Mi-ange, mi-démon
Par : Adila KATIA
AVERTISSEMENT : L’histoire qui suit n’est pas une fiction. Elle est inspirée de faits réels qui se sont déroulés au début des années 1990. Les prénoms et les professions des personnes directement touchées ont été modifiés, pour ne pas rouvrir de vieilles blessures et leur rappeler de mauvais souvenirs.
Depuis quelques mois, Nadia est souvent contrainte à tout faire, seule. Sa fille Aziza ne lui facilite pas les choses. Enfant unique, elle a été gâtée. Nadia s’en rend compte maintenant que son mari travaille loin d’elle. Cela fait une année que Omar a quitté l’enseignement pour travailler dans une agence de communication, avec un de ses amis installés à Constantine. Las d’enseigner l’anglais, il n’a pas hésité une seconde pour accepter. Il n’a pas pris le temps de réfléchir. Nadia sait après tout ce temps qu’il aurait quitté l’enseignement pour n’importe quel travail.
Ce qu’il fait dans l’agence le passionne. Agent de communication, il est souvent chargé de mission à travers le pays. Une fois par mois, il s’absente de la maison, pour son travail. Certaines missions durent deux à trois jours, mais il y a celles qui le retiennent une semaine ou plus loin d’Alger.
Nadia assiste sa fille dans ses devoirs. Elle est en train de corriger son exercice quand le téléphone sonne. Elle ne décroche pas, ayant branché le répondeur. Elle a reçu quelques appels anonymes qui mettent ses nerfs à bout.
Elle a acheté ce répondeur pour ne plus avoir à répondre à ce mauvais farceur.
Il lui donne des sueurs froides en parlant d’elle, de son mari, de son passé…
- Allô ? Chérie, c’est moi ! Décroche ! la prie Omar.
Nadia se lève d’un bond et va répondre à son mari. Elle est heureuse de l’entendre. Il est à Constantine depuis une semaine. Nadia trouve qu’il y est depuis une éternité. Elle souffre de son absence. Elle la supporte difficilement. Le sent-il seulement ?
- Je ne pourrais pas rentrer demain, lui apprend-il. J’ai encore des rendez-vous !
- Ah, lâche Nadia, très déçue. Dommage, j’avais prévu des choses pour demain. Tu penses rentrer quand ?
- Si j’arrive à voir les clients demain, je pourrai être à Alger dans deux jours. Tu sais que vous me manquez ?
- A nous aussi, murmure-t-elle. Tu ne peux pas imaginer à quel point ! Aziza demande sans cesse après toi. Elle est encore trop jeune pour comprendre. Ce métier que tu as choisi ne fait pas le bonheur de ta famille !
- Ne me reproche pas encore mon choix, l’avertit-il. Tu sais que je n’en pouvais plus d’enseigner. Je suis fâché avec le tableau, la craie, les élèves !
- Mais on était bien avant, insiste-t-elle. Tu étais avec nous !
- Je sais, mais j’adore mon nouveau job, se défend Omar. Je suis désolé mais ni tes reproches ni tes larmes ne pourront me pousser à changer de profession… Il faut t’y faire !
Nadia remarque que leur discussion a pris une tournure des plus sérieuses.
Elle révèle dans le fond que leur bonheur n’est pas parfait. Il suffirait que la discussion soit un peu plus poussée pour qu’un abîme se crée entre eux. Nadia le sent tout près. Elle ne voudrait pas que son mariage échoue.
- Quand tu seras las de trimbaler ta valise d’une ville à une autre et que tu voudras de la stabilité, tu sais où nous trouver…, lui dit-elle en mettant un peu de joie dans sa voix. En attendant, sache qu’on t’aime !
- écoute, inutile de t’inquiéter, répond-il. Je rentrerai tôt ou tard… Prend bien soin de toi et de la petite !
Nadia le lui promet. Quand elle raccroche, elle pense à la déception de sa fille quand elle saura que son père ne rentrera pas tout de suite. Les parents d’élèves sont convoqués pour une réunion et il ne sera pas de ceux-là. Aziza, qui adore son père, aurait voulu le présenter à sa maîtresse et à ses camarades.
Omar est un bel homme en plus d’être charmeur. Grand brun aux yeux verts, il ne passe pas inaperçu. Aziza a hérité de lui ses yeux et son sourire. Elle tient le teint blond de sa mère et sa petite taille. C’est un amour de petite fille. Omar ne résiste pas longtemps quand elle fait un caprice. Nadia se demande si elle ne pourrait pas se servir de sa fille pour le ramener à la maison.
26 avril 2012 à 18:28
02
-Papa ne viendra pas ?
La question de Aziza fait sursauter Nadia qui la croyait endormie. Comme d’habitude, elle lui a raconté une histoire. Elle s’est attardée dans sa chambre en la regardant dormir ; même fermés ses yeux lui rappellent Omar.
Nadia regrette de l’avoir dévisagée au point de la réveiller. Elle aurait dû aller dans sa chambre.
- Pourquoi ?
- Il est retenu par son travail… Comme tu le vois, il travaille dur pour nous, parce qu’il nous aime. Il te manque ?
- Oui, répond Aziza. Il n’assistera pas à la réunion ?
- J’y serai, la rassure Nadia. Je le remplacerai pour cette fois !
- Tu pourras t’absenter de ton travail ?
- Pour toi, je ferai l’impossible ! Dors maintenant, je suis là !
L’enfant finit par s’endormir. Cette fois, Nadia ne tarde pas dans la chambre. Elle va dans la sienne et prend soin de laisser la porte de la chambre de sa fille ouverte.
N’ayant aucune envie de dormir, elle allume la télévision et tente de prêter attention aux reportages mais ses pensées l’en empêchent. Elle est inquiète. La discussion qu’elle a eue avec son mari ne la rassure pas. Au contraire, elle a réveillé une certaine peur en elle. Elle sent que si un problème grave survient dans leur vie, leur mariage ne tiendra pas longtemps.
Certes, ils se sont mariés d’amour, dix ans plus tôt, mais aujourd’hui, même si un enfant est venu au monde pour mieux les lier et renforcer leur mariage, un rien pourrait les séparer. Depuis qu’il travaille dans l’agence de communication, il s’est détaché d’elle.
Qu’adviendra-t-il le jour où il rencontrera une autre femme qui lui fera oublier sa passion pour son travail et tout ce qui le retient à sa famille ?
Omar est trop beau pour laisser les femmes indifférentes. Il n’aura sûrement pas la force de résister si elles se présentent à lui. La première excuse qu’il aura est qu’il est loin de sa famille.
Toutes les pensées de Nadia tournent autour du travail de son mari. Elle sent que dans un proche avenir, tout va foirer entre eux à cause du travail.
Le lendemain matin, elle va assister à la réunion des parents d’élèves. La maîtresse a tenu à les rencontrer pour connaître leur condition sociale. Aziza a de bons résultats scolaires. C’est l’une des meilleures élèves. Nadia est toute fière d’elle.
- Son père n’est pas là ? lui demande-t-elle.
- Non.
- Aziza m’a dit que vous travaillez… êtes-vous divorcés ?
Nadia est si surprise par la question qu’elle en reste bouche bée, le temps de deux secondes.
- Comment êtes-vous parvenue à cette conclusion ? rétorque-t-elle.
- Le fait que votre mari ne soit pas là et que vous travaillez… Me suis-je trompée ? lui demande-t-elle.
- Oui, si mon mari n’est pas là, c’est parce qu’il travaille loin de nous !
Nadia est si déçue par ces conclusions hâtives qu’elle décide de ne pas tarder. Ayant encore un peu de temps, elle se rend à Belcourt où résident ses parents. Elle ne les a pas vus depuis quelques semaines. Elle a essayé de les contacter par téléphone mais ses appels n’aboutissent jamais. Peut-être qu’ils sont à court d’argent et n’ont pas pu régler la facture.
Nadia remarque les volets fermés et le jardin délaissé. Ses parents habitent une petite maison avec cour. La porte d’entrée d’ordinaire ouverte est aussi fermée. Elle sonne plusieurs fois et sent son cœur se serrer d’inquiétude quand personne ne vient lui ouvrir. Elle continue à sonner, refusant de partir sans les avoir vus.
Ses parents sont là. Elle en est sûre. Elle ne comprend pas pourquoi ils n’ouvrent pas. Seraient-ils souffrants ?
Nadia panique à cette pensée et s’en va chercher le serrurier du quartier. Seule, elle ne pourra jamais ouvrir la porte d’entrée, fermée de l’intérieur. Elle se demande ce qui s’est passé.
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26 avril 2012 à 18:29
—————-03…………………
-Ce n’est pas vrai ! Nadia tombe à genoux, le souffle coupé. Elle ne veut pas y croire.
Ce qui est arrivé à ses parents est horrible. Ils sont morts dans leur sommeil, par asphyxie. Le fourneau a une fuite de gaz. Son défunt père a dû oublier de fermer le gaz.
- Non, pas ça…
La police scientifique va et vient à travers la maison. Ils lui interdisent de s’approcher de la chambre de ses parents. Le serrurier a pris note des numéros de téléphone de son frère, de ses sœurs et contacte aussi Omar.
L’enquête de la police scientifique prend plus d’une heure. Une fois celle-ci terminée, les pompiers emmènent les corps à la morgue.
Les sœurs de Nadia sont entre-temps arrivées. Ghania et Malika sont sous le choc. Ghania est mise sous calmant. La perte de son mari, un an auparavant, l’a marquée et rendue très fragile. Elle a le regard perdu. Elle se fait des reproches, regrettant de ne pas leur avoir rendu visite depuis une semaine.
Malika s’efforce d’être courageuse et ne pleure pas. Elle tente de prévoir et d’organiser la veillée funèbre.
- Il faut enlever les meubles, dit-elle en allant d’une pièce à une autre. Maman adore l’espace…
Elle parle au présent. Nadia tente de joindre son frère Saïd. Il passe son service national à Béchar et il ne lui reste que quelques semaines avant de le terminer. La terrible nouvelle lui parvient en fin de journée. Omar rentre de Constantine et ne trouve rien à dire. Aucun mot, aucun geste ne peut les réconforter.
Les meubles du rez-de-chaussée sont démontés et mis dans le garage. Ils ont besoin d’espace. Les familles et les amis sont nombreux à venir les soutenir dans leur douleur, dans cette double perte. Toute la famille a l’impression de vivre un mauvais rêve.
Pourtant, l’enterrement a lieu le lendemain. Nadia et Ghania se trouvent mal quand les corps sont portés au cimetière.
- Pourquoi on est orphelines ?
- Mais vous êtes toutes grandes et mariées, dit Omar. Vous avez de la chance de les avoir eus jusqu’à aujourd’hui. Ton père et ta mère ont presque quatre-vingts ans. Pense à ceux qui n’ont pas eu la chance de connaître leurs parents !
- Ils ne sont pas morts de vieillesse mais par asphyxie. C’est horrible, dit Nadia. Je ne les ai pas vus depuis des jours et des jours ! Tout ça, c’est de ta faute !
- Comment ça de ma faute ? s’écrie son mari.
- Tu es tout le temps absent, lui rappelle-t-elle. Je ne peux pas sortir sans craindre qu’on soit cambriolés ! Je cours toujours et je n’ai jamais le temps de souffler ! Quant à voir mes parents, je ne les verrai plus !
- Je suis désolé, dit Omar.
- Oui, tu peux l’être, tu m’as privée de mes parents !
Omar comprend qu’elle voulait crier, trouver un responsable du drame que vit sa famille, même si ce n’est qu’un accident domestique qui a provoqué la mort de ses parents. Il prend leur fille Aziza et rentre à la maison.
Saïd et Malika prendront soin de Nadia et de Ghania. Saïd, leur frère, a vingt-deux ans. De taille moyenne et frêle, on le prendrait pour un adolescent, un lycéen même quand il prend son sac à dos. Tout comme ses sœurs, il est blond. Si ses sœurs ont les yeux noisette, lui les a bleu clair. Son regard transperce mais fait fondre les cœurs des filles qu’il croise ou côtoie. Nadia a de la peine pour lui. Quand elle songe aux projets qu’ont fait leurs parents, attendant impatiemment qu’il finisse son service national pour le marier à la fille qu’il aime… Nadia sait qu’avec les économies, ils ont eu l’idée de lui acheter une voiture. Saïd l’ignore encore mais il a une voiture et une somme importante à la banque. Leurs parents ont voulu le mettre à l’abri du besoin. Ils ont toujours regretté qu’il ait raté ses études.
Nadia décide de garder un œil sur lui dès qu’il rentrera de son service national. Il est encore jeune et risque de faire des folies. Aussi pour qu’il ne vendre pas la maison, elle demande à Ghania de s’y installer. Ses enfants sont grands et peuvent se débrouiller seuls. Ghania refuse. Elle craint la réaction de leur frère à son retour…
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26 avril 2012 à 18:32
………………………04…………………………….
-On ne va pas laisser la maison ! Il faut bien que quelqu’un la garde, insiste Nadia. Tu ne voudrais tout de même pas qu’on laisse la maison sans surveillance ? Maman et papa n’auraient pas approuvé.
- Saïd risque de ne pas sauter de joie, il aura l’impression que je veux squatter la maison, se défend Ghania qui redoute réellement la réaction de son jeune frère.
- Mais c’est seulement pour quelque temps ! Quand il sera rentré et qu’il aura une situation stable, dit Nadia, tu pourras retourner chez toi… Tu es la seule à pouvoir rester ici sans bouleverser ta vie… Tu n’as pas de mari, tu n’as pas de travail, tu n’as de compte à rendre à personne… Je peux te jurer que si j’avais quelqu’un qui pourrait garder ma maison que je ne demanderais pas de t’en occuper ! Je l’aurais fait …
Nadia finit par convaincre sa sœur de garder la maison parentale en attendant le retour de leur frère de Béchar. Ce dernier les appelle chaque jour, pour avoir de leurs nouvelles. Malika est rentrée chez elle à Blida. Son mari, un militaire engagé, s’est occupé des enfants pendant une semaine. Ses quatre enfants ont des programmes différents et il doit y avoir quelqu’un pour s’assurer qu’ils y tiennent compte. Malika n’a pas eu le choix. Elle est partie en larmes.
Nadia a dû faire comme elle. Omar a repris son travail. Elle ne supporte pas le silence. Elle voudrait ne plus s’entendre penser. Depuis qu’elle a découvert ses parents morts asphyxiés, elle a le sentiment d’avoir tout raté dans sa vie. Elle voudrait avoir le pouvoir de remonter le temps et de les sauver. Ils lui manquent comme jamais. Il ne se passe pas une journée sans qu’elle pense à eux. Et surtout à son frère…
à son retour, il va falloir lui trouver du travail puis le convaincre de se marier. Cela n’allait pas être facile. Saïd n’a jamais eu de petite amie. Enfin, elle ne l’a jamais surpris, même du temps du lycée.
Il a toujours été discret. Elle se demande comment elle fera pour savoir s’il fréquente une fille ou s’il voudra se marier même avec une inconnue. S’il lui confie la responsabilité de lui trouver une femme, elle le fera rapidement. Saïd aura besoin de garder les pieds sur terre. Nadia le voit mal vivre seul.
Elle se fait beaucoup de soucis à son sujet. Elle en oublie l’absence de son mari qui se répète plusieurs fois durant les semaines suivantes. Toutefois, il viendra lorsque leur fille lui dira combien il lui manque.
Nadia, bien qu’heureuse de le voir, prend conscience de son absence. Elle le lui reproche.
- Tu es tout le temps ailleurs ! Quand prendras-tu le temps de rester avec nous ?
- La boîte, répond-il.
- Mais ta famille, c’est nous ! lui rappelle-t-elle. Quand vas-tu nous revenir ? On a besoin de toi… J’ai perdu mes parents ! La moindre des choses serait de rester avec moi ! Je me sens perdue et seule ! Comme jamais.
Omar s’approche d’elle et la prend par les épaules. Il regrette de ne pas pouvoir tarder.
- Je suis désolé, je le voudrais mais ces derniers temps, on est surchargés… à ce rythme, on sera contraints de prendre un assistant, lui dit-il. Cela me permettra d’être plus souvent à la maison !
- Pourquoi ne lui proposes-tu pas de t’occuper uniquement des clients d’Alger et des environs ? Tu passerais les nuits avec nous, insiste Nadia. Je regrette le temps où nous étions ensemble… où je pouvais compter sur toi !
- Je ne te promets rien mais je vais tout faire pour qu’on retrouve la stabilité d’avant !
Omar est interrompu par leur fille Aziza qui s’est jetée contre ses jambes pour attirer son attention. Quand il voit ses yeux tristes, il devine ce qu’elle va lui dire. Elle sait qu’il l’adore et qu’il ne peut rien lui refuser…
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26 avril 2012 à 18:34
……………………….05…………………………….
-C’est vrai papa ? Tu vas revenir vivre ici ?
- Mais je vis toujours ici, lui rappelle-t-il. Je ne vis pas ailleurs !
- Papa tu vis au bureau, rectifie Aziza. Depuis trop longtemps déjà !
Omar ne peut que le reconnaître. Son travail est passé avant sa famille. Jusqu’à maintenant, il n’a pas réalisé combien sa famille en souffrait.
Il a refusé de le voir. Comment ne pas sentir la douleur de sa fille ? Elle s’accroche encore à lui, désespérée, comme si cela peut le retenir à jamais auprès d’elle !
- Je t’en prie papa, ne pars pas ! Reste avec nous !
Omar la prend dans ses bras et lui promet de rester.
- Je te jure de prendre un nouveau travail, s’il le faut, pour être à la maison auprès de vous deux. Ma passion pour mon travail m’a aveuglé… je ne pouvais pas imaginer que vous souffririez autant, que je te manquais autant !
- Tu pensais à nous ? veut savoir l’enfant.
- Bien sûr !
Ce soir-là, Nadia n’aura pas à coucher Aziza. Omar le fera de bon cœur, un peu pour rassurer leur fille. Comme avant, il discutera avec elle puis lui racontera une histoire pour l’endormir.
Lui aussi ne tardera pas à se mettre au lit, fatigué par le voyage. Comme il doit prendre un taxi pour se rendre à Constantine, Nadia le laisse dormir. Elle discutera avec lui à son retour. Peut-être n’aura-t-elle pas à le faire ? Aziza a toujours eu le dernier mot avec lui.
S’il tient sa promesse, leur vie redeviendra comme avant. Ils seront ensemble et heureux.
Rassurée quant à leur avenir où elle les voit réunis, Nadia se consacre à son travail et à la tenue de son foyer. Elle n’aura plus le temps de s’inquiéter. Son frère Saïd est rentré. Elle est si heureuse de le revoir qu’elle aurait certainement donné une fête. Mais la maison vide et sans vie depuis la mort de leurs parents la pousse à emmener son frère chez elle.
Certes, sa sœur Ghania s’en est occupée et l’a bien tenue, mais elle est partie dès que Saïd est arrivé. Nadia ne veut pas le laisser seul et prendre ainsi le risque de le voir broyer du noir. Leurs parents sont partis si brusquement. Rien qu’à y penser, elle a mal. Saïd ne doit pas rester seul, enfin ces premiers temps.
Le jeune homme la suit par tout. Il la décharge de certaines corvées. Il fait le marché après avoir emmené Aziza à l’école. C’est aussi lui qui la récupère à la sortie. Nadia peut rentrer tranquillement et même faire les boutiques une fois par semaine. Lorsqu’elle rentre, Saïd est déjà en train de préparer le dîner, tout en aidant Aziza à faire ses devoirs.
Saïd a remarqué l’absence de son beau-frère et il n’approuve pas. Omar devrait travailler à Alger. Curieux, il se met à l’interroger. Il croit que sa sœur ne lui a pas tout dit.
- Vous êtes séparés, n’est-ce pas ?
- à cause du travail, répond-elle. C’est ce qui le retient loin de nous !
- Je suis ici depuis vingt jours et il n’est pas rentré une seule fois, insiste-t-il. Il n’appelle presque pas !
- Il m’appelle chaque jour à mon travail, soupire Nadia. Il rentrera dans deux ou trois jours, le rassure-t-elle.
- Tu peux être sûre qu’il lui faudra un miracle pour éviter mes poings ! réplique Saïd, sans rire. Je vais lui rappeler ses devoirs.
- De quoi tu te mêles ? rétorque Nadia, même si au fond d’elle-même elle trouve du réconfort, en ne se sachant plus seule. Et Omar est rassuré de te savoir avec nous !
Mais Omar ne le sait même pas. Elle n’a pas eu de ses nouvelles depuis son départ. En fait, elle a menti à son frère. Pourvu qu’il ne le découvre pas.
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26 avril 2012 à 18:38
…………………06……………………………………
Sa cousine Warda est loin d’aimer faire la cuisine. Suivant le conseil de son oncle, elle alla se reposer dans sa chambre. Elle aurait voulu dormir un peu, étant presque rassurée, maintenant qu’elle était là, de recevoir des appels. Elle allait retrouver sa place parmi les siens. Cela aurait dû apaiser le tumulte de son cœur, mais rien n’y fit. Bien que l’accueil de celle qui était sa deuxième famille fût chaleureux en mettant une parenthèse sur le cas de sa cousine, Masilva ressentait encore le même malaise. Elle sentait qu’elle devait s’attendre à tout. Que Warda lui réservait de mauvaises surprises. Ne tenant plus en place, elle entreprit de ranger ses affaires, chose qu’elle fit en trois minutes. N’ayant plus de vertige, elle essuya le parterre de sa chambre, dépoussiéra les meubles avant de s’occuper de sa propre personne.
Il faut reconnaître que la bosse violette au front ne l’embellissait pas. Mais elle réussit avec du front de teint à minimiser le contour de la blessure. Puis elle fit tomber quelques mèches sur son front.
Elle prit le téléphone portable qui n’avait pas sonné une seule fois depuis son arrivée. Pourtant, si ses amis étaient au courant et inquiets, ils auraient dû se manifester.
Surtout Djamel ! Mais était-il encore au pays ? Ou était-il reparti en Belgique ? L’unique personne qui pourrait répondre à ces questions était sa cousine. Masilva ne pouvait pas patienter une minute de plus. Elle alla la rejoindre à la cuisine. Une nouvelle fois, elle fut surprise par le revirement dans le comportement de sa cousine. Elle cuisinait, ce dont elle avait horreur. à part réchauffer une pizza, elle ne supportait pas de s’attarder devant une cuisinière.
Warda ne lui dit rien, ne lui proposa même pas de prendre un café. Masilva resta debout, près de la cuisinière, à la regarder s’affairer.
- Excuse-moi, mais je n’ai trouvé aucune note des appels, devinant que sa cousine ne lui parlerait pas d’elle-même. Tu avais promis de tout noter…
Warda hausse une épaule et sans même la regarder, répondit presque avec indifférence. Comme si elle s’en contrefichait.
- Des appels sans importance… d’hommes et de femmes…
Elle s’était arrêtée le temps de quelques secondes, tout en fermant les yeux. Un léger sourire vint flotter sur ses lèvres et fit soulever le cœur de Masilva qui devina, qui y lit ce qu’elle allait ajouter.
- Et il y a ce garçon, Djamel, c’est un garçon formidable !
- Tu ne peux pas le juger au téléphone, lâcha Masilva, torturée par le fait qu’ils se soient parlés. Il ne faut pas se fier aux apparences !
- Mais il paraît très bien, précisa Warda. Tu ne le sais pas, mais je l’ai vu !
Pour la première fois depuis son retour, elle la regarda dans les yeux. Elle eut un étrange sourire en voyant le teint livide de Masilva.
- Ah, soupira celle-ci.
Elle n’en revenait pas. Sa cousine ne s’était pas contentée de discuter avec Djamel au téléphone. Elle était allée le voir. Voilà pourquoi elle était sûre de son jugement.
Warda avait relevé la tête comme pour la défier. Ses yeux n’avaient pas perdu l’éclat étrange qui les faisait briller. Le pincement de ses lèvres était plein de mépris. Elle semblait vouloir la rabaisser ;
- Oui, ajouta-t-elle en la regardant de haut. Nous avons pris un thé, discuté d’un tas de choses… C’était très instructif…
- Ah, fit une nouvelle fois Masilva, toute étonnée. Tu as pu tenir une conversation avec lui ! Je n’en reviens pas ! Mais comment as-tu fait pour te trouver un prétexte, pour te libérer ?
- Je sortais à la place de papa… J’en ai profité pour voir Djamel !
- Comment as-tu fait pour le reconnaître ? s’enquit-elle toujours livide, ressentant subitement une sueur froide lui mouiller le dos.
- Il m’avait dit qu’il portait un blouson en cuir marron et un cartable…
Masilva ferma les yeux pour dissimuler la lueur meurtrière qu’elle sentait briller dans son regard. Elle se mordit la lèvre comme pour ne pas crier sa douleur quand elle les imagina dans le salon de thé en train de se regarder, de discuter de tout, de rien. Telle qu’elle connaissait sa cousine, elle s’était certainement empressée de lui attribuer des défauts, des mensonges. Comme pour le lui confirmer, elle ajouta avec un sourire en coin :
- Nous avons parlé de toi… de tes problèmes…
- Parce que j’ai des problèmes ? reprenait Masilva, la gorge nouée. Je le découvre…
Warda se tint en face d’elle, les mains sur les hanches et appuyant chaque mot d’un hochement de tête, elle lui répliqua :
- Que fais-tu ici alors ? Et ma voiture ?
- Je suis ici parce que ton père insistait… Il me considère comme sa seconde fille, lui rappelle Masilva.
- Certainement que tu vas hériter de la moitié de l’appartement et de la villa qu’il n’a pas encore fini de construire, rétorque Warda. Je préfère t’avertir. Tu n’auras rien et à la première occasion, je te jetterai dehors !
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26 avril 2012 à 19:08
…………………………..07………………………………..-Je ne suis pas surprise. Ton âme charitable est connue de tous, réplique Masilva en tentant d’ignorer les larmes qui lui brûlaient les paupières. Mais le contraire aurait surpris le monde entier !
- Sois sans crainte, ça n’arrivera pas demain !
Masilva décida de ne pas s’attarder sur ce sujet.
- Est-ce que Djamel est parti ?
- Oui, il ne pouvait pas attendre indéfiniment.
- Il n’a pas rappelé depuis son départ ? insista-t-elle. A-t-il dit quand il reviendrait ?
- Il a appelé à plusieurs reprises mais uniquement pour discuter avec moi.
Masilva se détourna et quitta la cuisine. Elle ne voulait pas que sa cousine voit ses larmes couler sur ses joues. Elle avait conscience que Warda ne la laisserait plus jamais tranquille. Elle devait espérer s’approprier Djamel.
Elle s’enferma dans sa chambre et pleura un bon coup. Après l’accident, où elle aurait pu y laisser la vie, Masilva se sentait encore bien faible. Elle n’aurait jamais dû croire au revirement de sa cousine, connue pour sa bassesse. Elle n’aurait pas dû lui accorder sa confiance. Elle regrettait de lui avoir laissé son portable. C’était de sa faute.
Il était fréquent qu’une femme voit son mari la quitter pour sa meilleure amie. Si Djamel la quittait pour une inconnue, elle pourra le supporter, mais pour sa cousine… !
Perdue dans ses pensées, elle sursauta lorsque le téléphone sonna.
Masilva ne réagit pas tout de suite. Ce ne fut qu’à la quatrième sonnerie qu’elle décrocha. Le cœur serré, elle espéra de tout son être que ce fusse Djamel. Mais ce n’était qu’une collègue de travail.
Elle voulait avoir de ses nouvelles. Elle la mit aussi au courant des petits changements au bureau. Masilva lui demanda de prévenir leur responsable qu’elle reprendrait dans deux jours. Elle voulait se donner le temps de se reprendre en mains.
- Masilva, le déjeuner est prêt ! lui dit sa tante après avoir frappé à la porte.
- J’arrive !
Mais elle ne pourra rien avaler. Sa cousine lui souriait, heureuse de l’avoir bien eue.
- Je dois voir un médecin, dit-elle à son oncle. Je rentrerais dans deux ou trois heures.
Elle ne pouvait pas rester à la maison. Elle ne supportera pas sa présence une minute de plus. Elle se rendit chez le médecin du quartier. Il lui donna une autre pommade à appliquer.
Sinon elle était presque guérie. Elle traîne un peu dehors. Elle n’a aucune envie de rentrer, mais comme elle marchait sans but précis, elle décida de rentrer. Warda la rejoignit dans la chambre.
- Cinq minutes plus tôt, tu aurais parlé à Djamel !
Masilva, qui se changeait, ne voulait pas lui dire qu’elle avait pris son portable avec elle.
- Et ensuite ?
- Il a demandé après toi. Il voulait de tes nouvelles…
- Il n’a qu’à rappeler… pourquoi appeler sur le fixe ?
- Je le lui ai donné… au cas où il ne te joindrait pas.
Mais Djamel ne tenta pas de la joindre. À partir de ce jour-là, Masilva remarque un changement chez sa cousine.
Dès que le téléphone sonnait, elle s’empressait d’aller répondre. Ou bien de venir écouter la conversation avant de ressortir sans dire un seul mot.
Masilva reconnaissait qu’elle ne se ménageait pas de son côté. Elle avait tellement de peine qu’elle n’avait pas la force pour dépasser ce malaise. Même son oncle et sa tante, quelque chose avait changé en eux.
Lorsqu’elle ne travaillait pas, elle restait dans sa chambre ou dans un coin du salon à travailler sans participer aux sujets qu’ils abordaient.
Warda assistait son père dans son commerce. Elle rentrait en début de soirée et elle s’empressait d’aider sa mère à la cuisine.
- On dirait que tu te prépares au mariage…
- Peut-être… émit Warda en se tournant vers sa cousine, en souriant. Ou peut-être qu’on devrait laisser la place à Masilva ? Si elle a un petit ami quelque part, elle doit aussi apprendre !
- Oui, tu as raison ! Mais qu’est-ce que j’ignore que tu sais déjà ?
- Oh rien, lâcha Warda. Mais tu peux toujours l’interroger…
Masilva s’efforça de sourire.
- Il n’y a rien que tu ne saches pas, dit-elle à sa tante. Je n’ai pas de petit ami…
Depuis que sa cousine avait sympathisé avec Djamel, ce dernier ne l’appelait plus. S’il y a quoi que ce soit entre eux, elle s’estimait heureuse d’avoir découvert à temps qu’il n’était pas digne de confiance. S’il était aussi mauvais que Warda, ils finiront la vie ensemble.
Masilva gardait espoir. Le destin ne pouvait pas être aussi cruel. Car elle ne supportera jamais de les voir ensemble et heureux.
Qu’adviendra-t-il d’elle ? Sa présence est indésirable depuis quelque temps. Sa cousine ne voudra plus d’elle ici une fois qu’elle aura officialisé.
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26 avril 2012 à 19:13
…………………………..08………………………………..-Qu’y a-t-il Masilva ? s’enquit son oncle, tout inquiet. Tu es si pâle ! Tu ne devrais pas travailler si tard après le choc que tu as eu !
- Ce n’est rien, murmura-t-elle. Ça passera…
Il avait aussi senti la tension qui régnait lorsqu’elles se retrouvaient dans la même pièce.
- Qu’y a-t-il entre toi et Warda ? Vous ne vous parlez plus ?
- Cela finira par passer, le rassura-t-elle tout en se levant pour abréger cette conversation. Bonne nuit mon oncle !
Ce dernier hocha la tête. Il ne tenta pas de la retenir pour avoir plus d’explications. Il préféra s’adresser à sa fille.
- Qu’est ce qui se passe entre vous deux ? l’interroge-t-il. Pourquoi vous boudez ?
- J’ai l’impression qu’elle me reproche quelque chose depuis son retour, répondit-elle en feignant d’ignorer quoi.
- Avec ton indélicatesse, tu as dû dire ou faire quelque chose qui l’a blessée !
Warda était agacée.
- À chaque fois qu’il y a quelque chose, on me tient pour responsable !
- Ton mauvais caractère…
- Tu n’as qu’à aller le lui demander, lui suggéra-t-elle.
- Je ne veux pas de mésentente entre vous, martela-t-il. Vous êtes mes deux filles. À toi d’arranger la situation !
- Je te dis qu’elle refuse de me parler ! cria presque sa fille. Et j’ignore pourquoi !
- Puisque tu sembles avoir la conscience tranquille, va lui poser la question !
Au ton ferme de son père, elle sut que c’était un ordre. D’ailleurs, lorsqu’elle se dirigea vers la chambre de sa cousine, il la suivit comme pour s’assurer qu’elle allait réellement le faire.
Masilva sortait de la salle de bains où elle avait pris une douche au moment où celle-ci frappait à la porte et entrait.
Elle la rejoignit. Elle ne lui demanda pas ce qu’elle voulait. Elle se peigna en se regardant dans la glace.
- Pourquoi tu me boudes ?
- Je ne te boude pas, répliqua Masilva en continuant à se peigner.
- Pourtant tu m’en donnes l’impression au point de me culpabiliser… comme si j’avais fait quelque chose de mal.
- Pourquoi te culpabiliser si tu as la conscience tranquille ? rétorqua Masilva en la regardant dans les yeux. Tu peux aller dormir tranquille…
- Mais qu’est-ce que tu me reproches ? demanda-t-elle avec insistance, la surprenant.
- Poses-toi la question !
Masilva s’efforçait à garder son calme.
- Qu’est-ce que j’ai fait qui t’ait blessée ?
Masilva se demanda si elle ne s’était pas fait des idées.
- Rien… tu peux aller dormir !
- Je ne sortirais pas avant de savoir. Est-ce en relation avec Djamel ?
- En effet, reconnut Masilva.
- Je n’ai rien fait… je l’ai juste vu et nous avons seulement parlé, se défendit Warda.
- Ce n’était pas suffisant ? répliqua la cousine en tentant d’oublier la douleur qui vrillait dans son cœur. Tu as été voir mon petit ami et tu trouves ça bien ?
- C’était pour te faire plaisir ! s’écria Warda en appuyant sur chaque mot. Jamais je n’aurais cru que cela te peinerait !
- Ah oui ! D’un, tu ne le connaissais pas et de deux, si tu avais eu un peu de considération pour moi tu aurais refusé toutes ses invitations ! Parce que c’est mon petit ami !
- Je te dis que c’était pour toi ! fit Warda. Uniquement par respect pour toi ! Sinon, pourquoi y serais-je allée ?
- Tu n’agis jamais naïvement ! Tu n’aurais jamais dû aller le voir ! Je ne te l’avais jamais présenté ! Tu aurais été consciencieuse, tu aurais su éviter une situation pareille ! Tu m’as beaucoup déçue Warda. Avant, tu avais des principes mais maintenant, je me rends compte que je m’étais complètement trompée à ton sujet !
Warda poussa un cri comme si elle venait d’être frappée.
Ses yeux écarquillés, au point où Masilva détourna le regard, ne supportant pas de la voir se comporter en victime.
Tout de même ce n’était pas elle qui l’avait trahie, qui était allée voir son petit ami pour discuter alors qu’ils n’avaient rien à se dire…
- J’y étais allée pour t’aider, reprenait Warda. Je n’avais aucune mauvaise intention !
- Avec ou sans, le plus important est que tu m’as manqué de respect ! Tu as tout fait pour qu’on se fâche même si tu refuses de l’admettre !
- Je te dis que non ! Je n’ai rien fait ! cria Warda qui n’avait pas vu son père ouvrir la porte. Je n’ai que faire de ton ami ! Il n’est même pas mon genre !
- Ah oui…?
Elle se tourne dans un sursaut. Elle devint aussi livide que Masilva. Son père avait tout entendu. À son visage fermé, il était évident que cela finirait mal…
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26 avril 2012 à 19:21
…………………………..09………………………………
-S’il ne rentre pas, où passe-t-il ses nuits ? demande Nadia à sa sœur. S’il ne mange pas ici, où mange-t-il ?
- Je l’ignore. Il ne répond même pas à mes questions. Il fait comme si je n’existe pas. Il y a des fois où je pense partir d’ici. Je ne suis bonne qu’à faire la poussière et cuisiner pour moi !
- Reste encore… Peut-être, espère Nadia, qu’il a une amie et qu’il fréquente aussi sa famille. Cela expliquerait ses absences et pourquoi il ne mange pas ici. Mais pourquoi garde-t-il si jalousement le téléphone dans sa chambre !
- Que craint-il vraiment ? Que je le dénigre auprès de son amie ? Il est incroyable. Pourquoi ne me fait-il pas confiance ? s’interroge Ghania. Il est mon frère et il a l’âge de mon aîné. Je peux être meilleure conseillère qu’il ne se l’imagine !
- Je le sais et je le lui dirai ! Je vais l’attendre pour lui parler !
- Il n’a pas l’habitude de rentrer tôt, l’avertit Ghania. Tu risques d’attendre pour rien !
Nadia attendra longtemps et Saïd ne passera pas à la maison.
Elle décide de rentrer chez elle. Il est si difficile de se trouver un taxi aux heures de pointe. Aux arrêts de taxi, elle apercevra Saïd et une jeune fille. Elle se fait discrète et les observe. Ils marchent main dans la main. Ils se sourient. Quand ils prennent le taxi ensemble, elle imagine qu’il la raccompagne chez elle. Peut-être qu’il restera si ses parents l’invitent ?
Nadia est rassurée. Pendant tout l’après-midi, elle s’est rongé les sangs, croyant qu’il a mal tourné. Sachant qu’elle ne pourra pas joindre Ghania au téléphone, elle retourne à la maison pour la mettre au courant.
Lorsque Ghania lui ouvre, elle est surprise de la revoir de sitôt.
- Tu as oublié quelque chose ? lui dit-elle.
- Non, je suis revenue pour t’apprendre que Saïd a une amie ! Je le ai vus ensemble. Ne te fais pas de souci. Tout ira bien maintenant !
Ghania est soulagée et la remercie d’être revenue pour lui apprendre la nouvelle. Nadia repart, plus que jamais rassurée et heureuse pour son frère. Elle trouve facilement un taxi et rentre chez elle, souriante.
Omar et Aziza sont déjà là et ils remarquent sa bonne humeur.
- Pour quelqu’un qui a été voir un médecin, je ne te trouve pas malade !
- Je voulais seulement prendre mon après-midi, répond Nadia avant de le mettre dans la confidence. Saïd a une petite amie. Elle doit avoir le même âge que lui et je crois deviner qu’elle est étudiante !
- C’est bien. En fait, lui avoue-t-il, je les ai déjà aperçus en ville.
- Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? lui reproche-t-elle. Je me serais fait moins de soucis. La pauvre Ghania était inquiète. Elle se demandait pourquoi il faisait tant de mystères et, surtout, elle était peinée qu’il l’ignore. Il ne mange pas à la maison et parfois il dort dehors !
- C’est mauvais signe, remarque Omar. La famille ne doit pas avoir de principes. Il est mal tombé !
- Comment peux-tu les juger négativement alors que tu ne les connais pas ? rétorque-t-elle. Ils doivent savoir qu’il a perdu ses parents et ils veulent “l’adopter” dès maintenant ! Au contraire, l’attention qu’ils lui portent me paraît un bon signe ! Mais, ajoute-t-elle, j’aurais aimé qu’il s’entende bien avec Ghania ! Il joue avec ses nerfs et elle en souffre !
- C’est sa façon à lui de lui demander de partir… Sans chaperon, peut-être qu’il amènerait sa petite amie à la maison ? émet Omar. S’il évite ta sœur, c’est qu’il doit avoir une raison particulière !
- Mais moi aussi il m’évite, remarque Nadia. Il n’est pas venu me voir depuis que Ghania s’est installée chez lui !
- Il sait que l’idée est de toi, il doit t’en vouloir !
Nadia espère que ce n’est pas le cas. Et même s’il lui en tient rancune, maintenant qu’il est amoureux, il doit avoir changé de sentiment. Elle ne voudrait pas qu’il la déteste pour rien. Si elle a demandé à Ghania d’être là-bas, c’est pour qu’il ne manque de rien, pour qu’il ne se sente pas seul.
Les jours et les semaines qui suivent, elle ne peut s’empêcher d’espérer un coup de fil ou une visite de son frère. Mais ce dernier se comporte comme si elle n’existait plus. Ghania n’est pas venue la voir et ne l’a pas appelée.
Un vendredi, elle retourne à Belcourt. Elle trouve les volets fermés et la maison bien silencieuse comme si elle n’était plus habitée. Nadia, le cœur serré, se met à sonner longtemps, très longtemps avant qu’un bruit de l’intérieur ne lui parvienne enfin.
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26 avril 2012 à 19:26
……………………………10………………………………….
-Hé, il y a quelqu’un ? Cette fois, Nadia ne sonne pas, elle tambourine plus qu’elle ne frappe. Un frôlement derrière la porte lui est parvenu. Elle ne comprend pas pourquoi personne n’ouvre. Elle refuse de partir sans savoir ce qui se passe. Car, au fond de son cœur, elle pressent un malheur.
-Ghania, est-ce que tu es là ? Ouvre-moi !
La clef tourne lentement, deux fois avant que la porte ne s’ouvre. Nadia fait un pas, pour entrer tout en demandant :
-Ghania ? Où es-tu ? Pourquoi te caches-tu ? Hé, regarde-moi !
-Chut, entre ! Ghania, les épaules voutées, la tête baissée, la précède au salon, lui laissant le soin de fermer la porte d’entrée. Nadia la rejoint vite au salon, intriguée et inquiète.
-Mais qu’est-ce qui se passe ? Tu es malade ?
-Tu ne peux pas t’imaginer à quel point, soupire-t-elle.
La jeune femme a subitement des regrets. Elle n’aurait pas dû attendre aussi longtemps pour revenir. Si elle l’avait sue malade, elle serait venue à son chevet. Comme toujours, comme du temps où sa mère était encore en vie, elle vient toujours après, quand elle allait mieux. Nadia se dit que l’histoire se répète, seulement ce n’est plus sa mère mais sa sœur, qui s’est rétablie sans l’aide de personne.
-Pourquoi n’as-tu pas appelé ?
-Je ne pouvais pas sortir, répond Ghania qui garde la tête tournée.
-Tu aurais pu dire à Saïd de me joindre, s’écrie Nadia. Je suis en train de me culpabiliser. Tout cela est de ma faute. Je m’en veux à mort ! Il s’est passé quelque chose, n’est ce pas ? Vous vous êtes querellés ?
-Si ce n’était qu’une querelle ! murmure Ghania en portant les mains à ses yeux pour essuyer ses larmes.
-Mais raconte-moi ! Qu’est-ce qui s’est passé ?
Lorsque Ghania tourne la tête vers elle, elle manque de tomber de la chaise où elle allait s’asseoir.
-Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?
-Demande-moi plutôt qui… ! rétorque la sœur ainée en pleurant. C’est ton petit ange !
Nadia a du mal à y croire. Mais l’œil au beurre noir de sa sœur et les marques sur son cou la glacent. Ce qu’il a osé faire la choque. Elle en tremble.
-Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il lui a pris ?
-Je ne sais pas. Mais j’avais remarqué des choses… Ce serait trop long à te raconter, dit Ghania. Au début, je croyais me tromper. Je voulais t’en parler mais je craignais faire fausse route !
-Puisque cela n’allait pas, pourquoi n’es-tu pas retournée chez toi ? l’interroge Nadia. Est-ce qu’il t’en a empêchée ?
-J’avais peur, lui confie-t-elle. J’avais peur qu’il s’en prenne à mes enfants !
-Mais il n’est pas fou ! Peut-être que lorsqu’il s’en est pris à toi il était sous l’effet de la drogue ? ou d’alcool ? émet Nadia. Saïd n’est pas capable de faire de mal ne serait-ce à une mouche !
-T’es aveugle ma parole ! s’écrie-t-elle en lui montrant les marques de son cou. C’est moi qui me les suis faites ? C’est ça, ton ange est incapable de faire du mal aux autres ! Nadia, tu as toujours couvert Saïd et tu n’as jamais voulu voir le monstre qu’il est vraiment !
-Tu dis n’importe quoi ! Tu es en colère après lui ! Je peux le comprendre, mais dire qu’il est un monstre, tu exagères !
-Tu te trompes ! Je n’exagère pas ! Peut-être qu’il s’en était pris à toi, tu me croirais sur parole ! Cela t’ouvrirait les yeux, réplique Ghania, très peinée par son manque de confiance. Tu sais, lui rappelle-t-elle, c’est aussi mon frère ! J’ai tellement de peine pour lui, Nadia ; Saïd est irrécupérable ! Depuis des semaines, il a de mauvaises fréquentations !
-Il vole ? C’est un petit bandit ? Il agresse les passants dans les coins de rue ? l’interroge-t-elle, glacée par cette idée. Dis-moi, pourquoi il s’en est pris à toi ? Pourquoi t’a-t-il frappée ?
-Il n’a plus sa raison…Il peut s’en prendre à mon fils ainé, au mari de Malika, au tien aussi, poursuit Ghania, d’un même ton. Notre frère est devenu quelqu’un de dangereux !
-Qu’est-ce que tu insinues par là ? Pourquoi s’en prendrait-il à eux ? Il n’est pas fou !
-Si, c’est un fou dangereux ! Si la police met la main sur lui, ils ne l’enverront pas à l’asile mais en prison ! C’est ce qui arrive aux terroristes quand ils ne se font pas tuer avant, dit Ghania. Saïd en est un !
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26 avril 2012 à 19:29
…………………………..11……………………………………
-Mais pourquoi ?
- On ne le saura jamais, répond Ghania. Enfin, tout ce que je sais, c’est qu’il ne faut plus lui faire confiance. C’est tout ce que je peux te dire. S’il s’en est pris à moi, il n’aura aucun scrupule à le faire avec toi ou avec Malika ! Mets-le-toi bien en tête !
- Ne plus lui faire confiance ? Mais c’est notre frère, rétorque Nadia. Je ne peux pas croire que Saïd soit irrécupérable. Je vais discuter avec lui, peut-être qu’il m’écoutera…
- Mais j’ai essayé de discuter avec lui, lui dit Ghania. Pourquoi m’a-t-il frappé à ton avis ? Parce que je voulais le forcer à manger ? Non ! J’ai tenté de le ramener à la raison mais il est sourd à tout conseil !
- Tu me fais peur. Mais pourquoi es-tu restée ?
- Il vient de temps à autre avec eux. Je dois lui préparer à manger et des choses à emporter, lui confie-t-elle. Je n’ai pas le choix… Je dois rester. Sinon, il s’en prendra à ma famille !
- Tu dois partir, insiste Nadia. Tu risques ta vie en restant ici ! Personne ne peut savoir ce qu’ils ont en tête. Tu viens avec moi !
- Non, je reste. Si ton frère revient, je veux qu’il me trouve ici, répond Ghania. Je vais tenter de le raisonner une dernière fois. Je ne veux pas qu’il devienne un criminel. Tant qu’il n’a pas tué, il peut être sauvé !
- J’ai peur Ghania. Viens quelques jours chez moi, le temps que tu te remettes, insiste Nadia.
Tu es trop faible pour t’occuper de ta personne alors de tout un groupe !
- Au début, je ne suis pas venue ici de bon cœur, lui confie son aînée. Tu m’as responsabilisée… Tu voulais que je prenne soin de lui et de la maison. Je resterai pour le convaincre. Je ne voudrais pas qu’il aille en prison ou qu’il meure bêtement !
- S’il revient, tu lui diras de venir me voir ?
- C’est une mauvaise idée, dit Ghania. Vraiment, il faut l’éviter. Tu vas retourner chez toi et t’occuper de ta famille, lui conseille-t-elle. S’il y a du nouveau, je t’appellerai !
Mais Nadia refuse de partir tout de suite. Elle va à la chambre de ses parents et fouille dans un tiroir de la garde-robe, y cherchant les doubles des clés des chambres. Ghania les a déjà trouvés, mais jamais elle n’a osé les prendre et s’aventurer à jeter un coup d’œil dans la chambre de Saïd.
- Non, n’y va pas ! Il risque de s’en apercevoir !
- Je ne toucherai à rien, lui promet-elle. Je vais juste voir.
La chambre de son frère est bien rangée. Elle remarque qu’il n’a pas pris grand-chose. Ayant étudié une année l’architecture, des livres et des cahiers sont rangés dans le coin du bureau. Seul un bloc-notes est ouvert.
Nadia s’en approche et y lit des notes d’heures et de lieux. Certainement des rendez-vous…
- Avec qui ? se demande-t-elle. Pourquoi ?
- Pour les menacer, dit Ghania. Tu ne penses tout de même pas qu’il va leur offrir un café !
Nadia les compte. Ils sont plus de vingt. Curieuse et angoissée par certaines pensées, elle ne peut se résoudre à quitter la chambre sans la fouiller.
Elle demande à sa sœur de faire le guet. Pendant ce temps, elle ouvre la garde-robe et commence à chercher. Rien de précis, mais elle ne s’arrêtera qu’après avoir trouvé quelque chose qui peut lui donner une piste sur les activités nocturnes de son frère.
- Fais vite ! la prie sa sœur. S’il nous surprend ici, c’est fini pour nous !
Nadia n’hésite pas à ouvrir ses cartables, rangés au-dessus de la garde-robe. Dans l’un deux, elle tombera sur des plans de maisons et de quartiers d’Alger.
- à quoi peuvent-ils servir ? se demande-t-elle à voix haute, alors que sa sœur aînée s’approche pour voir.
- Certainement, lui dit-elle, pour mieux surprendre leurs victimes ! Je te l’ai dit, il est dangereux !
Nadia panique, le dos glacé en l’imaginant passer à l’acte.
- Mon Dieu !
Elle continue sa fouille et tombe sur des photos d’hommes plus ou moins jeunes. Il y a aussi celles de son mari et de son beau-frère. Le mari de Malika est un militaire engagé.
- Qu’est-ce qu’on va faire ? murmure-t-elle en les rangeant à leur place. On ne peut pas rester les bras croisés, il est question de vies à sauver !
- Oui, mais tu sembles oublier que c’est notre frère.
Les deux sœurs entendent un bruit et se pressent de quitter la chambre, ne voulant pas être surprises par Saïd…
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26 avril 2012 à 19:32
……………………………12…………………………………………..
-Nadia, qu’est ce que tu fais ici ?
- Rien, rien. Je passais juste vous dire bonjour, répond-elle en pâlissant d’un coup. D’où est-ce que tu viens ?
Saïd la regarde les sourcils froncés sentant qu’il se passe quelque chose. Il se tourne vers Ghania qui s’est éclipsée vers la cuisine.
- Qu’est ce qu’elle a ?
- Rien, peut-être qu’elle a laissé quelque chose sur le feu, émet-elle.
Ghania est en train de s’affairer dans la cuisine quand ils la rejoignent.
- Tu veux manger quelque chose, l’interroge-t-elle. Elle a préparé une soupe de pois cassés …
- Je n’ai pas faim, répond Saïd en prenant quand même place à la table.
Nadia s’assoit en face de lui et le dévisage. Elle tente de retrouver derrière ce visage angélique ce qui a pu faire naître la haine en son cœur au point de vouloir tuer des hommes. Ils ne sont pas différents de lui mais une raison l’aveugle. Elle se demande laquelle.
Elle aimerait retrouver le petit frère à qui on pouvait confier des enfants de tout âge, sur qui on peut compter durant les moments difficiles.
- Tu travailles, lui demande-t-elle en remarquant qu’il est habillé d’une belle veste en cuir et de vêtements neufs.
- Oui.
- Qu’est ce que tu fais ?
- Je seconde un ami dans une entreprise, répond-il évasivement. Et mon beau-frère, comment va-t-il ?
- Bien … Tu m’as manqué, lui dit Nadia. Je me demandais ce qui pouvait bien te retenir ! Tu aurais pu m’appeler, pour m’apprendre la nouvelle. Est-ce que tu as un numéro où je pourrais te joindre ?
- Oui, j’ai un portable … Je te laisserais mon numéro …
- Est-ce que tu as un emploi du temps chargé, l’interroge-t-elle. Est-ce que tu as au moins le temps de fréquenter des amis ?
- Tu veux savoir si j’ai une petite amie, réplique-t-il en riant doucement. Si c’est ça, je ne te cacherai pas que j’en ai une !
- Je suis contente pour toi … Comment s’appelle-t-elle ? Qu’est ce qu’elle fait ?
- Elle finit ses études et elle s’appelle Célia, lui apprend-il.
- Est-ce que tu me la présenteras, le prie Nadia.
- Un jour …
La sonnerie du portable les interrompt. Nadia peut enfin voir l’appareil et se rendre compte de sa cherté. Elle sait aussi qu’il ne peut pas se l’être offert avec son salaire, même avec deux mois de salaire.
Said se lève et sort de la cuisine. Il va dans sa chambre que Ghania a fermée pendant qu’elle discutait avec lui.
Ghania, toujours aussi pâle, propose de faire du café. Nadia ne refuse pas même si elle a la gorge nouée. Elle va dans le couloir et regrette de ne pouvoir rien entendre de la conversation qu’a son frère. Elle imagine sans peine qu’il est en train de faire son rapport ou de prendre rendez-vous.
Rendez-vous pour surveiller leurs victimes, les violer ou même les tuer ?
Le cœur serré, elle se demande s’il est déjà passé à l’acte.
Le café est prêt depuis un moment quand il les rejoint. Ghania le sert. Elle renverse un peu de café sur la table tant ses mains tremblent. Saïd en rit.
- Tu as la tremblote, lâche-t-il. Je pourrais savoir pourquoi ?
- Elle n’est plus jeune, dit Nadia. Elle est fatiguée … Il faudrait qu’elle rentre chez elle se reposer … Durant son absence, tu pourras venir chez moi !
- Non, non rétorque Saïd. Elle restera ici … Je me suis habitué à elle !
- Je pourrais prendre une semaine de congé et être ici, lui propose-t-elle. Cela me permettra de rattraper le temps perdu … Tu m’as beaucoup manqué ces dernières semaines !
- Ne t’en fais pas, on se reverra plus tôt que tu ne le penses, dit Saïd en terminant vite son café. Je dois partir … mais à très bientôt !
Nadia le regarde partir, elle sait qu’il va rejoindre ses nouveaux compagnons. Il a très mal choisi. Il est réellement devenu dangereux …
La façon dont il a regardé Ghania ne laisse pas douter de ses mauvaises intentions. Nadia sent qu’elle n’a pas le choix.
Elle doit mettre au courant la police sur les activités de son frère. Même si Ghania n’est pas d’accord …
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26 avril 2012 à 19:35
……………………………………..13…………………………………..
-Ghania, on ne peut pas rester les bras croisés ! Il est dangereux, insiste Nadia. Il y va de la vie des autres. Si on ne le dénonce pas, on deviendra ses complices !
- Il faut lui laisser une chance, rétorque Ghania. Quand il reviendra, je lui parlerai. Il a toujours eu un bon fond. Je refuse de croire qu’il ait disparu ! Au début, j’en doutais. Mais c’est toi-même qui m’en a convaincue. Tu l’as toujours fait passer pour un ange, lui rappelle-t-elle. Peut-être que ce n’est pas perdu ?
- Je n’y crois plus, dit Nadia. En gardant le silence, des gens risquent de mourir. Il faut prévenir la gendarmerie !
- Non, tu n’iras trouver la gendarmerie qu’une fois que je l’aurai dit, s’écria Ghania avant d’éclater en larmes. Tu crois que cela m’est facile à supporter ? Je sais que Saïd va revenir. Je lui parlerai. S’il ne repart pas, nous n’en dirons rien ! Mais s’il repart, je ne t’empêcherai pas d’aller le dénoncer !
- Mais il y a ces photos d’hommes. Peut-être qu’ils vont les tuer ! insiste Nadia. Tu ne penses pas à Omar, à Yanis notre beau-frère ? Leurs photos ne sont pas là par hasard ! Elles sont parmi d’autres. Et toutes représentent leurs futurs proies, leurs prochaines victimes. Peut-être qu’en tardant, ils vont les tuer. On s’en mordra les doigts !
- Si tu le fais maintenant sans mon accord, je ne te considérerai plus comme ma sœur, l’avertit Ghania, à bout. C’est vrai, j’ai peur pour eux, pour mes enfants, pour ces gens, mais imagine qu’il change ?
- Il ne changera pas. Ils ne le laisseront pas changer. S’ils s’aperçoivent du moindre changement en lui, ils le tueront pour ne pas être trahis, s’écrie Nadia. Comment peux-tu t’imaginer ne serait-ce qu’un instant qu’il puisse revenir avec de meilleurs sentiments ? Pense à tous ces gens, à Omar, à Yanis. Je t’en prie, donne moi ton accord !
- Jamais, répond Ghania. Mais tu peux toutefois mettre ton mari et Yanis au courant du danger qui les guette. Ne leur dit rien sur Saïd ! Rentre chez toi maintenant !
Nadia prend son sac et rentre directement chez elle. Là, elle tourne en rond dans la maison. L’angoisse maintenant lui soulève l’estomac. Elle vomit le café pris le matin et cède à son envie de pleurer. Son frère est perdu. Elle ne se fait pas d’illusions. Il est irrécupérable. Elle voudrait trouver une solution mais elle est trop bouleversée par le drame qu’allait connaître la famille, pour pouvoir réfléchir. Elle est choquée de savoir son frère devenu membre d’un groupe armé et du danger qu’ils courent, lui ainsi que son mari et son beau-frère. Tous sont en danger et tous l’ignorent. Saïd allait aussi s’en prendre à d’autres, à des inconnus. Comment se méfier d’un garçon aussi gentil que lui ? Aussi beau… Que s’est-il passé qu’elle ignore qui l’a transformé en monstre intérieurement ? Son aspect angélique allait tromper plus d’un, jeune ou vieux. Elle le sait et cela la terrifie.
Plus d’une heure passe avant qu’elle ne se reprenne. Elle ne parvient pas à réfléchir mais elle décide de mettre au courant sa sœur Malika.
Celle-ci habite Blida. Son mari, un militaire engagé, devra faire attention à sa propre personne. Nadia ne lui dit pas au téléphone. Elle ne peut pas. Si elle l’a appelée, c’est pour lui demander de ne pas bouger de chez elle.
- J’arrive, lui dit-elle, je prends un taxi pour ne pas perdre de temps, c’est urgent !
- Pourquoi ? demande Malika qui sent tout de suite une tension dans sa voix. Qu’est-ce qui se passe ?
- Je ne peux pas te le dire au téléphone. Mais l’heure est grave, très grave même, répond Nadia avant de raccrocher. Elle sait qu’elle aura des difficultés à trouver un taxi pour l’emmener à Blida. Elle s’en va prier un voisin qui accepte souvent de devenir taxieur clandestin, les jours où il ne travaille pas, pour joindre les deux bouts. Il ne refuse pas quand elle lui avance mille dinars.
- C’est urgent à ce point, remarque-t-il.
- Oui !
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26 avril 2012 à 19:37
………………………………………..14………………………………………..
Il est près de seize heures lorsque Nadia arrive à Blida. Elle a l’impression que c’est la journée la plus longue de sa vie. Depuis qu’elle sait, elle ne se sent plus la même. Son cœur est partagé. Elle aussi voudrait croire au miracle mais elle sait que Saïd ne s’arrêtera pas en si bon chemin. L’argent volé lui permet de mener la belle vie. Saïd doit faire tourner la tête aux filles qu’il rencontre. En plus d’avoir les poches pleines de billets, il est beau garçon et qui pourrait s’imaginer ou se douter qu’en fait, c’est un criminel.
Malika doit surveiller son arrivée. Nadia l’entend ouvrir alors qu’elle monte les escaliers. Elle l’attend sur le palier. Son coup de fil l’a inquiétée.
- Omar et Aziza ne sont pas venus avec toi, pourquoi, l’interroge-t-elle. Te serais-tu querellée avec lui ?
- Si ce n’était que ça, répond Nadia en la suivant chez elle. Malika, il est question de vies.
- Je ne comprends pas ! dit sa sœur en s’asseyant alors que Nadia ne tient pas en place. Viens t’asseoir !
Mais Nadia ne peut pas. Elle doit attendre que Malika ait renvoyé ses enfants à leurs chambres pour lui raconter. Malika est devenue aussi blême qu’elle. Elle ne voudrait pas y croire mais le sujet n’est pas à la plaisanterie. Nadia s’est remise à pleurer.
- C’est vraiment désespéré ?
- Mais je ne peux pas croire que Saïd soit un terroriste, dit Malika. Jamais il ne pourra faire de mal à une mouche. Je connais son extrême sensibilité, j’ai l’impression que tu m’as parlé d’un étranger !
- Il l’est devenu, confirme Nadia. Il a changé au point de devenir quelqu’un de dangereux et qui peut s’en prendre à mon mari, au tien, insiste-t-elle. Il fallait que je te mette au courant du danger qu’il court maintenant !
- Mais qu’est-ce que je vais dire à Yanis ? Méfie-toi de mon frère, c’est un terroriste ? Il ira sur-le-champ le dénoncer ! C’est horrible ! Pourquoi cela nous arrive-t-il ? Qu’est-ce qui a pu le changer à ce point ?
- Si seulement je pouvais le savoir, soupire Nadia en essuyant ses larmes. Tu le connais, il avait beau être gentil, tranquille et très proche de moi, il ne se livrait jamais à fond… Finalement, il ne s’est jamais confié !
- Même sans se confier, il ne peut pas se transformer en monstre d’un coup, remarque Malika. Peut-être qu’il a rejoint le groupe sous la menace, sous la contrainte ?
- Il n’aurait pas son sourire et cette arrogance, réplique Nadia. Tu le verrais ! Je voudrais tellement que ce cauchemar cesse. J’ai tellement peur de ce qui pourrait arriver à lui, à nos maris. À ton avis, faut-il attendre et espérer ? Ou le dénoncer même s’il faudra se passer du consentement de Ghania ?
- Je refuse qu’on aille trouver la gendarmerie contre sa volonté, dit Malika. On est contraintes à attendre tout en priant qu’il reviendra à la raison ! Il ne s’est pas encore sali les mains, le pire qui pourrait lui arriver serait qu’il tue !
- Pour Yanis et Omar, qu’est-ce qu’on fait, demande Nadia.
- Tu dis à Omar de reprendre son ancien poste, lui suggère-t-elle. Quant à mon mari, je lui dirai de rester quelque temps à la caserne ! C’est l’unique solution pour l’instant ! On ne va pas risquer la vie de nos maris !
Nadia aurait voulu rester un peu plus longtemps mais le taxi l’attend toujours en bas. Son mari et Aziza allaient rentrer et s’étonner de ne pas la trouver.
- On garde contact par téléphone, la vie continue malgré tout ! Essuie tes larmes…
Les deux sœurs s’étreignent longtemps. Nadia est comme soulagée d’avoir discuté avec elle. En partant, elle se sent mieux qu’à son arrivée. Elle a pu puiser de la force dans le calme serein de sa sœur. Il s’en est toujours dégagé d’elle.
Comme elle le lui a dit, la vie continue malgré tout. Une fois de nouveau chez elle, elle pense à ce qu’elle va dire à son mari pour qu’il retourne à Constantine, sans poser de questions.
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26 avril 2012 à 19:38
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Nadia vérifie son répondeur lorsqu’elle arrive chez elle. Sa famille n’est pas encore rentrée. Elle devrait être à la maison à l’attendre, à s’inquiéter pour elle.
Nadia ne comprend pas pourquoi Omar et Aziza ne sont pas encore là. Elle lit sur le répondeur qu’il y a trois messages. Elle appuie sur le lecteur et entend son mari la prévenir de leur retard. Ils restent dîner chez ses parents. Les deux suivants l’inquiètent et lui rappellent une période où elle a reçu des appels anonymes. Cela remonte à quelques mois déjà. Parfois, le bip est suivi de messages qui lui ont paru intrigants vu que la personne en sait long sur elle et sa famille. Certaines fois, il n’y a eu que le silence, comme ce soir …
Ces deux appels silencieux ne font que l’angoisser davantage. Après ce qu’elle a vécu aujourd’hui, elle s’en serait volontiers passé. Elle se demande si son frère n’en est pas l’auteur depuis le début. Ou un terroriste à qui il aurait remis leur numéro ?
C’est fort possible, se dit-elle en s’asseyant, les jambes coupées par la peur à l’idée que le groupe doit savoir où ils habitent, ce que fait son mari comme profession, son beau-frère …
Nadia se demande si elle doit éloigner son mari d’Alger sans le mettre au courant ou si elle doit tout lui dire. En fait, elle s’interroge si elle ne doit pas lui demander de partir dès demain. Qui sait ce que projettent son frère et son groupe ?
Elle regarde la photo de leur mariage et ne peut s’empêcher de pleurer de nouveau. Durant les mois passés, elle a souffert de son absence parce qu’il a choisi de travailler loin d’Alger. À cause de son frère, elle allait de nouveau en être séparée pour un temps indéterminé. Qui sait s’il lui reviendra un jour ?
Car, dans le fond, elle craint sa réaction. Le fait de savoir que Saïd est membre actif d’un groupe dangereux ne risque pas de faciliter le contact entre eux. Pendant un temps, Nadia a souvent pensé que son mariage n’est pas assez solide pour supporter un drame et une séparation dans de telles conditions ?
Le cœur serré, elle se rappelle avoir rencontré Omar, quelques jours après son échec au bac. À la recherche d’un centre de formation en secrétariat, elle est tombée sur lui, aux arrêts de taxis. Ce fut le coup de foudre. Ils se sont mariés cet été-là, en présence de leurs familles et amis.
Ses beaux-parents leur ont offert cet appartement. Grâce aux siens, elle a pu le meubler. Les souvenirs l’emmènent aux premiers mois de sa grossesse. Ils ont dû serrer la ceinture pour se préparer à l’arrivée d’Aziza. Elle fera leur bonheur depuis.
Omar s’est montré le meilleur des maris et le plus patient des papas. Aziza a été un bébé qui n’a pas beaucoup dormi. Nadia en aurait certainement souffert s’il n’avait pas été là pour l’épauler et surveiller le bébé quand elle était à bout. Elle regrette ce temps-là où ils ont tout partagé, où ils ont été si proches.
Leur vie a changé le jour où, las d’enseigner la philosophie, il a décidé de travailler avec son ami à Constantine. Il s’est découvert une passion et sans la pression de Saïd, il ne serait jamais revenu.
- Il faudra qu’il reparte, se dit-elle. il n’y a pas d’autre solution!
La sonnerie du téléphone la fait presque sursauter. Dès la quatrième sonnerie, le répondeur se déclenche. Nadia ne s’est pas levée pour répondre, pensant encore à un autre appel anonyme.
- Chérie, c’est moi, dit Omar. Si tu es là, décroche !
Nadia se lève et court décrocher.
- Oui, je suis là, répond-elle, la gorge nouée. Vous avez passé une bonne journée ?
- Oui, mais qu’est-ce que tu as ? Ta voix, elle n’est pas normale, remarque Omar. Tu n’es pas bien ?
- Si, je vais bien, dit-elle pour le rassurer.
- Pourquoi ai-je l’impression qu’il y a autre chose, lui demande-t-il. Tu ne me dis pas tout, n’est ce pas ?
- Oui, murmure-t-elle en raccrochant, pour qu’il n’entende pas ses sanglots.
Il lui est arrivé le pire aujourd’hui. Elle a cru après la mort de ses parents qu’elle ne vivra plus de moments terribles. Elle s’est trompée. Le pire est à venir …
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26 avril 2012 à 19:40
……………………………………………………16……………………………………
Nadia sursaute quand on frappe à la porte. à force de pleurer, elle s’est assoupie. Elle se demande si elle n’a pas rêvé. Elle attend.
Trois nouveaux coups lui parviennent. Nadia se lève lentement et va voir. Elle est heureuse et soulagée en ouvrant. Omar et Aziza sont enfin rentrés. Elle se jette dans ses bras, tout en pleurant. Elle est trop bouleversée pour se maîtriser. Elle ne s’en rend pas compte mais sa fille a pris peur et reste figée.
Omar sent que ce qui s’est passé doit être très grave. Il la conduit au salon et l’aide à s’asseoir. Nadia pleure à chaudes larmes. Elle a besoin de se confier.
- Ta sœur n’est pas bien ?
- Oui, mais celui qui me bouleverse autant c’est Saïd, lui dit-elle en essayant de retrouver un peu de calme. Il… il…
Nadia n’y arrive pas. Omar s’est assis en face d’elle et a pris ses mains dans les siennes pour la réconforter, pour l’encourager à poursuivre.
- Il est malade ? Il a fait un accident ? l’interroge-t-il.
- Non, souffle-t-elle. Il lui est arrivé pire, il fait partie d’un groupe armé, lui apprend-elle en levant les yeux vers lui. Il est dangereux !
- Comment le sais-tu ?
- J’ai fouillé ses affaires et j’ai trouvé des preuves. Et puis, Ghania les a vus ensemble, lui apprend-elle. Ils ont souvent dîné à la maison ! Tu ne peux pas imaginer à quel point elle est terrorisée !
Omar hausse les sourcils, ayant des difficultés à croire ce qu’il vient d’entendre. Il connaît son beau-frère et il ne peut pas l’imaginer devenir terroriste, menacer des gens, lui le garçon sage que tous aiment et prennent pour exemple.
- Je n’arrive pas à y croire, dit-il. Il ne fréquente même pas la mosquée. Il n’a rien d’un terroriste, insiste-t-il. Il ne peut pas faire de mal à une mouche !
- Et pourtant, je n’invente rien ! Il a des noms, des photos. J’ignore ce qu’il fait précisément mais je sais qu’il est bien récompensé. Il a un portable, plein de billets ! Cela ne lui tombe pas du ciel. S’il ne donne pas des renseignements, que fait-il alors ?
- Une fois, je l’avais vu avec une petite amie, se rappelle-t-il. Qu’est-ce qu’elle est devenue ?
- Je l’ignore !
- Tu sais quelque chose d’elle, l’interroge-t-il.
- Non. Pourquoi ?
- Tu pourrais la reconnaître ? Tu ne sais pas si elle est toujours avec lui ?
Nadia avoue l’ignorer.
- Il a promis de me la présenter mais je n’y crois pas, dit-elle. Je sais qu’elle finit ses études et qu’elle est à la cité de jeunes filles. Elle s’appelle Célia !
- Mais tu pourrais la reconnaître ? insiste Omar.
- Je pense que oui… Mais pourquoi ?
- Il faut aller la voir. Peut-être qu’elle pourra nous en apprendre un peu plus sur ses activités, dit Omar qui ignore encore qu’il est peut-être la prochaine victime du groupe armé dans lequel active son frère.
- J’irai seule, décide-t-elle. Toi, tu te ferais remarquer. J’ai peur pour toi !
- Tu ne devrais pas, rétorque Omar. Saïd ne s’en prendra jamais à moi. Je le connais assez pour le savoir !
- Qu’en sais-tu ? Peut-être que pour leur prouver sa bonne foi et son engagement définitif, tu seras sa première cible ? Puisque tu ne te méfieras pas de lui ! Omar la regarde dans les yeux, semblant vouloir lire dans ses pensées. Il sent qu’elle ne lui dit pas tout.
- Tu as trouvé une photo de moi, n’est-ce pas ? l’interroge-t-il.
- Oui, souffle-t-elle. De toi, de mon beau-frère. Ghania est si terrorisée qu’elle craint de rentrer chez elle. De peur qu’il ne s’en prenne à sa famille, lui confie-t-elle. Je crois que le mieux pour toi et pour Yanis serait de partir pendant quelque temps. Le temps que le danger s’éloigne, ajoute-t-elle. Tu pourrais retourner travailler à Constantine ?
Omar refuse. Il ne veut pas s’en aller sans savoir.
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26 avril 2012 à 19:43
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Nadia sursaute quand on frappe à la porte. à force de pleurer, elle s’est assoupie. Elle se demande si elle n’a pas rêvé. Elle attend.
Trois nouveaux coups lui parviennent. Nadia se lève lentement et va voir. Elle est heureuse et soulagée en ouvrant. Omar et Aziza sont enfin rentrés. Elle se jette dans ses bras, tout en pleurant. Elle est trop bouleversée pour se maîtriser. Elle ne s’en rend pas compte mais sa fille a pris peur et reste figée.
Omar sent que ce qui s’est passé doit être très grave. Il la conduit au salon et l’aide à s’asseoir. Nadia pleure à chaudes larmes. Elle a besoin de se confier.
- Ta sœur n’est pas bien ?
- Oui, mais celui qui me bouleverse autant c’est Saïd, lui dit-elle en essayant de retrouver un peu de calme. Il… il…
Nadia n’y arrive pas. Omar s’est assis en face d’elle et a pris ses mains dans les siennes pour la réconforter, pour l’encourager à poursuivre.
- Il est malade ? Il a fait un accident ? l’interroge-t-il.
- Non, souffle-t-elle. Il lui est arrivé pire, il fait partie d’un groupe armé, lui apprend-elle en levant les yeux vers lui. Il est dangereux !
- Comment le sais-tu ?
- J’ai fouillé ses affaires et j’ai trouvé des preuves. Et puis, Ghania les a vus ensemble, lui apprend-elle. Ils ont souvent dîné à la maison ! Tu ne peux pas imaginer à quel point elle est terrorisée !
Omar hausse les sourcils, ayant des difficultés à croire ce qu’il vient d’entendre. Il connaît son beau-frère et il ne peut pas l’imaginer devenir terroriste, menacer des gens, lui le garçon sage que tous aiment et prennent pour exemple.
- Je n’arrive pas à y croire, dit-il. Il ne fréquente même pas la mosquée. Il n’a rien d’un terroriste, insiste-t-il. Il ne peut pas faire de mal à une mouche !
- Et pourtant, je n’invente rien ! Il a des noms, des photos. J’ignore ce qu’il fait précisément mais je sais qu’il est bien récompensé. Il a un portable, plein de billets ! Cela ne lui tombe pas du ciel. S’il ne donne pas des renseignements, que fait-il alors ?
- Une fois, je l’avais vu avec une petite amie, se rappelle-t-il. Qu’est-ce qu’elle est devenue ?
- Je l’ignore !
- Tu sais quelque chose d’elle, l’interroge-t-il.
- Non. Pourquoi ?
- Tu pourrais la reconnaître ? Tu ne sais pas si elle est toujours avec lui ?
Nadia avoue l’ignorer.
- Il a promis de me la présenter mais je n’y crois pas, dit-elle. Je sais qu’elle finit ses études et qu’elle est à la cité de jeunes filles. Elle s’appelle Célia !
- Mais tu pourrais la reconnaître ? insiste Omar.
- Je pense que oui… Mais pourquoi ?
- Il faut aller la voir. Peut-être qu’elle pourra nous en apprendre un peu plus sur ses activités, dit Omar qui ignore encore qu’il est peut-être la prochaine victime du groupe armé dans lequel active son frère.
- J’irai seule, décide-t-elle. Toi, tu te ferais remarquer. J’ai peur pour toi !
- Tu ne devrais pas, rétorque Omar. Saïd ne s’en prendra jamais à moi. Je le connais assez pour le savoir !
- Qu’en sais-tu ? Peut-être que pour leur prouver sa bonne foi et son engagement définitif, tu seras sa première cible ? Puisque tu ne te méfieras pas de lui ! Omar la regarde dans les yeux, semblant vouloir lire dans ses pensées. Il sent qu’elle ne lui dit pas tout.
- Tu as trouvé une photo de moi, n’est-ce pas ? l’interroge-t-il.
- Oui, souffle-t-elle. De toi, de mon beau-frère. Ghania est si terrorisée qu’elle craint de rentrer chez elle. De peur qu’il ne s’en prenne à sa famille, lui confie-t-elle. Je crois que le mieux pour toi et pour Yanis serait de partir pendant quelque temps. Le temps que le danger s’éloigne, ajoute-t-elle. Tu pourrais retourner travailler à Constantine ?
Omar refuse. Il ne veut pas s’en aller sans savoir.
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26 avril 2012 à 19:46
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-C’est urgent, dit Nadia. Il faut que je lui parle. C’est une question de vie, je vous en prie. Je ne lui veux aucun mal.
- Comment savoir ? rétorque une des jeunes filles. Depuis qu’elle s’est mise à fréquenter votre frère, elle n’est plus la même. Elle a bien fait de partir voir sa famille !
- Même mon frère n’est plus le même, réplique Nadia. Si vous avez son numéro, accompagnez-moi à la cabine téléphonique. Composez le numéro, demandez après elle, mais je vous en prie, ne me laissez pas dans l’ignorance !
- Ok, venez avec moi !
Celle qui vient de lui parler s’est levée. On l’appellera Farida. Nadia devine qu’elle est son amie. Elles sortent de la cité et vont téléphoner. Omar les rejoint en voiture mais n’en descend pas. Nadia ne regarde pas quand Farida compose le numéro de téléphone pour la mettre à l’aise, pour la rassurer sur son intention.
Farida doit s’y prendre à plusieurs reprises avant qu’on ne décroche. C’est la mère de Célia qui répond. à leur discussion, Nadia devine qu’elles doivent avoir l’habitude de se parler. Après avoir pris des nouvelles de sa santé et de la famille, elle demande après Célia.
Nadia peut entendre sa réponse.
- Mais elle n’est pas ici ! Pourquoi ! Est-ce qu’elle a pris la route aujourd’hui ? l’interroge-t-elle. à quelle heure ?
- Euh…
Farida couvre l’émetteur et se tourne vers Nadia, le visage soudain pâle.
- Célia est soi-disant rentrée avant-hier chez elle. Elle n’est pas arrivée !
- Demande-lui si elle n’a pas de la famille dans les environs ? lui souffle Nadia, le cœur serré à l’éventualité que son frère ait sacrifié sa petite amie pour prouver sa bonne foi. Prends leur numéro !
Farida sent qu’il s’est passé quelque chose de grave. Pour ne pas inquiéter la maman, elle feint d’être rentrée chez elle.
- Elle devait aussi rentrer. Elle a dû changer d’avis, peut-être qu’elle a reporté ? dit-elle. Est-ce qu’elle a où aller à Alger ?
- Oui, elle a une cousine. Elle y va très rarement sauf en cas d’urgence, se rappelle la mère. Comme la fois où elle n’était pas bien. Tu veux le numéro ?
- S’il vous plaît.
La mère lui dicte le numéro. Farida répète après elle pour que Nadia puisse le noter. Elle ne perd pas de temps, et une fois qu’elle a raccroché, elle compose le numéro de la cousine.
Mais Nadia ne se fait plus d’illusions. Quand elle entend Farida demander après Célia et entendre son petit cri déçu, elle en a la confirmation. Célia est introuvable. Elle a disparu.
- Merci et excuse-moi de t’avoir dérangée, dit-elle à Farida tout en se dirigeant vers son mari. Elle est injoignable, lui apprend-elle alors que Farida les rejoint.
- Je suis inquiète pour Célia. Qu’est-ce qui lui est arrivé à votre avis ?
- Nous l’ignorons, répond Nadia. Mon frère y est certainement pour quelque chose. Rentrez à la cité et contactez-moi s’il y a du nouveau !
Elle lui remet son numéro de téléphone au travail.
- Si vous voyez mon frère rôder par ici, appelez-moi !
- Est-ce qu’il est dangereux ? demande Farida. Est-ce que je ne devrais pas appeler la police ?
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26 avril 2012 à 19:48
………………………………………..19……………………………………………………
Lorsque Omar arrive à Belcourt et gare la voiture devant la maison de ses beaux-parents, il remarque que toutes les lumières sont allumées. Omar descend, tout en se demandant s’il ne devrait pas aller voir la gendarmerie avant.
- Pourquoi toutes ces lumières ?
Tout en traversant le jardin, des éclats de voix lui parviennent. Omar tente de comprendre ce qui se dit. Il ne reconnaît que les voix. Ghania et Saïd sont en train de se quereller.
- Peut-être qu’elle tente de le raisonner ? Je vais l’aider. Avec un peu de chance, il m’écoutera !
Omar presse le pas, espérant trouver la porte ouverte. Mais elle est fermée de l’intérieur. Il est contraint à sonner plusieurs fois. Les éclats de voix ont vite cessé pour laisser place au silence. Omar s’en inquiète et se met à frapper du poing à la porte. Ghania prend tout son temps pour venir ouvrir. Elle a dû attendre que Saïd soit parti. Elle ne semble pas heureuse de le voir.
- Qu’est-ce qui t’amène ce soir ? l’interroge-t-elle.
- J’ai entendu des cris, dit Omar en entrant. Où est Saïd ?
- Je ne sais pas, ment-elle. Pourquoi ? Qu’est-ce que tu lui veux ?
- Je voulais lui parler… J’espérais qu’il ne serait pas trop tard, dit Omar en inspectant les pièces de la maison. Par où est-il sorti ?
- Je ne sais pas !
Omar remarque deux coffrets à bijoux ouverts sur le canapé du salon. Ils sont vides.
- Où sont les bijoux ?
- Il n’y en avait pas, répond Ghania, sur ses gardes. Je voulais les nettoyer.
- Tu l’ignores mais je suis au courant de tout, lâche-t-il d’un coup. Nadia m’a tout dit… Alors ? Il est venu chercher les économies et les bijoux ?
- Non, je les ai mis en lieu sûr, ment-elle. Et puis, je ne vois pas en quoi cela te concerne. Tu ne devrais pas te trouver ici !
- C’est vrai ! reconnaît Omar. Il faudrait être fou pour risquer sa vie inutilement. Je voulais le voir avant d’aller à la gendarmerie !
- Non, n’y va pas, le prie-t-elle en s’agrippant à son bras. Il est devenu dangereux !
- Raison de plus, insiste Omar. On te mettra en lieu sûr.
- Et mes enfants ? Et toi ? Et la famille de Malika ? Tu ne penses pas à eux ? lui reproche-t-elle. Que va-t-il advenir d’eux ?
- J’ignore comment les choses se passeront, reconnaît Omar, mais tu es assez sensée pour comprendre qu’il ne nous laisse pas le choix ! Ce soir, il est venu prendre les bijoux. Qui sait ce qu’il viendra faire la prochaine fois ? Ils peuvent avoir besoin de toi !
- Mais si tu le dénonces, ils s’en prendront à eux, à tous nos proches, murmure Ghania en tombant à genoux. Je t’en prie… N’endeuille pas notre famille. Si tu as peur pour ta vie, retourne à Constantine ! Personne ne te retiendra ici… Pas même Nadia… Je t’en prie… Laisse-nous à notre malheur ! N’en rajoute pas !
Omar s’emporte, il ne sait plus quoi faire. Ghania a réussi à l’émouvoir. Ses larmes et ses prières l’ont touché. Il a même envie de pleurer avec elle. Il comprend sa peur mais il craint qu’en gardant le silence, la situation n’aille en s’aggravant.
- Je t’en prie, insiste-t-elle, pars… Oublie-nous !
- Je ne devrais pas t’écouter ! Je ne voudrais pas avoir de regrets !
Ghania le pousse à partir. Saïd sera le seul à avoir des regrets. Dehors, Omar prend le temps de réfléchir. Il hésite et finit par céder à Ghania qui le surveille depuis la fenêtre du salon. Il est si pensif qu’il ne voit pas Saïd arriver derrière lui…
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26 avril 2012 à 19:51
……………………………………………20……………………………………………………..
-Qu’est-ce que tu fais ? Tu veux mourir, ma parole ! s’écrie Saïd. Tu veux vraiment endeuiller ta famille et faire de Aziza une orpheline !
- Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu es devenu ? rétorque Omar. Vois-tu seulement le mal que tu fais autour de toi ? Toutes tes sœurs souffrent. Cela ne semble pas te toucher.
- Je suis libre de faire ce que je veux. Même de te tuer, dit Saïd en montrant une arme. Si tu ne pars pas, j’en serai obligé !
- Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a transformé en monstre ? l’interroge Omar qui s’efforce de garder son calme. Tu étais un garçon bien, à qui tout souriait. Pourquoi Saïd ? Ce n’est pas trop tard. Tu peux le redevenir. Tu n’as pas encore les mains tachées du sang d’innocents, n’est-ce pas ? Dis-moi.
- N’attends pas de moi des confidences. Pars tout de suite et ne reviens plus jamais, lui intime le jeune homme gardant son arme braquée sur lui. Allez vite ! Pars…
- Je veux encore parler avec toi, insiste Omar avant de recevoir un coup de crosse au front. Il s’effondre sur le trottoir, assommé par la violence du coup. Saïd l’a eu par surprise.
Il retourne à la maison et demande à Ghania de le suivre. La grande sœur le suit malgré elle. Elle panique quand il lui recommande de se taire.
- Vite, aide-moi !
Ghania ne voit pas le corps de Omar tout de suite. Elle ouvre la bouche pour crier quand elle l’aperçoit mais Saïd pose la main dessus pour l’étouffer.
- Chut ! Ou je t’égorge et tes enfants seront orphelins ! la menace-t-il. Aide-moi à le mettre dans la voiture !
Bien qu’elle tremble, elle s’exécute sans bruit. Ils prennent Omar et le mettent à l’arrière.
- Rentre ! lui dit-il une fois qu’il a claqué la portière. Et gare à toi !
- Non, non, je ne dirai rien, la rassure-t-elle, le souffle court. Mais dis-moi, est ce que tu l’as… ?
- Non, je ne suis pas fou, répond Saïd. Aziza a encore besoin de lui. Rentre et ferme bien derrière toi !
- Tu le ramènes chez lui ? l’interroge-t-elle. Rassure-moi.
- Oui, je le ramène chez lui !
Saïd démarre et la laisse sur le trottoir. Ghania, encore sous le choc, ne rentre pas tout de suite. Dès que la voiture disparaît dans la nuit, elle regarde autour d’elle. Et si quelqu’un les a vus ? s’inquiète-t-elle. Que va-t-il penser ? Et s’il appelle la police ?
Ghania rentre à la maison et ferme à clé avant d’appeler sa sœur Nadia pour la mettre au courant.
- Il va te le ramener, lui dit-elle. Il a reçu un coup…
Apparemment, il a poussé Saïd à le faire.
- Il est blessé ? demande Nadia. Avec quoi l’a-t-il frappé ?
- Je l’ignore, mais il était inconscient, lui apprend-elle. Quand il reviendra à lui, demande-lui de partir ! On ne sait jamais.
- Oui, oui, je comprends ! On frappe à la porte Ghania. Je te rappelle plus tard !
Quand Nadia ouvre, elle manque de se trouver mal en voyant Saïd soutenir son mari. Ce dernier est revenu à lui. Il ne souffle mot. Son visage est blême.
- Garde-le en laisse ! lui recommande Saïd. S’il vient encore fouiner dans mes affaires, je ne répondrai plus de mes actes ! Si la police cherche après moi, je saurai qui m’a dénoncé ! Et vous le regretterez, les avertit-il, en lui montrant son arme à feu. Ai-je été clair ?
Nadia hoche la tête. Elle est soulagée en le voyant partir.
Elle s’occupe de son mari, apportant de la glace dans une serviette. Omar grimace de douleur quand elle la porte à son front.
- ça t’apprendra à ne pas m’écouter, lui dit-elle. Tu n’aurais pas dû aller à la maison ! Il aurait pu te tuer…
- Inutile de me le dire, je le sais déjà ! rétorque-t-il. Va préparer mes affaires ! Je pars demain.
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26 avril 2012 à 19:53
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Comme s’il n’attendait que cela. Omar prend sa valise et part à Constantine, le lendemain même de son agression. Nadia n’a pas pleuré à son départ. S’il est parti, c’est pour rester en vie.
Elle le sait et cela la réconforte. Il serait parti pour une autre femme qu’elle en aurait souffert mais ce n’est pas le cas. Saïd ne leur a pas laissé le choix.
Aziza croit que son père est parti pour une mission. Elle n’a pas fait de scène. Nadia se demande ce qu’elle lui dira quand elle remarquera que la mission s’éternise. Son enfant ne supportera pas longtemps son absence. Elle a toujours adoré son père, et Nadia a mal pour elle. Aziza est trop petite pour comprendre. Nadia aurait aimé lui expliquer qu’il ne fait pas bon d’être journaliste, un intellectuel ou un agent de l’ordre. Mais elle ne veut pas l’inquiéter. Elle ne veut pas qu’elle se fasse du souci, si jeune…
Nadia est si bouleversée par ce qui arrive à sa famille qu’elle ne se sent pas la force d’aller à son travail. Elle accompagne sa fille à l’école.
Elle ne rentre pas à la maison. Elle voudrait aller voir Ghania mais elle craint de tomber sur son frère. Il pourrait s’imaginer qu’elles complotent derrière lui. Il pourrait très mal le prendre et qui sait ce qu’il fera…
Toutes ses pensées sont pour lui et son mari. Elle ne peut s’empêcher de l’appeler. Il est à peine arrivé.
- Tu as fais bon voyage ? lui demande-t-elle.
- J’ai encore mal à la tête, répond Omar. Il n’est pas venu te voir ?
- Pourquoi ? rétorque-t-elle. Tu penses qu’il va s’en prendre à nous ?
- Il va vouloir tes bijoux, tes économies, répond son mari. Après il te prendra la vie. Ce n’est pas bien ce qu’on a fait, on aurait dû le dénoncer. J’aurais dû porter plainte hier soir, regrette-t-il. Je me suis enfui comme un vulgaire voleur ! Je n’ai même pas pris l’essentiel, se plaint-il, alors que Nadia pleure. Tout est de ta faute. Je n’aurais pas dû t’écouter.
- Tu exagères ! réplique la jeune femme. Et puis, je ne crois pas que tu puisses souffrir autant ! C’est mon frère, mon unique frère, lui rappelle-t-elle. Comment pourrais-je le dénoncer ? Je ne peux pas. Si mes parents pouvaient t’entendre, ils se retourneraient dans leur tombe !
- Pense à ceux qui iront les rejoindre au cimetière ! Tout ça parce que tu refuses de le dénoncer !
Nadia raccroche. Elle ne veut pas en entendre plus. Omar a le don de remuer le couteau dans la plaie. Comment peut-il penser qu’il lui soit facile de vivre avec ça ?
- Non, je n’ai pas la conscience tranquille, se dit-elle. Mais je n’ai pas le cœur à le dénoncer… Criminel ou pas, il est mon frère !
Nadia voudrait avoir le courage d’aller le dénoncer mais ce serait comme s’amputer. Elle en a mal rien qu’à y penser.
Elle manque de se trouver mal. Elle entre dans une pharmacie et veut acheter des somnifères mais la pharmacienne refuse. Elle veut une ordonnance.
- Allez consulter un médecin !
Nadia en ressort déçue. Elle a l’impression que la chance lui a tourné le dos depuis la mort de ses parents. Encore une pensée pour ses parents. Quand elle pense à tout ce qu’ils avaient projeté pour Saïd, elle sent la colère monter en elle. Ils lui avaient acheté une voiture et elle l’attend au garage. Le sait-il ? Elle l’ignore et pour être certaine qu’il n’a pas encore mis la main dessus, elle est contrainte de retourner à Belcourt. Elle verra sa sœur, et avec un peu de chance Saïd ne sera pas là. Elle sait où ses parents ont rangé les papiers, si son frère n’a pas encore mis la main dessus…
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26 avril 2012 à 19:56
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-Non, ne fouille pas, la prie Ghania qui la voit prendre un carton du cagibi. S’il s’en aperçoit, il va faire un malheur !
- Non, les papiers de la voiture sont ici, répond Nadia en l’ouvrant. Les voilà… Papa et maman avaient ouvert un compte commun. Saïd ne le sait pas, il ne doit pas le savoir. S’il réussit à mettre la main sur les économies, j’ignore ce qu’il en fera ! Je ne le reconnais plus. Si j’écoutais Omar, j’irais tout de suite le dénoncer !
Mais toutes deux éprouvent le même sentiment. Le lien du sang est plus fort que le danger que représente leur frère.
- Qu’est-ce que tu vas en faire ?
- Rien. Je vais les garder.
Les deux sœurs sursautent quand Saïd rentre.
- Qu’est-ce que vous faites ici ? C’est quoi ces papiers ? interroge-t-il Nadia en lui prenant les papiers des mains. Mais c’est une licence d’importation de véhicule. Papa a acheté une voiture. Une Golf en plus ! s’écrie-t-il. Où est-elle ? Qu’en a-t-il fait ?
- Je ne sais pas, ment Nadia. Peut-être qui l’a revendue ? Peut-être, mais…
Saïd brandit une petite carte d’un parking.
- Je suis sûr qu’il lui a loué un petit coin à l’ombre ! dit-il. Je vais aller lui rendre visite.
- Tu te fais des idées.
- Idées ou pas, je vais aller voir de mes yeux. Je passerai par ton quartier pour te la montrer. D’ailleurs, tu viens avec moi ! Comme ça je n’aurais pas à passer par ton quartier.
Nadia ne peut pas refuser. Ghania lui recommande d’être prudente.
- Ne lui fais pas confiance, lui murmure-t-elle. N’accepte pas de l’accompagner ailleurs.
Nadia la rassure d’un petit sourire. Elle suit son frère jusqu’à la station de taxi et ils partent ensemble à Kouba. Ils vont voir le propriétaire du parking.
Il loue aussi des garages. Il les mène à la Golf et Saïd pousse un cri de joie en la voyant.
- J’espère qu’ils sont au paradis, dit-il à propos de ses parents. Ils n’auraient pu faire mieux pour mon bonheur !
- S’ils avaient su que tu allais mal tourner, ils ne te l’auraient pas achetée, lui répond-elle. Qu’est-ce que tu vas faire avec une voiture ? Tu n’en as pas besoin !
- C’est vrai mais elle peut être utile pour mes amis, lâche-t-il avec un sourire au coin de la bouche. Même les économies… Elles serviront aux achats. Tu vois ce que je veux dire ?
Les clés en main, Saïd vérifie l’état du moteur avant de se mettre au volant.
- Monte ! lui dit-il. Les sièges sont confortables.
- Même les prisons sont confortables, rétorque-t-elle. Il y a toutes les commodités… Enfin, si tu ne te fais pas abattre avant. C’est ce qui arrive chaque jour, lui rappelle Nadia. Pourquoi es-tu avec eux ?
- Comme ça… Tu n’as pas à savoir pourquoi ! Ne cherche pas à t’en mêler. Tu y risquerais ta vie. Et ton mari ? Il doit m’en vouloir, dit Saïd sans sourire, le regard perçant.
- Il est parti, répond Nadia. Tu es content maintenant ?
- Il vaut mieux être éloigné de lui que de l’avoir six pieds sous terre, murmure Saïd. S’il n’était pas parti de lui-même, tu ne peux pas t’imaginer ce qui lui serait arrivé !
- Tu veux dire qu’ils… qu’ils t’ont demandé… Nadia s’interrompt. Elle a la gorge nouée. S’ils lui ont demandé de s’en prendre à Omar, Yanis allait connaître le même sort. Tout prochainement.
- Oui, remercie-moi… J’ai sauvé ton mari d’une mort certaine et douloureuse !
- Et pour Yanis, qu’est-ce que tu comptes faire ?
- J’ignore ce qu’ils vont faire de lui. Mais je ferai tout pour qu’il ne lui arrive rien, lui affirme Saïd. Je te le jure.
Nadia pleure. Son frère est irrécupérable. Elle est terriblement peinée pour lui. Puis sentant qu’il est moins agressif que tout à l’heure et un peu plus proche qu’avant, elle l’interroge sur ses activités au sein de ce groupe armé. Elle a mis sa peur de côté. Et même sa colère. Elle a besoin de savoir…
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26 avril 2012 à 20:02
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-Mais toi, qu’est-ce que tu fais ? Si tu n’as pas tué Omar, c’est parce que tu as encore quelque chose de bon dans l’âme, dit Nadia. Mais… si tu es avec eux, tu dois certainement faire quelque chose en contrepartie de ce qu’ils te donnent… Alors ?
- Je sais que tu t’inquiètes. Si cela peut te rassurer, je n’ai pas tué, lui confie-t-il. Je surveille des gens, je prends certains renseignements… Je les accompagne parfois quand ils sont en mission !
- Quand ils sont en mission ! s’écrie-t-elle. Et quel genre de mission Saïd ? Quand ils volent de pauvres gens ? Quand ils les tuent ? l’interroge-t-elle. Quand ils massacrent des femmes, des vieux, des enfants ! Dis-moi, qu’est-ce que tu fais pendant ce temps si tu n’y participes pas ?
- Je te jure que je les renseigne seulement, se défend Saïd. Crois-tu que je puisse tuer ? Ce n’est pas dans ma nature !
- Peut-être que tu n’es pas encore passé à l’acte, mais un jour ils voudront te voir à l’action. Qu’est-ce que tu feras ce jour-là ? lui demande-t-elle. Si tu as pu leur donner les bijoux de famille, le reste est déjà acquis… Quand on perd son innocence, c’est pour toujours !
- Rassure-toi, lui dit son frère en la conduisant à l’école de sa fille pour la récupérer. Je ne tuerai jamais… Descends maintenant et rentre chez toi tranquille. Le pire a pu être évité. Ne cherche plus après moi et ne viens plus à la maison !
- Pourquoi ?
- Tu le sais, répond Saïd. Si un matin tu reçois un colis sans l’adresse de l’expéditeur, prépare-toi à quitter ton appartement. Loue-toi un autre et sans tarder !
- Tu veux me mettre à l’abri, n’est-ce pas ? l’interroge-t-elle. Tu crois qu’ils vont…
- Descends ! l’interrompt Saïd. Vite…
Ses yeux ne cessent de bouger, semblant chercher une personne le connaissant. Saïd ouvre sa portière et la pousse avant de redémarrer. Il se fond dans la circulation, sous le regard inquiet de sa sœur. Nadia se sent comme perdue. Ce qu’il lui a demandé la déconcerte, mais vu la situation dans laquelle ils sont, elle se demande si elle doit vraiment attendre le fameux colis pour plier bagage.
Les enfants commencent à sortir de l’école. Nadia est trop pensive pour entendre la sonnerie.
- Maman ! Tu es venue me chercher ! Je suis si contente…
Nadia voudrait la prendre dans ses bras mais l’enfant refuse. Elle veut bien lui faire la bise, mais sans plus.
- Tu crains de paraître ridicule ! Tu sais, même grande, on a besoin de l’affection de sa maman, lui dit-elle en pensant à la sienne qui lui manque. Si seulement j’avais encore la mienne, je saurais quoi faire !
- Tu as des soucis maman ? lui demande Aziza. Tu penses à papa ? Est-ce que tu l’as appelé ?
- Oui, il t’embrasse bien fort, répond Nadia. Avec un peu de chance, on ira vivre à Constantine, lui apprend-elle. Enfin, s’il le veut bien sûr !
En cet instant, elle pense à son mari. Il ne la croira pas quand elle lui dira que grâce à Saïd il a la vie sauve. C’est difficile à admettre puisqu’il est un terroriste. Même s’il n’a pas encore tué, il active au sein du groupe. Un jour ou l’autre, il passera à l’acte.
Elle ne se fait pas d’illusions. Aussi, c’est pour ne pas être sa première victime qu’elle décide de prendre les choses en main. Elle n’attendra pas d’avoir l’accord de son mari pour le rejoindre.
C’est l’unique solution pour rester en vie et sauver sa famille.
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26 avril 2012 à 21:33
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Nadia ne peut pas partir à Constantine. Elle n’a pas pu en parler à son mari qui est toujours très remonté contre elle. Il lui en veut encore. Il la tient pour responsable de la situation. Même si, tout comme lui, elle n’y est pour rien.
Elle manque de perdre son calme et de s’emporter quand, à son travail, elle tombe sur un obstacle. Son responsable a refusé sa démission. Il ne veut pas qu’elle les quitte sur un coup de tête. Il tente d’en savoir un peu plus sur sa situation familiale, mais elle ne lui donne aucune explication.
- Pourquoi ? insiste-t-il.
- Je pars, lui dit-elle, décidée. Je ne peux plus rester ici !
- Mais pourquoi ? Vous ne pouvez pas partir comme ça… Il faut que je sache !
- C’est très personnel, répond-elle. Inutile d’insister, vous n’en saurez pas plus !
- Pourquoi ne prendriez-vous pas votre congé ? lui propose-t-il. Ça devrait être un temps suffisant pour mieux réfléchir. Je refuse à ce que vous abandonniez votre travail. Je suis sûr et certain qu’à votre retour, vous ne regretterez pas de m’avoir écouté !
- Va pour mon congé, répond la jeune femme. Même si cela ne change pas grand-chose à ma situation !
Deux jours après avoir obtenu son congé, Nadia va voir une amie qui travaille dans une agence immobilière. Elle la prie de trouver un acheteur rapidement à n’importe quel prix.
- Trouve-moi aussi un appartement, loin d’Alger, lui demande-t-elle. N’importe où mais dans un quartier où personne ne me connaît !
- Je te contacte où ? rétorque son amie Meriem. Au cas où je trouverais un acheteur !
- J’ignore encore où je serai, lui confie Nadia. Mais je t’appellerai pour que tu puisses me tenir au courant.
Un autre problème survient. Elle n’a pas vraiment pensé à la scolarité de sa fille. On est au mois de mars, et c’est la période des compositions. Elle ne peut pas l’emmener maintenant avec elle. Ce serait lui gâcher sa scolarité.
Elle appelle alors sa belle-mère pour lui demander de venir lui garder Aziza durant son absence. Celle-ci accepte. Nadia lui parle de Aziza et de la situation qu’ils traversent depuis quelque temps. Elle ne lui dit pas le plus important.
- Il faut que j’aille voir Omar, lui dit-elle.
- Tu n’as qu’à attendre son retour. Il est parti en mission, n’est-ce pas ? l’interroge sa belle-mère Hadja Tassadit.
- Oui, mais il n’était pas bien quand il est parti, lui confie Nadia. Il a reçu des menaces… Je sais qu’il n’est pas bien depuis !
- Des menaces ?! s’écrie la belle-mère. Comment ? Par qui ? Pourquoi ? Omar est un gentil garçon…
- C’est pourquoi je me suis mariée avec lui, répond Nadia. Mais il n’est pas seul à être menacé, lui rappelle-t-elle. Ils sont nombreux à mourir, chaque jour que Dieu fait !
- Oui, mais Omar…
- Alors tu viendras me la garder ? lui demande Nadia une nouvelle fois. C’est juste pour quelques jours.
- Quand dois-tu partir ?
- Dès que tu seras chez moi, répond la jeune femme. C’est urgent !
- Très bien, je serai là demain matin, la rassure sa belle-mère.
Nadia raccroche, soulagée. Elle prépare ses affaires puis s’en va récupérer sa fille à l’école. Elle a le cœur serré en pensant qu’elle devra se séparer d’elle. Mais c’est pour la bonne cause. Elle ira préparer leur avenir. Elle ne peut pas confier cette mission à quelqu’un d’autre.
- Maman, je voudrais un gâteau pour le goûter, lui dit sa fille alors qu’elles passent devant une pâtisserie.
- Allons en choisir un !
Aziza choisit un gâteau et tient à le manger tout de suite. Nadia ne refuse pas. Tout en réglant l’achat, elle se sent mal à l’aise et elle a l’impression d’être observée.
Elle se tourne et se met à chercher les yeux qui la scrute. Elle n’aura pas à chercher longtemps.
Dehors, sur le trottoir, il y a une jolie jeune fille qui lui sourit. Nadia n’y répond pas. Elle se sent pâlir et elle a subitement froid. Elle vient de reconnaître Célia. Si celle-ci est là, ce n’est pas par hasard.
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26 avril 2012 à 21:34
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-Qu’est-ce que tu me veux ? l’interroge Nadia. Qu’est-ce que tu fais ici ?
Célia ne sourit pas. Elle a un bref regard vers Aziza qui déguste son gâteau à l’intérieur de la pâtisserie. Nadia la prend par le bras et la force à se tourner pour qu’elle ne puisse pas regarder sa fille.
- Qu’est-ce que tu veux ?
- Un sourire, répond Célia. Je suis venue pour te demander pourquoi tu as cherché après moi ?
- Je voulais des nouvelles de mon frère… Mais apparemment, tu étais avec lui. Tu sais pour lui ?
- Non…
- Alors qu’est-ce que tu fais ici ? rétorque Nadia en sentant ses joues s’enflammer de colère. Tu te moques de moi ?
- Non.
- Comment as-tu fais pour me trouver ? lui demande Nadia. Nous n’avons jamais été présentées.
- Oui, mais Saïd m’a montré ta photo, lui confie la jeune fille. Si je vous ai suivies depuis l’école, c’est parce que Saïd m’a demandé de vous remettre ceci…
Pendant qu’elle fouille dans son cartable, Nadia la regarde. En fait, elle la dévisage beaucoup plus qu’elle ne la regarde. Célia n’a pas plus de vingt-deux ans. Elle a un visage aux traits doux. Tout comme Saïd, rien dans son apparence ne laisse douter qu’ils puissent être dangereux. Ils paraissent si gentils. Nadia a deviné que Célia est avec eux. Il lui est arrivé parfois de penser qu’elle a été kidnappée. Elle s’est trompée. Saïd n’est pas seul dans le coup.
- Pourquoi ? demande Nadia. Pourquoi vous gâchez la vie ?
- Tu perds ton temps, répond la jeune fille, toujours sans sourire. Tiens, lis-la !
Nadia déplie la feuille où elle peut reconnaître l’écriture de son frère. Se yeux se mouillent de larmes.
- Il me demande de t’écouter, s’écrie-t-elle. Mais que vas-tu me dire ? Pourquoi ne m’a-t-il pas écrit ce qu’il veut ?
- Il ne le voulait pas. Il veut vos économies et votre mallette pleine de bijoux, lui dit-elle. C’est pour la bonne cause !
- La bonne cause ? reprend Nadia. Il veut de l’argent pour financer son groupe, pour que des gens soient assassinés. Il veut de l’argent, pour qu’il n’y ait plus de paix et d’amour là où ils seront passés… Pourquoi ne lui parles-tu pas ? Il n’est pas trop tard pour toi comme pour lui de vous en tirer !
Célia secoue la tête. Ils ne peuvent plus se retirer. Ils en ont trop fait.
- Fais ce que je t’ai dit, lui répète-t-elle. Je passerai dans deux jours pour les récupérer !
Célia part sans se retourner. Elle la laisse désemparée et affolée. Nadia n’attend pas que sa fille ait fini son gâteau pour partir. Elle la prend dans ses bras et rentre rapidement chez elle.
- Maman, tu me sers trop ! lui dis sa fille.
Nadia relâche un peu son étreinte et essaie de sourire à sa fille pour la rassurer.
- Papa doit appeler, ment-elle pour excuser son empressement. Va te laver !
Aziza va à la salle de bains puis dans sa chambre. Nadia en profite pour bien fermer la porte d’entrée et les fenêtres, ne se sentant plus en sécurité. Le groupe fait pression sur son frère. Sinon il ne lui aurait pas envoyé Célia.
Elle vérifie son répondeur et quand elle tombe sur les messages, dont trois sont silencieux, elle se demande si ce n’est pas son frère ou un de ses compagnons. Ils veulent l’effrayer.
Elle s’efforce de garder son calme. Elle se rappelle les coups de fil anonymes qui lui ont souvent donné la chair de poule.
Maintenant, elle peut mettre un nom, un visage et même une cause. Et quelle cause !
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26 avril 2012 à 21:35
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Le lendemain matin, Nadia envoie sa fille à l’école, en compagnie des enfants de la voisine. Elle reste à attendre l’arrivée de sa belle-mère. D’ailleurs, celle-ci ne tarde pas. à huit heures et demie, elle sonne chez elle. El hadja Tassadit ne serait pas venue si c’était pour prendre soin d’elle. Mais comme il s’agit de s’occuper de sa petite-fille, elle a fait le déplacement de bonne heure.
- Tu pars quand ? lui demande-t-elle.
- Aujourd’hui, répond Nadia qui avait déjà préparé son sac de voyage. Si cela peut te rassurer, je ne tarderai pas à Constantine. Je rentrerai dans quatre ou cinq jours !
- Reste aussi longtemps que tu le voudras ! dit la belle-mère, soulagée de ne pas avoir à la supporter. Je m’occuperai de tout ! Tu n’as aucun souci à te faire.
La jeune femme aurait voulu ne pas en avoir mais celui qu’elle porte sur les épaules est de taille. Il risque de la briser à jamais. Son frère ne lui rend pas la vie facile, et elle pressent que d’ici quelque temps, elle n’aura plus de vie du tout.
- Merci, lui dit-elle en s’efforçant de ravaler les larmes qui lui brûlent les yeux. Je t’appellerai de Constantine. Merci encore d’avoir accepté de garder Aziza. Au fait, laisse le téléphone décroché la nuit ! Il y a des farceurs qui appellent au milieu de la nuit !
Hadja Tassadit semble surprise, mais elle ne lui pose aucune question, sachant que sa belle-fille ne lui dira jamais pourquoi. Toutefois, elle lui souhaite de faire bon voyage.
Nadia part à Constantine en train. Elle arrive à destination en début de soirée. N’ayant pas prévenu son mari, elle le surprend en plein travail.
Omar ne semble pas heureux de la voir.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? l’interroge-t-il. Où est Aziza ? à qui l’as-tu confiée ?
- A ta mère… Tu n’es pas content de me voir ?
Omar secoue la tête, tout en rangeant les documents du bureau. Il est encore en colère. Son départ précipité y est pour beaucoup. La situation ne fera que s’aggraver. Plus que jamais, il lui en veut. Elle a sa part de responsabilité.
- Oui, très content, réplique-t-il. Grâce à ton frère, je vis à l’hôtel… Je suis contraint de me séparer de ma famille, de mes amis… Comme tu le vois, je suis condamné à me séparer de tout ce que j’aime !
- On pourrait venir s’installer ici, dit Nadia. Je me trouverai un travail, Aziza fera sa scolarité ici… On mettra ainsi fin à notre séparation !
- C’est une idée… mais j’aurais aimé avoir tout notre temps, soupire Omar. Mais c’est l’unique solution. En attendant…
- En attendant quoi ? veut savoir Nadia.
- Il ne faut pas rêver, lui dit-il. Un jour ou l’autre, ton frère se fera prendre dans le filet… Après, on rentrera ! On n’aura pas besoin de fuir !
- C’est tout ce que tu espères ? rétorque-t-elle.
- Ne rêve pas ! Ton frère est un terroriste, lui rappelle-t-il. Il payera pour ce qu’il nous fait endurer. Ainsi que les autres…
Nadia ne le sait que trop, mais de tout cœur elle prie pour qu’il se détache du groupe et revienne du bon côté.
La jeune femme ne lui raconte pas ce qui s’est passé depuis son départ. Elle a conscience que si elle lui raconte que son frère a exigé leurs économies et ses bijoux, il allait prévenir la police. Elle décide de ne rien lui dire. Elle espère toutefois que son frère ne fera pas la bêtise d’aller chez elle.
S’il tombe sur sa belle-mère et qu’il fasse l’erreur de la menacer, elle ameutera tout le quartier avec ses cris. Il ne s’en sortira pas facilement. Nadia, en y pensant, regrette presque de l’avoir laissée chez elle. Elle aurait dû confier sa fille à sa voisine.
Si Saïd fait la folie de l’effrayer, elle sait qu’il s’en mordra les doigts. Pour savoir comment les choses se passent chez elle, elle téléphone.
Elle est surprise de tomber sur le répondeur. Elle trouve bizarre que sa belle-mère n’ait pas décroché. En fait, elle a complètement oublié de lui recommander de ne pas répondre au téléphone…
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26 avril 2012 à 22:02
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Nadia se fait tellement de soucis qu’elle ne parvient pas à trouver le sommeil. Elle regrette d’avoir demandé à sa belle-mère de garder sa fille et la maison. Elle pense à son frère. Il a exigé ses bijoux et ses économies. Elle aurait dû rester et tenter de le raisonner. Le cœur serré, elle ne cesse de penser à ce qui risque d’arriver durant son absence.
Elle est si angoissée qu’elle finit par se lever. Omar dort si profondément qu’elle s’efforce à ne pas faire de bruit. Elle ne veut pas le déranger dans son sommeil. Elle va à la cuisine et se prépare une tasse de café, elle a besoin de réfléchir. Elle s’installe à la table.
Ses pensées l’emmènent quelques semaines en arrière et, sans s’en rendre compte, elle s’arrache les cheveux à force d’y passer les doigts. Ceci quand elle ne se ronge pas les ongles. Depuis qu’elle vit dans la peur, elle sent qu’un jour, son cœur allait lâcher tant l’angoisse est insupportable. Elle se rappelle le jour où elle a découvert que Saïd fait partie d’un groupe armé. Ce jour-là, elle n’aurait jamais dû écouter Ghania. Celle-ci l’a retenue et, depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Saïd s’en est pris à Ghania physiquement. Il l’a volée et n’a pas hésité à s’emparer des bijoux de famille, pour les remettre aux terroristes. Ces derniers sont devenus ses amis. Le frère qu’elle a toujours connu, habité de sentiments nobles, attaché aux principes et aux valeurs inculqués par leurs parents, n’existe plus.
Nadia ne comprend pas comment un être aussi doux, aussi prévenant, parce qu’il a toujours été attentionné, puisse être devenu aussi dur. Que s’est-il passé ? Comment sont-ils arrivés à tuer en lui tout ce qu’il a de bon et faire naître en lui la haine ?
Lorsqu’ils ont eu cette discussion où il lui a demandé de se préparer à partir quand il lui enverrait un paquet, elle a cru qu’il a commencé à ouvrir les yeux. Elle a même espéré qu’il allait se retirer du groupe. Le fait de la prévenir a ramené l’espoir en elle, se convainquant presque que s’il est avec eux, c’est parce qu’il y est contraint.
Si l’espoir fait vivre, pour Nadia, il lui a fait croire que tout est encore possible. Pendant un moment, elle a cru que Saïd redeviendra celui qu’il était avant de connaître ce groupe armé. Mais la visite de Célia a chassé l’espoir. Saïd s’est impliqué davantage dans les actions terroristes.
Nadia regrette d’être partie. S’il n’envoie pas Célia, comme prévu, pour récupérer les bijoux et l’argent et qu’il se rende chez elle, qui sait quelle réaction il aura en ne la trouvant pas.
- Je n’aurais pas dû, se dit-elle. Et s’il décide de venir les voler et qu’il tombe sur sa belle-mère ?
Même avec une cagoule sur la tête, même avec une arme à la main, il ne l’impressionnera pas. Nadia la connaît trop bien. Elle se mettra à crier, elle se défendra comme elle pourra. Elle ne se laissera pas faire.
- Et si cela finit mal ? se demande-t-elle. Comment pourrais-je vivre avec ça sur la conscience ?
Sa conscience la tient éveillée jusqu’au matin. Lorsque Omar ouvre les yeux, il la voit regarder par la fenêtre. Elle s’est habillée. Elle est prête à repartir. Il ne comprend pas pourquoi. Il remarque sa pâleur, ses yeux rouges à force d’avoir pleuré. Il croit que c’est de sa faute si elle a passé une mauvaise nuit. Il le regrette et tente de la ramener à de meilleurs sentiments, à coups de baisers et de promesses.
- Vous viendrez vivre ici. Je ne t’en veux pas. Je comprends que tu ne puisses pas dénoncer ton frère, lui dit-il. On fera avec… On gardera nos distances. S’il le faut, on ne retournera plus à Alger !
- Oui, mais c’est trop tard !
- Mais non, il n’est pas trop tard, tente-t-il de la rassurer. Je te le jure ! Tu verras, tu seras très heureuse ici !
Nadia se sent à bout. S’il continue à lui parler ainsi, elle allait tout lui raconter. Et elle ne veut pas.
Elle prend son sac et part comme une voleuse, refusant de le laisser voir la vérité. Omar, de son côté, pense qu’elle regrette d’avoir confié Aziza à sa mère qui n’a plus l’âge de s’occuper d’un enfant de cet âge.
Il ne cherche pas à la retenir. Nadia part en taxi, n’en pouvant plus d’attendre le prochain train.
Durant tout le voyage, elle prie pour qu’il ne soit rien arrivé durant la nuit. Elle ne se le pardonnerait jamais.
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26 avril 2012 à 22:03
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Pendant ce temps à Alger, Hadja Tassadit est réveillée par un bruit. Elle se redresse et descend du lit. Ces premiers pas l’amènent à la fenêtre. Les volets sont restés ouverts et la vieille peut voir qu’il fait encore nuit. Dehors, dans la ruelle, il n’y a pas un chat.
Ne voulant pas retourner au lit sans savoir ce qui a pu provoquer le bruit, elle va dans la chambre de sa petite fille. Celle-ci dort à poings fermés, un doux sourire aux lèvres. Hadja Tassadit ne peut s’empêcher de lui caresser la joue avant de sortir sans bruit de la pièce, tirant doucement la porte derrière elle, sans la fermer.
Elle se rend ensuite dans la salle de bains où elle se sert un verre d’eau. Elle le boit lentement, pensant au bruit qui l’a réveillée. Elle rince le verre et le pose sur le séchoir. Elle fait le tour de chaque pièce avant d’aller vérifier que la porte d’entrée est bien fermée. Elle se souvient l’avoir fermée. La dernière vérification la rassure. Elle retourne dans la chambre d’amis et se met au lit.
Elle ne tarde pas à se rendormir. Il y a de nouveau de petits bruits mais elle ne se lève pas. Elle pense qu’ils proviennent d’un des appartements voisins.
Elle n’a pas de souci à se faire. Le voisin est sûrement en train de se préparer à se rendre à son travail. Il pourrait faire moins de bruit, pense-t-elle en posant un coussin sur l’oreille. Mais les bruits lui parviennent encore.
Hadja Tassadit est complètement réveillée maintenant. Elle allume la lampe de chevet et regarde le réveil. Il n’est que quatre heures.
- Il part travailler si tôt ? remarque-t-elle. Le pauvre…
Comme il fait encore nuit, elle ne se lève pas. Elle allume la télévision et cherche un programme qui lui plaît. Elle garde le volume baissé pour ne pas réveiller Aziza qui dort dans la pièce d’à côté.
Le film qui vient de commencer accapare toute son attention.
Il y a encore du bruit mais cela ne semble pas la gêner. La vieille femme continue de regarder le film pendant un moment. Il faut que le bruit de verre cassé lui parvienne pour qu’elle se lève. Le bruit ne provient pas de chez les voisins mais bien de la pièce d’à côté.
- Aziza ? Tu t’es réveillée ? Où es-tu ma petite ?
Elle croit que Aziza s’est levée pour se rendre aux toilettes ou à la cuisine pour boire. C’est ce qu’elle pense en se rendant à ces deux endroits mais elle ne trouve personne. Elle va ensuite à la chambre de sa petite fille et elle est surprise de la trouver endormie.
- Ce n’est pas possible, murmure-t-elle en s’arrêtant dans le couloir. Je n’ai pas imaginé le bruit… Non, pas cette fois.
La vieille femme décide de faire le tour des autres pièces pour s’assurer qu’il n’y a aucun intrus. Elle va regarder de plus près la porte d’entrée et pousse un cri en la trouvant ouverte. Elle voit une ombre se faufiler dans l’escalier. Elle ferme la porte, la claquant brutalement, sous l’effet de la peur. Elle ferme à clef et s’adosse à la porte, convaincue d’être à l’abri.
- Célia, qu’est-ce qui t’a prise ?
Hadja Tassadit crie en voyant l’ombre avancer vers elle. Elle a le réflexe d’allumer. à la lumière du vestibule, l’homme encagoulé se rend compte que ce n’est pas sa complice et tente de sortir, en poussant la vieille. Mais celle-ci a vite oublié sa peur. Il ne l’impressionne pas.
Elle s’agrippe à son bras et tente de lui enlever la cagoule. L’intrus se débat, voulant se débarrasser d’elle, mais elle s’accroche à lui.
Mais quand elle le voit sortir un couteau, elle prend conscience que ce serait de la folie d’insister et elle lâche prise.
- Pousse-toi ! lui crie-t-il.
La vieille s’exécute. Toutefois elle profite de l’instant où il ouvre la porte fermée à clef pour saisir la lampe posée sur la commande du vestibule. Elle lui assène un coup, voulant l’assommer mais il s’est retourné et reçoit le coup à l’épaule. Il a un cri de douleur et lâche son couteau. Hadja Tassadit voulait le prendre mais elle craignit que son complice ne revienne pour lui prêter main-forte. Elle recule et le regarde sortir, sans avoir récupéré son arme blanche.
Elle les entend dévaler les escaliers et sachant qu’elle ne risque plus rien, elle va regarder par la fenêtre. Là, elle voit une Golf démarrer. Et au volant, un visage qui ne lui est pas étranger…
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26 avril 2012 à 22:39
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Hadja Tassadit ferme les yeux, pendant deux secondes, voulant se convaincre que c’est un cauchemar. Mais quand elle les ouvre, la peur fait toujours battre son cœur. Eu surtout, elle revoit le visage du voleur. Il s’est mis à l’abri et ne s’est certainement pas imaginé qu’elle allait regarder par la fenêtre.
- Non, ce ne peut pas être lui, se dit-elle. Il ne viendrait pas voler sa sœur !
Elle se rappelle que la porte de la chambre de son fils est fermée et elle veut s’assurer qu’il n’a pas eu le temps de les voler. Elle pousse un cri de déception en la trouvant ouverte. Les tiroirs de la commode ont été ouverts. La boîte à bijoux a le cadenas brisé. Elle se penche et la prend. Celle-ci est vide.
- Mon Dieu ! Il a tout pris…
Au pied de la commode, elle ramasse quelques billets. Ils ont glissé par terre. La vieille n’en revient pas.
- Ce n’est pas vrai… Pourquoi garder ses économies à la maison alors qu’il y a des banques ? s’écrie-t-elle. Les économies de mon fils ont été volées alors que j’étais ici pour garder la maison. Qu’est-ce que je vais faire ?
Elle pense téléphoner à la police mais elle raccroche. Que va-t-elle leur dire ? Qu’elle croit avoir vu un membre de sa belle-famille ? Elle connaît Saïd et croit qu’il s’agit de lui. Elle l’aurait reconnu entre mille. En pensant à ce qu’il vient de se passer, elle en conclut ne pas faire d’erreur. Un voleur aurait fracassé la serrure de la porte d’entrée. Il aurait eu des difficultés à se débrouiller la clef. Il n’aurait pas su où trouver la boîte à bijoux et les économies. C’est un habitué des lieux.
Ça ne peut être que Saïd.
Hadja Tassadit se rappelle les recommandations de sa belle-fille lorsqu’elle lui a demandé de ne recevoir personne et même de ne pas répondre au téléphone. S’est-elle doutée de quelque chose ? La belle-mère pense que Nadia ne lui a pas tout dit.
- D’ailleurs, pourquoi tout cela s’est-il passé cette nuit durant son absence ? Pourquoi n’a-t-elle pas été volée avant ? Ou… Non, ce n’est pas possible ! murmure-t-elle. Se seraient-ils entendus pour voler mon fils ? Peut-être est-elle en froid avec lui et que ce soi-disant vol est pour le punir ?
Pour en avoir le cœur net, elle appelle à Constantine, à l’hôtel où Omar est censé résider.
Le réceptionniste lui répond qu’il n’a pas passé la nuit à l’hôtel. Aux yeux de la vieille mère, son fils est parti en mission. Il est victime du plan diabolique de sa femme. Cette belle-fille qu’elle n’a jamais aimée et qui lui a pris l’être cher. Elle ne le lui pardonnera jamais.
Et ce coup-là, encore plus. Elle décide d’appeler la police et leur donne l’adresse.
Ces derniers doivent arriver d’une minute à l’autre.
Elle ne touche à rien. En y réfléchissant, elle se dit avoir pris la bonne décision. Il est un peu plus de cinq heures lorsqu’ils arrivent. L’un des policiers fait son interrogatoire. Elle lui raconte comment elle a été réveillée et comment elle est tombée sur les deux voleurs.
- Avez-vous vu leurs visages ?
- Je n’ai pas vu celui de la femme, répond-elle. mais celui de l’homme, oui ! Je pourrais même vous le décrire…
Pendant ce temps, un autre interroge les voisins. Ces derniers ont été tirés de leur sommeil par cette dernière.
- Pourquoi n’êtes-vous pas venus à son secours ? Elle aurait pu mourir. Pourquoi n’êtes-vous pas sortis voir ce qui se passe ?
Un homme d’âge mûr hausse les épaules.
Le regard baissé, il répond à voix basse :
- Je ne pouvais pas savoir ce qui se passait… Si j’avais su que c’étaient des voleurs, peut-être que j’aurais eu le courage de les affronter ? Mais si c’étaient des terroristes ? Qu’est-ce que j’aurais fait ? les interroge-t-il. Je ne peux pas leur tenir tête les mains nues !
- Mais rien ne prouve que c’étaient des terroristes, réplique le policier. Et même s’ils étaient armés ?La vieille Hadja Tassadit lâche un profond soupir qui ne tombe pas dans les oreilles d’un sourd. Elle en sait plus qu’elle n’en a dit…
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26 avril 2012 à 22:39
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-El Hadja, l’homme que vous avez vu, est-ce que vous le connaissez ?
- Oui, il me semble, répond la vieille aux policiers. Si mes yeux ne m’ont pas trompés, c’est le frère de ma belle-fille … Il a des yeux bleus … Ils sont si bleus qu’on ne peut les oublier !
- Il ne s’entend pas avec vous ? Vous êtes en mauvais termes avec lui ? Avec sa sœur ?
- Mais non … Je ne suis pas chez moi, leur apprend-elle. je suis chez mon fils !
- Où est votre belle-fille ?
- Elle est en déplacement à Constantine … Mon fils y est allé en mission !
- Sont-ils au courant ?
- Non, mais ils vont certainement appeler, dit-elle. pour avoir des nouvelles de leur fille !
- Où est-elle ?
La grand-mère les mène à la chambre. L’enfant dort profondément. Ils referment la porte doucement pour ne pas la réveiller.
- S’il n’y a pas eu effraction, c’est qu’il devait avoir le double des clefs, conclut l’un des policiers. C’est fort possible que ce soit lui … Où habite-t-il ?
- À Belcourt, répond-elle.
- Avez-vous son adresse ?
- Non, mais je sais m’y rendre, dit-elle. Je pourrais vous y emmener plus tard, propose-t-elle. Quand Aziza sera à l’école !
- À votre avis, que contenait la boîte à bijoux ?
Hadja Tassadite secoue la tête. Elle ignore si sa belle-fille y a rangé ses bijoux ou ses économies. Elle ne l’a pas mise dans la confidence. En fait, elle ne le leur dit pas mais elles ne se sont jamais entendues. En venant lui garder l’appartement, chose qu’elle n’a pas fait de bon cœur, elle a voulu se rapprocher de son fils. Elle sait qu’il lui en aurait voulu de refuser ce service à sa femme. Il aurait eu la preuve qu’elle ne veut faire aucun effort.
- Je n’aurais pas dû venir, dit-elle. Si j’étais restée chez moi, rien de tout cela ne serait arrivé !
- Mais vous n’y êtes pour rien, la réconforte le policier. Vous ne pouvez pas savoir qu’un voleur avait l’intention de mettre la main sur les biens de votre fils … Nous allons vous laisser vous remettre de vos émotions … Je vous verrai plus tard !
- Ne me dites pas que votre enquête est finie, s’écrie-t-elle.
- Ne vous en faites pas, la rassure le policier. Nous reviendrons plus tard. Nous allons la poursuivre jusqu’à ce que nous découvrions qui est l’auteur du vol … Si c’est le frère de votre belle- fille ou quelqu’un d’autre ?
- Qui voulez vous que ce soit d’autre, rétorque-t-elle.
- L’enquête n’est pas finie …
Quand les agents de la police judiciaire sont partis, elle réveille sa petite fille. Aziza semble déçue et triste. Hadja Tassadite la prend dans ses bras et la berce un peu. Elle devine que ses parents lui manquent.
- Maman revient quand ?
- Je l’ignore … Pourquoi ? Tu ne te plais pas avec moi, lui demande sa grand-mère, très peinée.
- Je n’ai pas l’habitude, répond l’enfant. Avant, c’était mon oncle Saïd qui me gardait.
- Il a vécu ici, l’interroge Hadja Tassadite.
- Oui, il a été très gentil avec moi … Je l’adore … lui confie Aziza. Tu vas m’accompagner à l’école ?
- Oui … Je vais te préparer ton petit déjeuner pendant que tu fais ta toilette, lui dit-elle en l’y emmenant. Tu peux le faire toute seule ?
Aziza lui assure que oui. Tout en préparant le petit déjeuner, elle pense à ce qu’elle vient d’apprendre et ne se fait plus aucun doute. S’il a vécu ici, il a eu le temps de se faire le double des clefs. Si, au début, elle cru que sa belle-fille puisse avoir été son complice, elle n’y croit pas. Nadia a été bernée par son frère. Elle est en train de verser du lait chaud dans le bol d’Aziza, quand le téléphone sonne. Elle se presse d’aller répondre, espérant que ce soit son fils. Mais c’est Nadia. Hadja Tassadite se demande quoi lui répondre quand elle lui demande si elles ont passée une bonne nuit. Comment lui apprendre la nouvelle ? Malgré la tension qui a toujours existé entre elles, elle n’a pas pu le lui dire. Elle n’en a pas le courage.
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26 avril 2012 à 22:40
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Hadja Tassadit n’a pas la conscience tranquille. Depuis qu’elle a parlé à sa belle-fille, elle ne se sent pas bien. Après qu’elle eut emmené sa petite-fille à l’école, elle est rentrée, fatiguée et très inquiète. Les voisins qu’elle croise tentent de la réconforter. Ils remercient Dieu.
- Vous auriez pu mourir. S’il avait été armé, il n’aurait pas hésité à s’en servir, lui dit un voisin. Comme ça, il serait parti tranquille… En vous laissant vivante, il a pris le risque d’être reconnu un jour ! Vous avez pu le leur décrire ?
- Oui.
- Vous l’aviez déjà vu ? veut savoir le voisin.
- Non.
La vieille regrette maintenant d’avoir dénoncé le frère de sa belle-fille. Elle a agi sans réfléchir.
Elle aurait dû attendre que sa belle-fille soit rentrée pour lui apprendre que son frère n’a pas hésité à les voler en leur absence. Si pendant un moment, elle a pensé que sa belle-fille était son complice, elle ne le croit plus.
Le cœur serré, elle se demande comment Saïd en est arrivé à voler. Si c’est l’unique fois ou s’il a fait du vol son activité nocturne en ces temps dangereux.
Et s’il activait avec des terroristes ? Ces derniers vont certainement se venger… Ils savent qui il a volé, et s’il est démasqué ils sauront qui l’a décrit à la police ! Hadja Tassadit le regrette. Quand elle pense qu’ils peuvent s’en prendre à eux, en guise de représailles. Par sa faute, son fils ne serait plus jamais en sécurité. Quant à sa famille, il faudra qu’elle quitte la région. Tout ça par sa faute !
Elle se sent si mal qu’elle finit par s’étendre sur le canapé. La présence des voisines la réconforte un peu. En fait, elle se sent mieux quand elle n’y pense pas, mais ce sont de brefs moments. Il suffit qu’il n’y ait du silence pour entendre sa conscience lui rappeler son erreur. Lorsque les voisines partent et qu’elle se retrouve seule, elle se rend compte de l’heure avancée.
Il est presque midi. Aziza doit rentrer déjeuner. Mais la grand-mère est incapable de se lever. Quant à préparer à manger, c’est impensable. Aziza devra se contenter des restes de la veille. Pour ce qui est de sa propre personne, elle ne peut rien avaler tant sa gorge et son estomac sont noués par l’inquiétude et les remords.
Depuis qu’elle en a, elle en est malade. Omar allait lui en vouloir de ne pas avoir pu tenir sa langue.
Elle a l’impression d’étouffer. Elle se lève et ouvre les fenêtres mais elle a encore l’impression que l’air qu’elle respire ne parvient pas à ses poumons. Elle va à la salle de bains avec l’intention de se rafraîchir le visage. Mais elle est prise de vertiges en se baissant. Elle tombe à genoux et s’accroche au bord de la baignoire.
- Yemma ! Yemma…
Hadja Tassadit manque de s’évanouir en reconnaissant la voix de sa belle-fille. Nadia qui cherche dans l’appartement entend son cri et court à la salle de bains.
- Mon Dieu ! Mais qu’est-ce que tu as ?
- J’ai eu un vertige, répond Hadja Tassadit.
- Accroche-toi à moi, je vais t’aider à te lever !
Elle la conduit au salon et l’aide à s’installer sur le canapé.
- Tu te sens mieux, lui demande-t-elle tout en se débarrassant de sa veste.
- Oui… Mais toi ? Qu’est-ce que tu fais là ? l’interroge la belle-mère. Tu n’étais pas avec Omar ?
- Si mais j’ai dû rentrer. Je n’étais pas tranquille, lui confie-t-elle. Je crois qu’on frappe à la porte, je vais ouvrir…
Quand elle découvre des voisines, elle se demande pourquoi elles sont ici. Elle n’aura pas à poser la question.
- Mais où étais-tu pendant que ta belle-mère se faisait voler et agresser, lui reproche l’une d’elles. Tu n’aurais pas dû la laisser seule !
Elles ne peuvent pas le savoir mais toute la nuit, elle n’a pas pu dormir. Elle regrettait d’être partie et de lui avoir demandé de rester chez elle. Elle n’aurait pas dû. Elle a mis leurs vies en danger…
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26 avril 2012 à 22:42
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-Elle a été agressée ? reprend Nadia. Quand ?
- Durant la nuit.
La nouvelle lui coupe le souffle. Nadia regarde ses voisines et leur désigne la porte d’entrée qu’elle n’a pas fermée.
- Je voudrais rester seule, dit-elle. revenez une autre fois !
Les voisines ont l’air choqué quand elles prennent la porte. Nadia la ferme et s’y adosse. Elle n’en revient pas. Son frère n’a pas attendu pour passer à l’acte. Pourquoi avoir précipité les choses ?
Il lui a donné un délai de deux jours pour lui réunir ses économies et ses bijoux. En agissant ainsi, il ne lui a laissé aucune chance de rentrer avant.
D’ailleurs, elle n’aurait jamais dû partir à Constantine alors qu’elle sait qu’il attend d’elle qu’elle lui remette tout. Elle a mis deux vies en danger. Sa belle-mère aurait pu en mourir, elle a tenu tête au voleur. Nadia n’en est pas étonnée. Sa belle mère a fait la guerre de Libération. Ce n’est pas un voleur qui allait l’impressionner. Nadia l’imagine bien se défendre comme elle le peut.
La jeune femme se traîne jusqu’au salon et s’assoie en face d’elle.
- Ils étaient combien ?
- Deux, répond Hadja Tassadite. J’ai appelé la police et leur ai décrit le jeune homme … Il ressemblait à ton frère.
- Il n’est pas venu à visage découvert ? l’interroge Nadia.
- En parlant il a enlevé sa cagoule. Il est monté dans une Golf. Ses yeux bleus, je les aurais reconnus même dans l’obscurité …Il en émane de la lumière !
- Ils sont à sa recherche, alors, en déduit Nadia en pleurant. Pourquoi leur avoir dit ? Tu ne m’aimes pas à ce point ?
- Je te jure que je ne voulais pas te faire souffrir à travers ton frère, lui dit sa belle-mère. Si je suis malade, ce n’est pas par la frayeur mais parce que je regrette de l’avoir dénoncé. J’ai peur pour vous, pour mon fils. J’aurais dû réfléchir avant d’appeler la police !
- Oui, à quelle heure sont-ils venus … voler?, précise la jeune femme.
- Il était un peu plus de quatre heures, je croyais que les bruits venaient de l’appartement des voisins … Finalement, tout cela se passait ici. Je crois qu’il a pris les bijoux et tes économies, lui apprend-elle. Combien avais-tu ?lui demande sa belle mère. Est-ce que tu étais au courant ?
- Non, qu’est ce que je vais faire maintenant ?
Elle n’aura plus le temps de se poser la question. Des voisines et des gens du quartier sont venus pour avoir des nouvelles. La rumeur a vite fait le tour du quartier mais comme personne ne sait qui les a volés, tous se recommandent la prudence.
- S’il le faut, disent les hommes les plus âgés, on fera le guet chaque soir … à tour de rôle … mais dis-nous, où est ton mari ?
- Il est en mission, répond Nadia.
- Et ton frère … Est-ce qu’il pourra venir assurer votre sécurité? lui demande-t-on.
- Hélas, ment-elle, il est gardien de nuit dans un entrepôt … Mais je ne me fais plus de souci, maintenant qu’ils nous ont tout pris, ils ne reviendront pas de sitôt !
- Oui mais on ne sait jamais, pour les autres !
Alors que tous laissent parler leurs cœurs, révélant leur forte inquiétude, Nadia pense aux conséquences de l’acte de sa belle-mère. Celle-ci n’est pas au courant qu’il active dans un groupe armé. Son signalement allait être distribué à toute la police. Un jour ou l’autre, il se fera arrêter. Saïd allait sûrement penser qu’elle l’a trahie, qu’elle s’est servie de sa belle-mère pour se couvrir.
- Vous allez faire votre déposition quand ?
- Dès que j’irais mieux, répond Hadja Tassadite qui n’en a pas l’intention. J’ai l’impression de vivre un cauchemar depuis !
Nadia a le sentiment que le sien ne fait que commencer. Et que son cauchemar, rien ne pourra y mettre fin !
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26 avril 2012 à 22:44
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-Il faut que j’aille voir Ghania. Si la police débarque à la maison, elle fera une attaque cardiaque !
- Tu veux que je t’accompagne ? propose la belle-mère. Je lui parlerais. Je lui expliquerais. Wallah que je ne voulais pas vous faire de mal ! Je sais combien vous tenez à lui !
- En effet, mais tu n’as rien à te reprocher ! Il n’aurait pas dû se mettre dans ce guêpier !
Nadia prend son sac à main et se dirige vers la porte d’entrée. La main sur la poignée, elle se tourne vers sa belle-mère qui renifle.
- Arrête de pleurer, tu vas finir par être malade, lui dit-elle. Le seul qui devrait avoir des remords, c’est lui !
- Tu iras chercher Aziza ?
- Oui. À plus tard…
Nadia part, fermant la porte derrière elle. Elle arrête un taxi et se rend à Belcourt. Sa sœur Ghania est surprise de la voir. Elle devine, à son visage pâle, que la situation s’est empirée.
- Qu’est-il arrivé ? Qu’est-ce qu’il a fait ?
Nadia secoue la tête.
- Tu ne me croiras pas ! Hier soir, il m’a cambriolée…
- Oh non ! Je te l’avais dit, il est capable du pire !
- Oui, je le sais, soupire Nadia. Mais il est tombé sur ma belle-mère et elle l’a reconnu !
Ghania porte ses mains à la tête.
- Non ! Est-ce qu’il lui a fait du mal ?
- Non mais elle a appelé la police. Elle leur a parlé de lui, lâche Nadia d’un coup. Elle le leur a décrit ! À cette heure-ci, ils doivent le chercher…Il se peut même que la police vienne ici !
Ghania s’emporte.
- Elle n’a pas perdu son temps…L’occasion rêvée de se venger ! Ya rebi… âlech ? Âlech ! Les malheurs ne finissent pas de s’abattre sur notre famille !
- Il n’aurait pas dû ! Tout ce qu’il fait est mal et on le sait !
Ghania, furieuse, se met à insulter el-hadja Tassadite de tous les noms d’oiseaux qui lui passent par la tête.
- Arrête ! tu exagères ! Elle ne voulait pas se venger et nous faire du mal, la défend Nadia. Je sais qu’on ne s’apprécie pas. Elle ne se servirait pas de Saïd, pour m’atteindre ! Tu ne peux pas t’imaginer dans quel état je l’ai laissée ! Elle regrette d’avoir parlé !
- C’est ça ! Le mal est fait ! Notre unique frère va se retrouver en prison alors qu’il aurait pu être sauvé !
- C’est lui qui s’est mis dans cette situation !
- Lui ou pas, elle n’aurait pas dû le dénoncer à la police ! La vieille peau ! Elle le payera un jour ! s’écrie Ghania. S’en prendre à un gamin ! Elle n’a pas honte !
Nadia regarde sa montre et porte la main, au front. Elle a complètement oublié.
- Il faut que j’y aille ! Si la police vient, appelle-moi ! Si Saïd vient, appelle- moi ! On doit le convaincre de se rendre à la police ! Il sera poursuivi pour vol ! Je ne voudrais pas qu’on lui colle des meurtres sur le dos ! J’ignore comment il a fait pour se retrouver impliqué dans les activités de ce groupe, mais je sais une chose : il n’a jamais eu le fond mauvais !
- Va dire ça à la vieille chouette !
Nadia ne tarde pas. Elle embrasse et serre sa sœur dans ses bras, avant de partir chercher sa fille à l’école. Le taxi qu’elle a pris la dépose loin de l’établissement. Elle règle la course et continue à pied. Elle se presse, ne voulant pas qu’Aziza se retrouve seule. Arrivée aux alentours, elle regarde parmi les parents venus attendre leurs enfants. Il lui semble être observée. En se tournant, elle aperçoit son frère. Elle se demande depuis quand il la suit. Elle s’arrête pour lui permettre de la rejoindre. Ils doivent se parler…
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26 avril 2012 à 22:47
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-Qu’est-ce que tu fais ici ? s’écrie-t-elle en regardant autour d’elle, pour s’assurer qu’il n’y a pas de policiers. Tu prends un gros risque en venant ici !
- Je t’ai suivie depuis la maison. Vous avez eu de la visite tout à l’heure. Qu’est-ce qu’ils sont venus faire ? l’interroge Saïd en baissant la casquette qu’il porte sur ses yeux bleus. Ils ont trouvé quelque chose ?
- Non, ils n’ont pas fouillé… Ils sont passés voir… Où étais-tu hier soir ? était-ce toi hier soir ou un de tes frères ?
- Oui.
- Oui, quoi ? reprend-elle. C’était toi ou quelqu’un d’autre ?
- Moi, pourquoi ? Ta belle-mère ne m’a pas reconnu, j’espère ?
- Si, elle leur a donné ton signalement, lui apprend-elle. à cette heure-ci, ils doivent te rechercher. Comme un voleur.
- Ils ne savent pas ?
- Non, le rassure-t-elle. Mais si tu poursuis tes activités nocturnes, un jour ou l’autre, même si tu n’auras pas tué, s’ils mettent la main sur toi, tu seras aux yeux de la loi un criminel !
- J’ai fait mon choix… Mais dis-moi, où étais-tu hier soir ?
- Ailleurs qu’à Alger… Tu n’aurais pas dû aller chez moi, lui reproche-t-elle. Tu m’avais donné deux jours… Pourquoi avoir précipité les choses ?
- On ne m’a pas laissé le choix, répond Saïd. Je pensais tomber sur toi… Toi, tu ne m’aurais pas dénoncé !
- Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
- Je vais disparaître de la circulation, je n’ai pas le choix !
- Si tu n’as pas tué, tu n’as rien à craindre ! Tu feras juste quelques mois de prison s’il y a eu d’autres plaintes… Quant à ma belle-mère, elle ne portera pas plainte. Quand elle ira au commissariat, elle dira qu’elle s’être trompée… Peut-être même que tu pourras te trouver un alibi en béton ? émet-elle. C’est possible et cela te blanchira !
- Je n’en suis pas à mon premier vol… Et puis, j’ignore si mes victimes ont gardé souvenir de moi, dit Saïd. Je ne prendrai pas le risque de me rendre… Prends bien soin de toi… Adieu !
- Saïd, non… Pas d’adieu… Pourquoi croire qu’il n’y a pas d’autre solution ?
Pour toute réponse, il la prend dans ses bras et la serre très fort contre son lui. Nadia tente de s’accrocher à lui mais il se détache rapidement d’elle et se fond parmi les passants.
Nadia se sent comme amputée. Elle s’accroche au portail et s’y appuie. Elle a le cœur prêt à exploser de douleur.
- J’étouffe…
Nadia déboutonne deux boutons de sa chemise mais la sensation ne part pas.
- Mon Dieu, faites qu’elle sorte vite…
Elle soupire de soulagement quand la sonnerie retentit. Les premiers élèves commencent à sortir de classe dans un concert de rires et de cris. Nadia tente de reconnaître parmi les frimousses qui défilent celle de sa fille, mais elle traîne encore les pieds. Une de ses voisines s’est dirigée vers elle en la voyant.
- Comment vas-tu Nadia ?
- Je ne me sens pas bien, répond-elle. Ce doit être dû au voyage, après ce qui s’est passé hier soir… C’est horrible… Je n’arrive pas à me faire à l’idée que ma belle-mère et ma fille auraient pu mourir. Ce voleur aurait pu s’en prendre à elles !
- Oui, elles ont eu beaucoup de chance. Je crois qu’elle a pu le voir… L’a-t-elle décrit à la police ? veut savoir la voisine.
- Elle ne l’a pas bien reconnu, dit Nadia. Il faisait sombre !
- Je croyais que…
Nadia a un geste las, elle devait interrompre cette discussion qui la met mal à l’aise, en allant vers sa fille. Elle la prend dans ses bras et part, ne se tournant pas vers sa voisine. Nadia n’a qu’une envie, s’éloigner des curieux. Ces derniers ne s’en rendent pas compte, mais répondre aux questions est comme un moment de torture…
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26 avril 2012 à 22:48
…………………………………………35………………………………………………..
-Tu as tardé, lui fait remarquer sa belle-mère quand elles rentrent. Viens ici ma chérie ! dit-elle à l’intention de sa petite fille Aziza. Tu as bien travaillé aujourd’hui ?
- Oui.
- Va te laver les mains. Je vais te préparer ton goûter… Yemma, est-ce que tu veux un café ? propose-t-elle à sa belle-mère. Ou une tasse de lait ?
- Je veux bien une tasse de lait, soupire Hadja Tassadit. Au fait, Omar a appelé, j’ai dû le mettre au courant !
- Il l’aurait appris tôt ou tard, dit Nadia. A-t-il dit s’il rentrera ?
- Il va essayer… Mais ce n’est pas sûr.
Nadia s’en va préparer le goûter et bien qu’elle n’ait rien pris de toute la journée, elle n’a pas faim, aucune envie de croquer un fruit même si les gâteaux choisis par sa fille semblent délicieux. Elle sert sa belle-mère dans le salon et ne reste pas lui tenir compagnie.
Elle prend le téléphone et va dans sa chambre. Elle a pensé appeler sa sœur Malika pour la mettre au courant, mais quand elle voit les tiroirs tirés et la boîte à bijoux vide, elle s’assoie sur le lit et se dit qu’elle a été folle de partir.
- Je n’aurais jamais dû partir, pense-t-elle. Voilà où mon coup de tête a mené la famille… Mon pauvre frère, il est perdu, par ma faute.
Nadia pleure sans s’en rendre compte. Prise d’un nouveau vertige, elle s’étend sur le lit. Elle est dépassée par la situation et la peine qu’elle ressent à chaque fois qu’elle pense à son frère.
Elle s’assoupit pendant un moment. Elle a oublié de contacter sa sœur Malika.
Quand le téléphone sonne, elle sursaute et manque de tomber du lit en le cherchant.
Elle l’a laissé sur la coiffeuse, près de la boîte à bijoux. Elle prend tout son temps pour décrocher.
- Enfin ! entend-elle. Mais qu’est-ce que tu faisais pour ne pas répondre tout de suite ?
- Je dormais…
Le rire sans joie de son mari l’énerve.
- Tu as le cœur à dormir avec tout ce qui s’est passé hier soir, lui dit-il. C’est bien d’avoir la conscience tranquille, poursuit Omar.
Grâce à toi, ton frère s’en sort… Par ta faute, ma mère aurait pu être tuée ! As-tu seulement une conscience ?
- Mais bien sûr que j’en ai une ! Comment peux-tu en douter ? à t’entendre, j’étais au courant de ses moindres faits et gestes ! rétorque-t-elle. Si mon frère m’avait dit qu’il allait me rendre visite, tu peux être sûr que je serais restée pour l’accueillir !
- Je ne te crois pas Nadia… Si tu es partie à l’aube ce matin, c’est parce que tu savais qu’il allait se passer quelque chose ! insiste son mari. Seulement tu ignorais quand !
- Non, tu te trompes !
- Je rentre dès demain et, lui apprend-il, très décidé, je t’emmènerai porter plainte ! Et tant pis pour ton frère !
- Mais elle n’a pas vu mon frère ! crie Nadia, furieuse. Ils étaient deux et il faisait encore nuit… ç’aurait pu être n’importe qui !
- ç’aurait pu, reprend Omar. Mais maman ne m’a rien caché… Elle m’a dit l’avoir reconnu et qu’elle ne veut pas te faire de la peine. Elle ne veut plus porter plainte… Mais moi, j’insiste ! Il ira en prison.
- Il ne l’a pas volée et, surtout, il ne l’a pas agressée, le défend Nadia. Il ne lui a rien fait. Pourquoi t’acharnes-tu à vouloir l’envoyer en prison ?
- Tu sembles oublier tout ce qu’il fait endurer à sa famille, à nous, aux autres, réplique Omar. Par sa faute, je suis contraint à vivre loin de chez moi !
- Je te rappelle, lui dit sa femme, que pendant des mois, ta passion t’a retenu loin de nous. Grâce à mon frère, c’est toi qui as la conscience tranquille…
Tu peux rester à Constantine, on saura quoi faire sans toi ! Nadia coupe la communication et laissa le téléphone décroché.
Elle se dit qu’il allait rappeler et elle ne veut pas l’entendre. Omar est décidé. Elle le connaît assez pour savoir qu’il va venir et faire ce qu’il veut pour mettre fin aux agissements de son frère. Elle ne pourra pas le retenir…
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26 avril 2012 à 22:50
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Hadja Tassadit qui la crut endormie ne la dérangera pas. C’est elle qui prépare le dîner et qui s’occupe de Aziza. Nadia, pendant ce temps, tente de réfléchir à la situation. Comment convaincre son mari de ne pas se mêler du problème ? Pourquoi tient-il à enfoncer son frère ? Pourquoi refuse-t-il de l’écouter et de leur épargner d’autres souffrances ?
Tout à l’heure, quand son frère lui a fait ses adieux, elle a senti qu’une partie d’elle-même a été amputée. Elle a eu si mal qu’elle a été étourdie. Comme maintenant. Nadia tente de se redresser mais une fois assise, même quand elle ne bouge pas, tout tourne autour d’elle au point d’en avoir mal au cœur.
Elle se laisse aller sur le coussin et ferme les yeux pour que la ronde folle des meubles prenne fin. Lorsqu’on frappe à la porte de sa chambre, elle voudrait répondre mais aucun son ne sort de sa bouche.
- Nadia ? Nadia ?
Sa belle-mère, inquiète, entre dans la chambre et s’approche d’elle. La pièce était plongée dans l’obscurité, elle allume la veilleuse et ainsi elle peut voir son visage pâle.
- Nadia, tu ne te sens pas bien ?
Cette dernière peut seulement acquiescer de la tête. Hadja Tassadit s’assoit sur le bord du lit et prend sa main.
- Tu as de la peine pour ton frère, lui dit-elle. Je comprends… Si cela peut te rassurer, tu as ma parole, je n’irai pas porter plainte, et si la police revient, lui promet-elle, je lui donnerai une autre description.
- C’est vrai ? parvient à souffler Nadia, les yeux pleins de larmes.
- Tu as ma parole… Le dîner est prêt, lui dit-elle. Tu veux que je te l’apporte ici ?
- Non, non.
Nadia ne peut rien avaler. Elle n’a même pas la force d’éteindre la veilleuse que laisse sa belle-mère allumée, en quittant la chambre. Mais elle revient vite, avec un calmant et un verre d’eau.
- Cela te fera du bien, lui dit-elle en la forçant à le prendre. C’est bien.
Nadia ne tardera pas à sombrer dans un sommeil sans rêve. Sa belle-mère lui a menti. Elle ne lui a pas donné un calmant mais un somnifère. Elle a voulu l’aider à trouver un peu de repos. Nadia est loin d’éprouver cette sensation le lendemain matin. Elle ne pourra pas quitter le lit et laissera sa belle-mère s’occuper de Aziza et de son foyer.
Elle refusera de recevoir les voisines venues aux nouvelles. Elle ne veut voir personne, elle ne veut pas que sa belle-mère touche aux volets qu’elle s’apprête à ouvrir. Hadja Tassadit fait mine de se fâcher.
- La vie continue, lui dit-elle. Et puis, avec un peu de chance, ton frère ne se fera pas prendre.
- J’ai un mauvais pressentiment, répond Nadia. Quelle heure est-il ?
- Onze heures… Heureusement que tu viens de me parler de l’heure, s’écrit la belle-mère. J’ai promis à Aziza d’aller la chercher… J’y vais tout de suite !
Hadja Tassadit ne tarde pas à partir. Nadia se forcera à se lever et se traînera jusqu’au salon. Prise de vertige, elle s’étend sur le canapé. Elle reste les yeux fermés pendant longtemps.
Elle a perdu la notion du temps. Lorsqu’elle entend la porte d’entrée s’ouvrir, elle croit que c’est sa belle-mère et sa fille qui revient de l’école.
- Aziza ! Viens ma chérie…
- Non ce n’est pas elle.
Nadia se redresse en reconnaissant la voix de son mari. Ainsi, il a tenu parole, il la regarde sans sourire dans les yeux, elle peut lire sa détermination. Elle a de la peine et lui en veut. S’il dénonce son frère, il prend le risque de briser leur mariage. En a-t-il seulement conscience ?
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26 avril 2012 à 22:52
………………………………………37………………………………………………
-Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu me boudes ?
La question de Omar la met hors d’elle. Comment feindre la joie quand elle sait qu’il s’est empressé de rentrer uniquement pour porter plainte contre son frère ?
Nadia est trop faible pour changer de pièce. Elle ne veut pas le voir et encore l’entendre parler de bouder, alors qu’elle a envie de l’étrangler.
- Non, je suis folle de joie à l’idée…
Mais elle ne poursuit pas, elle a envie de crier mais elle n’en pas la force. Omar a deviné où elle veut en venir. Il prend place en face d’elle pour discuter de la question.
- Tu m’en veux parce que je veux mettre fin aux activités de ton frère, n’est-ce-pas ?
- Je ne vois pas pourquoi tu veux porter plainte. Il ne nous a pas volés, et à ta mère il n’a pas touché, répond Nadia. Laisse les autres le faire. S’il ne l’arrêtent pas, il tombera dans les pièges qu’il tend aux autres ! D’autres porteront plainte, pourquoi t’en mêler à tout prix ?
- à tout prix ? reprend son mari. Tu sembles oublier que c’est ma maison et que c’est ma mère qu’il a failli agresser ! Il doit payer pour ça !
- Il ne lui a fait aucun mal, lui rappelle-t-elle. Laisse-le tranquille ! Avec un peu de chance, il arrêtera ! L’échec l’autre nuit lui aura servi de leçon… Omar, je t’en prie !
- Il n’y a pas de prière qui tienne dans ce genre de situation, réplique-t-il. Je suis désolé mais il faut que cela cesse…
Si toutes les familles ne dénoncent pas les terroristes qu’elles ont, cette guerre sans visage ne finira pas !
- Attend que les autres le fassent ! Pourquoi le dénoncer ? Il ne s’en prendra plus à nous… Je te le jure.
- Non, non et non ! insiste Omar. Dès que maman rentrera, je l’emmènerai au commissariat !
- à ton retour, tu ne me trouveras pas ! l’avertit-elle. Puisque tu tiens à souiller le nom de ma famille, sache qu’à l’instant où tu portera plainte, je ne me considérerai plus comme ta femme !
- Cesse de dire des bêtises, lui dit Omar. Il faut voir les choses comme je les vois… Ton frère est un danger pour tous !
- Je le sais, mais ce que je te demande, c’est de ne pas t’en mêler ! Laisse les choses se faire sans toi… le prie-t-elle une dernière fois. Pense à notre famille, à ce qui adviendra d’elle après !
- Ma famille reste ma famille. Je refuse que tu partes, rétorque Omar. Ce n’est pas parce que ton frère est un criminel que tu dois partir. Je ne veux pas porter atteinte à l’honneur de ta famille, je veux seulement dénoncer un terroriste !
- C’est mon frère avant tout ! En tout cas, je t’aurais prévenu, lui dit-elle. Si tu oses le faire, moi je pars !
- Le chantage ne tient pas avec moi !
La discussion est interrompue par l’arrivée du reste de la famille. Hadja Tassadit serre son fils dans ses bras, heureuse de le voir après tout ce temps. Aziza saute dans ses bras, criant de joie.
- Quelle bonne surprise ! Tu m’as manqué papa… Tu vas rester ? lui demande-t-elle.
- Oui… mais je sors un moment avec ta grand-mère !
Nadia, qui s’attend à ce qu’elle propose de déjeuner tout de suite, est surprise de l’entendre accepter de sortir. Omar n’a pas attendu qu’elle enlève sa veste et son foulard. Il l’a prise par le bras, la poussant vers le palier.
- On revient tout de suite, dit-il à Aziza. C’est moi qui t’emmènerai à l’école.
Aziza en fit toute une fête, heureuse d’être accompagnée par son père. Elle l’a toujours adoré. Nadia a le cœur déchiré. Elle sait qu’en partant, elle allait devoir se séparer d’elle. Sa fille n’acceptera jamais d’être séparée de son père de manière définitive.
Et elle, elle refuse de vivre avec celui qui aura été à l’origine de l’emprisonnement de son frère. Omar a fait son choix. Elle aussi.
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26 avril 2012 à 22:55
………………………………………38…………………………………………………….
-PrometS-moi de rester sage, prie Nadia sa petite fille. Ton père ne va pas tarder…
- Mais où vas-tu maman ?
- Chez… à la maison, répond-elle. Ton père sait où me trouver. Promet-moi de faire attention à toi !
- Tu vas revenir maman ? demande Aziza, avec des yeux inquiets. Dis-moi maman ? Pourquoi tu pars ?
- Tu es trop petite pour comprendre… Mais sache que je t’aime ! lui dit Nadia en la prenant dans ses bras. Je t’aime plus que tout !
- Alors reste ! Papa est là. On va enfin être ensemble ! Maman reste ! Ne pars pas !
- Je ne peux pas, mais si tu veux venir avec moi…
Mais sa fille se libère de ses bras et s’éloigne d’elle. Elle refuse de partir avec elle.
- Je veux rester avec toi et papa, lui dit-elle.
- Il faudra choisir !
- Non !
Nadia sait que si elle part, elle ne reviendra pas, et qu’inévitablement, ils ne se laissent pas le choix. Ils divorceront un jour. Elle souffre déjà, et cette douleur est la pire qu’elle ait connue dans toute sa vie. Elle lui rappelle celle qu’elle a ressentie à la brusque mort de ses parents, mais elle est plus profonde.
Ses parents ont fini de souffrir. Si Saïd est arrêté par la police et se fait condamner pour appartenance à un groupe terroriste, il sera emprisonné pour plusieurs années. Surtout s’il est prouvé qu’il a agressé ou tué… L’imaginer dans une cellule, à vie, est la pire des tortures. Il serait mort qu’elle s’y serait faite, mais la prison à vie, jamais.
- Tout ça à cause de lui !
De son mari, précisément. Nadia a déjà réuni quelques affaires et s’apprête à partir. Tout comme sa fille, elle pleure. Elle veut la prendre dans ses bras, la sentir contre son sœur mais sa fille est fâchée.
- Si tu pars, c’est que tu ne m’aimes pas !
- Quand tu seras plus grande, je t’expliquerai, lui promet Nadia avant de partir. Je t’aime ma chérie !
Une fois dehors, elle prend un taxi pour se rendre à Belcourt. Sa sœur Ghania est surprise de la voir avec son sac. Elle fronce les sourcils en la voyant entrer.
- C’est quoi ce sac ? lui demande-t-elle.
- Mes affaires, répond Nadia. Je suis venue passer quelque temps avec toi !
- Et pourquoi ?
- Tu pourrais me laisser souffler, rétorque Nadia en poussant son sac. Je croyais que cela te ferait du bien d’avoir de la compagnie.
Ghania a un sourire désolé et, la prenant par le bras, la conduit au salon. Nadia est à bout et ne peut plus retenir ses larmes.
- Tu te fais du souci pour Saïd ?
- Oui, beaucoup. Est-ce qu’il est rentré ?
- Non… mais j’ai remarqué des jeunes qui regardent souvent vers notre maison, lui confie-t-elle, ce doit être des policiers ou des terroristes… Quand je sors, j’ai toujours l’impression d’être suivie. Mais dis-moi, tu as des nouvelles de ton mari ?
- Il est ici et, figure toi, lui apprend Nadia, qu’il tient à dénoncer Saïd… Je suis furieuse contre lui !
- Ne me dis pas que tu as quitté ton foyer à cause de ça !
- Comment ? rétorque la jeune femme. Ce n’est pas une raison valable ? Il veut envoyer mon frère en prison et tu trouves normal que je reste là-bas ? Si cela avait été quelqu’un d’autre, je n’y aurais vu aucun inconvénient, mais c’est mon frère ! Même morte, je crois que j’aurais eu une réaction ! Quand même, il s’agit de mon frère, l’unique fils de nos parents, lui rappelle-t-elle. Il pourrait lui donner une chance… mais lui, dès qu’il est arrivé de Constantine, il a emmené sa mère au commissariat !
- Qu’en sais-tu ? Peut-être qu’elle a réussi à l’en dissuader. Tu aurais dû attendre son retour, lui reproche Ghania. Peut-être que tu n’aurais pas eu à mettre ton mariage en péril. As-tu seulement pensé à ta fille ?
Nadia ne répond pas. Qu’il y ait péril ou pas, acte regrettable ou pas, elle a tout l’avenir pour y réfléchir. à cet instant, elle ne pense pas à elle, mais à son frère. Dans peu de temps, il n’aura plus d’avenir. Pour la énième fois, elle se demande comment et pourquoi il est devenu un dangereux criminel, lui, l’ange aux yeux bleus. Elle se demande si un jour elle saura…
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26 avril 2012 à 22:57
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Si Ghania a été surprise de voir sa sœur, elle n’est pas étonnée, en ouvrant, de tomber nez à nez sur son beau-frère. Elle l’invite à entrer et le précède dans la cuisine où elle est en train de préparer le dîner.
- Comment vas-tu ? lui demande-t-il.
- Comme une vieille qui voit les êtres qui lui sont chers souffrir et ne pas pouvoir les aider, répond Ghania. La situation me dépasse… J’en souffre autant qu’eux. Mais toi, qu’es-tu venu faire ici ?
Elle sait que s’il est ici, c’est pour chercher Nadia, mais elle veut l’entendre de sa bouche.
- Je suis venu chercher Nadia… Elle est ici, n’est-ce-pas ?
- Oui, mais je doute fort qu’elle accepte de te voir, lui confie Ghania. Elle est très en colère… Pourquoi es-tu allé porter plainte contre Saïd ?
- J’en avais l’intention, lui apprend-il. Mais Yemma a refusé ! C’est difficile à croire et pourtant c’est vrai !
- Vous n’avez pas porté plainte ? Je n’y crois pas, lâche Ghania. Si Nadia est ici, c’est parce qu’elle sait que rien n’aurait pu t’empêcher de le faire !
- Je te jure que je ne l’ai pas dénoncé, insiste Omar. Si elle ne me croit pas, on ira au commissariat… J’y ai des amis, ils lui diront s’il y a plainte contre lui ou pas !
Ghania ignore pourquoi mais elle le croit. Elle va de ce pas mettre sa sœur au courant, Nadia n’y croit pas.
- Non, il était décidé… Rien n’aurait pu le retenir. Je l’ai menacé de quitter notre foyer et cela l’a laissé indifférent. Crois-tu que si j’avais eu un tout petit espoir, j’aurais quitté Aziza ? Non, mais il ne m’a laissé ni l’espoir ni le choix.
- Et toi, crois-tu que s’il l’avait dénoncé qu’il serait ici ? rétorque Ghania. Je ne le crois pas… Viens, la prie-t-elle. Tu vas retourner chez toi, auprès de ta fille !
- Oui, tu dois revenir à la maison…
Omar a suivi Ghania jusqu’à la chambre de Nadia. Il n’a pas pu s’empêcher d’écouter ce qui se disait et d’entrer pour la prier de rentrer avec lui.
- Je ne voulais pas te faire de mal, lui dit-il, alors qu’elle lui tourne du dos. Tu croyais vraiment que je l’enverrai en prison ?
- Pourquoi pas ? Tu me l’as affirmé haut et fort…
- C’était dû à la colère, à la peur, se défend-il, alors que Ghania quitte la chambre, tirant la porte derrière elle, voulant qu’ils se réconcilient en toute intimité. J’ignorais que tu partirais avant de savoir !
- Je n’allais pas rester avec toi alors que tu tenais à envoyer en prison mon unique frère… Ange ou terroriste, c’est mon frère et rien de ce qu’il a fait ou pourra faire ne compte à mes yeux !
- Aziza nous attend, lui confie-t-il. Elle refuse de dîner sans toi ! Je t’en prie…
- Rien ne me prouve que tu as renoncé à ton envie de le dénoncer, soupire Nadia. Je resterai ici pendant quelques jours. Si la police le recherche une nouvelle fois, ne t’attend pas à me revoir !
- Il n’a pas besoin de moi pour aller en prison… Il tombera dans son propre piège…
Ni toi ni moi ne pourrons les lui éviter !
- Tiens-toi à l’écart ! Je ne te demande pas plus ! réplique Nadia.
- Moi, je veux que tu rentres avec moi !
Nadia refuse. La présence de son mari et ses propos n’ont pas réussi à chasser sa colère. Même si elle le croit, elle ne rentrera pas avec lui, il lui reste quelques jours de congé et elle n’a pas de nouvelles de sa sœur Malika. Elle s’inquiète pour sa famille. Saïd les a déjà menacés et exigé d’eux de l’argent en échange de la paix. Nadia ne peut pas s’imaginer que le pire vient d’arriver à quelques mètres de là.
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26 avril 2012 à 23:01
…………………………………………….40……………………………………………………..
Salam aalikoum ! dit Saïd en entrant dans la pharmacie de son quartier.
Il y a trois clients devant lui. Il n’avance pas jusqu’au comptoir. Il regarde des produits d’esthétique. Après avoir choisi un shampoing et une crème hydratante, il les garde en mains en attendant son tour.
Une vieille cliente, avant de sortir, demande au pharmacien des explications. Comment prendre ces médicaments ? Quand ?
-Vous prenez votre traitement comme d’habitude… En plus du régime sans sucre et sans sel, prenez celui du diabète deux fois par jour et une fois par jour celui de votre tension !
-Merci ! Je croyais que mon médecin avait ajouté un autre médicament…
-Une boîte de paracétamol, dit le pharmacien. Vous avez dû vous plaindre de mal de tête ?
-Oh, oui !
Un des malades derrière elle toussote un peu, comme pour leur rappeler qu’il attend depuis un moment. Le temps de régler le pharmacien, la voilà qui sort lentement.
Deux hommes entrent après qu’elle soit sortie. Ils les saluent tout en respectant la file et attendent derrière Saïd.
Ce dernier n’est pas à l’aise. Il les a regardés entrer et a remarqué leurs regards scrutateurs. Le pharmacien sert rapidement les deux malades. C’est au tour de Saïd. Il pose les produits sur le comptoir, demande des ampoules de gelée royale.
-N’oubliez pas d’ajouter le traitement de mon grand-père !
Le pharmacien lâche la boîte d’ampoules, de surprise. Son regard paniqué n’échappe à personne. Il est devenu si pâle qu’un moment Saïd croit qu’il va perdre connaissance.
-Ça va ? lui demande-t-il.
-Oui, murmure-t-il avant de s’accroupir pour ramasser la boîte. Lorsqu’il se relève et leur fait face, il est évident qu’il est apeuré et paniqué. Il range rapidement les produits et le fortifiant dans un petit sachet avant de lui dire :
-Je vais chercher son traitement.
Il entre dans l’arrière-boutique qui sert de rangements pour les produits pharmaceutiques et autres. Il n’en sort pas tout de suite.
Saïd, qui patientait, légèrement nerveux, ne voit pas les deux hommes se jeter sur lui et le plaquer à terre. Ils heurtent des produits qui tombent avec fracas, sur le sol.
-Lâchez moi ! crie Saïd en se débattant comme il peut, mais ceux qui le maintiennent fermement refusent.
Ils ramènent ses bras en arrière et lui passent les menottes aux poignets avant de le relever.
-C’est bon, dit l’un d’eux au pharmacien. Il ne pourra pas vous faire de mal ! C’est lui que vous attendiez ?
-Non ! Je savais seulement qu’ils enverraient quelqu’un récupérer un paquet ! Ces sanguinaires voulaient mon argent !
-Vous avez bien fait de prévenir la police…On a pu intervenir à temps !
Saïd comprend que ce sont des policiers en civil. Il jette un coup d’œil dehors pendant qu’ils le poussent vers le coin pour qu’il ne puisse pas être vu de l’extérieur. L’un d’eux le fouille et tombe sur un pistolet et une arme blanche. Il l’interroge.
-Tu n’es pas venu seul ? Où sont les autres ? Où t’attendent-ils ?
Comme Saïd ne répond pas, il lui donne un coup de poing dans les côtes.
-Réponds ! Où sont les autres ?
-Dans le quartier…
-Ils sont armés ?
-Oui. Est-ce de jeunes recrues comme toi ?
-Oui, aujourd’hui on devait récupérer notre argent et partir vers Boumerdès…
Le policier sort une radio et lance un appel, à toutes les unités. Avec un peu de chance, ils mettront la main sur le groupe. Ce n’était pas sans danger pour eux, pour les gens du quartier qui n’allaient pas oublier de si tôt cette fin de journée de toute leur vie…
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26 avril 2012 à 23:04
…………………………………….41…………………………………………………….
Le quartier est bouclé, et plusieurs jeunes sont arrêtés par la police. Certains d’entre eux auront tenté de s’enfuir mais la sommation lancée par la police les a dissuadés de prendre le risque de se faire tuer.
En les fouillant, ils trouveront sur eux des armes blanches. Ils sont emmenés au commissariat où ils seront interrogés.
Quatre d’entre eux sont des complices de Saïd. Ils activent dans le même groupe armé.
Ils ont soutiré de l’argent à plusieurs familles dans la région d’Alger. En particulier à des commerçants. Pour Saïd, son premier coup aura été fatal. Sa mission a échoué ; il aurait dû se douter que le vieux pharmacien irait voir la police pour leur remettre la lettre de menace de mort s’il ne leur remet pas la somme exigée par le groupe. Saïd s’y est rendu pour récupérer le “dû”.
- Tu t’es présenté au rendez-vous, armé, lui dit un policier. Tu étais chargé de le tuer s’il n’avait pas préparé l’argent ?
- Non … On m’a juste dit de prendre le paquet, je ne pouvais pas refuser !
- Donc si ton « chef » t’avait demandé de tuer, tu l’aurais fait parce que tu ne peux rien lui refuser !
- Non !
- Est-ce qu’il t’est souvent arrivé de ramasser de l’argent ?
- C’était la première fois !
- Qu’est-ce que tu faisais en général ? demande l’inspecteur de police.
- J’étais parfois chargé de surveiller quelques personnes… de me renseigner sur eux !
- Des renseignements, pourquoi faire ?
- Juste des renseignements, insiste Saïd… Je ne faisais rien d’autre… Je le jure !
- Inutile de jurer, réplique l’agent, on sait à quoi servent les renseignements… Pour mieux surprendre vos victimes !
- Je n’ai jamais tué ! crie Saïd. Mais les autres, si !
- Et toi, qu’est-ce que tu faisais pendant ce temps, si tu ne tuais pas ? l’interroge un autre policier… Ne me dis pas que tu mangeais des cacahouètes, car je ne te croirais pas !
- Je ne faisais rien… J’étais chargé de les prévenir si quelqu’un se pointait, avoue Saïd. Rien de plus !
- Tu étais avec eux et c’est pareil… Je plains tes parents ! Donne-moi leur numéro, je vais les contacter !
- Mes parents ne sont plus de ce monde, répond Saïd.
- Tu as encore de la famille ? Tu as bien des frères et des sœurs ?
- Non je suis fils unique !
Lorsque le policier veut connaître son nom, Saïd ne répond pas. Il ne veut pas le leur dire. Mais le pharmacien, qui le connaît depuis son enfance, leur donnera les renseignements dont ils ont besoin pour contacter sa famille.
Très tôt, les sœurs de Saïd sont tirées de leur sommeil. Des policiers sont venus.
Dès que Nadia les voit, elle devine que s’en est fini de son frère. Ghania, qui croit qu’Omar a amené sa fille pour qu’elle voie sa mère avant d’aller à l’école, est retournée au lit.
- Votre frère a été arrêté hier soir, lui dit l’un d’eux. Il faudra que vous passiez au commissariat !
- Oui… à quelle heure ?
- Quand vous pourrez … Nadia s’attend à ce qu’ils repartent mais ils tiennent à entrer pour fouiller la maison. Elle a envie de les prier de revenir plus tard. Sa sœur aînée n’est pas encore au courant, elle risque d’être choquée par la nouvelle. Elles ont toujours su, depuis le début, que leur frère finirait par tomber entre les mains de la police. Maintenant que c’est fait, le plus dur est à venir …
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26 avril 2012 à 23:07
…………………………………………42………………………………………………………..
Nadia n’a pas le choix. Elle va à la chambre et informe Ghania de la présence de la police dans la maison. Ghania qui a cru qu’il s’agit de Omar, au début, pousse un cri de déception.
- Vite, mets ta robe de chambre, ils vont fouiller la maison !
- Pourquoi ?
- Nadia n’a pas le courage de lui apprendre que Saïd a été arrêté.
- La police poursuit son enquête, répond-elle. Il faut qu’on soit coopératives. Plus vite ils fouilleront la maison, plus vite ils partiront.
Ghania enfile sa robe de chambre puis elles vont au salon. Là, la police les interroge pendant que les autres procèdent à la fouille de la maison.
L’interrogatoire prend autant de temps que la fouille. Du bruit et des meubles renversés parviennent jusqu’au salon. Ghania prend peur, Nadia saisit sa main pour la serrer dans la sienne, un peu pour la rassurer.
- Pourquoi cassent-ils les meubles qu’ils trouvent sur leur passage ? demande-t-elle.
Lorsqu’ils en ont fini dans les chambres et dans la cuisine, ils viennent au salon. Nadia et Ghania sont priées de sortir pour qu’ils puissent poursuivre leur fouille, sans être gênés. Du couloir où elles se tiennent, elles ne peuvent voir que les chambres. Les portes restées ouvertes laissent entrevoir un désordre indescriptible. Ils semblent déçus de n’avoir rien trouvé.
- Vous n’étiez pas au courant des activités de votre frère ? Vous nous dites bien la vérité ?
- Comment pouvait-on savoir ? Cela fait des semaines et des semaines qu’on ne l’a pas vu, répond Nadia. Est-ce que vous tenez au courant votre famille de vos moindres faits et gestes ?
- C’est moi qui interroge, rétorque l’agent. Si vous vous souvenez de quoi que ce soit, n’hésitez pas à venir au commissariat… On vous délivrera un permis de visite. Vous pourrez le voir.
- Voir qui ? demande Ghania.
- Mais votre frère.
La terrible nouvelle, elle ne la supportera pas. Sous le choc, elle s’évanouit.
- Ghania, s’écrit Nadia en la rattrapant de justesse. Vite, aidez-moi !
Les policiers portent Ghania dans la chambre et l’étendent sur le lit. Nadia tente de la ramener à elle, mais c’est peine perdue. Elle panique. Elle ne se sent pas bien…
Un des policiers a appelé par radio les urgences et une ambulance ne tarde pas à arriver. Ghania est vite transportée à l’hôpital. Aux urgences, on lui fait passer un tas d’examens qui se révèlent négatifs. Le médecin lui fait une injection et, quelques minutes plus tard, elle revient à elle.
Nadia n’a pas pu venir dans l’ambulance. Un inspecteur voulait l’interroger. On lui permet d’appeler chez elle et met au courant son mari.
Ce dernier est vite venu la chercher. L’inspecteur en avait fini de lui poser des questions. Elle peut enfin se rendre à l’hôpital Mustapha Pacha.
Nadia est heureuse de voir Ghania consciente.
- Comment te sens-tu ?
- Je ne sais pas, murmure Ghania, les yeux larmoyants. Je me sens à bout… Je ne me sens même plus.
- Ça ira mieux après, la rassure Nadia.
Comme pour la contredire, deux infirmières viennent l’emmener au service de cardiologie. Le médecin tient à s’assurer qu’elle n’a pas de problème cardiaque. Omar et Nadia vont attendre dehors. Omar en profite pour discuter avec elle. En fait, il veut lui rappeler qu’il tient toujours autant à elle.
- Ce n’est pas le moment de parler d’amour. Mon frère a été arrêté, ma sœur est à l’hôpital… J’ignore si je fais dans le mélodrame mais j’ai peur… J’ai un mauvais pressentiment !
Nadia est loin de se douter de ce qui allait arriver…
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26 avril 2012 à 23:10
………………………………………….43…………………………………………………..
Ghania est gardée en observation après l’examen fait par le cardiologue. Elle est trop faible pour rentrer à la maison. Lorsque l’inspecteur les rejoint et veut l’interroger, le spécialiste lui demande de revenir plus tard. Même à sa sœur, il lui refuse une visite. Il lui explique pourquoi.
- Son cœur est très faible. La moindre émotion risque de lui être fatale, les prévient-il. J’attends les résultats de son scanner pour être fixé sur son cas. Elle ne quittera pas l’hôpital. Vous la verrez plus tard !
- Laissez-moi la voir juste une minute, le prie Nadia.
Mais il ne veut rien entendre. Omar la prend par le bras et la tire dehors. Il la convainc de rentrer à la maison.
- Je n’en ai pas envie.
Mais en se rappelant être partie précipitamment, elle accepte de rentrer. Elle trouve des voisins près de l’entrée.
- Oh non, je veux tout sauf leur parler, dit-elle à son mari, le priant de se débarrasser d’eux.
Omar la précède et s’excuse auprès d’eux.
- Elle est très fragile, elle a besoin de calme, leur dit-il. Revenez plus tard lorsqu’elle aura surmonté le choc !
- On est venu dès qu’on a su. Ce ne doit pas être facile, dit une vieille voisine. Meskina !
- On croyait qu’un peu de compagnie l’aiderait à surmonter cette épreuve, dit un voisin. Pourtant je le connais, c’est un garçon bien !
- Je sais… S’il vous plaît !
Ils s’écartent du chemin et Nadia passe près d’eux, tête baissée. Lorsqu’elle rentre à la maison, elle se rend directement dans la chambre de son frère. Assise sur son lit, elle éclate en sanglots. Malgré tout ce qui est arrivé, elle a encore cette boule au fond de la gorge et ce sentiment, ce mauvais pressentiment ne la lâche pas. Omar veut la réconforter mais rien de ce qu’il dit ou fait ne la calme. Le regard désespéré, elle va d’une pièce à l’autre. La fouille effectuée par la police a plongé la maison dans un désordre indescriptible. Rien n’a été épargné. Le spectacle est désolant. Comment ne pas toucher le fond en le regardant ?
- Et si on allait chez nous ? propose Omar.
- Non.
- Tu oublies Aziza, elle souffre de ton absence !
Et il continue de lui parler d’elle. Les yeux en larmes, elle accepte de le suivre. Sa belle-mère qui est encore là l’accueille et la serre très fort dans ses bras. Elle compatit à sa douleur et regrette de ne pas pouvoir la réconforter. Chaque jour que Dieu fera aura sa part de souffrance. Son frère arrêté, des semaines passeront avant qu’il ne soit jugé. Qui sait ce pourquoi il allait l’être ? L’enquête n’était pas finie…
- Viens t’asseoir, je vais te préparer un café, lui dit-elle en la guidant jusqu’au canapé. Tu en as besoin.
- Oui. Est-ce que tu peux en mettre dans un thermos pour ma sœur ? lui demande-t-elle. Elle est à l’hôpital.
- Ghania ? Oh non !
- Est-ce que tu peux encore t’occuper de Aziza ? Je vais retourner à l’hôpital, murmure Nadia. Elle va se sentir mal et seule…
Aussitôt le café avalé, elle met le thermos dans un sac ainsi que des affaires de toilette. Ils ne tardent pas à repartir à l’hôpital Mustapha. Et là, ils vont d’un service à un autre, car ils ne trouvent plus Ghania aux urgences. Ils ne trouvent pas le cardiologue, appelé pour une autre urgence. Omar, las, finit par s’adresser aux infirmiers qu’il croise dans les couloirs. Ces derniers ne peuvent pas le renseigner, mais il tombera sur une radiologue qui s’est occupée de Ghania.
- Elle a passé un scanner qui a révélé un anévrisme, lui dit-elle. Je suis désolée de vous l’apprendre mais elle est morte.
- Non, ce n’est pas possible ! Son état n’était pas aussi grave ! Quand nous l’avons laissée, elle était juste faible, très faible…
- Hélas son cœur a lâché ! Elle est à la morgue si vous voulez la voir !
- Oui.
Omar a le cœur serré en apercevant les enfants de Ghania avec leur tante. Il leur fait un signe avant de se tourner et suit la radiologue.
à la morgue, il se rend compte qu’elle ne s’est pas trompée. Sa belle-sœur est bel et bien morte. Il ne retournera pas auprès de Nadia et de ses neveux. Il n’a pas la force d’aller leur apprendre la nouvelle
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26 avril 2012 à 23:14
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La spirale monstrueuse où a été entraîné Saïd a fait que Ghania décède après un court interrogatoire de la police. L’arrestation de Saïd par la police et l’interrogatoire de celle-ci, sa sœur ne les a pas supportés. Nadia et Malika se retrouvent seules. Elle souffre, d’autant plus en sachant que leurs neveux n’ont plus de parents. Nadia a des remords, elle regrette d’avoir forcé sa sœur à vivre avec Saïd. Tout ce qui vient d’arriver est de sa faute.
- Ses enfants sont adultes, ils s’en sortiront vite, veut la rassurer son mari. Et on sera là pour les aider !
- Mais ils n’ont plus de mère et c’est de ma faute… Si Saïd est derrière les barreaux, c’est aussi de ma faute… Je n’aurais jamais dû partir à Constantine… Il serait tombé sur moi et je n’aurais pas appelé la police… Ghania n’aurait pas éprouvé de choc !
- Tu culpabilises pour rien… Il faut penser à plus tard !
- Plus tard ? reprend Nadia, en larmes. Mais pour qui, il reste un avenir ? Dis-moi…
- Mon unique frère est derrière les barreaux et mes neveux sont livrés à eux-mêmes. Et moi je me sens responsable de tout ce qui est arrivé !
Omar a beau tenter à chaque fois de la déculpabiliser, elle semble ne rien entendre. L’enterrement de Ghania se fera en présence de leur famille et de leurs amis. L’unique absent est Saïd et Nadia sait, elle le sent bien au fond de son cœur, il doit en souffrir.
Elle a comme une confirmation quand, après avoir demandé à voir son frère, elle obtient un refus. Non pas du procureur mais de Saïd. Il ne veut pas la voir ni ce jour-là ni une autre fois.
Elle en est malade de déception et de colère. Lorsque Omar rentre du travail, il remarque son visage fermé.
- Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Tout, répond-elle. En plus d’avoir été endeuillée plusieurs fois en l’espace d’une année, je ne pourrais pas voir Saïd.
- Le procureur a refusé ? Ils n’ont pas encore fini leur enquête ?
- Ils ne peuvent pas attendre la fin de l’enquête pour le juger, lui et son groupe, répond-elle. J’ai eu mon permis de visite et, figure-toi, que monsieur a refusé de me voir et c’est définitif !
- Tu veux que j’aille le voir ? propose Omar. Peut-être qu’il ne veut pas te voir dans un parloir de prison ?
- Essaye alors ! J’ai besoin de savoir comment il va !
Omar obtient rapidement un permis de visite et quand il se présente au parloir, il espère voir un peu de joie dans les yeux de Saïd. Celui-ci ne sourit pas. Il n’est pas très bavard. Il ne demande pas des nouvelles de ses deux sœurs. Omar a l’impression d’avoir un étranger en face. Il ne le reconnaît plus. Il lui semble être venu pour rien.
Lorsqu’il rentre à la maison, Nadia court vers lui. Il est déçu pour elle.
- Il n’est plus ton frère… Il n’a parlé de personne… Il est devenu un étranger !
- Ce n’est pas possible ! Je ne te crois pas… Mais ton ami, est-ce qu’il a pu te dire pour l’enquête ? veut-elle savoir.
- Oui ils ont fait beaucoup de mal !
- Est-ce qu’ils ont tué ?
- Non, répond Omar. Ils n’ont pas été jusque-là… Mais ils ont volé et agressé… Il y a eu plusieurs plaintes… Il ne s’en sortira pas… Il a gâché sa vie et celle de ses proches ! Même sans la justice, sa conscience ne le laissera pas tranquille ! Même un bon avocat ne pourra pas lui éviter la prison à vie !
- Puisque tu en parles, il lui faudra un avocat, dit Nadia. Est-ce que tu en connais ?
- Non… Je ne vois pas pourquoi on payera un avocat puisqu’il ne pourra pas le sauver ! Son cas est désespéré. Pourquoi gâcher nos économies ?
- C’est mon frère, lui rappelle-t-elle. Je tiens à ce qu’il ne manque de rien. Et je veux pour lui le meilleur des avocats. C’est mon frère, je me dois de l’aider et de faire pour lui ce qu’auraient fait mes parents s’ils étaient encore de ce monde !
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26 avril 2012 à 23:17
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Nadia se présentera à plusieurs reprises à la prison où il est détenu en attendant le procès, il refusera chaque fois de la voir mais il acceptera toutefois, les fruits et les gâteaux qu’elle lui apporte.
Nadia manque de tomber malade quand il lui envoie un mot pour lui demander de ne plus venir parce qu’il a fait trop de mal à leur famille, pour avoir la force de se pardonner et donc de pouvoir se regarder en face.
Et même s’il l’exclut de sa vie, elle se charge de lui trouver un avocat et lui confie la défense de son frère.
Neuf mois passeront avant qu’une partie de ce groupe terroriste ne comparaissent devant la justice. Mise au courant par maître Boudjemaâ, elle voudra assister au procès mais Saïd la priera dans un autre courrier de ne plus venir.
Le procès s’étale sur plusieurs semaines et chaque semaine, Nadia est allée attendre devant la cour, maître Boudjemaâ à sa sortie d’audience.
Un dimanche, elle sent à son regard fuyant qu’il a du nouveau, des mauvaises nouvelles.
- Alors ? C’est fini ?demande-t-elle.
- Oui, le procès est fini … Said est condamné à quinze ans de prison, lui apprend l’avocat.
- Quinze ans ?reprend Nadia. Mais il n’a pas tué … il a juste volé !
- Il a agressé, lui rappelle-t-il.
- Est-ce qu’on pourra faire appel ?
- Oui, lui répond-t-il avant de lui avouer que serait une perte de temps et d’argent pour elle. Cela ne changera rien à sa situation … Il n’a aucune circonstance atténuante !
- Mais il en a pris pour quinze ans … Il aura près de quarante ans quand il sortira ! s’écria Nadia. Qu’est ce qu’il fera après ?
- C’est une question qu’il aurait dû se poser avant de s’engager ! Que Dieu soit avec vous !
Sachant qu’elle ne pourra pas trouver de réconfort auprès de son mari qui garde Aziza, en attendant son retour, elle va directement à Blida, chez sa sœur. Auprès d’elle, elle puisera du réconfort et de la sérénité. Elle a mal même si elle ne s’est pas faite d’illusions quant à son jugement.
Plus rien ne sera comme avant. Nadia ne supporte plus les regards des gens au courant de l’arrestation et de la condamnation de son frère. Elle ira s’installer dans un autre quartier et coupera avec ses relations d’avant.
Elle souffre d’être exclue de la vie de son frère. Saïd refuse toujours de la voir. Dans un courrier qu’il lui enverra, il leur demande de faire comme s’il n’était plus de ce monde.
Pourtant Nadia continue d’espérer et d’attendre. Elle compte les années. Elles ont fini par passer. Même s’il le lui a demandé, elle ne l’a pas oublié. Il fait partie d’elle, c’est son frère. Peut-il seulement savoir que lorsqu’elle rencontre un jeune homme aux yeux bleus, elle pense à lui et elle se demande si sous son air angélique, il ne cache pas son jeu comme son frère ?
Une fois sa peine purgée, il sortira un dimanche après-midi de l’année 2010. Nadia qui a attendu cet instant depuis des années, ne rate pas le rendez-vous. Elle avait encadré la date, sur le calendrier accroché, dans la cuisine, heureuse chaque fois qu’elle barrait un jour de passé. Elle manque de s’évanouir lorsqu’il sort de prison.
Il est toujours aussi mince et aussi beau. Il porte un sac à dos, comme du temps où il revenait du lycée. Il tombe dans ses bras, ses yeux bleus pleins de larmes qu’il ne laisse pas couler. Nadia pleure, trop heureuse de le retrouver.
_ Allons rentrons ! Ils t’attendent…
Toute la famille est là. Nadia donne une fête, comme s’il venait de naître. Tous se rendront compte qu’il a beaucoup changé. Il n’est plus aussi bavard et il est triste même lorsqu’il sourit.
Nadia tient à ce qu’il reste quelque temps chez elle. Omar fait tout, pour le mettre à l’aise.
_ C’est trop. Je ne pourrais pas…
_ Tu ne partiras pas ! Pas avant qu’on ait tracé ton avenir…Tu as payé le prix fort, pour tes erreurs ! Ta vie n’est pas finie. Tu as le droit de la vivre comme tu l’entends…de prendre un nouveau départ. Je suis là, pour t’aider…toute la famille t’aidera !
Saïd décide de vendre la maison familiale et achète un petit appartement, dans le quartier où réside sa sœur. Nadia avait réussi à le convaincre. Elle tenait à l’avoir à l’œil, lui l’ange aux yeux bleus. La seconde partie de sa vie se fera sous sa surveillance. Tant qu’elle sera en vie, elle ne le quittera pas des yeux.
Fin
A. K.
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