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La nouvelle de Adila Katia -Confessions d’un orphelin

27 avril 2012

Adila Katia, EXTRAITS

 

Par : Adila KATIALa nouvelle de Adila Katia -Confessions d’un orphelin  dans Adila Katia 16_200_150

L’histoire de ma vie commence comme dans une tragédie, mais qui peut en verser des larmes, si ce n’est celle qui autrefois m’a bercé dans ses bras, durant des années, les plus belles de toute une vie, celles que je ne pourrais remplacer quoi que j’use de mon précieux éclat de célébrité, qui commence à se faner au vu des rides qui dessinent les contours de ma placide figure pâlotte. Mon père riche en connaissances et pauvre en sentiments m’a inculqué le droit de me taire ou celui de me faire gronder, si un mot délié osait sortir, par mégarde, de mes lèvres gercées. Je lui obéissais à la lettre près, tout pour ne pas avoir à me retrouver en pension comme mon cher frère aîné, qui osa ramener un ami de classe jouer à la maison un après-midi, et laissa son cœur, porté par l’envie de liberté, demander à ma mère de le laisser passer les vacances chez ce dernier. Pour mes parents, “les règles sont les règles”, et introduire un intrus dans la demeure familiale et causer trouble à la tranquillité de la maison sont à éviter, car en ayant “un aperçu” du dicton qui dit que “l’herbe est toujours plus verte ailleurs”, on effleure le désir d’émancipation. Ma mère… une femme de loi ! Le plus clair de son temps au cabinet, le crime ne faillait pas quand son devoir de maman la sommait ; et le simple temps libre qui lui était permis la congédiait sur son bureau à travailler sur encore plus de dossiers bonus. Parfois, en plein essor de temps libre, elle savourait un ouvrage, le nez plongé dans un roman policier, loin du silence assommant de cette immense demeure de trois étages. Un si grand espace où parfois je me perdais, des escaliers gigantesques, que je ne cessais d’escalader pour arriver à mon domaine : un étage rien que pour moi. En y repensant aujourd’hui, j’étais bien gâté. Ces ténébreux couloirs ornés de portraits grossiers de mes grands-parents, deux salles de bains que je n’utilisais pas, un robinet qui fuit en m’empêchant de dormir la nuit, une lumière tamisée… mais toujours ce noir qui persiste dans mon cœur meurtri par la peur. Parfois même, j’entendais des voix et voyais des choses étranges de l’ouverture de ma porte, mais cela n’était que mon imagination de jeunot forcée au silence, qui s’abandonnait en chimériques appréhensions. Cloîtré entre quatre beaux murs bleu ciel : “Interdit de descendre !’’,‘‘Interdit de se plaindre !” et “Interdit d’appeler les parents aussitôt qu’un cauchemar t’empêche de dormir !”, telles des sentences que la jurisprudence de ma “tendre” et stressée de maman a adjugées à ma place. Je me demandais pourquoi mes amis à l’école ne se comportaient-ils pas de la même manière que moi. Ils avaient les mains sales, le nez plein de morve, la larme facile. Ils étaient légers dans leurs propos, faciles à amuser et surtout libres de faire ce qu’ils veulent ou presque. Étais-je déjà à cet âge conscient de la cage dorée où je m’étais fait proie ? Me laissais-je doucement berner par cet amour factice qui me nourrissait de désarroi ?
Je me plaignais en silence et, dans un tumulte de questionnements, je me décide à prendre mon courage à deux mains et demander qu’on me rende mes ailes frêles, que je tombe ou que je me perde, si leur main est déjà loin de mon épaule. Dans tous les cas, je ne pourrais compter que sur… moi. En suis-je capable ? Oui !
Un été chaud comme un gril sur le feu vit mes six ans couronnés de précieux espoirs d’élan et d’autonomie. Je m’élançais à grands bonds comme brisant les barrières des mille et une règles imposées par mes parents. C’était le premier jour des vacances d’été, et une excursion scolaire était organisée pour récompenser les élèves les plus assidus, dont je faisais partie certainement !
Un voyage culturel dans une ville historique, logé et nourri gratuitement, et ne durant que deux jours et une nuit, des notes toujours excellentes, une récompense méritée. “Je préparais mes arguments soigneusement avant de les libérer au vu de mon père qui sortait de la maison pour rejoindre sa voiture.” Cependant, avant d’avoir terminé de prononcer le mot “vacances” qu’une nouvelle explosa à mes oreilles tel un châtiment à mon égoïsme blessant. Mon père me lança les larmes aux yeux, la distance riche entre nos pas, sans s’avancer, le regard baissé, le ton grave, cette terrible nouvelle qui me laissa stupide et honteux : “Ta mère est morte cet après-midi dans un accident de voiture, je pars identifier son corps. Ta tante Wahiba viendra te prendre dans une demi-heure, prépare-toi, je viendrai te chercher plus tard.”
Un froid venant de nulle part envahit ma carcasse raide de douleur, je ne pouvais verser des larmes, car mon cœur ne me donnait pas la liberté de me dérober de ma douce et affligeante peine. Je me culpabilisais et me confortais avec si peu, je ne pouvais plus voir clair, les ténèbres en ce jour d’été envahirent mon âme jusqu’à nouvel ordre, et parler d’indépendance équivaut à subir un autre châtiment, ce dont je ne voulais guère avoir à revivre. L’enterrement se fit dans le calme et la sérénité, les larmes ravalées, le semblant face aux voisins “chagrinés” à spéculer des infamies à l’encontre de mon père. Certes la froideur de notre famille bien inaccoutumée rend les sornettes plus concrètes.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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33 Réponses à “La nouvelle de Adila Katia -Confessions d’un orphelin”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    ————————————–02———————————————————————
    Le Coran adoucit mon cœur, mais les propos plaintifs de mon frère sur les raisons de son éloignement me donnent envie de hurler au silence. Néanmoins, je me retiens de peiner mon père encore davantage, lui qui semblait si perdu sans sa moitié. Son regard vide se plaçait sur nous de temps à autre, comme pour s’assurer que nous ne disparaîtrions pas à notre tour aussitôt qu’il aura le dos tourné.
    Les jours passent très vite, et le retour de mon frère ne fait qu’empirer les choses, avec ses idées nouvelles et son chagrin non dissimulé. Il essaie par tous les moyens de briser la carapace rigide de mon père, mais aucune fissure ne se vit, jusqu’au jour où Khalil, mon frère, qui ne supportait plus notre pondération, jeta ses affaires sur le sol, arracha du mur les portraits de notre famille réunie et manqua de respect à mon père, en haussant le ton, l’accusant de nous nourrir d’illusions et de nous tuer dans ce néant établi, où nous vivons comme des âmes égarées, se contentant de souvenirs et refusant d’avancer. Et c’est sans doute à ce moment-là que mes yeux eurent l’envie de ne plus jamais percer la moindre étincelle de lumière. Une gifle réchauffa les joues de mon incrédule de frère aîné et le renvoya en pensionnat. Aussitôt arrivé, aussitôt reparti. Tandis que moi, je continuais à brouter ma bonne herbe verdâtre jusqu’au jour où la clémence du pardon étincellera des yeux de mon paternel, ce que j’espérais.
    Où sont donc passées mes bonnes manières ? Je ne me suis toujours pas présenté à vous, comme la coutume nous oblige à le faire. Toutefois, la connaissance de mon simple prénom réconfortera votre esprit errant qui aspire, je le souhaite, à connaître de plus près mon histoire qui est, je vous l’affirme, des plus incroyables… Où en étais-je ?… Ah oui ! Je me nomme Karim. Demain je quitte la maison pour aller vivre chez ma tante qui ne souhaite qu’une seule chose : avoir un fils, elle qui a quatre filles de différentes “époques” (et je le confirme bien dans certaines anecdotes que je vous citerai prochainement). Ma tante paternelle (que je n’ai pas revue depuis des années) ne demande qu’à avoir une petite frimousse masculine à dorloter. Mon père ne peut plus me garder à la maison : nos horaires diffèrent, son travail lui prend trop la tête, et me laisser seul à la demeure est hors de question. À ses yeux, je devrais me sentir mieux chez ma tante Farah : son amour pour les bambins me consolera de la perte immense que je venais de subir. à mon jeune âge, je comprenais l’amère réalité : guérir une blessure ouverte et cicatriser une plaie mal soignée allait me demander bien du temps, avant de que je puisse rendre à mon visage taciturne le droit à un sourire, sans me sentir coupable. Ma chère tante que je ne connais guère, si ce n’est par le biais de photos, habite à l’autre côté de la ville, à une heure en voiture. Celle que je n’ai pas eu la chance de rencontrer, de voir en vrai, ni même entendre parler d’elle afin que je me fasse une idée et sonder les différents aspects de sa personnalité, allait prendre soin de moi ! La sœur de mon père ne s’entendait pas du tout avec ma défunte mère (paix à son âme). Jusqu’à ce jour, mon père ne lui a jamais adressé la parole. étrangement, comme une interdiction levée, il a maintenant le courage de revoir sa famille, sans se préoccuper des conséquences de sa désobéissance. C’était clair pour moi que mon paternel prenait les ordres de ma mère pour des amendements à ne pas bafouer. C’était triste de voir à quel point mon père vénérait sa femme au point d’abandonner ceux qui, autrefois, représentaient tout son monde.
    La maison des Arfawil : une maisonnette, plus petite que je ne l’aurais imaginée, un grand jardin jonché de jouets : poupées, vélo, pâte à modeler, ours en peluche… tout ce qu’un enfant rêverait de posséder. Un grand arbre où était accrochée une balançoire, un doux petit coin, simple et très chaleureux à vue d’œil, le contraire de notre demeure maussade décorée au vieux style baroque et où l’âme d’un enfant n’a à s’exprimer que par le silence de l’obéissance ; une enfance aveugle et muette qu’était la mienne. Aujourd’hui, je peux me plaindre sans me sentir égoïste, mais en ces temps-là… je n’arrêtais pas de me dire que la chance me souriait d’être né dans une famille aisée, et où tous mes désirs matériels étaient comblés. Oui, c’est ce que je croyais à cet instant.
    Je sortit de la voiture, inquiet, sans savoir ce qui m’attendait. Je marchais en direction de cette petite porte, suivi de mon père qui semblait se préparer à s’expliquer pour son apnée de plus de dix ans, mais avant qu’il ne frappe à la porte celle-ci s’ouvrit : ma tante jaillit en larmes prendre mon père dans ses bras, ne voulant pas entendre ses oiseuses excuses, ne désirant, de ce fait, que faire durer un moment qu’elle ne cessait d’appeler de tous ses vœux, durant des années, qui ressemblaient à des millénaires.
    Je suis resté abasourdi. C’est à se demander si je connaissais mon père, ou est-ce que toutes ces idées que je concevais de lui étaient erronées ?

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  2. Artisans de l'ombre Dit :

    ……………………………………….03………………………………………………………..
    Il chavira à terre en sanglots devant mes yeux agressés, mon cœur serré. Je me sentais trahi par un homme qui ne cessait de me mentir afin de se convaincre lui-même. Sans rien dire, je me souvenais des mots de mon grand frère, abandonnés sur une lettre, que mon père déchira la semaine dernière, le jour où mon aîné retourna en pension, après cette fâcheuse dispute. Cette lettre pleine de rancœur et d’espoirs disait : “Plongeant dans ces eaux troubles, en te faisant confiance, je coule. Pleurant une enfance perdue. Rien ne peut me rendre mon dû. Essayant tant bien que mal de te rendre fier, de ce visage rude et dur, j’ai su obéir sans bruit pour le satisfaire. Comment ai-je pu être incrédule ? Croire qu’un homme qui aime peut être faible ! Par ta faute, je m’enferme dans ma bulle. Toi qui m’as appris la haine et n’as jamais su dire « je t’aime »…, tu veux me rendre plus fort pour surmonter la vie ? Mais, si c’est sans amour que je la vis, ne crois-tu pas que je la renie ? Me rendant compte de tes erreurs, maintenant que je te suis « égal » ! Décelant en toi cette peur qui te fige et te rend de glace. Le jour où j’ai vu « brisé » mon idéal, j’ai su qu’il n’était pas aussi impeccable. S’effondre devant mes yeux le parfait qui n’est plus. Brisant l’image de l’homme valeureux, pour me prendre au dépourvu. Révélant un enfant en larmes devant son fils, sans armes. Voyant une tendresse maintes fois cachée, dite « inexistante » du fait qu’elle n’a jamais pu être affichée. Nul honte à aimer ! Ne pas s’attarder ! Ne pas être effrayé ! Se lancer. Même tombé, on peut toujours se relever. Car si on sait sur qui s’appuyer, pourquoi reculer ? Et par une nuit de tragédie, j’ai découvert une faiblisse enfouie. Car il est enfin l’heure que tu reprennes enfin cette place… chère dans mon cœur… Car père, je t’aime quoi que tu fasses ! Khalil, ton autre fils…” Cette page dont je ramassais les morceaux et collais de travers, car ne comprenant pas le sens exact de ces phrases si incorrectes, aujourd’hui me semblent plus que convenables et cruellement vraies. Khalil, mon frère que je dédaignais, car il abusait de son libre arbitre pour révéler ce que je me terrais de divulguer. Mon aîné, qui s’élevait plus haut que ce que ses jambes malingres ne lui permettaient d’atteindre, le garçon des mots qui gênent, le juvénile aux grandes bêtises qui prend plaisir à rappeler des sottises… le vilain petit canard m’a donné une claque qui me réveilla de mon sommeil : “Mon père n’est plus parfait ! Comment un homme si fort, grand, cultivé, pouvait-il s’abaisser à genoux, pleurant comme un morveux ?” Je me gardais bien de parler, je me sentais trahi ! Trahi ! Trahi ! Pourquoi n’ai-je pu percevoir ce que mon frère voyait durant tout ce temps ? Étais-je si stupide ? Borné pour concevoir une telle hypothèse sur un homme aussi altruiste que l’est mon père : la possibilité que ses règles entachent sur la bienséance et que l’unique message de ses dogmes soit plus près à confondre qu’à instruire autrui ? Pourquoi je ne prêtais pas attention à Khalil, ce qu’il me racontait sortait d’une oreille aussitôt entré par l’autre. Pourtant, je savais que quelque chose était injuste, mais plutôt que d’accuser le despote, je préférais cracher sur le rebelle, le démentir, en le traitant méchamment de “jaloux”. Je crois avoir atteint le summum de crédulité, et ce sentiment de trahison poignardait mes doctrines.
    À cet âge… une simple erreur n’était jamais omise, et restait imprégnée dans ma mémoire et me convainquit que les “adultes” sont des menteurs, tout comme nous “les enfants”, ou bien pire !
    Ma tante, les larmes de joie coulant toujours sur ses joues, demande à mon père de la suivre pour qu’elle lui présente ses filles qu’il n’a vu grandir. Surtout la toute petite nouvelle de la famille : Donya, qui aura prochainement deux ans, celle que mon père n’a, de sa vie, jamais vue ; et aussi parler au gentilhomme, mon oncle, qui se dressait derrière la porte, esquissant un sourire, tapotant sur l’épaule de mon père, l’air de dire : “Ne t’inquiète pas, je te pardonne.” Père restait anxieux en ayant croisé le regard de ce colosse d’un mètre quatre-vingt-quinze, mais cette crainte du rejet s’envola quand mon oncle Wahid le guide à travers les petits coins de la maison, accompagné de ma tante, pour lui indiquer les lieux où je demeurerai en sûreté dorénavant.
    Au seuil de la porte, on m’a encore oublié. Je m’en moquais, et j’essayais de m’en convaincre en essuyant les larmes traîtresses, elles aussi, à ne vouloir résister à l’appel du chagrin. Soudain, j’entends un bruit provenant d’une chambre juste à ma droite. Une voix m’appelle, celle d’un bébé qui pleure. Je ne sais pas ce qui me poussait à entrer dans cette pièce, mais dans ma petite tête j’entendais cet immaculé de Dieu d’à peine trois pommes prononcer mon nom, non distinctement certes, cependant avec ses mots, cette petite merveille me souhaitait la bienvenue. De ce berceau rose fleuri j’entendais balbutier ma cousine : “krr… krr… krrrm… kerk… krrm…”. Nul doute, Donya essayait de prononcer mon prénom (Karim) en mastiquant sa tétine ! Je me pose à la hauteur du berceau, mais je ne pouvais la prendre dans mes bras. Je pris un tabouret qui se trouvait à côté, je me suis mis debout sur ce dernier, et avec béatitude, j’admirais ce petit bout de chou, qui me tendait les bras et qui savait déjà comment je me nommais, sans que je n’aie à me présenter.

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  3. Artisans de l'ombre Dit :

    ……………………………….04……………………………………………….
    Sans rien me demander en retour, ces yeux noirs étincelants étaient purs, innocents et réconfortants. Ma foi, comme on dit d’un nouveau-né : une page blanche. Je décide aussitôt de vouer protection à ce minuscule petit être. Je promis de protéger ce bébé de quiconque lui voudrait du mal, la prendre sous mon aile et faire tout pour que cette page blanche ne soit pas froissée, que ses écrits soient magnanimes, qu’ils prônent l’amour et le pardon, assassinent la haine et la trahison, que cette feuille écorche les doigts des lecteurs pusillanimes, que cette page caresse les rêves et éloigne les soupirs !
    Voilà ! Je me suis trouvé un objectif dans la vie : protéger ma frêle et innocente cousine du malheur : de la mystification de l’enfance, des mensonges des adultes, de l’acerbe goût de la vie, de ses déceptions et ses surprises accablantes. Mais surtout et avant tout le pire des châtiments que puisse connaître quelqu’un : la trahison. Ma tante me trouve avec sa petite fille dans les bras, en souriant, me présente à elle, ce qui n’était pas nécessaire, car Donya est si perspicace et courtoise qu’elle n’attend pas qu’on le fasse pour elle. Après le départ de mon père, qui ne pouvait rester déjeuner, je suis monté à l’étage voir la ridicule et exiguë chambre qui allait devenir mon petit coin. Cette pièce n’était pas aussi meublée que la mienne, je n’avais pas cette bibliothèque où tous les livres que je lisais ou ceux que j’entamerai étaient entreposés, il n’y avait certainement pas mon ordinateur, ni mon grand lit, cependant une chose remplaçait tous ces avantages… Il y avait dans cette pièce de la lumière ! Je développais une certaine achluophobie, et l’éclairage m’était salutaire et réconfortant. Le lustre avait à lui seul quatre ampoules — du gaspillage d’électricité ne trouvez-vous pas ? — une lampe de poche dans le tiroir de ma commode, si jamais il y avait une coupure de courant, et une veilleuse pour étudier le soir, et ajoutez à cela une télévision. Une chambre d’éclat ! Je ne pouvais plus être effrayé par les ténèbres du soir, et même si je ne désirais pas dormir, cette télévision, que ma tante me permit d’allumer à n’importe quelle heure et quand j’en avais envie, me rendit fou de joie. Chez nous, les Fahad, lire est le passe-temps le plus lucratif, le plus enrichissant et le plus attrayant qui existe, ce que je trouvais véridique indubitablement. Pourtant, par moments, les ouvrages de mes parents me décourageaient : parler de l’âge d’or, connaître par cœur la guerre d’Algérie, savoir tout de la guerre froide m’aidaient sans doute dans mes études, mais en aucun cas à me faire des amis. En attendant que tante Farah prépare le déjeuner et réveille ses filles pour aller à l’école — il n’était que six heures du matin — j’en ai profité pour regarder un peu cet objet de convoitise que mes camarades adorent, que dis-je, adulent ! Ayant cette boîte carrée comme seul sujet de converse à l’heure de récréation. Ce n’était pas comme si je n’avais jamais vu de ma vie une télé ! Seulement, c’était la première fois qu’on me permettait de voir ce qui m’enchantait, la télécommande en main, et sans père pour me dicter ce que je devais visionner : Cette chaîne Journal TV avait l’éloquence de mes livres et me fusillait d’images qui m’horrifient et heurtent mes yeux, et mon pauvre cœur aussi. Je me dépêche de changer de chaîne.
    Je zappe sur Zik Channel : étrange ! Est-ce une maladie ou un mal inconnu ? Peut-être une épidémie ? Qu’ont tous ces pauvres gens ?
    L’un pose sa tête au sol et tournoi telle une toupie — peut-être souffre-t-il de maux de tête, me suis-je dit — son ami marche sur les mains — voulait-il reposer ses jambes un temps, en usant de ses autres membres ? me suis-je interpellé — puis le rythme de la musique change, et les images sont moins claires et paraissent vieilles. Je vois une fille qui se faisait brutaliser, on la lançait en haut, puis en bas, et la faisait tourner, puis tourner, mais elle souriait quand même — elle ne voulait peut-être pas apprendre la leçon de ses bêtises ? me suis-je interloqué. Dans un autre angle, une autre fille qui essayait d’essuyer le sol avec ses pieds, jusqu’à en user les semelles — peut-être avait-elle renversé son verre et ne voulait pas qu’on la gronde, elle aussi, comme sa camarade ? me suis-je convaincu — mais bien plus tard, je sus les noms de ces maux de société qui n’avaient pas de remède et qui étaient très contagieux, respectivement : le hip-hop, la break dance, le rock’n’roll et enfin le twist. Ce qui me semblait barbare était appelé la danse !
    Je zappe sur Chérubéro TV : de jolies couleurs, des images qui bougent, c’était de la 2D : des dessins animés. Un chat suit un rat qui lui boit son lait, afin de s’expliquer avec ce dernier. Le vilain rat le frappe avec un marteau avant de s’enfuir. Le chat mécontent revient et reçoit un autre coup, encore et encore. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait une telle violence et une injustice déprimante dans des programmes destinés normalement à des enfants. Je prenais en pitié le matou acharné et ne pas désirais pas changer de chaîne, attendant la revanche du minou, qui en avait beaucoup enduré, ce qui n’arriva que dans de rares cas. Certes, la querelle n’avait pas de sens propre, mais les images et la simplicité du scénario me captivèrent — Eh bien quoi ? Je ne suis qu’un simple enfant de six ans !

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  4. Artisans de l'ombre Dit :

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    Sans rien me demander en retour, ces yeux noirs étincelants étaient purs, innocents et réconfortants. Ma foi, comme on dit d’un nouveau-né : une page blanche. Je décide aussitôt de vouer protection à ce minuscule petit être. Je promis de protéger ce bébé de quiconque lui voudrait du mal, la prendre sous mon aile et faire tout pour que cette page blanche ne soit pas froissée, que ses écrits soient magnanimes, qu’ils prônent l’amour et le pardon, assassinent la haine et la trahison, que cette feuille écorche les doigts des lecteurs pusillanimes, que cette page caresse les rêves et éloigne les soupirs !
    Voilà ! Je me suis trouvé un objectif dans la vie : protéger ma frêle et innocente cousine du malheur : de la mystification de l’enfance, des mensonges des adultes, de l’acerbe goût de la vie, de ses déceptions et ses surprises accablantes. Mais surtout et avant tout le pire des châtiments que puisse connaître quelqu’un : la trahison. Ma tante me trouve avec sa petite fille dans les bras, en souriant, me présente à elle, ce qui n’était pas nécessaire, car Donya est si perspicace et courtoise qu’elle n’attend pas qu’on le fasse pour elle. Après le départ de mon père, qui ne pouvait rester déjeuner, je suis monté à l’étage voir la ridicule et exiguë chambre qui allait devenir mon petit coin. Cette pièce n’était pas aussi meublée que la mienne, je n’avais pas cette bibliothèque où tous les livres que je lisais ou ceux que j’entamerai étaient entreposés, il n’y avait certainement pas mon ordinateur, ni mon grand lit, cependant une chose remplaçait tous ces avantages… Il y avait dans cette pièce de la lumière ! Je développais une certaine achluophobie, et l’éclairage m’était salutaire et réconfortant. Le lustre avait à lui seul quatre ampoules — du gaspillage d’électricité ne trouvez-vous pas ? — une lampe de poche dans le tiroir de ma commode, si jamais il y avait une coupure de courant, et une veilleuse pour étudier le soir, et ajoutez à cela une télévision. Une chambre d’éclat ! Je ne pouvais plus être effrayé par les ténèbres du soir, et même si je ne désirais pas dormir, cette télévision, que ma tante me permit d’allumer à n’importe quelle heure et quand j’en avais envie, me rendit fou de joie. Chez nous, les Fahad, lire est le passe-temps le plus lucratif, le plus enrichissant et le plus attrayant qui existe, ce que je trouvais véridique indubitablement. Pourtant, par moments, les ouvrages de mes parents me décourageaient : parler de l’âge d’or, connaître par cœur la guerre d’Algérie, savoir tout de la guerre froide m’aidaient sans doute dans mes études, mais en aucun cas à me faire des amis. En attendant que tante Farah prépare le déjeuner et réveille ses filles pour aller à l’école — il n’était que six heures du matin — j’en ai profité pour regarder un peu cet objet de convoitise que mes camarades adorent, que dis-je, adulent ! Ayant cette boîte carrée comme seul sujet de converse à l’heure de récréation. Ce n’était pas comme si je n’avais jamais vu de ma vie une télé ! Seulement, c’était la première fois qu’on me permettait de voir ce qui m’enchantait, la télécommande en main, et sans père pour me dicter ce que je devais visionner : Cette chaîne Journal TV avait l’éloquence de mes livres et me fusillait d’images qui m’horrifient et heurtent mes yeux, et mon pauvre cœur aussi. Je me dépêche de changer de chaîne.
    Je zappe sur Zik Channel : étrange ! Est-ce une maladie ou un mal inconnu ? Peut-être une épidémie ? Qu’ont tous ces pauvres gens ?
    L’un pose sa tête au sol et tournoi telle une toupie — peut-être souffre-t-il de maux de tête, me suis-je dit — son ami marche sur les mains — voulait-il reposer ses jambes un temps, en usant de ses autres membres ? me suis-je interpellé — puis le rythme de la musique change, et les images sont moins claires et paraissent vieilles. Je vois une fille qui se faisait brutaliser, on la lançait en haut, puis en bas, et la faisait tourner, puis tourner, mais elle souriait quand même — elle ne voulait peut-être pas apprendre la leçon de ses bêtises ? me suis-je interloqué. Dans un autre angle, une autre fille qui essayait d’essuyer le sol avec ses pieds, jusqu’à en user les semelles — peut-être avait-elle renversé son verre et ne voulait pas qu’on la gronde, elle aussi, comme sa camarade ? me suis-je convaincu — mais bien plus tard, je sus les noms de ces maux de société qui n’avaient pas de remède et qui étaient très contagieux, respectivement : le hip-hop, la break dance, le rock’n’roll et enfin le twist. Ce qui me semblait barbare était appelé la danse !
    Je zappe sur Chérubéro TV : de jolies couleurs, des images qui bougent, c’était de la 2D : des dessins animés. Un chat suit un rat qui lui boit son lait, afin de s’expliquer avec ce dernier. Le vilain rat le frappe avec un marteau avant de s’enfuir. Le chat mécontent revient et reçoit un autre coup, encore et encore. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait une telle violence et une injustice déprimante dans des programmes destinés normalement à des enfants. Je prenais en pitié le matou acharné et ne pas désirais pas changer de chaîne, attendant la revanche du minou, qui en avait beaucoup enduré, ce qui n’arriva que dans de rares cas. Certes, la querelle n’avait pas de sens propre, mais les images et la simplicité du scénario me captivèrent — Eh bien quoi ? Je ne suis qu’un simple enfant de six ans !

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

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    Elle semblait parler à mon père qu’elle appelait par son nom : “Fahim, tu dois débourser de ta poche, j’en ai assez de joindre les deux bouts difficilement. Tu dois me donner de quoi nourrir ton fils qui mange comme quatre. Et tu sais que ce n’est pas donné avec le salaire de misère de mon mari, surtout avec les frais scolaires. Quel comble que ton fils garde la plus grande chambre, qui devait normalement être celle de Donya aussitôt qu’elle aurait grandi ! Elle partage celle de Ryma et se disputent pratiquement tous les jours à cause de ça ! Je ne supporte plus cette situation, tu tarde à nous payer les dépenses qu’engendre ton fils, j’attends toujours Fahim !”
    J’étais choqué, le souffle coupé, je me cache derrière la maison des voisins pour ruminer toutes ces accusations, ces insipides paroles que je venais d’ouïr. Mon admirable tante, toujours réconfortante et aimable en ma présence, me considérait en réalité comme une bouche de plus à nourrir. J’étais anéanti ; je ne croyais pas ce que j’entendais ; mais, après, j’étais convaincu que ce n’était guère une chimère de mon imagination. Je calme mes nerfs en proie à la haine, je respire un bon coup et décide de quitter cette maison qui m’accueillit aimablement, mais qui me contraint à partir expressément. J’attends que ma tante ait fini sa conversation pour pénétrer dans la maison et dissimuler ma peine avec un large sourire, ce que je fais depuis des lustres, et ce qui est inné en moi : cacher mes véritables sentiments est aisé. Je la regarde droit dans les yeux alors qu’elle sortait de la cuisine laissant mijoter la soupe ; elle est surprise évidemment de me voir rentrer plus tôt que prévu.
    J’ignore son mesquin sourire et évite de lui raconter ma journée comme à l’accoutumée, pour que j’amorce la discussion sur mon départ, ainsi je ne perdrai pas cette confiance vulnérable et altérable que j’arborais.
    Je montre à ma tante un visage adouci et une voix attendrie pour qu’elle ne se doute pas de mon chagrin : Je veux partir vivre chez mon père. Maintenant que je suis un adolescent, je suis certain que rester aux côtés de jeunes filles telles Nima ou Ryma n’est certainement pas convenable ; je préfère retourner chez moi !
    Assez stupéfaite, ma tante me rétorque sans me laisser une chance de monter dans ma chambre afin de me dérober aux explications : Comment ? C’est impossible ! C’est ici chez toi, tu es le bienvenu dans notre maison, pourquoi désires-tu partir si soudainement ? Quelqu’un de la famille t’aurait-il dit quelque chose d’inapproprié, Karim ? Dis-le moi ! Tu sais, tu peux tout me dire ! Est-ce Ryma ? Ou bien Narimène ? Ce serait Donya ? Tu sais, c’est une petite fille qui est très naïve, et ne sait pas ce qu’elle raconte, elle prend des airs de grande, mais au fond reste une enfant. Ne te tourmente pas pour si peu.
    Aucune de ses filles ne m’a heurté dans mon amour propre. Ryma fait semblant que je n’existe pas, mais je m’y suis habitué ; Nima est toujours dans sa chambre à vivre cloitrée, quant à Donya…
    Pourquoi se permettait-elle d’insinuer que Donya était hautaine et dédaigneuse à mon égard ? Cela était indubitablement faux ! Sans me pencher sur le sujet, je lui répond, le ton agacé, car je désirais ruminer ma déception dans cette parcelle de pièce qui était le trône que je devais céder : Tante Farah, vos filles ont une éducation irréprochable. Permettez-moi de monter à l’étage préparer mes bagages.
    - C’est ton oncle, c’est ça ! s’exclame ma tante fébrile. C’est lui qui t’a dit quelque chose à propos des dettes ?
    - Aucunement ! Je nie catégoriquement. Mon oncle se fait si rare de nos jours que je n’ai même pas le temps de lui parler ; c’est à peine si je le croise.
    - Alors il ne reste que moi, Karim !
    - Tante, arrêtez de dire n’importe quoi !
    - Tu n’as pas nié mon enfant, alors… que t’aurais-je fait qui te donne l’envie de retourner chez ton père que tu n’as pas cherché à revoir tout ce temps ?
    - Tante… loin de moi l’idée de vous importuner avec mes désirs de départ, comprenez juste que le moment pour moi est venu que je retourne chez ma famille.
    - Alors tu es décidé à partir ? Tu nous renies comme ça, si facilement ? Je n’aurais jamais cru ça. Si on m’avait dit que le fils que j’ai pratiquement adopté, nourri, logé, allait nous abandonner sans aucune hésitation… !
    - Je vous suis reconnaissant pour toutes ces années irremplaçables, qui permirent à mon âme de se reposer, le temps que mon cœur se cicatrise après le décès tragique de ma mère.
    - Tu as changé Karim, je ne te reconnais plus !
    Je résistais à l’envie de lui rappeler ses propres dires, reniant mon nom, me nommant tel le fils de mon père. Elle m’accusait d’être un ingrat, profiteur, cet intrus dont il fallait se débarrasser au plus vite pour retrouver la quiétude. Et, au plus profond d’elle-même, ma tante Farah savait que quelque chose avait déclenché cette spontanée rigidité dans les propos que je lui adressais le visage placide.

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    ————————————–07——————————————————–
    Néanmoins, je décide de lui répondre clairement en évitant de trop en dire :
    - Non, je suis le même Karim du premier jour, l’enfant de six ans qui croit naïvement que la famille est ce qu’il y a de plus sacré et de cher au monde.
    - Karim… tu es certain que tu n’as rien à me révéler ?
    - Ma tante, on ne m’a rien dit de désobligeant ! Mon seul souhait : revoir mon père. Maintenant que je suis un homme, je peux rester à la maison quand il est au travail, ça ne me dérange pas de demeurer tout seul, je peux me débrouiller.
    - Tu ne peux pas partir ! lance ma tante, énervée.
    - Pourquoi ? J’ai le droit de retourner chez moi.
    - Non, tu es chez toi !
    - Comment ? Ma tante… je vous remercie pour le bonheur que vous m’avez prodigué, plus que je n’aurais espéré en recevoir, mais comprenez-moi ! Je dois partir.
    - Et les filles tu y as pensé ? Elles se sentiront tristes si tu t’en vas comme ça, du jour au lendemain. Reste pour la semaine au moins !
    - Je leur dirai au revoir et leur expliquerai. Pourquoi retarder l’échéance ? Et j’y ai réfléchi amplement, je ferais mieux de m’en aller aujourd’hui. Demain c’est le premier jour du week-end, ça me laissera le temps pour m’installer.
    - Je suis certaine que Ryma et Narimène seront peinées, cependant Donya va être déboussolée, tu comptes beaucoup pour elle.
    Ce que me disait ma tante était certainement ce qui allait arriver, mais je ne pouvais lui pardonner cette légèreté dans les mots, qui me conduit à me sentir rejeté par cette même famille. Je monte dans ma chambre et prépare mes affaires. Ma tante me rejoint pour me demander si elle pouvait m’aider, je lui ai répondu que j’allais me débrouiller seul, puis elle a suggéré : – Je vais prévenir ton père que tu ne veux plus vivre chez nous et que tu préfères qu’il vienne te chercher demain.
    - Non ! Je veux partir cet après-midi, si ça ne vous dérange pas, ma tante.
    - Mais… Karim, mon fils, tu es sûr que ce n’est pas quelque chose que l’on aurait fait ou dit qui t’incite à fuir ? Tu devrais me le dire, si quelque chose te trouble mon petit. Je ne peux pas te laisser franchir le seuil de la porte le cœur lourd… Dis-moi ce qui te préoccupe.
    Je gardais mes révélations pour moi, je ne voulais plus l’écouter me sermonner ou essayer de me consoler sans que je n’aie ce sentiment de fardeau qui pèse sur mes épaules, et ne manque à me rappeler combien le monde me rejette. Je savais que si je lui disais la vérité, elle me retiendrait de force et m’inventerait un beau mensonge qui me charmera et éloignera mes doutes pour un temps, mais cela n’est point concevable ! J’abhorre les faux-semblants, les messes basses ou bien les sous-entendus blessants, je ne voulais pas haïr ma tante, je préférais préserver l’image que j’avais d’elle intacte dans mon esprit, que j’efface ce terrible moment de ma mémoire, que celle qui me prit la main quand ma mère s’en est allée reste l’idéale et parfaite conception maternelle que je chérissais.
    Mon père, au téléphone, me questionne sur les raisons qui me poussent à vouloir réintégrer la demeure, sachant que, depuis tout ce temps, je n’ai pas cherché à lui parler ni même à lui rendre visite. Seulement aujourd’hui, mon comportement a changé, telle une évasion, je devais quitter la maison de ma tante au plus vite, comme un voleur, évitant de rester sur les lieux de la tragédie. J’espère partir sans animer les souvenirs mélancoliques dans les yeux de mes cousines, que les larmes s’abstiennent d’énoncer la morosité d’un au revoir. Il est presque midi, ma cousine Ryma rentre du lycée, elle remarque les valises à la porte, s’en soucie guère et se dirige vers la cuisine, prend son déjeuner et s’enferme dans sa chambre. Quelques minutes plus tard, c’est Nima qui arrive, elle parle à Farah, puis monte les escaliers à la hâte et constate que ce que sa mère lui avait exposé était la pure vérité et essaye de me retenir en me suppliant, en vain :
    - Ne t’en vas pas Karim, je vais être plus gentille, je vais arrêter de jouer sur mon ordinateur toute seule dans ma chambre et je viendrai te parler plus souvent ! Alors ne précipite pas les choses, papa ne serait pas content que tu t’en ailles comme ça, alors qu’il n’est même pas là !
    Maintenant qu’elle y fait référence, son père ne s’est jamais plaint de ma présence et avait toujours le mot qui rassurait. Il n’est pas de mon sang et il reste magnanime, au grand cœur, cependant je lui dois beaucoup et compte le remercier plus tard. Mon père arrive en voiture, il se gare rapidement et va directement parler à sa sœur. Prévenu de sa présence, je descendais l’escalier avec un dernier bagage en main, quand j’écoutais de la cuisine mon paternel se quereller avec ma tante. Je me retiens de les interrompre, tant les reproches me mortifiaient :
    - Ce n’est pas possible Farah, je t’ai dit que j’allais t’envoyer de l’argent avant la fin de la semaine. Pourquoi est-ce que tu le chasses de la maison ? Tu es sans vergogne !

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  7. Artisans de l'ombre Dit :

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    -Ce n’est pas de ma faute si ton fils en a assez de vivre comme un pauvre. Je suis désolée si notre maison n’est pas aussi grande que la tienne, tu devrais demander à ton fils pour savoir pourquoi il ne veut plus habiter chez nous. On a toujours traité ton fils comme un roi !
    - Je déteste ça, “elle” va s’énerver si elle découvre que Karim va venir habiter chez nous.
    - J’en ai rien à faire de ce que cette “bonne femme” dira ! Prends ton fils et pars de chez moi ! Tu es un incapable, tu te feras piétiner toute ton existence. D’abord ta défunte femme autoritaire et maintenant cette…
    - Tais-toi ! J’en ai assez entendu Farah !
    De qui parlent-ils en disant “qu’elle s’énerverait” ? Qui était cette “bonne femme” qui terrorisait mon père, au point d’hésiter à me prendre avec lui ? Avant que je ne trouve des réponses à mes intrigues, la porte d’entrée s’ouvrit, dévoilant une jolie Donya revenant de l’école souriante, elle courut me dire : “Bon après-midi Karim, comment était ta journée ?”
    Avant même que je ne puisse lui répondre, elle remarqua les valises adossées au mur et la présence de mon père irrité, qui hurlait sur ma tante. En un instant, elle comprit que j’allais les quitter, elle laisse tomber son sac d’écolière et s’écroula désemparée en sanglotant, et m’implora : “Tu ne vas pas partir Karim, tu vas rester ici, chez nous ! Tu vas vivre avec nous pour la vie, tu m’avais promis !”
    Dans cette petite tête de fillette de douze ans, j’essayais de la convaincre de retenir ses larmes et que je n’allais pas m’éloigner d’elle, puisque j’étudiais toujours au lycée du coin et je passerai la voir de temps en temps. Donya essuya ses larmes, puis en se relevant elle me révèle : “Tu avais dit que tu resterais à mes côtés pour toute la vie. Pourquoi est-ce que tu m’as menti ?”
    - Je ne mentais pas en disant cela,. Comprends-moi ! Je serai présent dans ta vie quoi qu’il advienne, mais je dois retourner chez mon père, tu le sais ça ! Je suis un jeune homme maintenant, je veux prendre de l’espace, avoir un coin où lire tranquillement, et des sorties sans qu’on me demande où je vais ou ce que je fais, sans arrêt !
    - Je vais me taire si c’est le bruit qui te dérange ! Je vais crier sur tous ceux qui te perturbent quand tu liras un livre. Je raserai le mur de la chambre de maman pour que ça devienne la tienne, et ainsi tu auras plus d’espace. Et tu peux sortir, je ne te demanderai plus où tu iras et ne te suivrai plus en cachette.
    à ces mots puérils mais tout de même touchants, j’éclate de rire et interroge ma cousine : “Eh bien, dis-moi donc ! Tu me suis en cachette petite espionne ? Tu sais que c’est mal de faire ça !” “Je ne le ferai plus !”, me promit Donya, l’air morose, mais avant que je n’aie le temps de la consoler, mon père vient prendre mes valises et m’ordonne de me dépêcher. Donya s’accrochait à mon bras en me promettant de rester sage, elle tentait de me retenir de ses chétifs bras. Sa mère vint l’arracher de force, si brutalement qu’elle me déchira la manche de ma veste, et lui cria au visage les mots qui signèrent mon exclusion de la famille Arfawil pour de bon, à mon grand dam : “Tu ne vois pas qu’il s’en moque que tu pleures ou pas ? Ramasse ta dignité et ne parle plus à ton cousin. Si jamais je te surprends à prononcer son nom, je te frapperai.”
    Une jeune enfant de cette fragilité hurlait mon prénom, sollicitait ma présence pour que je revienne sur mes pas. Donya rejette la main de sa mère, qui la frappait pour qu’elle cesse de me réclamer, quand elle vit que je m’engouffrais dans la voiture, prête à démarrer. Elle poussa sa mère en arrière afin de se libérer de son emprise. Au moment où le véhicule quittait la place, je me rappelais, en admirant une dernière fois cette maison de rêve, ces moments de joie uniques gravés dans mon cœur et qui jamais ne se faneront. Cette famille que j’abandonne tel un criminel, en ayant causé plus de chagrin qu’escompté, et j’en regrette amèrement les circonstances qui poussèrent mon orgueil à laisser ceux qui comptaient plus que tout pour moi. Ça y est ! Je vais quitter mes plus belles années d’enfance par l’amertume de ce jour de départ prématuré, en un jour mélancolique et je sombre dans la déprime.
    Donya, qui sortait de la maison, retenait ses larmes en distinguant ma main et mon sourire qui lui exprimaient un dernier “adieu”. Je m’éloignais peu à peu de ce tableau de nostalgie, quand je vis la petite Donya courir derrière la voiture essayant de me rattraper, en courant de toutes ses forces. J’ordonne à mon père de s’arrêter, il ne voulait pas m’écouter et me répétait : “Je ne vais pas gaspiller mon temps pour cette idiote. Je dois aller à l’université avant deux heures. Arrête de me parler d’elle, tu me causes trop de soucis. Par ta faute j’ai dû rater un cours.”
    Mon cœur s’était serré en percevant les yeux larmoyants de Donya, son acharnement et son hardiesse à vouloir me retenir malgré la distance et la fatigue. Cela m’émut à tel point que je baissais la vitre et lui hurlai une promesse pour qu’elle cesse de courir : “Je viendrai te voir demain, ne me suis plus ! Tu vas te faire mal !”
    Malheureusement pour moi, mon père m’interdit de revenir ou ne serait-ce que de reparler à ma tante. Il me disait que cette dernière avait juré de me claquer la porte au visage, si je daignais me pointer chez elle.

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  8. Artisans de l'ombre Dit :

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    Et sur le chemin du retour, il m’explique que des changements sont survenus lors de mon absence de la demeure, je n’en étais pas inquiet, pensant à des travaux dans ma chambre ou quelque chose du genre. Toutefois, rien ne me préparait à ce que je percevais en arrivant chez nous. La maison était tout à fait normale, cependant qui était cette femme et cet enfant qui sortaient de la maison en faisant signe de la main à papa ?
    Je descends de la voiture tranquillement en espérant me tromper dans mes conclusions hâtives : je me disais que peut-être était-elle juste une personne de la famille que je ne connaissais pas ou simplement une voisine rendant visite ?
    Cette même femme cria mon père en me désignant du doigt :
    - Que fait cet opprobre chez nous ? Pourquoi me l’as-tu ramené ? Je ne suis pas sa mère, je ne vais pas m’occuper de lui aussi. Mon fils me prend trop de temps pour que j’use ma santé avec cet orphelin.
    - Calme-toi ma chérie, ne fais pas de scandale, lui répond mon père tendrement sous mes yeux outrés, avant de la sermonner. C’est pas à toi de t’en occuper, personne ne te l’a exigé, il est assez grand pour le faire tout seul… Viens, entrons avant que les voisins nous entendent.
    Mon père la suppliait de baisser le ton tout en l’agrippant par le bras pour la faire entrer de force. Désemparé, je restais muet. La porte se referme devant moi. Le teint pâle, je m’éloigne de la maison en la scrutant, pour déceler l’anomalie. Suffocant de terreur, je saisissais malgré moi que ce qui avait changé n’était point sous mes yeux, mais à travers les yeux de mon père. La dure réalité tinte à mes oreilles, par ces mots que mon paternel prononça pour nommer cette femme. Tout seul, attendant que mon père revienne, je reste près de la voiture, accroupi, dissimulant mon visage avec mes simples mains, retenant les larmes, car ce que je redoutais au plus profond de moi est arrivé : mon père s’était remarié sans nul doute, et plus aucun espoir ne trottait dans ma tête, j’étais anéanti, trahi pour la énième fois par mon paternel. Que voulez-vous que j’y fasse ?
    Notre vieille voisine qui venait de sortir de chez elle, et qui allait chez l’épicier, m’interpelle :
    - Hé petit, que fais-tu ici ? Tu as la tête enfoncée dans le sol. à moins que tu sois une autruche, je ne vois pas ce qui te rend si penaud, mon jeune ami !
    Je relève la tête et, en la voyant, je reconnus la gentille dame, habillée telle une colombe, qui avait aidé maman une fois pour une affaire en justice, quand les petits-enfants de la grand-mère avaient essayé de réquisitionner son habitat, la qualifiant de sénile, pour l’envoyer à la maison de retraite, mais grâce à ma défunte mère, rien de tout cela ne se produisit. La vieille voisine me proposa de l’accompagner afin que je l’aide à porter ses provisions. Visiblement laissé pour compte, personne ne remarque mon absence. J’accepte donc avec un large sourire sa requête. En marchant à ses côtés, elle m’interroge :
    - Qui es-tu mon bel ami ? Tu es nouveau par ici ? Ta tête me dit quelque chose…
    - Je suis Karim Fahad, madame, votre voisin.
    - (Sceptique) Karim… Fahad ?
    - Oui madame, mon père c’est Fahim, le professeur d’université !
    - (Rebutée) Ah oui, celui-là, ce Fahim qui a épousé une monstrueuse baleine.
    Soupires. Je constate que c’est bien sa femme, nul doute que mon père s’est remarié.
    - Ah désolé petit, ce serait ta mère ce gros mammifère ?
    - Ah non madame, ma mère est décédée, et vous deviez la connaître…
    - Je ne m’en souviens pas, rappelle-moi son nom…
    Je souris en me dérobant à la demande, je pensais qu’il fallait mieux que je garde mes souvenirs chers de ma pauvre et froide de maman dans mon cœur, pour les préserver d’une révélation fâcheuse qui me peinerait plus qu’autre chose. J’avais besoin de sourire, j’avais besoin d’oublier que je n’avais nulle part où aller, et personne sur qui compter. Je regarde le ciel bleu azur, les nuages caressant mon désir de liberté, et priai Dieu de tout mon cœur pour que je me réveille de ce cauchemar et que je revoie les traits compatissants de ma tante et la douceur de mes cousines. Mais avant que je ne sois emporté par mes illusions, la vieille dame me rappelle sur la terre cruelle des hommes :
    - Hé petit, voici le magasin, viens m’aider !
    - Oui madame, pardon ! Je rêvais… Je voulais dire…
    - (Rire) Ne t’excuse pas ingénu ! Tu as le droit de rêvasser si tu te sens capable de réaliser ces songes qui sont tes soupirs mon bel ami.
    - Je ne comprends pas madame, qu’est-ce que vous voulez dire ?
    - Les jeunes de nos jours n’écoutent plus la sagesse d’antan et préfèrent s’adonner à lire les paroles rébarbatives et stupides de chanteurs qui n’ont pas encore fini leur croissance.
    J’ignorais ce que cette dame me racontait, et dans un court moment je m’interrogeais sur son état mental, me disant que ses enfants avaient peut-être raison de la traiter de folle, mais qu’est-ce que je peux bien savoir, moi ?

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  9. Artisans de l'ombre Dit :

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    Je lui prends tous les sachets des mains, afin de les soulever moi-même, qu’elle n’ait à s’esquinter la santé pour rien. En arrivant devant chez elle, je pose les sacs sur le palier, et refuse son invitation à entrer, mais avant qu’elle ne me laisse partir, elle me dit une phrase qui apaisa mon cœur, elle me regarde tendrement et me révèle : je me souviens de toi, tu es le fils de l’avocate “Houda”.
    Tu es pareil que ta maman, tendre dans le fond, mais avec ces rides au front qui cachent tes vrais sentiments. N’est-ce pas mon bel ami le taciturne ?
    Je souris et lui dit au revoir, pendant qu’elle me remerciait chaleureusement, elle rectifie une chose que j’ai omise : je ne suis pas n’importe quelle “madame”, tu peux m’appeler hadja “Sadia” mon bel ami.
    -Si vous arrêtiez de dire mon “bel ami”, et me nommiez par mon prénom, je vous considèreraidésormais en tant que hadja “Sadia”, madame !
    -Tu es opiniâtre, tout comme ta maman mon bel ami…je voulais dire Karim !
    -Passez une belle journée hadja “Sadia”.
    -Je te le souhaite aussi, Karim, et souviens-toi, ma porte t’est grande ouverte si tu as besoin de quoi que ce soit, et ce ne sont pas des paroles en l’air. Je dois beaucoup à ta mère, jeune ami.
    Je retournais le cœur léger, prêt à frapper à la porte pour qu’on me laisse renter “chez moi”. Un jeune enfant d’à peine cinq ans m’ouvre et m’interroge grossièrement : qu’est-ce que tu veux toi ?
    J’étais très en colère, je me demandais qui était ce petit parasite qui se tenait entre moi et ce qui représentait mon passé, mon héritage : ma demeure. Je lui rétorque à mon tour : qui crois-tu être pour penser m’interdire d’entrer chez moi ?
    -T’es qui toi ?
    -Au lieu d’agresser les gens de questions, tu devrais, gamin, penser à saluer autrui !
    -Je m’en moque, je fais ce que je veux !
    -Tu es insolent et si impudent ! Qui sont tes parents, petit morveux ?
    -Moi je suis le fils de Fahim et Hind, t’es qui toi alors ?
    -Qui suis-je…?
    Sur cette question, je ne trouvais pas de réponse adéquate, je me sentais puéril à sermonner un enfant espiègle, alors que je devais demander des explications à mon père. Je pousse légèrement le garçon, qui résiste et ne daigne bouger, je le rejette en arrière pour qu’il tombe sans grand mal au sol, mais ce dernier cria de toutes ses forces et geignait pour que mon père et sa femme accourent le consoler. J’essayais de m’expliquer, dire que je ne l’ai pas battu comme cet enfant le certifiait, mais la mère du gamin, me poussa au mur de toutes ses forces, et m’invectivait de toute cette animosité gratuite : espèce de moins que rien, ta tante t’a jeté à la porte de chez elle, et maintenant tu bats mon enfant par jalousie ? Qui te permet de le toucher, hein ? Espèce d’ingrat, tu devais rester chez ta tante, pourquoi es-tu venu ici, qu’est-ce que tu cherches, de l’argent ? Je vais t’en donner des coups moi que tu ne sortiras plus de ton trou, espèce d’ignorant !
    Cette femme que je ne connaissais guère, se permettait de me juger, pis encore, m’injurier. Je dévisageais mon père avec les yeux au bord de la détresse, implorant qu’il me délivre de ma cage de la bienséance, que je me permette d’outrager, à mon tour, cette personne qui ose me dénigrer de la sorte, en ignominieux et oppressants reproches.
    Voyant que je restais impassible devant ses réprimandes, cette belle-mère se tourne vers mon père et lui ordonne : tu dois le châtier pour ce qu’il a fait à ton fils, il l’a tabassé, tu vois qu’il pleure ! N’est-ce pas une preuve suffisante ? Mon pauvre petit Redouane ! Il est choqué le pauvre, il n’a jamais reçu de coups de sa vie, et voilà que cet énergumène débarque pour que la félicité qui règne tourne en belligérance par sa faute ! Je ne pouvais plus rester coi, mon père est indolent et ne semble porter grande attention à mon tourment. Alors, il fallait que je réagisse,je regarde cette femme exécrable et lui expose les faits tels qu’ils se sont déroulées, mais elle ne retient de ma justification que ce qui l’importe, et va même féliciter sa progéniture : c’est ça mon fils, les étrangers on les laisse à la porte, on ne les laisse pas entrer !
    C’était plus que ce que mes oreilles ne pouvaient supporter, cette journée était un enfer, je devais me reposer pour que les nouvelles qui agressaient mon esprit se tassent et étouffent mon désir de fugue, je me sentais si seul à cet instant, personne pour me défendre, ni me conforter. Alors, tel brisant les chaînes de l’oppression, je hurle au visage de cette méprisable femme : votre fils est un effronté ! J’aurais dû le corriger afin de lui apprendre à vivre, si vous voulez que je vous dévoile mes noires pensées !
    -Je le savais, tu n’es qu’un horrible garnement, s’exclame la belle-mère. Tu souhaites la mort de mon fils, c’est ça ! Avoue-le !
    -(Choqué) non ! Pas du tout, n’interprétez pas mes dires à votre guise !
    -Tu veux hériter de la maison à toi tout seul, tu veux me chasser d’ici, c’est ce que tu veux, avoue-le !

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  10. Artisans de l'ombre Dit :

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    Hébété par cette paranoïa dont souffrait cette femme, il m’était difficile de rester debout, les jambes tremblantes, la voix qui perdait de son timbre, je ne comprenais pas pourquoi on me réprimandait, pourquoi on me noircissait les traits, on disait de ma personne des infamies. Et mon père, qui prenait soin de son nouveau fils, m’abandonne à mon sort, seul à affronter la “baleine”. Dépité, je n’ai d’autre choix que de prendre la porte, car je n’étais pas habitué à ce langage rustique, ces accusations légères et ces disputes si vite allumées qu’elles s’embrasent, incendiant ma confiance et ma sérénité.
    Je sors prendre l’air, je marche dans la rue, comme un chien errant, essayant de me rappeler les bribes de souvenirs heureux qui effaceront de ma mémoire ce cauchemar que je viens de vivre. Je suis depuis des heures dans ce parc à regarder des enfants jouer, pleurer, rire, mais confortés par la présence sereine de leurs parents, qui étaient juste à côté d’eux, afin de garder un œil sur eux. Le sentiment de me perdre me traverse l’esprit, je savais que si j’allais vivre avec cette détestable femme et son gamin, il fallait que je change de personnalité, que je ne me laisse pas écraser par les bonnes manières qui restent du domaine de l’inconnu pour ce genre de personnes. “Je dois changer !” C’est ce que je voulais faire, mais est-ce que j’y arriverai ? Vais-je garder mes traits passibles devant ses offenses, tout en désarçonnant ses pièges et manigances ? Vais-je respirer, même noyé par les reproches ? Je n’ai pas de réponse. J’ignore quel sera mon avenir. Je ne garde que Dieu dans mon cœur, le caractère de ma mère, le visage de mon frère et le sourire de Donya, c’étaient mes seuls baumes au cœur pour affronter cette belle-mère à scandales.
    Il se fait tard, je dois rentrer à la maison, le muezzin appelle à la prière d’el-maghreb. Je décide d’aller à la mosquée prier la tête reposée. J’entre dans ce lieu sacré plein de quiétude et de tranquillité. Soudain, le poids sur mes épaules s’amoindrit, mes pensées noires sont blanchies, une sensation de bien-être m’envahit… Je me sens si invincible ! Comme si les malheurs du monde ne sont rien comparés à ces moments de bonheur intense que j’ai vécus dans cette endroit, où je sollicitais le pardon de Dieu, sa protection et sa miséricorde. Je me sentais vivre pour un objectif, vivre pour quelqu’un, car Allah ne m’a pas créé pour souffrir puis mourir. Au fond de mon cœur, je récitais cette prière, espérant que les mœurs changent, que ceux que j’ai fait souffrir me pardonnent, que ma tête fredonne le nom d’Allah que je me permette d’espérer, encore une fois.
    Sans que je le remarque, la prière d’el-icha s’invite à mon horaire, je reste dans la mosquée, pourquoi partir si je me sentais apaisé ? Mais tôt ou tard, je dois affronter mes appréhensions et retourner dans cette maison, qui n’est plus mon chez-moi. Perdre ce sentiment d’assurance, de sécurité ou de sûreté se produit quand on n’a plus aucun endroit où se réfugier, ni personne à solliciter, si par malheur le destin intervient, pour tester ma patience et ma bravoure qui chancellent, car il n’y a que Dieu qui m’aime.
    Le ciel s’assombrit, comme pour mon cœur, sans aucune étoile pour éclairer ma nuit, ni même la lune pour me guider à travers les ténèbres. J’ai si peur, j’ai un peu froid, j’ai très faim et je somnole. Je vois la demeure de mon père, reconnais sa voiture, avec mes bagages à l’intérieur, personne n’a daigné les sortir, on n’attendait que moi pour m’occuper de moi. Je constate cela avec déception, car je pensais au plus profond de mon cœur que mon père m’attendrait impatiemment, en ayant préparé ma chambre. Nulle illusion à se faire, mon paternel est toujours le même, insensible. Qu’attendais-je de lui ?
    Je frappe à la porte, personne ne vient ouvrir, je sonne, j’insiste, mon père arrive enfin et en ouvrant me hurle dessus : – C’est à cette heure-ci que tu rentres ? Je me demande comment ta tante t’a éduqué, mais moi je ne tolère pas ces sorties nocturnes !
    - Papa c’est toi qui m’as élevé !
    J’essayais d’appeler son instinct paternel. En vain.
    - Moi j’ai élevé Redouane comme un grand gaillard, et tu te permets de le frapper. Pour qui tu te prends espèce de voyou ?
    Constatant que mon père était assez remonté contre moi, il m’est paru clair que cette belle-mère des malheurs a rempli sa tête de toutes sortes de sornettes. Je retiens mes larmes, et je lui affirme innocemment :
    - Mais papa, je t’ai expliqué que ce n’était pas du tout ma faute.
    - Tu te tais ! Quand je te parles tu écoutes et tu me respectes !
    - Papa ! Pourquoi est-ce que tu m’as caché que tu t’es remarié ? Tu ne m’as jamais parlé de ce frère dont j’ignorais l’existence jusqu’à ce jour !
    - Et toi, est-ce que tu as cherché à me revoir ?
    - Non… mais je pensais que tu viendrais me voir, j’attendais que tu fasses le pas !
    - Pourquoi m’abaisserais-je à venir te rendre visite, toi qui n’a jamais cherché après moi.
    - Parce que tu es mon père, je pensais que ce lien en lui-même était une raison valable pour que j’espère te revoir.

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  11. Artisans de l'ombre Dit :

    —————————————–12——————————————————
    Nawel ébauche un sourire :
    - Ce n’est rien tout çà…Tous les enfants ont peur des blouses blanches et des injections.
    Adel est perplexe :
    - Mais je ne suis plus un enfant…Je mesure un mètre quatre-vingts, et je pèse quatre-vingt- quinze kilos.
    Nawel se met à rire :
    - Au fond de chaque homme, aussi grand, et aussi fort soit-il, somnole un enfant….(elle tapote la main de Adel comme pour le rassurer ) Tu finiras par te débarrasser de toutes ces phobies, quand tu comprendras qu’enfin elles n’ont pas lieu d’être.
    Il sourit :
    - Et bien sûr tu es la mieux placée pour cela…
    Nawel allait répondre lorsque son portable se met à sonner. Elle décroche, discute avec quelqu’un et se lève :
    - Je dois retourner à l’hôpital Adel…On vient de m’appeler pour une urgence.
    Adel se lève :
    - Je te dépose. Mais…
    - Mais… ?
    - Oh rien….J’aimerais te revoir Nawel…..
    La jeune fille ne répondit pas. Ils quittèrent le restaurant, et n’eurent aucun mal à se retrouver rapidement dans le parking de l’hôpital. Adel prend congé de Nawel, et cette dernière allait rejoindre son poste de travail, lorsqu’elle entendit son nom :
    -Nawel…Nawel….
    Elle se retourne et se retrouve face à Hamid :
    - Hamid… ? Mais que fais-tu donc à l’hôpital… ? Quelque chose est arrivé.. ?
    Essoufflé, Hamid répondit :
    - Je te cherchais…On m’avait dit que tu étais sortie pour la pause de la mi-journée….Je veux juste te demander quelque chose.
    Nawel s’approche de lui :
    - Oui…Vas-y …
    -Euh …Je ne sais pas comment aborder la chose…Mais je t’assure que le sujet est de la plus haute importance….Faouzi veut tout juste savoir si Hakima porte une tache de vin sur la cuisse droite.
    Hamid avait rougi jusqu’à la racine des cheveux, et Nawel demeure sidérée. Elle se rappelle tout d’un coup son urgence et répondit hâtivement :
    - Oui…Mais pourrais-je savoir….
    - Es-tu sûre de ta réponse Nawel…Hakima porte bien cette tache de vin sur la cuisse droite ?
    - J’en suis certaine..Cela fait des années qu’on se partage la même chambre à la cité U Mais pourquoi cette question…Veux-tu me dire….
    - Merci…Oh merci beaucoup Nawel, l’interrompt Hamid, on en rediscutera plus tard, c’est promis. Il tourne les talons et saute dans son véhicule. Tout à coup, un éclair illumine la cervelle de la jeune fille.
    Hakima était au festival de Cannes, Faouzi était absent et Hamid maintenant qui lui demande un renseignement suspect.
    Elle tendit le bras et tenta de rappeler ce dernier. Mais le journaliste avait déjà quitté le portail du parking. Nawel se dit que si Faouzi a demandé un tel renseignement, c’est que le sujet en valait la peine. Hakima aura une belle surprise à son retour, elle n’en doutait pas.

    UNE FAMILLE, UNE ORIGINE
    Faouzi sonna au portail de la villa indiquée par Ammi Aïssa et attendit un moment avant qu’un jeune et bel homme ne vint lui ouvrir. Il tenait la main d’un enfant de quelques années qui serrait un jouet contre lui.Faouzi ne savait par quel bout commencer, mais le jeune homme le précède :
    - Sois le bienvenu mon frère…Tu n’as pas l’air d’être de notre région…Que puis-je faire pour toi… ?
    Faouzi écarquille les yeux. Cet homme ne le connaissait même pas et proposait déjà ses services. On lui avait déjà vanté la générosité des chaouias, mais s’il y avait un doute là-dessus, le jeune homme se dit, qu’a cette heure-ci, il découvrait toute la vérité sur les mœurs de cette région.
    - Heu…Excuse-moi…Mais j’aimerais rencontrer Si Mustapha.
    Le jeune homme sourit :
    - Mon père est absent en ce moment…Mais il sera là dès ce soir…Pourrais-je savoir à qui ai-je l’honneur… ?
    Faouzi exhibe sa carte professionnelle:
    - Je suis journaliste..Je viens d’Alger…J’ai…Je cherche des renseignements sur une affaire qui remonte à plusieurs années..Une affaire qui touche de très près votre famille.

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  12. Artisans de l'ombre Dit :

    ————————————–13——————————————————-
    J’entends un rire étouffé provenant de la maison de la vieille grand-mère, je me lève et va voir qui épiait ma conversation, et en avançant doucement, je lorgne discrètement et constate que Hadja Sadia était morte de rire au seuil de sa porte, la gardant entrouverte en la bloquant de sa main droite, pendant que l’autre étouffait son rire qui désirait se faire discret. En constatant que je la foudroyais du regard, elle me raconte, en essayant de stopper son rire nerveux : je n’étais pas en train de t’espionner, mon bel ami, au moment où tu allais déclarer ta flamme à la femme de ta vie. Si c’est ce que tu crois, tu as tors ; je voulais promener mon chat et j’ai…
    - Pourtant, je ne vois pas de chat aux alentours ! Je me permets de remarquer.
    - Oh, ce vilain matou s’est encore enfui ! La prochaine fois, je ne lui donnerai pas autant à manger, pour qu’il me revienne et me tienne compagnie plus longtemps.
    Je pars sans porter attention à sa justification que je ne croyais guère, mais elle m’interpelle en me proposant de boire un café en échange : j’oublie son indiscrétion. Mon ventre est prêt à troubler ma paix intérieure si je ne le remplis pas, donc je n’ai d’autre choix que d’accepter son offre sans me faire attendre. Elle me propose d’aller me rafraîchir dans la salle de bains ; j’en profite sans hésiter. L’odeur du bon café maison embaume les recoins de cette somptueuse et luxueuse maison. Sur les murs on pouvait voir des peintures représentant La Casbah d’Alger et plusieurs portraits de Hadja Sadia, des membres de sa famille, des amis, et certaines la représentaient plus jeune. Seulement, je reste sans voix en apercevant ma mère sur l’une d’elles, alors qu’elle n’avait que vingt ans. Je comprenais que cette grand-mère connaissait ma mère depuis plus longtemps que je ne l’aurais cru. Hadja Sadia me surprend à contempler la photo, et elle m’explique : Tu sais ta maman, je l’ai connue alors qu’elle était à la faculté de droit, quand moi je travaillais là-bas en tant que femme de ménage. Houda restait à étudier dans la bibliothèque jusque tard le soir, ce qui fait qu’on se croisait souvent dans le bus. Quand les autres étudiants évitaient le contact avec moi, à cause de mon modeste métier et me regardaient avec dédain, elle non, ta maman me parlait, venait s’assoir près de moi pour me tenir compagnie. Et parfois même, quand on devait se contenter de se tenir debout, du fait que le bus soit comblé de monde, elle réprimandait les hommes qui squattaient tous les sièges et les obligeait à être galants.
    - Ma mère était forte de caractère, je ne le savais pas. Je le constate avec étonnement.
    Hadja Sadia éclate de rire et précise : Non mon bel ami ! elle se montrait forte quand il y avait injustice, mais en réalité… elle était très timide et avait du mal à se faire des amis.
    - Tout comme moi ! murmurais-je. Elle me ressemblait en fait…
    - Que dis-tu Karim ?
    - Non rien…j’étais perdu dans mes pensées…
    - Descends sur terre, mon enfant, et allons prendre le petit déjeuner, tu as sûrement faim.
    -J’aimerais savoir un peu plus sur ma mère…comment était-elle ?
    Qu’est-ce qu’elle aimait…je veux tout savoir !
    - (sourire) Je te raconterai tout ce que tu désires entendre, mais allons boire le café avant qu’il ne refroidisse.
    En m’asseyant autour de cette grande table où les gâteaux de toutes saveurs alléchaient mes papilles, je les dévorais des yeux. Hadja Sadia, ayant perçu mon regard criant famine, posa l’assiette aux convoitises sous mon nez et menace : Si tu ne finis pas tous ces gâteaux, je me fâcherais !
    - Mais je ne peux pas manger tout ça tout seul ! m’exclamais-je offusqué, pour cacher ce qu’elle discernait clairement dans mes yeux : la faim.
    - Vas-y mange, et ne t’arrête que si tes yeux sortent de leur orbite, me prévient-elle, et sur un ton plus sérieux, relance-t-elle, Ne me déçois pas !
    - Je ferai de mon mieux pour vous impressionner Hadja !
    -Je te fais confiance mon jeune ami. Mais, à propos…
    - Oui ?
    - Je t’ai vu allongé sur le sol endormi, quand Amina t’a réveillé. Dis-moi…tu n’as pas veillé dehors j’espère !
    - Non ! Pas du tout ! Je nie afin de ne pas la préoccuper.
    -Tu me le dirais si ton père te faisait souffrir ? Que je lui donne une belle correction !
    - Oui, Hadja Sadia, je vous le dirais, soyez rassurée, je vais bien !
    -Et si la baleine échoue sur ta plage de plaisance, appelle-moi que je la remette dans son eau saumâtre !
    Je ris et lui réponds que tout allait à merveille, pour qu’elle ne s’inquiète de mon état alors qu’elle devrait prendre soin de sa santé.
    -Pourquoi tu ne prends pas de café ? T’attends que je te serve ? Tu es chez toi, mon bel ami, prends ce qui te fait envie !
    -Je suis confus…je ne peux pas…
    - Tu veux me faire travailler à mon âge ?
    -D’accord, si vous insistez…

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  13. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————————–14———————————————–
    Je me sers du café au lait et lui donne une tasse de noir sans sucre, je lui propose un peu de gâteau, elle refuse car elle est diabétique. Alors, je lui demande, un peu surpris :
    - Pourquoi avez-vous tant de gâteaux chez vous, si vous ne pouvez les goûter ?
    - Mon enfant, je peux manger ce qui est sucré. Malgré tout, même sans être malade, je ne mangerai jamais de gâteau, je déteste ça !
    - Alors pourquoi en achetez-vous de la boulangerie ?
    - Mon bel ami, je les réserve à mes invités. Quand je sens que j’aurai une bonne compagnie, j’achète de bonnes pâtisseries pour que mon humble convive revienne me rendre visite.
    - Vous n’êtes pas obligée… Je reviendrai vous voir sans compromis !
    - Je le sais mon bel ami, mais voir tes yeux s’enchanter et étinceler en regardant cette assiette me rend de bonne humeur.
    - Je ne suis pas affamé !
    Je rougis, sachant qu’elle avait raison en ce qui concerne mon appétit vorace.
    Elle rit et me demanda de me taire, car elle savait que je ne mangerais que si elle buvait son café en contrepartie. Mais au moment de prendre délicatement une pâtisserie au chocolat, j’entends mon père dehors hurler mon nom. Je me lève brusquement et remercie chaleureusement la vieille amie pour son hospitalité singulière, et sors prestement avant qu’elle n’ait le temps de me retenir.
    Dans la voiture, mon père attendait, le moteur en marche, que j’arrive, il me foudroya du regard, ne sachant d’où je sortis, et m’interrogea :
    - Tu étais où ? Tu es allé traiter avec tes amis délinquants, c’est ça !
    - Non papa, j’étais juste allé…
    - La ferme ! Je ne veux pas t’entendre ! Ôte tes bagages de la voiture, que je parte !
    - D’accord papa.
    Je retire mes valises, la tête baissée, tristement, je souhaite bonne route à mon père, mais il me répond avec la fumée du pot d’échappement qui pique mes yeux, ou bien serait-ce le chagrin qui troublerait ma vision des choses ?
    J’allais prendre mes trois bagages, quand je revis la jeune fille de tout à l’heure se diriger vers moi, et me dire :
    - Tu veux que je t’aide à emménager, pauvre mendiant ?
    - Non, vas-t-en !, lui répondis-je, énervé, parce qu’elle me prenait pour un nécessiteux, mais au fond je retournais ma colère contre une autre personne qui n’est pas mon père, celui qui a attisé mon désespoir.
    - Si c’est comme ça, je m’en vais, mendiant ingrat !
    - Je ne suis pas ingrat, je ne suis pas un affamé, je ne suis pas un… je ne suis pas… Je me rendis compte trop tard que je blâmais la mauvaise personne pour mes maux. Je me justifie pour mon comportement rude, mais elle s’énerve contre moi pour mon odieuse manière de l’aborder. Seulement, je me garde de prolonger mes excuses, étant donné qu’elle allait même me donner envie de la tuer en me répétant :
    - Je sais mendiant, ta vie n’est pas de tout repos, je vais t’aider à porter les valises !
    - Je ne suis pas un mendiant !
    - Oui je sais, tu es juste un sans-abri.
    - C’est pareil, et pour ta gouverne j’habite dans cette immense demeure qui se dresse devant tes yeux Amina !
    - Je sais, on t’a accueilli comme nouveau membre de la famille… En fait, je rectifie, tu es un orphelin qu’on a adopté !
    - Je ne suis pas…
    Je pense qu’elle a touché un point. Je suis bel et bien orphelin dans cette vie, je fais pitié… Je suis seul. On me rejette, je suis le poids dont il faut s’alléger.
    - Alors, orphelin, tu viens ? On va porter tes bagages !, me rappelle-t-elle quand je me perdais en tristes pensées.
    - Oui, merci de m’aider… S’il te plaît, appelle-moi Karim !
    - Compris ! Tu t’appelles “Karim l’orphelin” !
    - Non idiote ! Oh, désolé, mais tu es trop énervante.
    - Je sais… je dis souvent la vérité et tout le monde le prend mal, je ne vois pas pourquoi !
    Je ne m’attarde pas sur son cas désespéré et prends deux de mes valises, ouvre la porte et lui suggère de poser le bagage au seuil, tout en la remerciant de son aide. Puis, je lui révèle, le regard fixant le sol, timidement, très embarrassé :
    - J’espère te voir plus souvent. Malgré ces surnoms que tu me donne, je te trouve très belle et très charmante.
    Elle rougit et me complimente à son tour :
    - Tu sais, toi aussi tu es très beau garçon… mais…
    - Ah ! Tu me détestes ! Je ne te plais pas !
    - Non ! Non ! Je disais : mais je ne sais pas si tu es sérieux ou si tu joues les jolis cœurs.

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  14. Artisans de l'ombre Dit :

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    Surpris par sa franchise qui me rendait si heureux, je souriais ouvertement et lui affirmais :
    - J’apprendrai à te connaître et je te le demande maintenant : veux-tu être ma bien-aimée ?
    - Quoi ?
    - Tu sais bien… Se parler à cœur ouvert… être ensemble pour rire et pleurer… Et quand on grandira, peut-être on fondera un foyer… On se mariera… On aura…
    - Tu es fou de me dire ça ! Pourquoi penses-tu à ça ? Je ne sais même pas si je t’aime, tout ce que je sais c’est que tu es beau garçon, et… Mais de quoi tu parles ?!
    - Désolé, je dis parfois tout haut ce qui me passe par la tête.
    - Bon, je suis d’accord !
    - Quoi ?
    - D’accord ! On sera des amoureux !
    - Je suis fou de joie, tu représentes tout le bonheur qui manquait à me faire revivre !
    - Arrête de dire des choses pareilles !
    - Oh, excuse-moi !
    - Je dois y aller, on se reparlera plus tard !
    - Oui soleil de ma vie.
    - Arrête !
    - C’est trop tôt pour être condescendant ?
    - Arrête, c’est tout.
    Je la contemple partir, le sourire aux lèvres, les yeux sombrant dans ce qu’on dénomme l’amour… je crois… Je me tourne pour affronter la “baleine”, heureusement qu’elle était encore endormie, elle et son petit, ce qui me permit d’aller discrètement dans ma chambre, y déposer mes affaires. Heureusement que ma chambre était restée exactement la même. Je ne défais pas mes valises, étant donné que je voulais calmer les gargouillements de mon estomac.
    J’entre dans la cuisine, tout est crasseux, la vaisselle encombre l’évier, la poubelle déborde. Pour démarrer du bon pied, je décide de faire un peu le ménage et m’attirer les bonnes grâces de ma marâtre. Non habitué à la tâche ménagère, je m’emmêle les pinceaux, mais après je m’habituais et rendit la cuisine étincelante. Enfin, je prépare le café et me prends une chaise pour rassasier mon appétit avec du pain rassis, car il n’y avait rien dans le réfrigérateur. Apparemment se nourrissent-ils de boîtes de conserve ?! Je me demande si je vais survire !
    A peine ai-je effleuré la tasse de bon café des lèvres que les hurlements de ma belle-mère retentirent. Je laisse glisser de mes mains la tasse qui me brûle le poignet.
    La “baleine” est bel et bien réveillée. Mais au lieu de me féliciter pour mes efforts surhumains à remettre en ordre une cuisine qui ressemblait à un dépotoir, elle me regarde avec mépris et m’ordonne :
    - Sors d’ici sale rat ! C’est ma cuisine ! Je t’interdis d’y remettre les pieds.
    Tout en mettant ma main légèrement brûlée sous l’eau froide du robinet afin d’atténuer la douleur, je lui rappelle, excédé et n’ayant plus peur des représailles :
    - Je suis ici chez moi ! Vous êtes le rat qui squatte MA maison. Vous êtes si… vous êtes si sale, fainéante, dépourvue d’amour-propre… Vous vivez dans une poubelle et ça vous est égal…
    - Tu es qui pour me dire ça ? Tu parles beaucoup trop !
    - Je suis Karim ! Le fils de Houda… Ma mère, avocate, qui a su faire briller cette maison, régler les injustices du monde et m’éduquer moi et mon frère d’une manière irréprochable. Tout cela en nous gardant en bonne santé, en nous mijotant de bons et sains plats, pas comme votre effronté de morveux nourri de repas froids, compensant la vacuité de son âme !
    J’ai dit tous les mots qui me passaient par la tête, sous le feu de la colère. Désespérément, je rabaisse mes épaules quand je m’aperçois que mon père qui venait de rentrer avait tout entendu de mon élan de sincérité, et me foudroie du regard, irrité. Soudain, ma belle-mère commence à gémir, faisant semblant de pleurer. Médiocre actrice ! Aucune larme n’est versée, mais les sillons sur son visage sont plus laids que les mensonges qu’elle conçoit. Elle hurle sur mon père :
    - Tu vois ce que tu m’as ramené : un insolent qui a les chevilles qui enflent, et qui m’insulte en me traitant de rat ! Et toi qui disais hier que tu étais sévère en le laissant dehors ! À cause de toi c’est moi qui paye le prix de ta retenue.
    - Ce n’est pas vrai, ce qu’elle dit est faux papa !
    J’essaie de m’expliquer pour mon comportement inapproprié, mais mon père me hurle de sortir en exigeant au passage que je ramasse les tessons de verre de la tasse que j’ai cassée.
    Je me penche pour exécuter les ordres, c’est ce que fais tout prisonnier qui désire que sa peine soit écourtée pour bon comportement, mais là je suis chez mon père, et sa clémence est inexistence.

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  15. Artisans de l'ombre Dit :

    ——————————————–16———————————————–
    Je me blesse les doigts en ramassant les morceaux de la tasse fracassée. J’essaie d’arrêter le saignement en serrant fort ma main, pendant que mon père félicitait sa femme d’avoir enfin fait le ménage et préparé un bon café, ce qu’elle ne rechigne point à s’en attribuer les mérites. Au moment de sortir, voyant le poing serré, la “baleine” se jette sur moi et m’accuse :
    - Ouvre ta main ! Qu’est-ce que tu as pris, espèce de voleur !
    Je refuse. Mon père hurle sur moi me désignant aussi de voleur à son tour, et quand elle insistait pour ouvrir mon poing fermé de force, je relâche, et lui expose ma main en sang. Mon père se relève de sa chaise, mortifié, avant que ma belle-mère ne m’ordonne dégoûtée :
    - Va te laver stupide rat ! Tu vas salir le sol de ma belle cuisine que je viens de nettoyer !
    Je dévisage mon père avec malveillance et ressentiment, pour qu’il en perde ses mots, quand ma marâtre le sommait de me battre pour que j’enlève ce regard haineux qui se posait sur lui et sur elle, l’odieuse baleine qui échoua chez nous. Je m’en vais ensuite à la salle de bains me rincer la main et trouver un pansement dans la boîte à pharmacie de “maman”, mais apparemment elle n’y est plus. Je retourne dans ma chambre et surprends l’avorton de cette baleine farfouiller dans mes affaires avec ses mains répugnantes. Je lui ordonne de sortir, et il ne daigne même pas considérer ma présence. Je m’avance pour lui crier assez fort qu’il prenne peur et parte, mais je le vois extraire de mon sac une photo de Donya, ma jeune cousine, et il m’interroge en se mouchant son nez dégoulinant :
    - C’est qui cette jolie fille ?
    Je m’approche pour lui retirer la photo, mais il menace aussitôt de la déchirer si j’avance encore. Je n’ai d’autre choix que négocier pour la seule photo qui me reste de ma précieuse Donya :
    - Allez gamin ! Rends-moi cette photo et je te laisserai sortir en vie de cette chambre.
    - Et si je refuse ?
    - Si tu refuses, je te tabasserai.
    - Alors je vais la déchirer !
    - Attends… non ! Je ferai ce que tu veux mais rends-la-moi !
    - D’accord, alors dis-moi, qui est cette jolie fille ?
    - Tu ne la connais pas, ça ne t’intéresse pas !
    - C’est ta copine, c’est ça !
    - Non… Et puis j’en ai marre, rends-la-moi !
    Je me jette sur lui pour attraper la photo, malheureusement pour moi il la déchire rapidement avant que je ne le touche. Ne pouvant plus de me contenir, je laisse éclater ma colère et lève la main en sang pour le gifler, mais je me retiens en constatant que ce n’était qu’un gosse.
    Mon père entre brusquement, voit ma main levée, son fils pleurnichant, il vient directement vers moi. Il ne me laisse même pas le temps de placer un mot qu’il me gifle violemment, si fort que la douleur la plus atroce n’était pas le coup en lui-même, mais cette marque de doigts sur mon visage qui certifiait que quoi que je dise ou je fasse, j’aurais toujours tort. Je reprends mes esprits après ce choc qui me mortifie sur place. Mes yeux retiennent encore les larmes, je ne veux pas donner la satisfaction à la “baleine” qui venait de rentrer, de voir ma peine affichée. Je sors en silence de la chambre, écoutant la marâtre consoler son énergumène, et crier encore sur mon père :
    - Tu aurais dû le battre avec un bâton, il a giflé mon Redouane ! Il saigne ! Regarde par toi-même !
    Je sors de la maison et crie avant de partir comme une dernière insulte à la belle-mère des malheurs :
    - C’est mon sang que ton fils a sur la joue !
    En marchant dans la rue, repensant à la photo de Donya, je me rappelle lui avoir promis de lui rendre visite aujourd’hui. J’avais peu d’argent sur moi, mais ça suffisait pour prendre le tramway, ainsi j’arriverai assez tôt pour rester avec elle aussi longtemps qu’elle le désirerait.
    Aussitôt dit, aussitôt fait. J’arrive devant la maison des Arfawil, mais je me tiens assez loin pour ne pas être aperçu par ma tante, qui est toujours en colère après moi. Les heures passent, je reste à contempler la famille qui s’assoit autour de la table assez tristement, ça me rassure un peu, ça prouve que je leur manque. Oh, j’ai si faim et le peu d’argent qui me reste est pour le retour, je ne dois pas le gaspiller.
    Je vois arriver Ryma, apparemment rentrant de ses cours du week-end. Je l’interpelle quand elle arrive devant moi :
    - Ryma attends ! Je sais qu’entre toi et moi ce n’est pas le grand amour…
    Elle me répond froidement :
    - Je ne t’aime pas, je ne te déteste pas, tu m’indiffères.
    Je ne m’attarde pas sur ses confessions et sollicite son aide :
    - Je sais que je suis parti comme un voleur hier, mais s’il te plaît, pourrais-tu demander à Donya de venir me rejoindre pour que je lui parle ? Dis-lui que je serai au parc, ok ?
    Elle me regarde fixement pendant un long moment avec l’air intrigué, puis s’en va sans me répondre. Je vois arriver mon oncle Wahid de l’autre côté de la rue, je me dépêche de partir avant qu’il ne me découvre. Il était encore tôt pour que je me montre, il devait m’en vouloir d’être parti en son absence.

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  16. Artisans de l'ombre Dit :

    —————————————–17—————————————————–
    Je me blesse les doigts en ramassant les morceaux de la tasse fracassée. J’essaie d’arrêter le saignement en serrant fort ma main, pendant que mon père félicitait sa femme d’avoir enfin fait le ménage et préparé un bon café, ce qu’elle ne rechigne point à s’en attribuer les mérites. Au moment de sortir, voyant le poing serré, la “baleine” se jette sur moi et m’accuse :
    - Ouvre ta main ! Qu’est-ce que tu as pris, espèce de voleur !
    Je refuse. Mon père hurle sur moi me désignant aussi de voleur à son tour, et quand elle insistait pour ouvrir mon poing fermé de force, je relâche, et lui expose ma main en sang. Mon père se relève de sa chaise, mortifié, avant que ma belle-mère ne m’ordonne dégoûtée :
    - Va te laver stupide rat ! Tu vas salir le sol de ma belle cuisine que je viens de nettoyer !
    Je dévisage mon père avec malveillance et ressentiment, pour qu’il en perde ses mots, quand ma marâtre le sommait de me battre pour que j’enlève ce regard haineux qui se posait sur lui et sur elle, l’odieuse baleine qui échoua chez nous. Je m’en vais ensuite à la salle de bains me rincer la main et trouver un pansement dans la boîte à pharmacie de “maman”, mais apparemment elle n’y est plus. Je retourne dans ma chambre et surprends l’avorton de cette baleine farfouiller dans mes affaires avec ses mains répugnantes. Je lui ordonne de sortir, et il ne daigne même pas considérer ma présence. Je m’avance pour lui crier assez fort qu’il prenne peur et parte, mais je le vois extraire de mon sac une photo de Donya, ma jeune cousine, et il m’interroge en se mouchant son nez dégoulinant :
    - C’est qui cette jolie fille ?
    Je m’approche pour lui retirer la photo, mais il menace aussitôt de la déchirer si j’avance encore. Je n’ai d’autre choix que négocier pour la seule photo qui me reste de ma précieuse Donya :
    - Allez gamin ! Rends-moi cette photo et je te laisserai sortir en vie de cette chambre.
    - Et si je refuse ?
    - Si tu refuses, je te tabasserai.
    - Alors je vais la déchirer !
    - Attends… non ! Je ferai ce que tu veux mais rends-la-moi !
    - D’accord, alors dis-moi, qui est cette jolie fille ?
    - Tu ne la connais pas, ça ne t’intéresse pas !
    - C’est ta copine, c’est ça !
    - Non… Et puis j’en ai marre, rends-la-moi !
    Je me jette sur lui pour attraper la photo, malheureusement pour moi il la déchire rapidement avant que je ne le touche. Ne pouvant plus de me contenir, je laisse éclater ma colère et lève la main en sang pour le gifler, mais je me retiens en constatant que ce n’était qu’un gosse.
    Mon père entre brusquement, voit ma main levée, son fils pleurnichant, il vient directement vers moi. Il ne me laisse même pas le temps de placer un mot qu’il me gifle violemment, si fort que la douleur la plus atroce n’était pas le coup en lui-même, mais cette marque de doigts sur mon visage qui certifiait que quoi que je dise ou je fasse, j’aurais toujours tort. Je reprends mes esprits après ce choc qui me mortifie sur place. Mes yeux retiennent encore les larmes, je ne veux pas donner la satisfaction à la “baleine” qui venait de rentrer, de voir ma peine affichée. Je sors en silence de la chambre, écoutant la marâtre consoler son énergumène, et crier encore sur mon père :
    - Tu aurais dû le battre avec un bâton, il a giflé mon Redouane ! Il saigne ! Regarde par toi-même !
    Je sors de la maison et crie avant de partir comme une dernière insulte à la belle-mère des malheurs :
    - C’est mon sang que ton fils a sur la joue !
    En marchant dans la rue, repensant à la photo de Donya, je me rappelle lui avoir promis de lui rendre visite aujourd’hui. J’avais peu d’argent sur moi, mais ça suffisait pour prendre le tramway, ainsi j’arriverai assez tôt pour rester avec elle aussi longtemps qu’elle le désirerait.
    Aussitôt dit, aussitôt fait. J’arrive devant la maison des Arfawil, mais je me tiens assez loin pour ne pas être aperçu par ma tante, qui est toujours en colère après moi. Les heures passent, je reste à contempler la famille qui s’assoit autour de la table assez tristement, ça me rassure un peu, ça prouve que je leur manque. Oh, j’ai si faim et le peu d’argent qui me reste est pour le retour, je ne dois pas le gaspiller.
    Je vois arriver Ryma, apparemment rentrant de ses cours du week-end. Je l’interpelle quand elle arrive devant moi :
    - Ryma attends ! Je sais qu’entre toi et moi ce n’est pas le grand amour…
    Elle me répond froidement :
    - Je ne t’aime pas, je ne te déteste pas, tu m’indiffères.
    Je ne m’attarde pas sur ses confessions et sollicite son aide :
    - Je sais que je suis parti comme un voleur hier, mais s’il te plaît, pourrais-tu demander à Donya de venir me rejoindre pour que je lui parle ? Dis-lui que je serai au parc, ok ?
    Elle me regarde fixement pendant un long moment avec l’air intrigué, puis s’en va sans me répondre. Je vois arriver mon oncle Wahid de l’autre côté de la rue, je me dépêche de partir avant qu’il ne me découvre. Il était encore tôt pour que je me montre, il devait m’en vouloir d’être parti en son absence.

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  17. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————————18——————————————
    -Voilà ! Ne mens plus dorénavant !
    Elle me donne le sandwich, je dis “bissmillah” et je le dévore comme jamais je n’ai mangé auparavant un mets, en savourant chaque miette de ce casse-croûte, si bien que je le finis en ayant toujours autant faim. Donya me donne sa part, je refuse de la prendre : non je n’ai plus faim !
    - Arrête ! Je lis en toi comme dans un livre ouvert, tu vas dévorer ma main si je ne la retire pas ! me lance-t-elle pour me taquiner.
    - Tu en es certaine ? Tu n’as vraiment pas envie d’y goûter ?
    - J’ai déjà mangé avant de venir, c’est pour ça que j’en ai acheté deux. T’en fais pas…ma boisson je la garde, t’y auras pas droit !
    Aussitôt prié, j’entame mon repas avec les yeux émoustillés, et les rires adorables de ma cousine qui se moquait des grimaces que je faisais en mangeant, car j’étais si heureux de pouvoir enfin faire taire cet estomac criard !
    Après le déjeuner, je m’adosse à cet olivier qui nous faisait de l’ombre. Donya me surprend en prenant ma main et en examinant de plus près mes blessures puis me dit : Je vois que la brûlure sur ton poignet ne veut pas se cicatriser. Elle me raconte : “Donya, ma belle-mère, m’a surpris en train de boire un café, j’ai eu un pincement du cœur”, et cette écorchure sur cette main me dit : “Donya j’étais tellement énervé que j’ai ramassé les morceaux qui me firent très mal au cœur en voyant ma belle-mère.”
    J’étais abasourdi, comment pouvait-elle savoir tout cela ? Si j’avais son âge, je croirais que les mains parlent, mais non, je troque mon ahurissement contre un sourire pour ne pas conforter son hypothèse et lui certifier : tu as une imagination débordante Donya.
    - Je sais ! dit-elle en souriant joyeusement.
    - Je suis bien sous cet arbre.
    - Je suis bien si tu es bien…
    - Comment ?
    - Ah ! Rien.
    - Donya, dis-moi, ça te fait quoi de prendre ma chambre à la maison ?
    - Voyons… une chambre, rien que pour moi…bof !
    - Tu ne te bats plus avec Ryma j’espère, maintenant que vous faites chambre à part.
    - Tu veux rire ! C’est pire, maintenant on se fait une guerre froide.
    - Comment ça ?
    - Chacune dans sa chambre, et plus un mot ! On se reparle plus. Avant, au moins, on s’échangeait des mots…
    - Étrange…mais elle t’a quand même dit que je voulais te voir…
    - Non ! C’est Nima qui me l’a dit, apparemment tu l’aurais croisée et lui aurais parlé.
    Je souris et constate que Ryma est prête à envoyer quelqu’un à sa place pour parler à Donya, contre qui elle en veut, mais reste impartiale et ne se venge pas pour autant en m’entraînant avec elles dans leur querelle.
    - Ta sœur Ryma est exceptionnelle, tu le sais ça ! lui affirmais-je en fermant les yeux, laissant le vent me caresser le visage.
    - Ne parle plus d’elle comme ça ! me prévient Donya.
    - Pourquoi ?
    - Je ne veux pas que tu parles d’une autre fille, mis à part moi, avec ce visage radieux.
    - Pourquoi ?
    - Parce que ! C’est tout ! Je n’ai pas à te donner de raison.
    - Trop tard, j’ai déjà quelqu’un dans mon cœur, et cette fille, je viens juste de la rencontrer.
    - Ah bon ? rougit-elle en serrant les poings.
    - Oui, et cette fille est si belle…je crois que je l’aime.
    - Ah bon ? répond-elle avec un grand sourire grand.
    - Oui j’aime cette fille.
    - Comment s’appelle-t-elle ?…non ! Je…moi aussi je…
    - Amina !
    Je m’aperçois que je l’ai interrompue alors qu’elle allait me dire quelque chose ; j’ouvre les yeux et la vois courir, me fuyant.
    Je lui somme de s’arrêter mais elle ne se retourne pas. J’ignore ce que j’ai pu faire ou dire pour qu’elle s’en aille fâchée sans s’expliquer.
    Il est trop tard pour que je la rattrape, elle court vite ma Donya, normal, c’est moi qui lui ai appris.
    Je rentre à la maison en déboursant la dernière pièce de ma poche. J’entre dans la maison de l’amertume. Où je vivrai mes plus affreuses disputes, mes grosses déceptions et une colère sans nom accaparant mon corps pour longtemps.

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  18. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————————-19———————————————
    Les premières nuits où mon père me congédiait tel un animal dehors, me rendirent malade sur tous les points, si bien que j’allais dormir chez Hadja Sadia qui eut vent de ma misère, et me permettait secrètement de dormir chez elle. Mon père me changea d’établissement, ainsi, pour qu’il ne fasse le taxi pour moi en me déposant au lycée le matin pour me ramener le soir, bien que j’aie proposé d’y aller en bus, mais ma belle-mère affirma que je voulais détourner de l’argent pour d’autres dépenses et fit avorter cette éventualité. Donc,dorénavant, j’étudie dans le lycée du cartier, auprès de Amina, ce qui n’était pas mal… mais c’était difficile aussi, car je ne revoyais plus ma cousine Donya, qui,fâchée contre moi, ne donna plus aucune nouvelle. Entre Amina et moi ça alla pour un temps, mais je la vois s’éloigner de moi peu à peu, mais d’après elle, c’est plutôt moi qui reste froid et distant, et au fond, je sais qu’elle a raison. Les éternelles querelles de voisinage provoquées par ma belle-mère, ne me permirent pas d’étudier à mon aise, et son morveux qui n’arrêtait pas de faire irruption dans ma chambre et y casser des choses, pour que mon père crie et me frappe, c’était insupportable. J’ai eu mon bac in extrémis, j’allais devoir quitter la maison pour aller à la fac, j’avais préparé une chambre à l’université. Mais…je devais revoir Donya avant de partir, il fallait que je la revoie, car demain, je serai à Ben Aknoun et la distance entre nous sera plus que longue.
    Je travaillais dans une pizzeria pendant les vacances, l’argent de poche que j’amassais, qui n’était pas piqué par Redouane, le petit morveux, me permit d’acheter des cadeaux pour ma tante, mon oncle, et leurs filles, espérant me racheter à leurs yeux.
    J’arrive devant la porte, je suis tout ému, ça fait près de trois ans que je ne suis pas revenu, je suis nerveux, je tremble de partout. Je frappe à la porte, le temps qu’on vienne m’ouvrir, j’implorais Dieu qu’il me facilite la tâche et que mes mots soient clairs et nets sans ambiguïté.
    La porte s’ouvre, ma tante m’ouvre. Quelques rides ayant dessiné les contours de son visage lui donnent l’air strict, surtout avec les lunettes qu’elle portait. Je recule ayant un peu peur de sa réaction, elle me regarde des pieds à la tête et m’interroge : qui êtes-vous ?
    -C’est vrai ma tante, vous avez raison, j’ai tardé pour revenir vous voir, trois ans, c’est très long !
    Je lui avoue tout les yeux baissés, en tenant le sac de cadeaux, que je serrais et déchirais légèrement, tant j’étais anxieux et apeuré, craignant le rejet. Tante Frah s’avance vers moi, me regarde bien en face, puis me prend dans ses bras pour m’avouer en larmes : c’est aujourd’hui que tu rentres, idiot ! Je t’ai attendu toutes ces années espérant que tu me reviennes, Karim, pourquoi est-ce que tu as tardé, mon enfant ?
    Je ne pensais pas du tout à cette réaction enthousiaste de sa part, dire que Dieu a exaucé mes prières si vite, “hamdoullah !”.
    -Ma tante ! Je suis si heureux de vous revoir.
    lui lançais-je, ému à mon tour.
    -Karim, rentrons à la maison, ne restons pas dehors à parler, viens mon fils ! Tes cousines seront si enchantées de te revoir ! Tu sais Djamila est là aussi !
    -Ah bon ? Djamila est là ?
    Quel bonheur, j’entre dans le salon, je vois deux beaux enfants jouer ensemble avec de vieux jouets de la famille, Djamila avait pris du poids mais était toujours aussi belle, elle pleure de joie en me voyant entrer dans la pièce et m’avoue : Karim, maman m’avait dit que tu étais parti, je pleurais tellement et je priais pour te revoir avant de partir, je serais si malheureuse si je ne revoyais pas mon petit frère adoré.
    En fait Dieu a exaucé nos souhaits réunis, “hamdoullah” dans tous les cas. Je la prends dans mes bras et l’interroge : tu vas bien cousine ? Ton mari va bien ? Tu vis toujours à Tizi-ville ?
    Elle me répond avec un large sourire,séchant ses larmes de bonheur : oui, je vais bien, on va tous bien ! Viens me rendre visite un jour Karim, tu seras toujours le bienvenu chez moi. Et quand tu viendras, on ira voir nos grands-parents, d’accord ?
    -Ce sera avec un grand plaisir, je ne me suis jamais rendu au bled, je me demande si mes grands-parents se souviennent encore de moi.
    -Oh, crois-moi, ils se souviennent de toi,
    affirme Djamila en riant, avant de me présenter ses beaux enfants, une fille et un garçon. Je donne à ma tante les cadeaux que je leur ai apportés, elle refuse de les prendre mais j’insiste, c’est la moindre des choses pour tout ce qu’elle a fait pour moi.
    Entre dans la pièce, la grande Narimène un plateau de thé en main, je lui demande de ne pas se déranger, que je n’allais pas tarder, mais ma tante insiste pour que je prenne le temps de boire en leur agréable compagnie.
    Nima est fiancée maintenant, et a trouvé un travail en tant que secrétaire, aidant ainsi la famille pour les dépenses.
    Quant à Ryma, elle entre dans la pièce, au lieu de sortir désinvolte comme elle le ferait d’habitude, elle m’avoue néanmoins en sortant : enfin tu es revenu, j’en avais assez des lamentations de cette famille depuis ton départ.

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  19. Artisans de l'ombre Dit :

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    J’étais si heureux, tout le monde est content de me revoir, cependant il manque à l’appel mon oncle et surtout Donya ! Je demande alors à ma tante, qui me dit que mon oncle Wahid est parti à Tizi rendre visite à un membre de sa famille, malade. Quant à Donya, ma tante hésite à me parler d’elle, je suis inquiet, mais je n’ai le temps de me poser des questions que j’entends frapper à la porte d’entrée, et j’espérais sincèrement que ce fût Donya qui surgisse de cette ouverture. Je désirais absolument la revoir avant de partir.
    Nima qui ouvrit la porte revient stupéfaite et m’énonce :
    - Y a un très beau jeune homme dehors, Karim, il demande à te voir !
    - Moi ?
    Je m’interroge sur l’identité de cette mystérieuse personne qui vient me parler alors que je suis en visite chez ma tante.
    Devant moi, un grand blond, les yeux bleus, souriant, me révèle :
    - Comme tu es grand Karim, tu es presque aussi beau que moi !
    - Qui êtes-vous ? demande ma tante, surprise.
    - Et bien tante Farah, vous ne me reconnaissez pas ? lui demande ce mystérieux jeune homme.
    - Non, pas du tout, affirme-t-elle en ajustant ses lunettes pour mieux l’examiner.
    - Je suis déçu ! Certes, vous et moi ma tante on ne s’est rencontré qu’une fois, mais Karim, tu n’as pas d’excuses ! Et bien… je crois que mes années en pension auront balayé le peu de souvenirs de moi que je vous ai laissés !
    Marchant doucement vers cette personne, les yeux remplis de larmes, je pose mes mains délicatement autour de sa taille et le serre fort dans mes bras en lui avouant :
    - Khalil, mon frère, tu m’as manqué ! J’ai tant voulu te revoir toutes ces années, mon unique frère, pardonne-moi de t’avoir traité de “jaloux”, je ne le pensais pas ! Ne me laisse pas !
    Il me serre à son tour dans ses bras, et en séchant une larme qui venait de tomber, altérant sa bonne humeur, il m’ordonne :
    - Arrête de dire ces choses-là Karim, tu vas me faire pleurer aussi, et tu m’as manqué aussi… Quant au passé, comme son nom l’indique, c’est du passé !
    Ma tante et ses filles étaient aussi émues que nous, elles pleuraient en compatissant à mon bonheur de revoir mon frère : Khalil.
    En séchant nos larmes, se remettant de nos émotions, Djamila interroge mon frère, intriguée :
    - Comment savais-tu que Karim était ici ?
    - Eh bien… En réalité, j’étais retourné chez nous pour le retrouver, mais… y avait ce gamin qui ne me laissait pas entrer, ce petit lutin qui n’arrêtait pas de me demander qui j’étais…
    - C’est le fils de papa avec cette marâtre…
    Je lui révèle, les larmes qui reviennent pour attester de toutes ces années de patience et de bravoure dont j’ai dû faire preuve. Comme une madeleine, je pleurais des torrents que j’étanchais avec ma haine.
    Mon frère pose son bras autour de mon épaule et me conforte :
    - Ils t’ont fait des misères, hein mon frère ? T’inquiète pas, je me suis un peu vengé pour toi.
    Je le regarde surpris, et écoute ce qu’il a à me révéler :
    - Comme je vous le disais, ce gosse, ce singe-là, le fils de cette femme, voulait que je quitte la maison où j’ai grandi, je me suis énervé, je l’ai soulevé par le col, l’ai jeté dans la boue, et il s’est relevé tout sale et a pris ses jambes à son cou.
    Sa grosse mère arrive tel un boulet de canon, catapulte sa désobligeance à mes oreilles, je lui énumère mille et une injures à propos de son obésité apparente et ses problèmes avec le sport, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de répartie, et rentre en larmes avec son vaurien de fils. Alors la vieille voisine… celle que maman a aidé… tu te souviens Karim ? Celle…
    - Oui, la gentille hadja Sadia !
    - Exact, hadja Sadia, elle m’a applaudi et a avoué rêver du jour où cette “baleine” fermera son évent pour de bon, et me félicita d’avoir exaucé ses souhaits. Puis en parlant avec elle, elle me révèle que t’es chez tata Farah, que je n’ai pas revue d’ailleurs depuis la mort de notre mère.
    - Oui Khalil, c’est vrai…, atteste ma tante en larmes.
    - Mais qui sont ces charmantes demoiselles ?, interroge Khalil en regardant mes cousines.
    Ma tante les lui présente une à une, et appelle même Ryma pour qu’elle vienne voir mon frère. Cette dernière, en le découvrant, gardait les yeux écarquillés et avance directement vers lui et lui dit :
    - Je suis Ryma, je suis née un 25 août, je déteste le sport mais adore lire, veux tu m’épouser ?
    Tout le monde fut surpris, et éclata de rire en pensant qu’elle plaisantait, mais je la connaissais très bien, elle n’est pas du genre à
    s’ouvrir.
    Je dirais que ce jour-là un coup de foudre lui a éclairé sa lanterne, si je puis l’interpréter ainsi.

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  20. Artisans de l'ombre Dit :

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    On allait rentrer tous à la maison, quand une douce voix derrière moi me murmure :
    - J’espère que tu connais le mot de passe moussaillon…
    Tout en me retournant fou de joie, je réplique :
    - Capitaine, c’est moineau…
    Et je retiens mes mots, Donya avait bien grandi, elle était époustouflante, sa beauté rivalisait avec l’éclat de la lune. Je n’en croyais pas mes yeux. J’en perdis mon français, je bégayais :
    - Donya…je… eh bien… tu sais que… oui… et puis… heu…
    Je ricane, très embarrassé, avant de constater que le charme de ma cousine n’impressionnait pas seulement moi, Khalil lui sourit, en essayant de la charmer et lui lance :
    - Vous êtes renversante, petite fleur, comment vous appelez-vous que je vienne cueillir votre amour ?
    Mes autres cousines étaient toutes charmées par les louanges de mon frère, même ma tante qui se mettait à repenser à sa jeunesse et dire que son mari était aussi romantique à l’époque, mais je restais le visage crispé attendant de savoir ce que Donya allait lui répondre. Je ne sais pas pourquoi, mais la réponse qu’elle allait donner me rendait fou. Avec appréhension, je regarde ses yeux noirs croiser ceux de mon frère, et avec un doux sourire elle lui rétorque :
    - Il y a plein de roses dans le jardin, si tu désires en cueillir, à ta guise ! Mais fais attention à ne pas te piquer, ces fleurs n’aiment pas être brusquées.
    Puis se elle tourne vers moi voyant un sourire de soulagement s’afficher sur mon visage enjoué, pour hurler, énervée :
    - Pourquoi Karim ? Pourquoi es-tu comme ça ?
    Sur ces mystérieux reproches, elle se presse de rentrer, monter les escaliers et claquer la porte de sa chambre.
    Très embarrassée par sa réaction, ma tante nous invite à rentrer boire du thé tout en s’excusant. Mon frère me regarde après que tout le monde soit rentré et me dit en soupirant :
    - Mon frère, j’aurais souhaité que cette fille en particulier me hurle au visage. Oh ! Si je savais qu’une aussi belle et arrogante jeune femme habitait dans cette ville, je n’aurais pas osé partir ! Dommage, je ne l’intéresse pas.
    Heureux de revoir mon frère, je m’attarde à lui poser toutes sortes de questions, en essayant d’oublier la colère de Donya qui me pesait.
    Le soir venu, on dîne en famille, sauf Donya qui n’a pas désiré sortir de sa chambre. Il est très tard, nous devons partir moi et mon frère. J’allais sortir quand Ryma m’interpelle et me révèle :
    - Tu sais, je ne parle pas beaucoup et je ne devrais pas te dire ça, mais je sens que je m’en voudrais si je le garde pour moi.
    - Quoi ? lui demandais-je assez troublé. Qu’y a-t-il Ryma ?
    - Donya… durant tout ce temps, depuis le jour où vous vous êtes vus dans le parc, elle n’a pas passé une nuit sans pleurer dans sa chambre, elle mentait à tout le monde en disant que c’était une crise d’adolescence, mais moi je savais que c’était à cause de toi !
    - Moi ? Je l’interroge surpris.
    Le cœur serré, exposant ma faiblesse, je me rendis compte que la seule personne qui avait foi en moi et buvait mes belles promesses avait ressenti le rejet et la trahison par ma faute. Ces maux dont je me promettais de la préserver, elle les avait tous expérimentés, à cause de moi, d’une certaine manière… Il n’était plus question que je m’en aille, il fallait que je parle à Donya, car le lendemain je partais pour Ben Aknoun, et ne reviendrais pas avant longtemps. Ryma propose de m’aider, elle recule assez près des escaliers, ramène un tabouret de la cuisine, laisse tomber le meuble en bois à côté des escaliers, ce qui fit beaucoup de bruit, avant de s’écrier avec un ton toujours aussi indolent :
    - Oh mon Dieu, Karim tu t’es fait mal, c’est une belle chute !
    La porte de la chambre de Donya s’ouvre, elle se précipite en pyjama jaune ridicule, en descendant les marches à la hâte, elle m’examinait des pieds à la tête, et avec ses mains inspectait mon visage et mes bras en disant :
    - Où as-tu mal Karim ? Tu t’es blessé où ? Montre-moi ! Je vais ramener un pansement et du désinfectant pour la blessure !
    Je n’en croyais pas mes yeux, elle a littéralement volé à mon secours, alors que je n’avais aucun mal. ça me rendait si heureux, mais en même temps mélancolique de la voir inquiète pour mon état de santé. C’est ainsi que je la rassure en souriant tristement, soulagé qu’elle tienne encore à moi :
    - Je vais bien, ne t’inquiète pas Donya !
    Gênée, elle se tourne pour sermonner sa sœur qui lui a joué un mauvais tour, avant que mon frère ne lui
    dise :
    - Tu sais… moi j’ai vraiment mal, tu pourrais peut-être me soigner en me donnant ton cœur, petite fraise ?
    Elle ne le regarde même pas et lui révèle :
    - Mon cœur appartient à quelqu’un d’autre, et va te chercher des myrtilles, c’est plus bon pour ta santé !
    - Violente ! Elle est si belle quand elle s’énerve ! s’exclame mon frère, conquis.

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  21. Artisans de l'ombre Dit :

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    Donya montait les escaliers tel un soldat, démontrant sa colère, je ne peux la laisser partir fâchée contre moi, c’est ainsi que je lui avoue :
    - Donya, je suis blessé, viens me soigner.
    Ryma voyant que la conversation devenait sérieuse agrippe le bras de mon frère et l’emmène à la cuisine, là où ma tante et sa fille faisaient la vaisselle, pendant que les enfants de Djamila dormaient dans le lit de leur grand-mère.
    Donya arrête d’avancer, elle ne se tourne pas, et la voix tremblante me révèle :
    - Sais-tu combien j’ai souffert de ton absence ? Chaque jour, je me demandais si tu allais bien, est-ce qu’on te traitait avec le respect qui t’es dû ? Est-ce que tu avais froid ? Mangeais-tu à ta faim ? Avais-tu une lampe pour éclairer la noirceur de tes soirs ? Tant de questions et personne à interroger pour y répondre. Chaque jour, dans cette chambre qui fut la tienne, je ressassais nos souvenirs, me rappelais ce que tu me promettais, me disais qu’enfin de compte tu allais revenir…
    Je l’écoute pleurer, elle ne peut plus parler, alors je continue pour elle :
    - Tu te demandais si je reviendrais un jour, tu te disais qu’il avait refait sa vie ailleurs et ne reviendrait jamais…
    - Oui ! me coupe-t-elle la parole. Oui Karim, c’est vrai, j’ai peur de te perdre !
    - Comment peux-tu penser cela Donya ? Tu es ma cousine, je ne te laisserai jamais !
    - Ta… cousine ? C’est tout ce que je représente à tes yeux : une gentille cousine ?
    - Tu sais bien que tu es ma Donya !
    - Karim… vas-t-en ! Tu me blesses avec tes mots ! Je ne veux plus espérer, pars avant que je ne jure de t’effacer de ma vie.
    - Tu ne peux pas faire ça, je ne te laisserai pas m’oublier comme ça !
    - Crois-tu que je puisse oublier tes traits ? se tourne-t-elle en larmes. Chaque jour je porte ton visage dans mes pensées, tu hante mon esprit et, à cause de ça, il m’est difficile de respirer en ta présence, j’étouffe quand je suis avec toi… J’étouffe car tu ne me vois pas comme je te perçois, et ça me tue !
    - Donya… je vais partir demain… Tu ne me verras pas avant très longtemps…
    - Bonne route ! s’exclame-t-elle en se dépêchant de s’enfermer dans sa chambre.
    Je suis surpris par ses révélations, mais aussi content qu’elle pense encore à moi et très triste que cette pensée la rende amère.
    Ce soir-là, je quitte en compagnie de mon frère, qui préféra m’emmener dans son appartement qu’il loue avec un ami, à Alger-Centre. Je suis surpris de voir qu’il possède une luxueuse voiture, mais il m’affirme que c’est celle de son colocataire, qui la lui prête autant de fois qu’il en a envie.
    En route, on discute, du moment où il a quitté le pensionnat, dont il garde de mauvais souvenirs, mais atteste aussi :
    - Je n’ai pas vécu là-bas mes plus beaux jours d’enfance certes, mais ne suis pas rancunier pour autant, je me suis fait plein d’amis, et je n’aurais jamais pu entreprendre de vivre tout seul et me trouver un travail tout en continuant mes études si ce n’est grâce à cet endroit. C’est grâce à ça, en fait, que ma personnalité s’est forgée.
    Je l’interroge intrigué :
    - Quelles études suis-tu déjà ?
    Il me regarde avec un sourire qu’il essayait de dissimuler en vain :
    - Je veux devenir avocat.
    - Quoi ? Avocat ! Tu disais que c’est le dernier métier que tu ferais !
    - Eh bien, j’ai changé d’avis.
    - Tu disais que tu ne voulais pas suivre les traces de nos parents… et tu veux devenir avocat comme maman ?
    - Arrête d’être étonné pour si peu, et puis j’ai croisé dans ma vie plusieurs personnes qui connaissaient maman, et dont elle était l’avocate, ils me remerciaient chaleureusement et me forçaient d’accepter leurs invitations, et j’ai eu bien des avantages grâce au nom de ma chère maman.
    - Je vois. Alors tu as changé d’avis sur nos parents, et cette éducation stricte ne te rebute plus.
    - Oh non ! Je suis toujours de cet avis, je n’éduquerai jamais mes enfants à fuir le monde et à cacher leurs sentiments ! Mes enfants seront libres de faire ce qu’il leur plaît. Je dis juste qu’aujourd’hui, avec du recul, je comprends mieux les peurs et craintes de ma mère, elle essayait de nous protéger… Mais de la mauvaise manière… en nous enfermant dans une bulle où elle peut nous surveiller sans qu’on ne manque de rien… ou presque.
    On arrive devant l’appartement, il y a un parking payant juste à côté, où Khalil gare la voiture en me demandant de l’attendre devant l’immeuble. Je voyais des jeunes du quartier qui discutaient adossés au mur, et en voyant mon frère ils se ruent pour plaisanter avec lui. Ils s’amusaient à danser en évoquant qu’un gars de la clique avait trouvé du travail et qu’il allait finalement demander en mariage son amoureuse sans avoir peur du refus. Khalil riait avec eux, et en me voyant restant au loin à l’attendre sagement, il me désigne du doigt, pour que ses amis me localisent.

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  22. Artisans de l'ombre Dit :

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    Khalil me présente à eux, c’est ce que j’en déduis, car en leur parlant, ses compagnons me dévisageaient avec un sourire inquiétant. Assez effrayé, je m’attends au pire, ils s’approchent de moi et je recule un peu, inquiet. Mon frère marchait derrière eux, le sourire sournois aux lèvres, et ils se jettent pour que chacun me prenne dans ses bras et m’avouent :
    - Mon frère, ça fait plaisir !
    Puis ils se mirent à danser autour de moi en chantant comme des fous :
    - Mon frère est là ! Mon frère est revenu vers moi !
    Un tapage nocturne embarrassant, car je ne pouvais sortir du cercle, alors que les voisins menaçaient d’appeler la police. Mon frère les calme et se permet de les sermonner concernant leurs études, pour les conseiller de suivre l’exemple de leur ami qui a trouvé du travail après avoir changé son comportement, en se levant aux aurores pour chercher du travail.
    Après cela, tous promettent à Khalil de s’améliorer et de bosser plus hargneusement et qu’il n’avait qu’à attendre pour voir le résultat. Assez bavardé ! On leur souhaite bonne nuit, avant de monter dans l’appartement où vivait mon frère : c’était désordonné, il y avait des boîtes de pizza un peu partout, des vêtements sur le sol, mais mon frère me suggère de piétiner les vêtements malgré tout, puisque ils n’étaient pas encore lavés. C’était répugnant, je les évitais à tout prix, ce qui faisait rire mon frère. Il ouvre la porte d’une chambre et me dévoile un jeune homme endormi dans un lit, encore chaussé et portant des vêtements de sortie au lieu d’un pyjama. Il était encerclé par une pile de vêtements. Naturellement sa chambre était aussi sale que ne l’était le salon. Khalil me présente à son colocataire, alors que ce dernier était profondément endormi et ronflait :
    - Karim je te présente Zakaria. Tu devrais lui dire bonsoir !, me propose-t-il. Avec scepticisme, je m’exécute :
    - Bonsoir Zakaria ! Et étonnement, il lève la main et murmure en se dérobant d’un instant de sommeil :
    - Bienvenue Karim…, le frère de Khalil est mon frère !
    Puis il recommence à ronfler.
    Stupéfait qu’il m’entende, je le remercie :
    - C’est gentil Zakaria, merci infiniment, je te considère aussi comme un frère…
    Mais Khalil m’interrompt en affirmant que son ami n’entendait pas ce que je lui disais, Apparemment, mon aîné avec le temps a su décoder les nuisances nasales de son colocataire et me guide vers sa chambre, qui était nickel, puis me montre ma chambre : bien rangée, avec des veilleuses sur deux tables de nuit du lit, et une petite bibliothèque où il y avait plein de nouveaux ouvrages, de grands best-sellers. Puis il me révèle :
    - C’est ta chambre Karim, si tu acceptes de vivre avec nous. Je l’ai préparée en attendant que tu aies ton bac et que tu choisisses la fac où tu ira pour que je vienne te chercher et pour qu’on reste ensemble mon frère, et qu’on rattrape le temps perdu.
    Je le regarde touché par son geste et lui ajoute :
    - Je veux bien vivre avec toi, si tu me permets de cuisiner, car je ne veux pas me nourrir de repas froids.
    Il me sourit et me promet de me laisser faire ce qu’il me plaît, du moment que je ne rangerai pas la maison, car Zakaria ne se retrouve plus si son bazar est classé, et mon frère me révèle pour expliquer ce comportement inhabituel :
    - Mon ami a vécu comme nous, dans une belle maison, il ne manquait de rien, avec des parents stricts qui lui faisaient un programme pour la journée, et essayaient de le rendre parfait, ce qui fait qu’il est devenu tout le contraire aujourd’hui : il prend tout son temps pour aller à la fac, mais “hamdoullah” c’est quelqu’un sur qui on peut compter, et c’est mon meilleur ami ! Je déménage vivre chez mon frère et son presque inexistant colocataire, qui ne fait que dormir. Mon père était réticent, mais ma belle-mère a vite fait de le convaincre de me laisser partir. J’étudie sans relâche, je me fais des amis : ceux de mon frère, ils me traitent avec tant de respect et d’admiration que je m’attache à eux. Je découvre les autres aspects de Khalil. à part sa gentillesse et son dévouement envers ses amis, il était protecteur à mon égard, me déposait à la fac et me ramenait en voiture le soir, il criait sur moi quand je prenais le bus pour que je ne le dérange pas à chaque fois, et il insistait pour être présent dans ma vie.
    Un jour où je décompressais avec les jeunes du quartier, en buvant une limonade, tard le soir, ils ont insisté pour que je leur fasse une parodie de certaines scènes dramatiques de grands films qu’on s’adonnait à ressasser. Jeles faisais hurler de rire en imitant “l’inspecteur Tahar” ou en leur caricaturant Jack de Titanic que je surnommais “Abdeka” et ridiculisais le personnage de ce français cassé qui rendait le caractère totalement hilarant.
    Ce que je ne savais pas, c’est qu’un grand réalisateur algérien était dans la même cafète que nous, et m’aborda en me proposant un rôle dans son film.
    Quel bonheur ! Je joue un petit rôle au cinéma, grâce auquel je devins populaire en Algérie, malheureusement, personne ne me donne ma chance dans ce métier où les talents sont laissés pour compte.
    Je rends visite à hadja Sadia qui allait de plus en plus mal. En la trouvant sur son lit avec une infirmière à ses côtés, je m’inquiète de son état et ne peut m’empêcher de m’alarmer.

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  23. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————————–24——————————————
    Hadja Sadia me rassure et ordonne à l’infirmière de me ramener des gâteaux, je lui dis de ne pas se préoccuper. Je venais lui rendre visite et je ne cherchais qu’à la revoir après tout ce temps. Elle me murmure essoufflée :
    - Je vais bien, maintenant que tu es revenu me voir une dernière fois, je vais pouvoir partir le cœur léger.
    Je comprenais que son heure était arrivée, je pleurais comme un enfant en lui tenant sa main froide, et la réchauffait en l’embrassant, abattu :
    - Vous irez mieux, ne soyez pas défaitiste Hadja !
    - J’attends ce jour depuis si longtemps mon enfant, je veux rejoindre mon défunt mari, il m’attend, je le vois dans mes rêves, je le défends de s’approcher, car je n’ai pas encore revu ton doux visage, mais maintenant que tu es là… Il ne reste que mon chat infidèle pour que je…
    - S’il vous plaît, tenez bon !
    - On m’a dit que tu étais devenu un grand acteur !
    - Oui hadja, j’ai joué un rôle en or, mais là n’est pas la question…
    - Je suis contente pour toi… Je veux que tu ailles parler à un vieil ami à moi, il s’appelle François, il est producteur, et il cherche un jeune Algérien impétueux, joli homme et s’exprimant en langue française… Je lui ai aussitôt parlé de toi et il n’attend que de faire ta connaissance.
    - Il ne fallait pas Hadja ! Je ne veux pas que vous pensiez à moi, préoccupez-vous de votre santé !
    - Grâce à toi, ces années ont été les plus belles de toute ma vie, tu m’as redonné le sourire mon bel ami.
    - Hadja Sadia, ne parlez pas ! Ça va aggraver votre cas !
    - J’ai un service à te demander mon enfant.
    - Tout ce que vous voudrez grand-mère. Vous voulez que je reste à vos côtés ?
    - Non, non… je veux que tu deviennes un grand acteur et que tu réalises ces rêves qui hantent ta petite tête… Enfin, je veux juste que tu déposes cette lettre…
    Elle s’endort, je me précipite pour la secouer, paniqué, appelant l’infirmière, mais hadja Sadia se réveille et m’ordonne de partir :
    - Je partirai en silence mon enfant, je ne veux pas que tu me vois t’abandonner… Pars s’il te plaît.
    Je sors sous l’insistance de l’infirmière. Le lendemain matin, Hadja Sadia s’éteint à l’âge de quatre-vingts ans, et en allant à la veillée funèbre, je me rappelle ma maman, et je pleure comme un enfant. Mon frère essaie de me consoler, mais ce qui peine encore plus, c’est quand on me raconte que son chat, son vieux chat, griffa la porte pour que l’infirmière lui ouvre et qu’il bondisse vers sa maîtresse, que hadja Sadia lui caresse difficilement le pelage, puis se meurt en silence, et que son chat qui s’était allongé près d’elle et la suit dans son sommeil lui aussi. Elle aura attendu toute sa vie que ce vieux matou revienne la remercier, pour ainsi s’en aller le cœur léger.
    J’envoie la lettre confiée par ma très chère grand-mère hadja Sadia, et je contacte avec hésitation ce producteur, dont elle m’avait parlé, qui ne put assister à l’enterrement et fut anéanti en apprenant sa mort. En sa mémoire, il me permit d’avoir le rôle, mais j’ai dû suivre une formation d’art dramatique pour apprendre à prétendre : j’appris vite à pleurer machinalement, rien qu’en pensant au décès de ma mère et hadja Sadia. Je fais rire aisément en me rappelant les amis de mon frère qui sont si drôles. Mais ce que je peine à feindre, c’est l’amour, j’ai beau penser à mon premier coup de cœur Amina, mais le professeur est toujours énervé contre moi et demande plus de drama.
    Il me dit : pense à la personne que ton cœur désire, qu’est-ce que ton cœur te confesse jeune orphelin, me dit-il en me remettant dans mon rôle. Je me rappelle à cet instant Donya, qui arrivait à faire parler mes mains et mes jambes, et avec un sourire je me mets en scène et le public croit en mon histoire d’amour, si bien que les tabloïdes annoncent une idylle entre moi et la jeune actrice française. Mais je ne m’en préoccupe guère, car la presse s’intéresse à moi, et grâce à ça, je joue dans des rôles qui me permettront d’amasser plusieurs prix d’interprétation, et toucher le cœur des francophones avant d’avoir la chance de percer aux états-Unis, car un renommé réalisateur me veut absolument dans son film. Cependant, je me sens si seul, j’ai l’impression de me perdre, il fallait que je retourne au pays, il fallait que je revoie ma famille.
    Cinq années sont passées, Alger n’a pas changé, sous ce soleil d’été qui s’installe en automne, je vois que la chaleur est dans tous les cœurs, on me reconnaît, on me salue, mais on ne m’agresse pas pour un autographe comme le font mes fans d’autres pays, et c’est pour ça que ma mère patrie est le plus beau des pays. Je m’en vais voir mon père, mais apparemment la maison est vide et close.

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  24. Artisans de l'ombre Dit :

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    Je vais rendre visite à mon frère au tribunal, il est devenu avocat comme promis et aspire à devenir juge ; quand il m’aperçoit, lunettes de soleil et chapeau afin de passer inaperçu, dans sa robe noire d’homme de loi, il stoppe une conversation avec ses confrères et lâche sa mallette pour me courir après comme un gosse et me vanner :
    - Voilà la star, mon frère se pavane comme un roi et vient me voir après tout ce temps, comme si de rien n’était !
    Je lui demande d’arrêter de me charrier, et je constate que ses collègues étaient aussi fous que lui, et ils demandèrent que je leur signe des autographes pour leur entourage, ce que je fais. Mais je ne m’attarde pas et m’en vais en voiture, accompagné de mon frère qui m’emmène dans sa maison, qui, avec stupeur, n’était autre que la maison de notre enfance. Je lui demande alors où est passé notre père, sa femme et leur fils. Il me raconte :
    - Papa a pris sa retraite, mais sa misérable paye ne suffit plus pour rembourser ses dettes, il a voulu vendre la maison, mais le notaire vint me prévenir, car, en fait, maman nous avait fait héritiers de la demeure équitablement et nous léguait une modeste fortune dans un compte qu’elle gardait secret, dont on ne devait bénéficier qu’après avoir dépassé chacun vingt ans. Papa était en colère de savoir qu’il était sur la paille et qu’il ne possédait en fait rien. J’ai voulu garder la maison et me suis occupé d’envoyer notre père et sa famille vivre dans une petite maisonnette que je leur ai achetée en mon nom, car ils se querellaient souvent avec nos grands-parents. Comme ça, la “baleine” devra être gentille sinon je la jette aux requins, elle et son petit teigneux.
    Stupéfait, je n’ai pas de mot à ajouter, je reste coi, et en arrivant à la maison, mon frère avait pris le soin de changer le décor, c’était convivial et chaleureux et il a même sorti toutes nos photos de famille et les a accrochées aux murs.
    Il me donne l’enveloppe contenant la lettre de maman en tremblant, et me divulgue :
    - Je ne voulais pas l’ouvrir, j’attendais que tu reviennes pour que j’aie le courage d’entendre ce qu’elle a à nous dire.
    J’ouvris l’enveloppe délicatement et pris la lettre doucement, et commence à lire : “Mes chers enfants… à l’heure où vous lisez cette lettre, je ne suis plus de ce monde. Je suis atteinte d’une maladie incurable. J’ai essayé de me battre pour la vaincre, mais je n’ai pas pu. J’ai dit à votre père de mentir à notre entourage, et surtout à vous. En fait, j’ai découvert que j’étais malade après la naissance de Karim. J’avais si peur ! J’ai surmonté ma crainte, mais des années plus tard je découvris que le mal était de retour. J’ai pris une décision à contre-cœur, je souhaite que vous me pardonneriez : j’ai décidé d’être froide avec vous, ne pas vous donner cet amour maternel qui vous est dû, j’ai essayé de me faire haïr, car je ne voulais pas que vous vous attachiez à moi et que vous perdiez foi en Dieu ou que vous ruiniez votre existence par ma faute. Je pleurais le soir, en retenant mes bras de vous serrer fort contre mon cœur…”
    Je ne peux plus continuer à lire. Les larmes coulent en cascade, je demande à mon frère, qui était plus déboussolé que moi, de continuer à ma place, ce qu’il fit d’une voix tremblante : “… Quand vous étiez malades, je venais vous voir tard le soir pour voir si vous alliez bien, je me retenais de m’asseoir à vos côtés et ça me tuait. Je criais sur vous pour paraître dure, mais quand vous partiez en colère, je m’effondrais en sanglots, j’espère que vous me pardonnerez, j’ai été une mauvaise mère…”
    Mon frère me regarde les yeux emplis de regrets et d’affliction :
    - Notre mère était parfaite… Elle voulait nous protéger, nous préparer pour après sa mort, elle n’a cherché qu’à nous voir épanouis en se privant de son propre bonheur ! Il n’y a rien à lui pardonner, puisqu’il n’y a rien à se faire pardonner… C’est à moi d’implorer son pardon ! J’ai crié sur elle… je lui ai dit des atrocités…
    Je retiens Khalil et lui affirme :
    - On ne savait pas ce qu’on faisait ! Tu n’as rien à te reprocher ! Tu étais comme moi, aveuglé par la haine, et l’emprisonnement te rendait acerbe.
    Je lui retire la lettre des mains quand il s’effondre sur le canapé, anéanti, puis je continue de lire en m’asseyant à ses côtés, car mes jambes allaient me lâcher : “…Je sais que je vous ai privés de votre famille, j’ai demandé qu’on ne voie personne. Je vous ai gardés rien que pour moi, et vous interdisais de voir votre tante Farah, à qui je vous implore de lui transmettre mes salutations, et je lui demande de me pardonner pour l’avoir privée de son frère et de ses neveux. Je crois que j’étais jalouse d’elle… Quand mon enfant, mon petit Karim est né, elle est venue à l’hôpital nous rendre visite. Quand elle t’a pris Karim dans ses bras, tu n’as plus voulu la lâcher, tu étais collé à son foulard, et tu pleurais quand je t’ai arraché de ses mains. J’étais si effrayée que tu ne m’aimes pas Karim, alors je n’ai permis à personne de te toucher ! Je n’ai plus revu ta tante depuis ce jour.”

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  25. Artisans de l'ombre Dit :

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    “Mais j’ai demandé à votre père que votre tante, si elle le propose, prenne soin de vous, qu’elle vous donne cet amour maternel qui est si facile pour elle d’afficher, que j’en étais envieuse. Mes fils, elle vous prodiguera tout cet amour dont je vous ai privés. J’ai un dernier message à vous transmettre : Khalil, mon aîné… mon premier enfant. J’ai fait plusieurs fausses couches avant que Dieu ne me permette de te porter dans mon ventre. J’ai été comblée, la plus heureuse des femmes le jour où tu es né, car j’étais maintenant devenue mère. Tu m’as apporté tant de joie, tu as su me donner confiance en moi… et quand tu grandissais, je voyais que tu avais un très fort caractère, celui qui t’approche ne peut que t’aimer, tu étais mon petit prince à moi. Je te demande, mon fils, de prendre soin de ton frère, de veiller sur notre maison et je voulais que tu saches que je ne t’en veux pas parce que tu étais un petit rebelle, au contraire ! J’adorais que tu grandisses et que tu te construises une forte personnalité, que tu ne te laisses pas marcher sur les pieds, et au fond de ton regard, je me voyais quand j’étais jeune et te prédestinais à un grand avenir, car tu as toujours su définir ce qui était juste et ce qui ne l’était pas. Karim…” Je m’arrête de lire, je ne peux plus continuer, l’émotion est si forte, mon frère sourit, le visage inondé de larmes, puis me révèle :
    - Elle ne m’en veut pas ! Elle a dit que je lui ressemblais !
    Je donne la lettre à mon frère qui comprenait que je ne pouvais plus parler, et il essaie de continuer :
    “…Karim, mon deuxième et dernier trésor, tu as ramené de la joie en moi. Je te regardais et je savais que tu étais magique. Tu dégageais cette aura, tel un mage mon enfant, tu t’exprimais en rimes, tu possédais ce regard effrayant qui intimidait ton père. Tu avais peur du noir, alors qu’en fait tu étais la lumière qui perçait les ténèbres et nous faisait voir l’invisible. Tu changeais mes doutes en certitudes, et tu me donnais du courage quand je perdais foi en moi. Je te regardais avec admiration mon fils, mais je décelais en toi une peur, celle de l’inconnu… Tu étais comme moi, tu détestais afficher tes sentiments par peur du rejet, mais mon enfant ne fais pas l’erreur de laisser le bonheur te passer entre les mains, trouve l’amour et garde-le ! Mes fils, je dois partir à l’hôpital, Karim tu t’endors sur le canapé, je t’embrasse sur la joue. Khalil, je suis allée au pensionnat, je t’ai regardé jouer avec tes amis des heures durant, avant que je ne sois hospitalisée… Mes beaux enfants, ne vivez pas avec le regret, savourez votre bonheur pour que je dorme en paix. Khalil, je t’aime mon prince. Karim, je t’aime mon mage. Je vous aime, quitte à mourir seule, sans voir la peine vous défigurer le visage, mes doux enfants.
    De la part de votre mère Houda qui vous aime fort…” Il est difficile de trouver les mots, après cette longue et belle lettre où notre mère tentait de se racheter. Mon frère et moi passons la journée à sortir de vieilles photos, à pleurer, rire, nous souvenir, puis enfin encadrer la lettre de maman qu’on accroche au mur de ce qui fut son bureau. Le lendemain, un homme vient sonner à la porte. J’ouvre, et il me demande si je suis bien Karim Fahad, je confirme. Il me révèle en larmes :
    - Je suis le petit-fils de Sadia, ma grand-mère vous…
    Je le fais immédiatement entrer dans le salon et lui sers de l’eau, car il ne désirait pas s’éterniser, puis raconte :
    - Ma grand-mère nous a envoyé une lettre où elle nous pardonne de lui avoir fait du tort, à la condition : récompenser la seule personne qui lui a tenu compagnie durant ces années où nous l’avons laissée à son sort. De ce fait, dans son testament, elle vous lègue la maison où elle a rendu l’âme.
    - Je ne peux pas accepter !
    - Vous devez ! Vous devez accepter la maison, vous pouvez la vendre si ça vous chante, mais depuis qu’on a ignoré ses volontés les malheurs ne cessent de nous châtier. Je suis resté à attendre dans sa demeure plus d’un an, espérant vous revoir, car votre frère ne savait pas comment vous contacter, et je ne pouvais lui laisser les papiers sans savoir s’ils vous seront remis en main propre, alors je ne lui ai jamais parlé de cette histoire.
    - Je vous assure, je ne veux pas prendre cette maison, vous devez en avoir plus besoin que moi !
    - Pas du tout ! Je vous implore, si vous le désirez, à genoux, prenez ces documents pour apaiser mon cœur oppressé par les regrets…
    Il allait s’agenouiller, mais je le retins en lui disant :
    - J’accepte de prendre la maison, je ne vais pas la vendre. Je vais y vivre si cela peut conforter le salut de hadja Sadia. Néanmoins, ne vous abaissez pas de la sorte, seul Dieu mérite que vous vous prosterniez…
    - Je vois que vous êtes sage ! Je comprends pourquoi ma grand-mère voulait que vous gardiez la demeure.
    Il me donne les papiers, les clés puis s’en va le cœur léger, en me remerciant d’avoir pris soin de sa grand-mère, mais je lui affirme que c’est plutôt le contraire qui se produit.

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  26. Artisans de l'ombre Dit :

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    Mon frère se réveille, et quand je lui annonce la nouvelle, il me sourit et affirme :
    - Tu vas être mon voisin ! On va bien s’amuser tous les deux mon frère. Marie-toi vite !
    - Parle pour toi ! Tu as vingt-sept ans et tu es encore célibataire.
    - Détrompe-toi, je vais me marier !
    - Ah bon ? Qui est la malheureuse ?
    - Tu la connais, c’est notre cousine.
    Je retiens mon souffle, j’ai le cœur qui bat, j’ai une appréhension étrange, une frayeur qu’il annonce le nom de Donya. Je ne sais pas, mais je ne voulais pas qu’elle se marie avec mon frère.
    - C’est Donya !, criai-je choqué.
    - Tu m’as rendu sourd, silence ! Non ! Je ne te prendrai jamais Donya ! C’est Ryma l’élue de mon cœur. Quand je suis allé au mariage de sa sœur Nima, elle n’arrêtait pas de me suivre et de menacer toutes les filles que j’abordais de les tuer si elles m’approchaient. J’ai eu un peu peur d’elle, j’évitais de trop lui parler. Mais le destin croisait nos chemins si souvent, que je ne puis que tomber follement amoureux d’elle, si bien que je la harcelle pour savoir où elle se trouve ! Je te jure, je suis un jaloux possessif à mort !
    - Content pour toi, il faudrait que je rende visite à ma tante et ses filles…
    - Je dois y aller cet après-midi, car mon oncle Wahid voulait que je sois près de lui quand le prétendant de Donya et sa famille viendront.
    - Quoi ?
    - Oui, mon oncle veut que je vienne, j’en profiterai pour voir ma rose Ryma, qui ne veut plus me parler jusqu’au jour du mariage. Elle dit que ça porte malheur de parler de nos projets, et de ne rien entreprendre jusqu’au jour J, mais moi…
    - Non ! Pas ça ! Ce que tu as dit avant, tu parlais de Donya… Elle va se marier ?
    - En effet, son futur époux vient demander sa main aujourd’hui !
    Je me précipite à l’étage me changer et ordonne à mon frère de préparer la voiture. J’étais si retourné par cette nouvelle, que je ne me permis pas de prendre plus de temps. J’impressionne mon frère en portant un costume cravate. Je prends les cadeaux que j’ai ramenés de l’étranger pour ma tante et mon oncle : les parfums et les bijoux. J’achète en route plein de choses : des présents pour les filles, plein de boîtes de chocolat et quatre grandes boîtes de pâtisseries. Mon frère assez surpris s’esclaffe en me demandant :
    - Tu dévalises les boutiques ? Tu crois qu’avec les cadeaux tu vas leur faire oublier ton absence ?
    - Ce n’est pas du tout cela ! Conduis et vas-y vite.
    Mon frère s’exécute, mais à cause de l’embouteillage, on arrive deux heures après chez les Arfawil. Je tambourine à la porte, mon frère me demande de me calmer et qu’il n’y avait pas urgence, qu’ils viendront ouvrir quoi que je fasse. Mais j’étais si anxieux, j’avais peur de perdre… j’avais peur de perdre…
    La porte s’ouvre, c’est Ryma qui ouvre. Mon frère avec un large sourire lui dit :
    - Ma belle rose, tu es radieuse !
    Elle referme la porte, nous laissant sur le palier. Peu de temps après, tante Farah nous ouvre, en s’excusant de l’impolitesse de sa fille, car celle-ci ne veut pas que son fiancé la voie avant le mariage, pour qu’au jour dit, quand elle se fera belle pour lui, il en sera enchanté.
    Ma tante, heureuse de me voir, me prévient que Narimène avait quitté la maison et qu’elle s’était mariée à un gentil garçon et vivent à Bouira. Tante Farah me reproche de ne pas être venu au mariage, mais ce jour-là j’étais à Paris en plein tournage, je ne pouvais pas me désister si facilement. Elle me pardonne. Mon oncle vient me saluer tout heureux, il me prend dans ses bras, me réprimande d’être parti en voleur sans rien lui expliquer, et j’exprime mes regrets et il ne m’en veut guère. Puis, oncle Wahid m’invite à m’asseoir, mais je constate que le fils de Djamila était en visite chez ses grands-parents et qu’il avait bien grandi. Khalil lui donne les clés de la voiture pour qu’il aille chercher tous les cadeaux et friandises que je leur ai apportés. Ma tante est comblée de bonheur, je la couvre littéralement d’or et de beaux vêtements, tout comme mon oncle. Puis je cherche à me dérober à la conversation pour voir Donya. Sa mère me dit qu’elle est dans sa chambre en train de se préparer. Je lui demande la permission de monter pour lui faire une surprise, ma tante m’y autorise.
    Devant la porte, j’entends le sèche-cheveux, je frappe à la porte, elle arrête de se coiffer et demande :
    - Qui est-ce ? Si c’est toi Ryma ? Non je ne veux pas savoir combien ton fiancé t’aime, vas-t-en !
    Je lui murmure : Toc… Toc…
    Elle se dirige vers la porte et l’ouvre légèrement en disant :
    - Moussaillon quel est le mot de passe ?
    - Capitaine, c’est moineau.

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  27. Artisans de l'ombre Dit :

    ————————————————–28——————————————-
    -Pourquoi reviens-tu exactement aujourd’hui Karim ?
    - J’ai besoin de te voir.
    - Pas maintenant, je me prépare.
    - Pour un autre homme !
    - Non… je me prépare pour croire que je suis belle… Je mets un hijab maintenant, je lui parlerai en dissimulant ma beauté.
    - Je refuse qu’il te voie.
    - Tu n’as pas à me donner d’ordre.
    - Ouvre la porte.
    - Non, je suis mal habillée, et j’ai les cheveux tout décoiffés.
    - Alors tu t’inquiètes encore de ce que je peux penser de toi… C’est rassurant.
    - Non… Je ne… Laisse-moi Karim, pars s’il te plaît !
    Elle entrouvre légèrement la porte, je la bloque du pied et pousse pour entrer de force, elle recule et me demande en me tournant le dos, cachant son visage :
    - T’es heureux de me voir comme ça, habillée n’importe comment ? Les cheveux ébouriffés ? Je ne ressemble pas à toutes ces Françaises avec qui tu es sorti, mais moi je suis musulmane et je ne tolère pas que tu entres par effraction dans ma chambre.
    - Je te signale que c’était la mienne avant qu’elle ne soit tienne.
    - J’en ai rien à faire, maintenant tu sors, je ne te laisserai pas voir mon visage.
    En regardant dans le miroir de sa commode, je la voyais frottant du manche de son pull ses lèvres, elle essayait d’enlever le rouge à lèvre qu’elle avait mis. Je voyais ses grands yeux noirs, tracés tels des perles, brillants d’éclat, chaque trait de son visage qui me manquait, si bien que je ne pensais qu’à elle durant toutes ces années. Je lui affirme :
    - Pourtant, de cette glace où tu t’amuses à jouer les princesses, je peux te contempler Donya !
    En s’apercevant que j’étais en train de sourire en la regardant malicieusement, toute honteuse, elle se retourne, remarque que je m’étais mis sur mon 31, elle me rétorque :
    - Quoi ! La superstar se déplace bien habillée à ce que je vois !
    - Donya, ne sois pas insolente !
    - Je n’ai plus à suivre tes ordres ! Maintenant il y a un homme qui va faire partie de ma vie, et ce sera à lui que je vouerai fidélité et respect.
    Je m’avance vers elle, énervé, la saisit par le menton et lui affirme en serrant son épaule de l’autre main :
    - Je ne te laisserai jamais courir… C’est la dernière fois que tu me tourneras le dos. On va voir si cet homme avec qui tu crois m’impressionner aura l’audace de t’arracher de mes bras !
    - Karim… tu me fais peur !
    à cet instant, mon frère qui venait d’entendre la conversation intervient pour ôter ma main du visage de Donya et me dit :
    - Je voudrais te parler seul à seul Karim. Allons dans le jardin.
    Je reprends mon sang-froid et sors de la chambre. Donya referme la porte en me jetant un regard désespéré. Dehors mon frère me sermonne :
    - Qu’est-ce qui te prend ? Laisse-la faire sa vie et arrête de lui donner de faux espoirs !
    - Je ne sais pas de quoi tu parles.
    - Cette fille a passé toute son existence à essayer de t’oublier. Le jour où elle décide d’aller de l’avant et d’arrêter de t’attendre, tu refais surface et troubles ses pensées !
    - Je ne veux pas qu’elle épouse cet homme !
    - Et qui es-tu pour en décider ?
    - Je veux qu’elle ait une vie heureuse, qu’elle trouve le bonheur…
    - Tu t’écoutes parler ? Tu prétends vouloir son bonheur, mais n’est-ce pas le tien que tu cherches à préserver ?
    - Je ne veux pas qu’elle épouse cet homme, il faut qu’elle attende…
    - Qu’elle attende quoi ? Que tu aies le temps de réfléchir, que tu aies le courage de lui révéler ce que tu ressens, et là peut-être lui demanderas-tu de t’épouser ?
    Sur ce, notre oncle nous appelle, car le prétendant est arrivé accompagné de sa sœur et de sa mère. Je cours les accueillir et Khalil me demande de m’abstenir, pour que je ne fasse rien qui compromettrait l’avenir de Donya…
    Je n’ai pas le temps d’apparaître avec mon sourire charmeur que la vieille dame et sa fille sont charmées, et que le prétendant me demande un autographe. Je ne passe pas facilement inaperçu. En nous mettant à l’aise au salon, je me permettais d’accaparer la discussion, de parler de ma vie d’acteur et ainsi faire oublier la raison de leur présence. La vieille femme va même faire les louanges de sa fille, dans l’espoir que je l’épouse, je fais semblant d’être intéressé, pour que mon oncle ne remette plus la question de l’engagement de Donya au jour.

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  28. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————————-29————————————————-
    Mais à mon grand dam, mon frère, ayant cerné mon petit jeu, reprend les choses en main et questionne le prétendant au nom de Nassim : – - Alors Nassim, pourquoi, à seulement vingt-deux ans, tu désires épouser ma cousine Donya qui est comme une sœur pour moi.
    - Je veux épouser Donya parce que je l’aime, et que je veux faire son bonheur et le mien par conséquent, ose-t-il sans gêne annoncer.
    Je décide de mettre mon grain de sel et tester la véracité de ses propos :
    - Tu sais que moi et Donya on est inséparables !
    - Oui, je sais, mais la famille de Donya est ma famille, se permet-il d’affirmer en prononçant son agréable prénom, ce qui me mettait hors de moi. Mon frère me foudroie du regard, heureusement que mon oncle, qui ne comprenait pas mes mauvaises intentions, se plaçait entre nous. Voilà que rentre Donya, toute timide, apportant les boissons, cachant ses cheveux d’un joli foulard blanc qui mettait en valeur ses yeux ténébreux. Pour un moment, j’aurais juré que le temps était suspendu sur sa démarche réservée et anxieuse, et chaque pas qu’elle faisait réanimait mon cœur qui oubliait de me faire vivre, tant il était subjugué par sa beauté ; mais je me réveille, et mon rêve tourne au cauchemar quand elle évite mon regard énervée et sourit à cet homme qui était venu me la prendre. Telle une petite vengeance, je demande à ce soupirant qui ne pas quittait Donya du regard, avant que ma cousine ne quitte la pièce :
    - Tu sais que Donya est nulle en cuisine, et question ménage elle a beaucoup de progrès à faire. Donya ne manque pas de remarquer mes petites mesquineries ; elle me dévisage avant de sortir, avant que ce Nassim me réponde :
    - Je suis sûr que ma mère lui apprendra, elle n’a qu’à écouter ses conseils, affirme-t-il, mais le haussement de sourcil de sa mère, contredit ses belles certitudes.
    - Vous êtes combien à la maison ? demande Khalil.
    - On est six : ma sœur, mon frère aîné et sa femme, ma mère et mon père… plus moi.
    - Quelle grande famille ! m’exclamai-je. Et vous devez tous vivre dans un château.
    - Oh non ! on vit dans une villa de deux étages.
    - Alors, Donya vivra avec vous… lui dis-je.
    - Oui, elle vivra avec nous, bien sûr. Affirme la mère. Pourquoi ? Est-ce un problème ?
    - Non, il n’y a pas de problème, certifie mon oncle.
    - Vous travaillez dans quoi ? interroge Khalil.
    - J’aide mon père dans son commerce, ça rapporte bien.
    - Et vos études ? interrogeai-je en essayant de trouver un défaut à ce gendre poli.
    - J’ai arrêté ; ça sert à rien, il n’y a pas d’avenir dans les études. N’est-ce pas monsieur Wahid ?
    J’étais content, j’avais touché un point, enfin! Connaissant mon oncle, cette réponse ne lui plaît pas du tout. Il est chiffonné, se racle la gorge et interroge sur un ton de plaisanterie :
    - Ma fille Donya a suivi des études en langues étrangères. Elle aussi tu ne veux pas qu’elle travaille, n’est-ce pas ? Le rire feinté de mon oncle permet à ce Nassim de dévoiler son vrai visage et confie presque soulagé :
    - Je suis content qu’on aborde le sujet J’aimerais qu’elle arrête ses études et s’occupe de ma pauvre mère qui est très malade, et puis, soyons francs, une femme qui travaille apporte la honte, n’est-ce pas monsieur Wahid ? avoue-t-il en s’esclaffant. Mais le mutisme de mon oncle et son regard haineux étouffèrent ses envies de rire. Mon oncle se lève assez énervé et dit à ce prétendant :
    - Mon garçon, désolé de t’être déplacé, mais ma fille, je ne la marie pas. Tu peux partir. Puis parti laissant mon oncle contenir sa colère. Quant à Khalil, il essayait de se montrer poli en leur montrant la sortie, mais les invités sont si énervés qu’ils ne manquent de se disputer entre eux aussitôt la porte close. J’étais si content, j’étais sur un petit nuage. Ma tante essayait de convaincre mon oncle qu’il réfléchisse à deux fois avant de refuser, certifiant que la famille était assez aisée. Mais mon oncle refuse que l’une de ses filles soit privée d’éducation et semonna sa femme : – Je ne vais pas vendre mes filles Farah ! J’ai payé leurs études, pas pour qu’un vaurien vienne me les prendre et les séquestrer chez lui, pour devenir les boniches de leur mère !
    - Tu sais que Donya a des difficultés à se trouver un mari, affirme ma tante. Elle ne sait pas cuisiner, et c’est à peine si elle fait bien le ménage !
    - S’il n’y a pas d’homme pour elle, qu’elle travaille et vive chez son père !

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  29. Artisans de l'ombre Dit :

    ——————————————30———————————————–
    Entendant la dispute, je me lève du canapé et les rejoins dans la cuisine, Khalil qui venait de fermer la porte d’entrée se tourne vers moi et me demande :
    - T’es content de toi maintenant ? Elle va être bien seule !
    Donya qui était assise sur les plus hautes marches des escaliers reste silencieuse, fixant le sol, aucune expression sur son visage, perdue dans ses pensées. Je monte pour m’asseoir à ses côtés, pendant que Khalil calmait la querelle entre mon oncle et sa femme.
    Je lui demande :
    - J’espère que tu n’es pas déçue, il n’était pas pour toi !
    Elle ne me répond pas.
    - Je te parle Donya, regarde-moi !
    Elle piaffait, montrant qu’elle était très en colère, mais se retenait d’exploser.
    - Donya, si tu as un reproche à faire, fais-le !
    Elle continue de m’ignorer. J’ai beau lui demander de me regarder, elle refuse, alors je lui crie comme au beau vieux temps :
    - Donya, tiens-toi droite, arrête de bouger !
    Au moment où j’allais l’attraper par le menton, elle éloigne ma main et me regarde énervée :
    - Je ne suis plus une enfant !
    Je me lève, énervé, descend les marches, et je suis sur le point d’ouvrir la porte et partir quand elle me lance, la voix émue :
    - Tu dis toujours que je cours, tu m’interdis de te tourner mon dos, mais c’est ce que tu fais à chaque fois que tu réapparais dans mon existence.
    Je serre la poignée, puis cogne légèrement ma tête contre la porte et me tourne, la découvrant sanglotant, accroupie, se voilant de ses mains tremblantes. Je lui demande de me regarder, mais elle ne daigne pas lever la tête. Je lui crie dessus, ce qui la surprend, et elle ravale ses larmes pour me contempler, tout comme mon frère, ma tante et mon oncle, qui furent confondus par mon hurlement grossier.
    Ils me dévisageaient avec inquiétude, je cogne le mur du poing et, en contemplant Donya, je lui révèle :
    - Tu sais… quand je travaillais mon jeu de scène, je savais reproduire toutes les expressions, tous les sentiments, mais un seul, je ne parvenais pas à le faire, tu sais quel était-il ?
    Elle secoue la tête de gauche à droite répondant négativement à ma question.
    - Je n’arrivais pas à faire semblant que j’étais amoureux… Tu sais Donya, il fallait que je pense à une personne pour que mon visage soit illuminé… Donya sais-tu qui est cette personne ?
    Donya en séchant ses larmes me rétorque :
    - A… Amina !
    Je lui crie dessus énervé :
    - Non idiote, c’est toi !
    Mon oncle, insupporté, voulait me donner une bonne correction pour avoir manqué de respect à sa fille, mais fut retenu par ma tante qui lui sourit simplement pour qu’il comprenne ma fougue.
    - Donya, grâce à toi j’ai connu l’amour ! Tu arrives toujours à savoir ce que j’ai sur le cœur en questionnant ma main, ma jambe, qui te racontaient tout ! Je voudrais aujourd’hui… que tu demandes enfin à mon cœur ce qu’il se hâte de t’avouer depuis tout ce temps.
    Donya, en larmes, me répondait :
    - Je ne peux pas… je n’en ai plus le courage…
    - Donya, je sais que je t’ai fait souffrir et que je ne te mérite pas, mais je vais te dire ce que mon cœur a vitalement besoin de t’avouer.
    Je monte les escaliers, je m’accroupis une marche au-dessous, et en prenant sa main, que je pose sur mon cœur, je lui divulgue :
    - Donya, je t’aime ! Veux-tu être ma femme, pour l’éternité et au-delà, ma légitime épouse ?
    Ma tante n’en croit pas ses oreilles, mon oncle soupire, car il ne s’attendait pas à un tel rebondissement, mais est très heureux. Mon frère me regardait en souriant. Quant à Donya, j’attendais sa réponse, et elle n’arrêtait pas de se frotter le nez et était toute confuse, alors je lui mouche le nez avec la manche de mon coûteux costume et lui rappelle :
    - Je t’ai déjà vue morveuse… tu n’as rien à me cacher. Alors… tu m’épouses, oui ou non ?
    Elle sourit et hoche la tête affirmant qu’elle acceptait de se marier avec moi, puis en la contemplant je lui soupire en la taquinant :
    - Si on m’avait dit que celle à qui j’ai appris à marcher, à courir allait être ma femme, j’aurais eu le temps de t’apprendre à cuisiner !
    Elle éclate de rire, comme toute la famille qui était aussi heureuse que nous, et elle se relève, on échange un sourire, un regard, puis elle me réplique avant de partir :
    - C’est maintenant que tu m’aimes ? Moi je t’ai aimé avant que tu ne découvres que je te suis indispensable.
    Puis elle court dans sa chambre, avant de se souvenir de ma menace qui lui interdisait de me tourner le dos, et me regarda une dernière fois avant de fermer la porte.
    à ce moment euphorique, on va tous à la cuisine célébrer l’événement, quand Ryma sort de sa chambre et demande :
    - J’ai manqué quelque chose ?
    Et quand elle aperçoit mon frère courir vers elle, elle lui ferme la porte au nez, et lui jette :
    - T’es encore là ?

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  30. Artisans de l'ombre Dit :

    ——————————————-31—————————————————–
    -Je veux te voir, insiste mon frère aîné.
    - Non, après le mariage !
    - Alors je vais t’épouser demain !
    - Non ! Je ne suis pas prête !
    - Sors que je te parle ou je t’enlève demain.
    Obligée, elle sort et est agressée littéralement par les interrogations de mon frère très jaloux, car ma cousine est médecin, et elle rencontrait beaucoup de gens dans son travail.
    La nuit s’achève, en cette exhortation qui libéra enfin mon cœur.
    Et c’est ainsi que j’ai épousé Donya, l’amour de ma vie, en un somptueux double mariage : mon frère et moi nous liant avec les deux filles “Arfawil”. Aujourd’hui, j’ai arrêté le métier d’acteur et suis devenu scénariste, je travaille à la maison, dans le quartier qui m’a vu pousser. Avec ma femme, on reste dans la cuisine à ressasser notre passé oublié, et je l’interroge : chérie, quand est-ce que tu as su que tu m’aimais pour la première fois ?
    Donya en posant le café qu’elle avait préparé sur cette table ornée des pâtisseries qui ne manquent pas de rappeler Hadja Sadia, m’avoue en prenant place à mes côtés : tu te souviens quand mon cousin du côté de mon père voulait que je joue avec lui de force et qu’il m’agrippait par le bras si fort que je pleurais ?
    - Oui ! Je m’en souviens ! Je suis venu vers lui, l’ai poussé et lui ai crié de te laisser, je lui ai dit de ne pas te toucher.
    - Oui… mais tu as aussi divulgué ces mots qui enchaînèrent mon cœur au tien, je me rappelle comme si c’était hier… Il t’a dit : qui es-tu pour la défendre, son cousin ? Et après ? Moi aussi je suis son cousin !
    - Ah, je m’en rappelle !
    - Oui, tu lui as dit : Donya n’est pas seulement ma cousine, Donya est ma moitié. Elle et moi nous ne faisons qu’un ! Elle m’appartient ! Elle et moi c’est plus fort qu’aucun lien au monde !
    - Oui, je peux l’avouer maintenant, j’étais jaloux !
    - Oh ! Il ne fallait pas ! Tu sais que c’est toi que j’aime.
    - Non ! Je veux dire, jaloux de sa force, il m’a bien corrigé !
    - Arrête de me taquiner ! Ce souvenir est précieux pour moi !
    Déambulant dans la cuisine, mes deux jumelles de six ans : Houda et Sonya, l’une attrape ma main et me murmure : papa, ta main me dit que tu vas m’acheter plein de bonbons ! Quant à mon autre petite blonde, elle pose sa tête sur mon genou et dit : papa ton pied dit que tu vas nous emmener au parc !
    -Votre mère vous a appris ce jeu, et je n’ai plus le dernier mot dans cette maison !
    Donya sourit et demande que je les emmène se promener. À ce moment, la porte d’entrée claque, le petit Amir de huit ans, entre boudeur, ronchon, s’assoit à table avec nous et révèle : je veux aller dans une école privée.
    Je l’interroge pourquoi, il répond : les élèves de l’école n’arrêtent pas de dire que mon père est déjanté, mais drôle, et que ma mère est bizarre, et qu’elle leur fait trop peur.
    - N’écoute pas ce qu’ils disent, dis-je pour le consoler.
    - Ryma et Khalil sont fous, ils vont souvent en voyage et me laissent avec vous !
    - Il ne faut pas dire de méchancetés sur tes parents, le sermonne Donya.
    - Mes parents me laissent toujours avec vous, alors que je préfèrerais rester chez moi lire des romans policiers.
    Donya regarde nos filles en haussant les sourcils, ces dernières comprirent le code, et en souriant allèrent attraper chacune le bras de Amir et le tirer chacune de son côté en lui demandant avec emphase : moussaillon, quel est le mot de passe ?
    Amir crie, ordonne qu’on gronde nos filles, menace d’en référer à son père mon frère, mais au final, il cède à leurs dires en souriant : capitaine, c’est moineau !
    Et ainsi je les emmenais tous au parc d’attraction s’amuser, et profiter de cette enfance dont ils ne doivent pas être privés. Tout finit bien dans le meilleur des mondes, à qui sait attendre. Souvenez-vous : ne jugez point les personnes, qui sait ce que leur cœur a à vous dire. Confortez ceux qui sont seuls, qui sait ce qu’ils ont à offrir. N’enfermez point votre âme d’enfant, car au fond, c’est ce qui vous garde innocent. Devenez de bons parents, car le temps saura attester de votre enseignement. Laissez ce moineau s’envoler, moussaillon ne le retenez pas, car votre capitaine est épris de liberté. Et si aimer était une bénédiction… pourquoi se priver… de dénommer son nom ? Ainsi s’achève mon récit, j’espère que les confessions d’un orphelin parleront à votre cœur et ne resteront pas un fugace souvenir.
    Fin
    H.B

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  31. Artisans de l'ombre Dit :

    La nouvelle de Adila KatiaLundi, 02 Novembre 2009 10:48
    Les croisées du destin
    Par : Adila KATIA

    1ere partie

    -Comment as-tu fait pour te retrouver là ?
    La question du gardien fait rougir Wassil. Mais il devient aussitôt pâle, des larmes brillent dans son regard. Il regrette tant même s’il sait que les regrets et les remords ne pourront rien changer au passé. En plus d’être un voleur, il a été un taxi commun. Durant des années, il consommait des drogues douces, tout ça pour oublier sa triste vie. Enfant de parents divorcés, il n’a jamais supporté d’avoir à choisir entre eux. Aussi, bien que tous deux ont refait leur vie, ils l’ont toujours utilisé pour se faire du mal. Mais c’est lui qui en a le plus souffert.
    Après une enfance à aller et venir entre ses deux familles, il n’avait plus eu la force de les supporter. Alors il était parti chez un ami à Alger. Ce dernier, il l’avait rencontré dans une pharmacie alors qu’il achetait une boîte de tranquillisants. Kader avait deviné qu’il était dans une période difficile. Plein de sollicitude, alors que c’était un geste calculé, il lui avait proposé de passer quelques jours chez lui. Wassil, touché, n’a pas refusé. Durant des semaines, Wassil mène la belle vie. Kader l’emmène en boîte, lui offre de beaux habits et lui donne même de l’argent de poche.
    En repensant à tout ça, Wassil a un sentiment de révolte. Combien il a été naïf de croire en lui, de le considérer comme un bienfaiteur ! Mais sa jeunesse l’excusait. Il n’avait que dix-sept ans. Lorsque Kader lui a demandé de lui rendre service, il n’a pas voulu être ou paraître égoïste et mauvais. Ne pas lui être redevable l’aurait poussé à le mettre dehors.
    Wassil savait alors que seule la rue l’aurait attendue. Par reconnaissance et par crainte, il n’avait pu faire autrement que de lui rendre service. Kader lui avait remis quelques appareillages à vendre. Dès le premier jour, Wassil s’est fait surprendre par une patrouille de police avec sa marchandise en mains.
    Tout de suite après, il s’est retrouvé au commissariat ; ce qu’il ignorait alors, c’est que le propriétaire de la marchandise s’était plaint. Kader lui avait menti, lui disant qu’un copain les lui avait revendus. Wassil a payé pour eux, condamné à trois années de prison. Kader s’était volatilisé dans la nature. L’appartement qu’ils occupaient ne lui appartenait pas, tout comme ce qui s’y trouvait, les meubles, le salon, la belle vaisselle. Wassil, après toutes ses années se demande pourquoi il ne s’était pas rendu compte que tout ce qui les avait entourés, n’était qu’illusions. Kader en plus d’être un menteur était un bon comédien. Sinon il n’aurait pas abusé Wassil aussi longtemps…
    Wassil n’aurait pas été aujourd’hui en prison à payer pour lui. Parfois il s’en voulait à mort d’avoir été naïf. Il aurait dû se douter que tout ce qui brillait autour de lui était qu’artifice. Kader l’a bien eu.
    - C’était moche ce que tu as fait ? demande le gardien.
    - Je n’ai agressé personne… Je me suis seulement fait avoir en allant vendre de la marchandise volée, répond Wassil. L’argent n’était même par pour moi.
    - Tu en as encore pour longtemps ? l’interroge-t-il en le regardant fixer le soleil.
    - Quelques semaines, murmure le jeune homme. Le temps juste pour ne pas devenir fou !
    Il lui reste tout juste cinq semaine avant d’être libéré. L’espoir lui donnait assez de force pour ne pas céder à la pression faite par d’autres détenus qui le savait proche de sortir de prison. Et c’est aussi l’espoir qui le pousse à écrire des lettres à sa famille. En attendant leurs réponses, il prie Dieu de lui venir en aide. Ces derniers jours lui ont paru encore plus longs qu’avant. Il se demande s’il pourra tenir le coup longtemps.

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  32. Artisans de l'ombre Dit :

    ———————————14
    Désespoir————————————————
    Mon passé se colle à moi comme l’emplâtre d’une plaie. Je
    tourne et retourne dans le cercle bête où s’est écoulée une partie
    de ma jeunesse.
    Le vieux collège me menace encore de sa silhouette lugubre,
    de son silence monacal.
    Je ne puis entrer dans la ruelle qui longe ses murailles, sans
    me rappeler les années affreuses, où, quatre fois par jour, je
    montais ou descendais ce chemin, pavé de pierres pointues qui
    avaient la barbe verte. Au milieu, quand il pleuvait, courait un flot
    vaseux qui entraînait des pourritures.
    En été, il y faisait bon, quelquefois ; mais mon père me
    disait : « Repasse ta leçon », et je n’avais pas même la joie de
    renifler l’air pur, de regarder se balancer les arbres de la grande
    cour, troués par le soleil et fourmillant d’oiseaux.
    Au coude, à l’endroit où la ruelle tournait, se trouvait une
    maison garnie de fleurs aux croisées et qui montrait, à dix heures,
    une de ses chambres ouverte au frais, toute gaie et bien vivante.
    Mais il était défendu de s’arrêter pour voir, parce que, paraîtil,
    cette maison était le nid d’un ménage immoral, où l’homme et
    la femme se couraient après pour s’embrasser. J’avais risqué un
    oeil deux ou trois fois ; ma mère m’avait surpris et retiré
    brusquement en arrière comme si j’allais tomber dans un trou.
    Une vieille dame qu’elle connaissait et qui demeurait en face
    avait été chargée de l’avertir.
    « Si Jacques regarde, vous me le direz. »
    – 159 –
    Et cette femme, à l’heure du collège, m’espionnait, le nez
    aplati contre la vitre, la bouche méchante, l’air ignoble – bien
    plus ignoble que les deux amoureux qui s’embrassaient en face.
    Elle y est encore, cette moucharde ! – elle a des mèches grises
    maintenant, qui passent sous son bonnet crasseux du matin ; elle
    me dévisage d’un regard vitreux, et il me semble qu’elle me vieillit
    en arrêtant sa prunelle ronde sur moi !
    À travers la grille du collège j’aperçois la cour des classes…
    C’est donc là que je suis venu, depuis ma troisième jusqu’à
    ma rhétorique, avec des livres sous le bras, des devoirs dans mon
    cahier ? Il fallait pousser une de ces portes, entrer et rester deux
    heures – deux heures le matin, deux heures le soir !
    On me punissait si je parlais, on me punissait si j’avais fait un
    gallicisme dans un thème, on me punissait si je ne pouvais pas
    réciter par coeur dix vers d’Eschyle, un morceau de Cicéron ou
    une tranche de quelque autre mort ; on me punissait pour tout.
    La rage me dévore à voir la place où j’ai si bêtement souffert.
    En face, est la cage où j’ai passé ma dernière année. J’ai bien
    envie de me précipiter là-dedans et de crier au professeur :
    « Descendez donc de cette chaire et jouons tous à sautemouton
    ! Ça vaudra mieux que de leur chanter ces bêtises,
    normalien idiot ! »
    Je me rappelle surtout les samedis d’alors !
    – 160 –
    Les samedis, le proviseur, le censeur et le surveillant général
    venaient proclamer les places, écouter les notes.
    Est-ce qu’ils ne se permettaient pas, les niais, de branler la
    tête en signe de louange, quand j’étais premier encore une fois !
    Niais, niais, niais ! Blagueurs plutôt, je le sais maintenant.
    Vous n’ignoriez pas que c’était comme un cautère sur une tête de
    bois, cette latinasserie qu’on m’appliquait sur le crâne !
    Plutôt que de repasser sous ces voûtes, de rentrer dans ces
    classes, plutôt que de revoir ce trio et de recevoir ces caresses de
    cuistres, je préférerais, dans cette cour qui ressemble à un cirque,
    me battre avec un ours, marcher contre un taureau en fureur,
    même commettre un crime qui me mènerait au bagne ! oh ! ma
    foi, oui !
    Je reconnais ces rues basses qui, avec leurs murs effrités et
    jaunes, ressemblent à des roqueforts moisis qui s’écroulent. Les
    professeurs demeurent volontiers dans ces endroits à mine de
    vieux fromage. Le maître de mathématiques pour les petites
    classes restait dans un de ces coins gâtés. Un homme affreux,
    boiteux, velu, qui était sale comme un peigne et dont la narine
    enflammée par le tabac était toujours rouge comme un naseau de
    cheval ! Mon père lui avait prêté quelque argent, qu’il ne rendait
    pas. Pour se rembourser, on m’envoyait à lui. Quelles heures
    épouvantables j’ai passées là. Il m’apprenait la théorie de
    l’arithmétique, ce velu !
    La théorie, qu’est-ce que c’est que ça ! Est-ce que je ne suis
    pas trop jeune ? Je n’ai que quatorze ans ! Je voudrais savoir
    comment on fait, voilà tout ! Je n’ai pas besoin de savoir pourquoi
    c’est comme ça ? Je ne comprendrais jamais, ma tête pète à suivre
    ce que vous dites. Je ne voudrais pas que ma tête pétât…
    – 161 –
    Ma mère était bien contente que je m’ennuie à mourir. Si ça
    avait été un amusement, il n’y en aurait pas eu pour vingt sous.
    « Tu t’es bien ennuyé la dernière fois ?
    – Oh oui !
    Elle avait l’air enchantée – Allons ! ce gueux-là ne nous volera
    pas tout ! Il embête Jacques énormément. »
    Je la sais par coeur votre théorie à la fin ! Êtes-vous content !
    Je la sais mot à mot comme dans l’armée, mais je ne sais pas faire
    l’opération. Quand il y a des zéros dans la multiplication, je suis
    déjà bien embarrassé. Mais pour une division, il n’y a pas mèche,
    mon bonhomme !
    « Il reste à devoir au moins pour dix francs, je te dis », a crié
    ma mère.
    Mon père voulait délivrer le vieux. Il se juge remboursé.
    Allons plus loin !
    Voici un endroit que je hais bien !
    On me promena sur cette place, de maison en maison, chez
    des gens de notre connaissance, un jour de distribution de prix,
    pour montrer mes livres.
    J’avais l’air de vendre des tablettes de chocolat.
    Une femme charmante, en robe gris d’argent – je la vois
    encore – n’avait pu cacher un sourire ; il lui était échappé un mot
    de bonté :
    – 162 –
    « Pauvre garçon ! »
    En ai-je gardé un souvenir de ces distributions !
    Il fallait bien avoir des prix cependant, puisque c’était utile à
    mon père.
    Dans toutes ces rues de collège et de professeurs, je retrouve
    une douleur comique. Il me semble que j’ai un palmarès accroché
    dans le dos, et que ma mère me suit avec de la musique ! Je
    marche, malgré moi, comme un petit éléphant que promène une
    troupe de cirque.
    Je me croise à chaque instant avec d’anciens cancres qui ne
    s’en portent pas plus mal. Ils n’ont pas du tout l’air de se souvenir
    qu’ils étaient les derniers dans la classe. Ils sont entrés dans
    l’industrie, quelques-uns ont voyagé ; ils ont la mine dégagée et
    ouverte. Ils se rappellent que je passais pour l’espoir du collège.
    « Eh bien, que deviens-tu ? Vas-tu un de ces jours faire parler
    de toi ?
    – Dis donc, est-ce vrai que tu t’en es mêlé et que tu as failli
    être tué en décembre ? »
    Il est interrompu par le rire et le coup de coude d’un autre qui
    dit :
    « Allons donc, c’est pas Vingtras qui irait où l’on joue sa
    peau ! »
    Que fais-tu ? Va-t-on un de ces jours entendre parler de toi ?
    – 163 –
    Que répondre ?
    Un matin, je disparaîtrai pour n’avoir à rougir devant
    personne de n’être rien, de ne rien gagner ; sans aucun espoir
    d’être quelqu’un ni de jamais gagner quelque chose.
    Je suis le seul peut-être, à Nantes, qui vive cette vie de
    malheureux.
    Je ne sors plus le jour, je me cache.
    Je ne puis pas expliquer à tout le monde mes relations
    tendues avec mon père ; je ne le veux ni pour lui ni pour moi. On
    me donne les torts – Qu’on me les donne !
    On m’accuse de le réduire au désespoir – Je me défendrais,
    que j’aurais encore plus l’air d’un fils indigne.
    Je vis comme les bêtes de nuit, je fuis les rues éclairées, je me
    croise avec les mendiants et les maniaques. C’est épouvantable !
    Chercher le bruit ? Me perdre dans la foule ?… Quelle
    émotion y trouverais-je ?
    Il n’y a, dans cette grande ville de province, comme bruit et
    comme foule, que les marchés où l’on fait tapage, sur le bord de
    l’Erdre ; mais je n’aime pas les paysans à la ville, – avec leurs
    têtes de renards méchants. – Ils ne me plaisent que dans la
    campagne, derrière les boeufs, ou battant le blé dans la grange !
    Sur la place fashionable, à certaines heures, on voit du
    monde, mais un monde qui ressemble à celui des dimanches de
    – 164 –
    Paris, un monde sans passion sur la face, et qui parle de tout ce
    que je hais, qui méprise tout ce que j’aime.
    Je leur sens l’insolence dédaigneuse et le bonheur
    impitoyable…
    On entend des plaisanteries sur Bonaparte :
    « Il les a tout de même foutus dedans, les républicains ! »
    Et de rire !…
    Je préfère encore le silence écrasant du quai et le spectacle
    désolé de la rue…
    Et des prêtres, toujours des prêtres !
    C’est triste, ces robes noires, les gens qui sont derrière eux
    sont si tristes aussi ! Elles ont la graisse jaune comme leur cierge
    d’un sou ces femmes qui vendent des scapulaires et des ex-voto
    de quatre sous, tapies dans les angles de la cathédrale. Ils ont la
    chair grise et molle comme les monstres de caves, tous les rats
    d’église, les bedeaux et les sacristains.
    Où est donc la vie ? La vie !
    À Paris, les pauvres, mes voisins seraient des irrités et il y
    aurait la consolation des souvenirs de République, la gloire des
    cicatrices ! Sur le quai, il y aurait des bouquinistes, il passerait des
    blouses !
    Le peuple ! où est donc le peuple ici ?
    – 165 –
    Ces meneurs de bateaux, ces porteurs de cottes, ces Bas-
    Bretons en veste de toile crottée, ces paysans du voisinage en
    habit de drap vert, tout cela n’est pas le peuple !
    Trouverai-je quelque part, dans un coin, parmi les redingotes,
    sinon parmi les vestes ou les blouses, quelqu’un à qui je puisse
    conter mon supplice, qui soit capable de comprendre ce que je
    souffre, qui ait dans le coeur un peu de ma foi républicaine, de
    mon angoisse de vaincu !
    Si M. Andrez, le directeur des Messageries, était encore ici !
    Mais il est parti.
    N’avait-il pas un ami jadis, qui est venu s’installer à Nantes ?
    J’apprends qu’il y est encore.
    Il est chef de bureau je ne sais où. Il a habité Paris. Si je me
    souviens même, il y avait publié un livre où il mettait en scène
    une maison de filles et où la justice humaine commettait un crime
    à la face du ciel. Il faisait mourir sur l’échafaud un innocent,
    pendant que le vrai coupable regardait l’exécution, son bras passé
    dans le bras du président des assises, et qu’une catin faisait des
    moumours au valet du bourreau.
    C’était hardi.
    Avec celui-là peut-être je pourrai parler société injuste,
    peuple à défendre.
    Je monte chez lui.
    Il a maintenant des lunettes, une redingote un peu longue.
    – 166 –
    Il m’accueille singulièrement ; il me fait sentir qu’il n’est pas
    libre de recevoir qui il veut : il parle bas et marche mou.
    « Vous a-t-on vu monter ? me demande-t-il.
    – Comment, vous qui avez écrit ce livre, vous avez aussi peur
    que cela ?… »
    Quoiqu’il ait vingt ans de plus que moi, je lui parle comme s’il
    avait mon âge, et je lui reproche d’avoir trahi, ou tout au moins,
    dis-je en corrigeant ma colère, d’avoir abdiqué.
    « Abdiqué, mais oui, j’ai abdiqué, du jour où j’ai eu la lâcheté
    de venir ici après vingt ans de Paris ! »
    Et il s’est levé au bout de trois minutes :
    « Allons, jeune homme, quittons-nous ! Je ne veux pas avoir
    été si longtemps servile pour être compromis en un quart d’heure
    par vos éclats de voix. Vous n’avez pas de femme à nourrir, vous,
    ni de famille à élever. »
    Il y a peut-être de l’héroïsme à faire ce qu’il fait ! Il a écrasé
    son orgueil et étouffé ses idées pour donner du pain aux siens !
    Comme il coûte cher, ce pain !…
    Celui que mon père me donne est cher aussi.
    On me tient comme un prisonnier et on me traite comme un
    mendiant !
    Je ne puis pas même me lever de table quand j’ai fini la part
    qu’on m’a donnée. Un jour mon père m’a dit :
    – 167 –
    « C’est impoli de partir ainsi, on ne va pas digérer si vite ! »
    Il faut à tout prix que je trouve une besogne à faire.
    J’y mets du courage. Je m’adresse à d’anciens camarades, en
    leur demandant s’ils n’ont pas des parents, des amis, grands ou
    petits, à qui je pourrais donner des leçons.
    Ils rient ! – Il y a trop peu de temps que j’ai été élève, que je
    faisais des farces avec eux et que je blaguais le latin ! L’un d’eux,
    cependant, me présente, à la fin, à son père, qui me déniche une
    répétition. Ils ont été séduits par le bon marché.
    « Vous me donnerez ce que vous voudrez », ai-je dit.
    J’ai même ajouté que c’était pour m’occuper, plutôt que pour
    gagner de l’argent, et il est entendu que moyennant vingt francs
    par mois j’enseignerai, une heure par jour, un petit mulâtre dont
    le père de mon camarade est le correspondant. Il me paiera vingt
    francs et en comptera peut-être cinquante à la famille ; c’est ce
    qui m’a fait avoir la répétition, probablement.
    Je repasse mon Burnouf, je prends un Conciones dans la
    bibliothèque de mon père, et je vais donner ma leçon au mulâtre.
    Je reviens – c’est l’heure du dîner. – Ma mère est seule à
    table. Elle est fort pâle et m’annonce que mon père a une
    explication à me demander avant de consentir à s’asseoir près de
    moi.
    « Laquelle donc ?
    – Il paraît que tu donnes tes répétitions au rabais,
    maintenant… »
    – 168 –
    Mon père entre sur ces entrefaites ; il essaie d’être calme,
    mais il ne peut y parvenir. Il est forcé de se lever et sort pâle
    comme un linge.
    J’interroge ma mère.
    « Mais, malheureux, si tu fais payer tes répétitions vingt
    francs, comment veux-tu que ton père les fasse payer quarante !…
    Ton père en est malade…
    – Dis-lui qu’il peut ôter son bonnet de nuit ; je ne donnerai
    pas de répétition à vingt francs, je ne ferai pas baisser les prix ! »
    Le soir de ce jour-là, dans la maison où je devais aller,
    l’homme disait à sa femme :
    « Comprends-tu ce fils Vingtras ?… Nous convenons hier qu’il
    viendra donner des leçons à Virgile (c’était le nom du petit
    mulâtre), il m’écrit ce matin qu’il ne faut pas compter sur lui.
    – Quel braque !
    – Dis plutôt quel feignant ! J’ai vu ça tout de suite, que c’était
    un feignant !… Ah ! son pauvre père n’a pas de chance ! »
    Si j’allais trouver des fils d’armateurs maintenant ? Non plus
    pour avoir des répétitions, mais pour obtenir de partir sur un
    navire qui m’emmènera loin de mon père qui a si peu de chance,
    loin de ma mère qui est si désolée, loin de ce quai qui est si vide,
    loin de ce coin de France qui ressemble si peu au grand Paris : ce
    Paris où j’ai souffert, mais où toute douleur a son remède et toute
    passion son écho !
    – 169 –
    J’irai n’importe où : là où il y a la fièvre jaune, la peste noire,
    la loi de Lynch, mais où je pourrai défendre ma liberté à coups de
    fusil, ou à coups de couteau. Je me ferai chercheur d’or ou
    chasseur de buffles ; j’irai peut-être avec des aventuriers envahir
    un pays, tuer un roi, relever une République – ce qu’on voudra !
    Ou bien je vivrai sur un corsaire, quitte à être pendu et à mourir
    en tirant la langue au bout d’une vergue…
    C’est entendu. J’essaierai de m’évader sur l’Océan.
    Je vis avec les marins. Quelques-uns de mes anciens
    condisciples ont été pilotins ou mousses. Le frère aîné de l’un
    d’eux est lieutenant sur un vaisseau marchand ; dans quelque
    temps il doit repartir pour un voyage au long cours. Il me
    prendra ; j’aiderai à bord pour payer ma place. En attendant, il
    noce comme un matelot qui a touché sa paye et il m’entraîne dans
    ses orgies.
    Quelles soirées, devant les bouteilles dont on fait des
    massues, dans ces bouges où l’on se soûle et où l’on s’assomme !
    Mais pendant qu’on hurle et qu’on se bat, la fièvre me tient, je
    vois mon but à travers la fumée des pipes et le sang des blessures.
    Le lendemain, j’ai les côtes brisées, j’ai aussi l’âme malade ;
    mais le silence de la maison, le froid glacial des visages me font
    plus peur encore ; et le soir je retourne avec joie piquer ma tête et
    noyer mon coeur dans cette fange.
    Il y a bien la bibliothèque, mais je suis arrivé à en avoir
    l’horreur, de cette grande pièce où j’ai passé enfant de si belles
    heures. Je croyais alors à ce que je lisais. Je n’y crois plus !
    Les livres dont elle est riche sont des livres sévères ou vieux,
    qui me reparlent de ce qu’on m’a rabâché au collège. Non ! non !
    Je ne puis pas remettre mon nez là-dedans, retourner à ce
    vomissement de vers latins et de thèmes grecs !
    – 170 –
    Je me suis rejeté sur Chateaubriand, sur Casimir Delavigne,
    sur Alexandre Duval qui brillent en première ligne sur les rayons.
    Chateaubriand ! Il y a les Natchez, les Martyrs ! C’est ce que
    m’apporte et me conseille le bibliothécaire que je connais un peu.
    Il me gêne même, parce que je ne puis pas demander, ni même
    prendre sur les rayons des livres qui auraient l’air frivole ou trop
    libre.
    Je dois être mal construit décidément ! J’ai tort d’accuser mes
    parents, c’est moi qui ne vaux rien. Étant au collège je ne trouvais
    pas de joie saine – malgré ce que les professeurs en disent – dans
    le commerce de l’antiquité. Je n’en trouve pas davantage dans la
    lecture de ce moderne qu’on appelle Chateaubriand.
    Ces Martyrs m’ennuient, mais m’ennuient ! Si je ne
    connaissais pas le bibliothécaire, je dormirais. Mais je paraîtrais
    n’avoir pas de coeur de venir dormir sur les chefs-d’oeuvre. Puis il
    est défendu de dormir. Il n’y a qu’à baisser la tête et encore non !
    Je ronflerais tout de suite.
    On ne parle pas comme ces gens de Chateaubriand
    cependant, – ni à Paris, ni à Nantes. Je ne suis pas un des
    premiers chrétiens. Je suis un vieux chrétien, c’est-à-dire qu’il y a
    mille huit cent cinquante-deux ans qu’il y a eu des chrétiens avant
    le fils Vingtras. – Il faudrait remonter jusqu’à l’an I de notre ère.
    Remonter ! toujours remonter ! Je ne fais que remonter depuis le
    collège – et ça fatigue à la fin ! Les chevaux des diligences ont
    plus de chance que moi ; ils n’ont pas des côtes tout le temps !
    Les Natchez sont moins « haut », il y a moins à remonter.
    Mais je n’ai pas besoin non plus de savoir comment vivent les
    gens dans les forêts vierges. J’ai plus besoin de petit bois que des
    grandes forêts. Deux sous de petit bois, voilà tout ce qu’il me
    fallait pour ma semaine à Paris ! Et je trouvais cela chez le
    charbonnier du coin.
    – 171 –
    « Vous avez fini Chateaubriand ? me demande le
    bibliothécaire qui me protège.
    – Oui. – Il m’a surpris au moment où je commençais un
    somme !
    – Vous ne voulez pas le relire ?
    – Pas tout de suite.
    – Je vous conseille Marmontel maintenant. »
    Les Incas ! les Mêlés-Caciques ! Mais j’aime mieux les
    sauvages de la foire, mais je préfère voir manger des poulets crus,
    mais Guatimozin me rase ! Il ne m’est rien, Guatimozin. On veut
    donc me faire pleurer sur Guatimozin ! Dites donc vous, avezvous
    vu les canons du coup d’État, les assassinés de la rue
    Montmartre, l’enfant de la rue Tiquetonne… Le soleil brûlant des
    Incas ! moi j’ai vu le ciel glacé du 2 décembre !

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  33. Artisans de l'ombre Dit :

    ————-20 Ba be bi bo bu————————————
    Je retourne chez M. Firmin, il est en voyage ; il marie sa fille.
    Je vais chez M. Fidèle – un autre placeur.
    M. Fidèle demeure rue Suger, à l’entresol.
    Personne pour vous recevoir. Le patron ne se dérange pas
    pour ouvrir la porte – il n’y a ni bonne ni domestique pour vous
    annoncer. On tourne le bouton et l’on entre…
    Une antichambre avec des chaises de bois usées par les
    derrières de pauvres diables ; noires – du noir qu’ont laissé les
    pantalons repeints à l’encre ; luisantes d’avoir trop servi comme
    les culottes ; les pieds boiteux comme ceux des frottés de latin qui
    – dans des souliers percés – ont marché jusqu’ici, le ventre creux.
    Un jour sombre, des rideaux verts, fanés – on retient son
    souffle en arrivant ! Dans l’air, le silence du couloir de
    préfecture… du cabinet du commissaire – je m’y connais ! – du
    corridor où l’on attend le juge d’instruction comme témoin ou
    comme accusé…
    On parlait à voix basse. Le patron arrive. On se tait – comme
    au collège.
    Tous ici, pourtant, nous sommes taillés pour faire des
    soldats !…
    J’appréhende le moment où mon tour viendra !
    – 245 –
    C’était bon avec le père Firmin, qui me traitait en favori, chez
    lequel j’étais entré derrière Matoussaint. Mais M. Fidèle, le
    placeur de la rue Suger, M. Fidèle ne m’a jamais vu encore, et
    M. Fidèle a une tête peu engageante, une tête jaune, verte, avec
    des lunettes bleues et des moustaches noires collées sur la peau
    comme une fausse barbe de théâtre ; des cheveux longs et plats,
    des dents gâtées.
    Je n’ai pas peur des gens qui ont la mine féroce ; mais je
    tremble devant tous ceux qui ont des faces béates. Je préférerais
    être en Décembre, devant le canon de Canrobert !
    Mon tour est arrivé, M. Fidèle m’interroge :
    « Que voulez-vous ? Avez-vous déjà enseigné ? Quels sont vos
    états de service ? Avez-vous des certificats ? »
    Il me demande cela d’une voix dégoûtée et irritée ; il paraît
    écoeuré de vivre sur le dos des pauvres ; il trouve trop bêtes aussi
    ceux qui pensent à gagner le pain moisi qu’il procure !
    Mes certificats ? Je n’en ai pas ! Je n’ose pas dire que j’ai été
    chez Entêtard ! Je ne sais que répondre ; je montre mon diplôme
    de bachelier. J’invoque la profession de mon père. Je suis né dans
    l’université.
    « Ah ! votre père est professeur ! Vous auriez dû rester dans
    son collège, y entrer comme maître d’études, au lieu de pourrir
    dans l’enseignement libre. »
    Je ne puis pourtant pas lui dire que je déteste ce métier de
    professeur, encore moins lui conter que je ne voudrais pas prêter
    le serment ; il me flanquerait à la porte comme un imbécile ou un
    fou, et il aurait raison…
    – 246 –
    Il finit par me jeter comme un os la proposition suivante :
    « Il y a une place dans un externat rue Saint-Roch, – de huit
    heures du matin à sept heures du soir. Si vous voulez commencer
    par là pour faire votre apprentissage ?…
    – Je veux bien. »
    J’ai donné mes nom et prénoms, mon adresse.
    Je pars avec une lettre pour M. Benoizet, rue Saint-Roch.
    Je heurte, en entrant dans la rue, l’aveugle de l’église, bien
    dodu, chaussé de chaussons fourrés, avec un gros tricot de laine,
    – les lèvres luisantes d’une soupe grasse qu’il vient d’avaler et qui
    a laissé à son haleine une bonne odeur de choux, que m’apporte la
    brise.
    Il m’appelle « infirme », et replaque en grommelant son
    écriteau sur sa poitrine.
    J’arrive chez M. Benoizet.
    Il se dispute avec sa femme ; ils se jettent à la tête des mots
    qui ne sont pas dans la grammaire, il s’en faut ! Je les dérange
    dans leur entretien, ils ne m’ont pas entendu venir.
    J’avais pourtant frappé, et je croyais qu’on m’avait dit :
    « Entrez ! »
    M. Benoizet se dresse comme un coq et me demande ce que je
    veux.
    Je tends ma lettre.
    – 247 –
    « Avez-vous enseigné déjà ?… »
    Toujours la même question ! – à laquelle je fais toujours la
    même réponse :
    « Non, je suis bachelier.
    – Je ne veux pas de bacheliers. Savez-vous apprendre BA, BE,
    BI, BO, BU ? Avez-vous dit pendant des journées BA, BE, BI, BO,
    BU ? – BA, BE, BI, BO, BU, pendant des journées ? »
    Pas pendant des journées, non ! Quand j’étais petit
    seulement. Mais j’ai besoin de gagner mon pain et je fais signe
    que j’ai dit BA, BE, BI, BO, BU – BBA, BBÉ… J’en ai les lèvres qui
    se collent !…
    Madame Benoizet, qui a rajusté son bonnet, entre dans le
    débat.
    « Tu peux en essayer », dit-elle à son mari, en me toisant,
    comme elle doit soupeser un morceau de viande, en faisant son
    marché.
    On en essaie.
    Trente francs par mois. Je me nourris moi-même. J’ai une
    demi-heure de libre à midi pour déjeuner.
    Il n’y a pas de voiture, comme chez Entêtard, ni d’écurie ;
    mais je préférerais qu’il y eût une écurie, l’odeur
    contrebalancerait celle de la classe. Oh ! s’il y avait une écurie !
    J’étouffe, mon coeur se soulève ; cette atmosphère me fait
    mal !
    – 248 –
    Mais j’y mets du courage, et je reste mon mois, exact comme
    une pendule. Je viens avant l’heure, je pars après l’heure.
    Le soir, je pleure de dégoût en rentrant dans mon taudis,
    mais je me suis juré d’être brave.
    Mes élèves ont de six à dix ans.
    Je dis BA, BE, BI, BO, BU aux uns. Je fais faire des bâtons
    aux autres.
    J’ouvre la porte de temps en temps, mais M. Benoizet et sa
    femme s’injurient dans le corridor et il faut fermer bien vite.
    Aux plus âgés, je fais réciter : À est long dans pâte et bref
    dans patte ; U est long dans flûte et bref dans butte.
    C’est le 30… M. Benoizet m’appelle.
    « Monsieur, voici vos appointements. »
    Ah ! celui-là est un honnête homme !
    « Voulez-vous me donner un reçu ? »
    Je le donne.
    M. Benoizet encaisse le papier et me tient ce langage :
    « Je dois vous avertir que je serai obligé de me priver de vos
    services dans quinze jours. Cherchez une place d’ici-là, une place
    plus en rapport avec vos goûts, votre âge. Il nous faut des gens
    que l’odeur des enfants ne dégoûte pas, et qui n’ont pas besoin
    d’ouvrir les portes pour respirer.
    – 249 –
    – L’odeur ne me dégoûte pas. »
    J’ai même l’air de dire : « au contraire ! » Mais M. Benoizet a
    pris sa résolution.
    « Vous me donnerez un certificat, au moins ? fais-je tout ému.
    – Je vous donnerai un certificat établissant que vous avez de
    l’exactitude, sans dire que vous êtes incapable – je pourrais le
    dire ; vous l’êtes – l’incapacité même ! Et de plus vous faites peur
    aux enfants. »
    Il me parle comme à un homme qui lui a menti, qui l’a
    trompé sur la qualité de ses BA, BE, BI, BO, BU. Va pour cela ;
    passe encore ! Mais quant à faire peur aux enfants !…
    « Oui, vous leur faites peur. Vous avez l’air de ne pas vouloir
    qu’ils vous embêtent… Jamais une espièglerie ! Vous ne vous êtes
    pas seulement mis une fois à quatre pattes ! Enfin, c’est bien !
    vous êtes payé. Dans quinze jours vous nous quitterez – ni vu, ni
    connu. – J’ai bien l’honneur de vous saluer !… »
    Il me plante là et va sortir : mais comme il n’est pas mauvais
    homme au fond, il me jette en passant cette excuse à sa
    brusquerie :
    « Ce n’est pas votre faute ; vous êtes trop vieux pour ces
    places-là, voilà tout… trop vieux. »
    J’y serais resté, dans cette place, malgré l’odeur !
    Je n’ai eu qu’un moment de faiblesse et de basse envie dans
    tout le mois : c’est quand j’ai senti le chou dans la respiration de
    l’aveugle.

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