1re partie
Le salon de thé grouillait de monde en cette fin d’après-midi. Des lycéens, des étudiants, des travailleurs, des jeunes et des vieux. Tout ce monde semble s’être donné rendez-vous pour se retrouver dans ces lieux en chaque fin de journée.
La saison printanière tirait à sa fin, l’été commençait à étaler sa chaleur, et la plupart des gens étaient habillés légèrement. Un climatiseur diffusait un semblant de fraîcheur et quelques tables étaient déjà dressées au grand air sur la terrasse mitoyenne à l’entrée.
Le serveur vint prendre la commande et Yasmine lève les yeux sur Nacer assis en face d’elle. Son regard hésitant et ses lèvres tremblantes n’auguraient rien de bon. Nacer lève à son tour un regard interrogateur et Yasmine lâche d’un seul coup :
- Je ne peux pas t’épouser Nacer. Ce n’est vraiment pas la peine d’envoyer ta famille ce week-end.
Pris de cours, le jeune homme eut le souffle coupé un bon bout de temps, et c’est d’une voix à peine audible qu’il réussit à articuler une réplique :
- Mais… mais…, je ne comprends pas… Yasmine… Pourquoi… ?
- Eh bien, parce que… parce que… Oh ! Nacer ne pose pas trop de questions s’il te plaît. J’ai tranché. C’est terminé entre nous !
- Je… mais…
- Mais quoi Nacer, tu ne vas tout de même pas me forcer à contracter un mariage avec toi. Un mariage qui ne tiendra pas une semaine !
Nacer sentit une sueur froide inonder son corps.
- J’ai pensé… Je pensais… je… Voyons Yasmine, on a déjà parlé de tout ça. Il n’y a même pas une semaine, on faisait de grands projets ensemble. Tu t’en rappelles au moins ?
- Oui, oui, je m’en rappelle, mais depuis j’ai changé d’avis.
- Aussi simple que ça Yasmine. Tu changes d’avis après toutes ces années passées ensemble à l’université.
Yasmine pousse un soupir.
- Je sais, je sais, mais nous étions encore des enfants… des adolescents avides de sensations fortes.
- Tu crois ?
- Oui. Je le pense sérieusement, et tu peux me remercier de m’en être rendu compte à temps.
- Mais aujourd’hui Yasmine, nous ne sommes plus des enfants. Nous avons la trentaine bien sonnée tous les deux !
- Raison de plus Nacer… raison de plus ! Cela veut dire que nous sommes plus consciencieux.
2.Nacer se prit la tête entre les mains.
- Je rêve ou quoi… c’est toi Yasmine qui parle ainsi… Il y a à peine deux semaines… tu étais… tu étais encore là à faire des projets avec moi ! Tu étais même pressée de tout conclure, et puis il y a cet appartement que nous avons déniché ensemble.
Yasmine lève la main et pousse un soupir :
- On s’est trompé tous les deux. Ce qu’on avait pris pour de l’amour n’était en réalité que des sensibleries, des enfantillages. Mais cela ne veut pas dire aussi que notre relation va prendre fin. Rassure-toi Nacer, je crois qu’on pourrait toujours rester amis.
Nacer sentit son sang battre dans ses tempes. Une sensation de chaleur se saisit de son corps, et ses pulsations cardiaques semblent avoir triplé de vitesse. Les doigts tremblants, il se saisit d’un grand verre d’eau qu’il but d’une seule traite.
Yasmine le regarde un moment avant de se lever. Elle prit son sac et s’apprête à quitter les lieux. Nacer la retint :
- Voyons Yasmine… tu n’es pas sérieuse.
- Je n’ai jamais été aussi sérieuse de ma vie.
Nacer se pince. Non, il ne rêve pas. Ce n’est pas un cauchemar qu’il est en train de vivre… la dure réalité est là. Yasmine veut bel et bien le quitter.
Il lâche le bras de la jeune femme et se rassoit. Il se sent très las tout d’un coup. Un poids terrible lui comprime l’estomac. Il passe la main sur son visage et ferme les yeux un moment. Quand il les rouvre, Yasmine a disparu et la salle tangue devant lui dans une vision floue.
Il commande un verre d’eau glacée, le but, puis se lève en titubant. Il a l’impression d’avoir vieilli de plusieurs années. Il sort du salon de thé, et, pour la première fois de sa vie, se dirige vers un bar. Sa peine était telle, que seul l’alcool pourrait le réconforter.
Yasmine, elle, ne s’est pas du tout sentie frustrée. Bien se dit-elle, voilà un problème de régler.
Une fois loin du salon de thé et de Nacer, elle se dirige d’un pas rapide vers un taxiphone. Elle forme fébrilement un numéro, puis lance d’une voix joyeuse :
- C’est fait… Riad… J’ai mis fin à ma relation avec Nacer.
- Très bien Yasmine. Quand est-ce qu’on se voie ?
- Quand tu voudras. Je suis à ton entière disposition… euh… quand penses-tu pouvoir envoyer tes parents ?
- Déjà tu parles de parents ? Laisse tomber tout ça, nous avons toute la vie devant nous pour nous marier… Pensons plutôt à nous amuser… tu veux déjà enterrer ta vie ?







4 mai 2012
EXTRAITS, Yasmina Hanane