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Un nouveau Spartacus en Mauritanie Par Ahmed Halli

30 avril 2012

Ahmed Halli

Chronique du jour : KIOSQUE ARABE

halliahmed@hotmail.com
Bayram Ould Dah Ould Abeïd, c’est un nom qui ne vous dit probablement rien, mais qui pourrait vous parler, et d’une voix assourdissante, dans un proche avenir, parce qu’il est juste à côté. Bayram est mauritanien, comme vous l’aurez deviné à son état civil, et il dirige un mouvement d’émancipation des esclaves et descendants d’esclaves (les Harratines). Ce mouvement, l’IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) lutte pour l’éradication de l’esclavage en Mauritanie. 
Comme tout mouvement contestataire et considéré comme minoritaire, mais porteur de dangers potentiels, l’IRA est une organisation tolérée, mais régulièrement réprimée. De l’exaspération de ne pas être écoutés et d’être méprisés, au maximalisme il n’y a qu’un pas, qu’il est tentant et aisé de franchir. À l’instar de toutes les revendications, rejetées ou étouffées dans l’œuf par le pouvoir, la contestation harratine s’est radicalisée, au point de s’attaquer à des tabous religieux. Vendredi dernier, après la prière collective qu’il a accomplie dans la banlieue de Nouakchott, comme tout bon musulman, Bayram Ould Dah a organisé son premier autodafé( 1) lors d’un meeting public. Après s’en être pris violemment à l’imam Malek qu’il a accusé d’être l’auteur de fatwas et recommandations favorables à l’esclavage, il a brûlé un ouvrage de l’un des quatre imams du sunnisme. L’orateur a également ordonné à ses compagnons de brûler deux ou trois autres ouvrages, dont celui du vénérable soufi Ibrahim Al-Dassouki(2), comme le rapporte le quotidien londonien Al- Quds. L’activiste mauritanien a qualifié les ouvrages contestés de «manuels de l’esclavage», il les a accusés de «monopoliser la parole au nom de la religion, d’humilier le genre humain, et de légitimer le commerce des êtres humains». Pour Bayram Ould Dah, ce sont les théologiens du sunnisme qui ont encouragé «l’esclavagisme araboberbère » au Maghreb, et principalement en Mauritanie. Ces théologiens ont déformé, selon lui, les enseignements de l’Islam, message d’amour, et tous leurs ouvrages attestent de cette œuvre de falsification. C’est pour cela qu’il a promis que l’IRA ne s’en tiendrait pas là, et qu’elle organiserait d’autres autodafés jusqu’à ce que s’impose «un sunnisme authentique et mauritanien ». Dans la foulée, le militant anti-esclavagiste s’est livré à une violente attaque contre le gouvernement, qu’il accuse de collusion avec les castes et les tribus pratiquant l’esclavage. Il a reproché notamment aux autorités la diffusion par la radio locale d’un prêche saoudien justifiant l’esclavage(3) et notamment l’acquisition d’esclaves sexuelles (pudiquement appelées «djariates», ou odalisques, dans la version ottomane améliorée). Bien sûr, de tels actes commis dans l’exaltation du particularisme harratine peuvent paraître extrémistes aux musulmans frileux et craignant la colère divine(4) que nous sommes. On pourrait même attribuer cette audace à l’alliance contre nature nouée par l’IRA avec un courant salafiste, comme l’affirment des personnalités mauritaniennes. Il n’en demeure pas moins, cependant, que le «Spartacus» mauritanien dénonce un état de fait réel, illustré par des révoltes sporadiques. Ces manifestations, impliquant aussi le Sénégal voisin, n’ont certes pas l’ampleur des révoltes «zindj»(5) d’Irak, mais elles démontrent que la preuve par «Bilal» n’est pas aussi audible que le voudraient nos bons «apôtres». Nuançons tout de même : si les islamistes maghrébins sont, en général, des consommateurs aveugles de messages religieux venus d’Orient, il leur arrive parfois d’en produire, et même d’en exporter. Nous connaissons tous la fatwa farfelue «promulguée» il y a quelques années par le cheikh Ferkous qui déclarait la «zalabia» illicite. Du point de vue de l’originalité, susceptible de rimer avec hilarité, on a également fait mieux depuis, et chez encore nos voisins de l’Ouest. D’abord, on nous a sorti la fatwa autorisant l’emploi de la carotte à des usages féminins autres que la râpeuse. Puis, dans la même veine, un «cheikh» marocain, considéré comme un érudit en matière d’Islam, un certain Zamzami, nous a balancé en 2011 à la figure la fatwa du siècle, celle qui vous laisse raides. Considérant le caractère sacré du mariage, le cheikh marocain a autorisé un veuf de fraîche date à avoir des relations sexuelles avec sa défunte, à condition que ce soit durant les premières heures de la mort. Du coup, regard baissé, l’association mondiale des «ulémas» fondée et dirigée par Karadhaoui, à laquelle appartient Zamzami, a fait le mort, si j’ose dire. Je parlais d’exportation, et ce n’était pas un vœu pieux, puisque, selon Al-Ahram, les salafistes se seraient emparés du sujet, et comptent le soumettre au Parlement pour en faire une loi. Ce texte s’appellerait la «Copulation de l’adieu», et permettrait aux maris éplorés de rendre un dernier hommage à leurs regrettées épouses. Avant d’aller en quête d’une odalisque ou d’une épouse légale. Dans d’autres pays moins soumis au carcan religieux, on aurait crié à la nécrophilie, mais en des temps moins troublés, on se contente donc de le chuchoter, de Londres à Berlin. Sans vous le murmurer : j’ai aimé cette réaction d’un blogueur égyptien qui a écrit que décidément ce printemps arabe, c’était surtout le «printemps des mâles et des taureaux ».
A. H.
(1) Selon notre confrère de D.N.A, il y en a qui ont fait mieux : dans une mosquée d’Alger, un binational, expulsé de France, a déchiré son passeport français périmé, sous le regard énamouré de l’indécrottable Ali Belhadj. Devinez quel est le pays européen qui a accueilli et adopté le plus d’islamistes en 1991 ?
(2) Cette grande figure du soufisme égyptien et arabe du 13e siècle est surtout connue pour son tombeau édifié à l’intérieur de la mosquée qui porte son nom à Dassouk, au nord de l’Égypte. Véritable objet de vénération et lieu de pèlerinage, la mosquée Ibrahim Al-Dassouk est considérée comme l’un des six plus grands édifices de ce genre au monde (classement établi avant l’érection de la «Grande» d’Alger).
(3) Régulièrement, des imams saoudiens rappellent, en réponse à des interrogations nostalgiques ou équivoques, que l’esclavage et la possession d’odalisques sont conformes aux préceptes de l’Islam. Les fondamentalistes d’Égypte ont même demandé que le droit d’avoir des servantes, vouées aux amours ancillaires, soit inscrit dans la future Constitution.
(4) En réalité, il s’agit de la peur la plus vraie, la plus immédiate, celle qu’inspirent les exaltés et les fanatiques, au service de leur seule haine de l’humain, que ce soit pour des motifs religieux ou politiques.
(5) L’insurrection des esclaves noirs dans le sud de l’Irak en 869 atteste que le geste de rachat et d’émancipation de Bilal par Abou Bakr n’a pas eu valeur d’exemple, même sous le règne soi-disant éclairé des Abbassides. A noter que le regretté Djamal Edddine Bencheikh a consacré à cette révolte un roman Rose noire sans parfum qui n’a pas eu le succès qu’il méritait.


Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/04/30/article.php?sid=133560&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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