Culture : Le coup de bill’art du Soir
«Vous imaginez-vous par hasard que je vais aller au lion avec votre parapluie», dit le grand homme fièrement.
Le petit monsieur regarda son parapluie, sourit doucement ; puis, toujours avec son même flegme :
- Alors, monsieur, vous êtes ?…
- Tartarin de Tarascon, tueur de lions ! En prononçant ces mots, l’intrépide tarasconnais secoua comme une crinière le gland de sa chéchia. Il y eut dans la diligence un mouvement de stupeur. Le trappiste se signa, les cocottes poussèrent de petits cris d’effroi et le photographe d’Orléans-ville se rapprocha du tueur de lions, rêvant déjà de l’insigne honneur de faire sa photographie.» Un peu plus loin, on peut lire : «Ici, la diligence s’arrêta, le conducteur vint ouvrir la portière et, s’adressant au petit vieux :
- Vous voilà arrivé, monsieur, lui dit-il d’un air très respectueux. Le petit monsieur se leva, descendit, puis avant de refermer la portière :
- Voulez-vous me permettre de vous donner un conseil, monsieur Tartarin ?
- Lequel, monsieur ?
- Ma foi ! Ecoutez, vous avez l’air d’un brave homme, j’aime mieux vous dire ce qu’il en est…
Retournez vite à Tarascon, monsieur Tartarin… Vous perdez votre temps ici… Il reste bien encore quelques panthères dans la province ; mais, fi donc ! C’est un trop petit gibier pour vous… Quant aux lions, c’est fini. Il n’en reste plus en Algérie… Mon ami Chassaing vient de tuer le dernier». Ce sont des passages du roman Tartarin de Tarascon (1872) d’Alphonse Daudet paru en 1972. Cette histoire fut inspirée à l’écrivain français par son cousin Henri Reynaud, qui lui racontait ses voyages lors de ses retours d’Afrique, ainsi que par la vie de Jules Gérard, chasseur de lions en Algérie d’origine varoise. Le lion de l’Atlas, appelé aussi lion de Barbarie ou encore lion de Nubie, régnait sur l’Afrique du Nord. Le dernier lion de l’Atlas sauvage fut vraisemblablement abattu en 1943 à Oujda au Maroc. Mais des villageois et bergers affirment avoir vu des lions de l’Atlas dans la région de Khenchela jusqu’au milieu des années 1950. Le philatéliste et cartophiliste algérois Laroui possède une photographie du dernier lion de l’Atlas algérien. Le lion de l’Atlas mesure entre 2,75 et 3,40 m. Son poids varie entre 230 et 280 kg pour les mâles (la femelle pèse moins). Aussi, il est beaucoup plus grand, plus puissant et plus robuste que le lion d’Afrique et bien sûr celui d’Asie plus petit. Le lion de l’Atlas n’a pas totalement disparu. En effet, quelques spécimens (principalement descendants des lions de la ménagerie royale de Rabat au Maroc) sont encore conservés dans certains parcs zoologiques, comme ceux de Témara, près de Rabat, ou ceux de la Tête d’or à Lyon ou des Sables-d’Olonne (Vendée) en France. D’autres parcs zoologiques possèdent des lions «hybrides» comptant des lions de l’Atlas parmi leurs ascendants. L’ours de l’Atlas, malheureusement, a disparu. Le dernier spécimen aurait été tué à la frontière algéro-marocaine en 1870. Le léopard de Barbarie, par contre, n’a pas totalement disparu, comme annoncé par l’université de Cambridge en 1995. Ainsi, plusieurs individus ont été observés en 2007 dans la région de l’Atlas. Mais les chasseurs et les braconniers d’aujourd’hui sont beaucoup plus dangereux que ce brave et naïf Tartarin de Tarascon.
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/02/article.php?sid=133615&cid=16
3 mai 2012
Kader Bakou