouvelle, même si, à présent, elle fait sonner le glas. Apparue ces dix dernières années, elle est allée crescendo de scrutin en scrutin, et ni le bourrage des urnes ni la manipulation des chiffres n’ont suffi à la cacher. Si l’on ose un pronostic à la lumière de la désaffection affichée par les citoyens, cette courbe ascendante de l’abstention semble promise à monter de quelques crans le 10 mai prochain. Pourtant, une importance de premier ordre est accordée par le pouvoir à cette élection. Pour la première fois, le chef de l’État ne s’est pas contenté de convoquer le corps électoral conformément à la loi et n’a pas hésité à comparer cette échéance au 1er Novembre 1954, tout en soulignant que ce scrutin sera un moment charnière pour les “réformes politiques” qu’il a engagées.
Si cette absence d’engouement populaire constatée partout dans le pays peut constituer, d’ores et déjà, un élément d’appréciation quant à l’effet de ces “réformes” sur l’état d’esprit des Algériens, un revers électoral sous la forme d’une forte abstention, le 10 mai prochain, serait la preuve irréfutable et définitive d’un échec sans appel de ces “réformes”, synonymes d’une faillite politique.
S. C.
(*)Titre d’un roman d’Ernest Hemingway
26 avril 2012
Contribution