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La nouvelle de Adila Katia “Les souvenirs…”

5 mai 2012

Adila Katia

Par : Adila KATIALa nouvelle de Adila Katia  “Les souvenirs…” dans Adila Katia 2319_200_150

Résumé: Madjid n’a pas à la chercher. Il tombe sur sa femme, dans les escaliers. Pendant un court moment, il a pensé au pire. Ses cris effraient leurs filles. Le temps de s’expliquer et de les rassurer, Madjid va prendre une douche. Fahima en profite pour leur demander ce qui s’est dit en son absence…trans dans Adila Katia

Fahima, en écoutant ses filles, a l’impression de se rappeler un mauvais rêve. Sa belle-mère Dounia n’a pas hésité à lui parler d’agrandir  leur famille. Elle veut un petit-fils. Ainsi, les filles n’auront jamais rien à craindre.
-  Ce serait bien maman, on jouerait avec lui, dit Sabah. Majda lui raconterait des histoires…
- A vous entendre, c’est facile! réplique la mère.
-  Pourquoi les autres en ont et pas nous ?
-  Cela ne dépend pas de moi, leur explique-t-elle. Mais de Dieu! S’IL veut nous donner un garçon, j’en serais heureuse!
-  Je suis sûre qu’on en aura un ! On l’appellerait…Sami ou  Lyès !
-  Moi, je voudrais l’appeler Nabil, dit Sabah, prête à bouder si on refuse de le nommer comme elle le veut. Ou Tewfik…Comme le neveu de Lila !
-  Ne l’appelle jamais par son prénom! la gronde Fahima.
- C’est seulement quand elle n’est pas là, s’excuse la fillette.
-  Et papa, leur demande-t-elle, qu’a-t-il dit ?
-  Qu’il serait heureux d’avoir un fils, répond Majda. Dis- moi comment on fait ?
-  Comment ? reprend Fahima en riant de bon cœur. Il faut être deux…un papa, une maman et si Dieu veut, ils auront un petit garçon…Si on en a un parce que vous l’aurez demandé, il ne faudra surtout pas vous plaindre quand il arrachera vos cheveux ou démembrera vos jolies poupées…Ou lorsqu’il leur aura arraché les yeux ! Moi et votre oncle Hamid, on était tout le temps en train de se bagarrer! C’était un vrai tyran !
-  Qui donc ?
Fahima n’a pas remarqué que son mari a quitté la salle de bains. Elle aurait dû se rendre compte que l’eau ne coulait plus mais la discussion avec ses filles a accaparé toute son attention. Elle se tourne lentement vers lui.
-  Qui ? Mon frère, répond-elle. Figure-toi qu’elles ont envie d’un petit frère!
-  Elles ne sont pas les seules! réplique Madjid en prenant place entre leurs filles. Dans notre maison, il manque les cris et les rires d’un bébé…
-  Les nuits blanches te manquent ?
-  Non mais on pourrait s’entendre !répond-il. Une nuit sur deux, je veillerais à ta place !
-  Quelle gentillesse ! soupire-t-elle. Si seulement tout pouvait être aussi simple…Tu ne sembles pas t’en rendre compte mais je ne suis plus toute jeune !
-  On en discutera tout à l’heure !
Sujet inévitable après le dîner alors qu’elle prépare la tenue qu’elle portera le lendemain. Madjid est vraiment tenté. Le fait qu’on lui ait relancé l’idée d’avoir un troisième enfant, a réveillé l’envie d’en tenir un, dans les bras. Fahima est moins chaude. Elle craint la déception. Car rien n’est sûr. Ils peuvent aussi avoir une troisième fille.
-  Et alors ? rétorque Madjid. Une troisième poupée à la maison, ce ne sera que du bonheur ! Tu n’as pas à t’en faire…
-  Tu sembles l’ignorer mais, à mon âge, je peux avoir un handicapé! Un trisomique…
-  Tu t’angoisses pour rien! Si Dieu le veut, on aura le plus beau des bébés, dit-il. On ne perd rien à essayer!
-  Je sais…
Fahima veut bien essayer. En fait, au fond d’elle-même, elle sent qu’elle n’a pas le choix. Elle ne peut pas leur refuser d’avoir un troisième enfant. Avec un peu de chance, ce sera un garçon.  Elle le souhaite de tout cœur. Elle craint que sa famille ne réussisse à semer la zizanie entre eux. Maintenant qu’il est proche d’eux, ils peuvent très bien se mêler de leur vie privée et souhaite de tout cœur que Dieu sera avec elle. Car ils peuvent apporter du bien, tout comme le mal, sans vraiment le vouloir…

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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11 Réponses à “La nouvelle de Adila Katia “Les souvenirs…””

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    “Les souvenirs…”2eme partie

    -Pourquoi ne pas te rendre chez un spécialiste ? demande Djamila. Si vous avez réellement essayé trois ou quatre fois, un peu d’aide est nécessaire !
    Fahima a aussi pensé à en consulter un. Elle attend que son mari puisse se libérer une heure ou deux, pour s’y rendre ensemble. Il travaille au dépôt de la marchandise et étant le nouveau responsable, il est le premier à être sur le lieu de travail et le dernier à en partir. Il a de longues journées de dix heures et, parfois lorsque la marchandise n’est pas encore arrivée, il est contraint d’attendre.
    C’est pénible à la longue. Car son mari rentre tard et il a rarement l’occasion de voir et de jouer avec leurs filles. Elles se couchent tôt, pour être en forme le lendemain. Elle doit les déposer chez la nourrice et aller au commissariat.
    La famille est loin d’être réunie comme ils l’espéraient.
    - On en verra un quand c’est possible, répond-elle alors qu’un agent apportait le courrier à traiter avec beaucoup de retard. Ce n’est que maintenant . On n’aura pas le temps de finir aujourd’hui!
    - Il y avait de la circulation, réplique l’agent. Vous pouvez rester un quart d’heure de plus.
    - Moi, je ne pourrai pas, dit Djamila. Je pars à seize heures, je ne resterai pas une minute de plus !
    - Mais on doit traiter le courrier. A deux, ce sera plus rapide dit Fahima. Moi aussi, j’ai des choses à faire avant de récupérer mes filles!
    - Ils auraient pu faire plus vite…
    - S’il y avait de la circulation, ils n’auraient pas pu arriver plus tôt!…Allez, on fait un effort et comme ça, on part tranquille! Je ne voudrais pas avoir de problèmes!
    Djamila soupire et se remet au travail. Elles évitent de parler pour ne pas se déconcentrer. Ainsi, elles peuvent finir à temps. Elles sont en train de ranger le bureau lorsqu’un policier en civil, avec qui elles s’entendent bien, vient leur parler d’un ex-détenu.
    - Il était avec ton ex, dit-il à Djamila qui devient livide. On préfère te recommander d’être prudente et de bien observer ce qui se passe autour de toi !
    - Pourquoi ? Il lui aurait demandé un service ?
    Le policier l’ignore mais dans ce milieu, on ne sait jamais.
    - Sois prudente, insiste-t-il. Il ne peut rien t’arriver si tu restes sur tes gardes!
    - Super ! s’écrie-t-elle. Merci…
    - Je n’ai fait que mon devoir !
    Fahima est aussi sous le choc et même si elle est inquiète, elle ne le montre pas. Elle décide d’accompagner Djamila qui a des achats à faire.
    - Non, je peux me débrouiller seule, dit-elle. Inutile de traîner avec moi alors que tu as des choses à faire ! A demain…
    - Tu es sûre de ne pas vouloir de compagnie ?
    - Oui, inutile de t’inquiéter, il ne m’arrivera rien !
    Elles se font la bise et se séparent. Fahima n’a plus aucune envie. Elle arrête un taxi et rentre à son quartier. Même si la recommandation n’était pas pour elle, elle regarde autour d’elle. Il n’y a aucun visage inconnu, juste des jeunes qu’elle connait bien.
    Avant de rentrer chez elle, elle récupère ses filles. Elle ne traîne pas les pieds dehors. Elle est plus choquée qu’elle ne veut l’admettre.
    Si ce policier a pris la peine de mettre en garde, Djamila, c’est qu’il devait avoir une bonne raison. Elle se sent concernée car, elle aussi, a porté plainte. Elle était présente au procès. Si son ex a l’intention de se venger d’une façon ou d’une autre, pourquoi s’en prendrait-il uniquement à Djamila ?
    Même si rien ne prouve que l’une ou l’autre coure un danger, elle ne cesse d’y penser. Lorsque Madjid rentre, il remarque tout de suite, dans son comportement que quelque chose ne va pas…

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  2. Artisans de l'ombre Dit :

    3eme partie

    -Cette histoire avec l’ex de Djamila m’inquiète, finit-elle par se confier à son mari. Si des rumeurs n’étaient pas parvenues aux oreilles de ce policier, il ne serait pas venu la mettre en garde. Elle n’est pas la seule concernée…
    Madjid secoue la tête, trouvant qu’elle exagère. Elle s’angoisse pour rien. La remarque la met hors d’elle.
    - Tu es inconscient, ma parole ! s’écrie-t-elle. Je suis en danger…Si Djamila l’est, je le suis aussi. Et peut-être même toute la famille !
    - Quand même pas !
    - Qui peut me prouver que je me trompe ? l’interroge-t-elle. Je le voudrais de tout cœur mais mon sixième sens me dit le contraire…Chéri, et si on se trouvait un nouvel appartement ?
    - Tu voudrais déménager ? Parce que des rumeurs courent…
    - Je préfère prendre les devants et même quitter la région si cela peut nous éloigner du danger, affirme-t-elle, soudainement très sereine et sûre d’elle. Je ne veux pas avoir de regrets…Il est fou, il peut s’en prendre à moi, à toi ou à nos filles ! Je ne pourrais pas le me pardonner s’il vous arrive quoi que ce soit ! Je t’en prie, ne refuse pas !
    - Je crois que tu es folle ! réplique son mari.
    - Peut être ! Mais on ne restera pas ici. Je ne veux plus vivre ici…Rien ne pourra me faire changer d’avis, le prévient-elle. Tu comprends ?
    Madjid la connait assez bien, pour savoir que lorsqu’elle veut quelque chose, elle l’obtient toujours. Le fait de déménager ne le gêne pas. Il se met à chercher de son côté, sans le lui dire. Chaque jour, elle appelle de son bureau, l’agence immobilière et, apparemment, il n’y a rien qui puisse l’intéresser. C’est soit trop petit, soit trop grand ou trop cher.
    Il lui arrive de la surprendre en train de jeter un coup d’œil dans les annonces quotidiennes des journaux qu’il apporte en rentrant de son travail. La déception et l’inquiétude ont creusé ses traits. Il voit bien qu’elle est fatiguée. A bout…
    - Pourquoi ne prendrais-tu pas un congé ? lui propose-t-il. Juste quelques jours…Pour te retrouver la forme!
    - Pour rester à la maison ? rétorque-t-elle, à broyer du noir ? Non merci…Je préfère travailler. Cela m’évite de penser.
    - Ton amie semble bien vivre la situation . Pourquoi ne fais-tu pas comme elle?
    Fahima rit, sans joie.
    - Je te rappelle qu’elle est célibataire! Moi, lorsque je n’ai pas peur pour moi, c’est pour nos filles ! Mais c’est plus fort que moi…
    - Et si on allait vivre chez ma mère ? lui propose-t-il. Elle a de l’espace et il ne peut rien nous arriver là-bas…
    - On risque de se bagarrer tous les jours et tu seras pris entre deux feux, le prévient-elle, réalisant qu’elle n’y a jamais songé.
    - Peut-être ! Mais au moins, tu seras tranquille et tu n’auras pas de loyer à payer ! Si tu es intéressée, j’irais lui en parler ! propose-t-il.
    L’idée est tentante. Elle ne refuse pas. Depuis qu’elle sait, elle a l’impression de ne plus vivre. L’angoisse a trouvé son sommeil et que ne ferait-elle pas pour retrouver sa tranquillité d’esprit ?

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  3. Artisans de l'ombre Dit :

    4eme partie

    Dès qu’il a une journée de libre, Madjid se rend au village. Dounia sa mère vit seule dans la grande maison familiale. Elle occupe le rez-de-chaussée et les deux étages sont meublés, prêts à accueillir ses fils s’ils veulent vivre avec elle. Son second fils travaille à Oran et y réside avec sa famille. Il y a longtemps qu’ils ne sont pas venus.
    Dounia n’est pas facile à vivre et ses belles-filles, une fois qu’elles ont pu quitter la demeure familiale, elles n’ont jamais eu envie d’y revenir. Ses fils ont préféré louer et vivre en paix que d’avoir à supporter leurs querelles quotidiennes.
    Elle est la première surprise lorsque Madjid lui parle de se réinstaller.
    - Pourquoi ?
    - Je recherche la tranquillité…Après ces années à travailler sur les routes, j’éprouve le besoin de grand air, dit-il. Et d’être entouré de ma famille…
    - Qu’en dit ta femme ?
    - Elle me suivra où j’irai, répond-il. Les filles aimeraient vivre ici. Tu pourrais les garder…si elles ne sont pas insupportables !
    Dounia est enchantée à l’idée d’avoir la compagnie de ses petites-filles. Elle les gâtera et s’occupera d’elles si Fahima le veut bien.
    - Ta femme ne va pas accepter que je sois mêlée à votre vie familiale, chose inévitable si vous vous installez ici ! Mais, dis-moi, elle n’acceptera pas d’abandonner son travail, pour vivre ici ?
    - Je suis sûr qu’à la mairie ou à l’école, ils ont besoin d’une secrétaire, réplique-t-il. Au village voisin, il y a un lycée…
    - Mais dis-moi, est-ce qu’il y a un bébé, en route ? lui demande Dounia.
    - Pas encore mais qui sait ? Dans les mois à venir…
    Sa mère le rassure. Ils sont les bienvenus et si Fahima attend un enfant, elle saura la soutenir et s’occuper de sa famille. Madjid la remercie et, après avoir déjeuné avec elle, il retourne en ville. Il se rend au commissariat où il lui apprend à sa femme que sa mère est d’accord.
    - Elle est prête à s’occuper des filles quand tu travailles, ajoute-t-il. Il faudra trouver autre chose, près de la maison !
    Fahima n’est pas d’accord.
    - On s’achète une voiture pour nos déplacements ! Je ne peux pas abandonner mon travail ici, alors que j’ignore si je trouverais autre chose là-bas !
    - Le problème est qu’on n’a pas les mêmes horaires, lui rappelle-t-il. Tu ne peux pas passer ton temps à m’attendre !
    - Je rentrerais par le transport en commun, répond-elle. Je refuse d’abandonner mon travail !
    - Va, pour une voiture ! s’exclame Madjid. Et va, pour le fourgon !
    Il est persuadé qu’elle va se lasser des transports en commun où il faut toujours bousculer pour avoir une place et se coller aux autres durant les trajets. Il sait qu’elle finira par abandonner d’elle-même, inutile de lui mettre la pression.
    Elle est déjà assez stressée comme ça. Quelques jours après, ils se mettent à emballer leurs affaires et loue un camion pour les emmener au village. Les adieux avec leurs voisins sont pénibles.
    Fahima est soulagée. En partant, elle croise des visages inconnus et assez repoussants. Des têtes qui semblent ne rien craindre de la justice. Elle ne regrette pas son départ du quartier. Elle allait enfin pouvoir respirer sans craindre pour sa vie ou pour celle d’un membre de sa famille. Elle a aussi conscience que sa nouvelle vie ne sera pas toujours comme elle le veut, mais si c’est le prix de la paix ? Elle accepte d’en payer le prix…

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  4. Artisans de l'ombre Dit :

    5eme partie

    Madjid et Fahima s’installent au second étage, laissant celui du premier inoccupé, pour ne pas déranger Dounia et aussi pour marquer l’espace. Cet étage qui les “coupe”, leur permettra de préserver l’intimité de leur vie familiale.
    Fahima a pris une semaine de congé afin de s’installer. Elle y va doucement, ne voulant pas se fatiguer. Sa belle-mère a proposé de l’aider mais elle a refusé, tenant à rester seule. Madjid a repris son travail et il doit se lever une heure plus tôt, pour ne pas ariver en retard.
    Fahima a su, avant même de venir ici, que les déplacements seront épuisants. Ils n’ont pas encore acheté de voiture. Il leur manque une petite somme qu’ils devront économiser les prochains mois. À moins d’acheter une voiture d’occasion, mais ce serait prendre le risque d’être en panne, une semaine sur deux, si ce n’est pas un jour sur deux.
    Ils pourraient emprunter, mais tous ceux qu’ils connaissent sont comme eux, des employés qui parviennent difficilement à joindre les deux bouts. Ils ne peuvent pas s’adresser à eux.
    Mais, la solution viendra de son beau-frère Aïssa lorsqu’il apprendra qu’ils sont revenus vivre avec leur mère. En parlant des difficultés quotidiennes pour se rendre au travail et pour rentrer en fin de journée, il leur envoie une somme d’argent importante.
    - Pourquoi ? demande Madjid. Je ne me suis pas plaint, pour que tu mettes la main à la poche ! Je peux me débrouiller seul !
    - Je l’ai fait de bon cœur, répond son frère au téléphone. Je commençais à culpabiliser en la sachant seule. Maintenant que tu es avec elle, je me sens mieux ! C’est la moindre des choses que je pouvais faire, puisque j’ai les moyens de t’aider !
    - Grâce à ta générosité, je vais acheter un véhicule neuf. Merci !
    - Non, c’est naturel, insiste Aïssa. Mère est vieille et elle ne doit plus rester seule… J’espère que Fahima saura être patiente avec elle !
    - Je l’espère aussi. Mère n’a jamais été facile, et tu sais qu’elle adore compliquer les choses, lui rappelle Madjid. Maintenant qu’elle a pris de l’âge et qu’elle a vécu longtemps seule, peut-être qu’elle en a tiré une leçon ? Fahima ne peut pas être la seule à faire des efforts.
    Le fait de vivre chacun dans son coin, les arrange. Après l’achat de la voiture, Fahima passe son permis et c’est elle qui conduit. Madjid lui a laissé le véhicule, pour qu’elle puisse rentrer à temps.
    Leurs filles restent avec leur grand-mère et c’est mieux ainsi pour la famille. Les fillettes regardent la télévision quand elles ne sont pas dehors à jouer, dans la cour ou avec les chevreaux de l’oncle Ali.
    La famille prend de nouvelles habitudes et Fahima, même si elle est épuisée en rentrant le soir, invite souvent sa belle-mère, l’oncle Ali et les cousins de son mari, à dîner. Lorsqu’ils ne s’invitent pas d’eux-mêmes.
    - Ils sont si gentils et si serviables, dit-elle à son mari. Les filles vont souvent jouer chez eux.
    - C’est ça le fait de vivre entouré de sa famille ! réplique-t-il. Là où elles vont, elles sont comme chez elles. Il n’y a aucun inconnu. Il ne peut rien leur arriver ! Ce n’est pas comme en ville où on ne peut pas les laisser sans surveillance.
    Depuis qu’ils vivent au village, Fahima se sent beaucoup mieux. Elle n’est plus stressée et ses inquiétudes se sont comme envolées. La dernière remarque de son mari lui rappelle la raison même de leur retour au village. Elle se demande si elle n’avait pas pris la menace un peu trop au sérieux. Même Djamila trouvait qu’elle en a un peu trop fait. Mais devant le danger, la fuite est souvent la meilleure solution. En protégeant sa famille, elle a l’esprit tranquille. Elle part à son travail, le cœur rassuré. Cependant, elle ne peut pas tout contrôler. Elle allait l’apprendre, un matin comme les autres. Elle n’est pas maître de sa destinée, ni de celles des autres…

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

    7eme partie

    Le téléphone sonne. Fahima ne répond pas tout de suite. Elle finit de frapper une phrase avant de décrocher. La voix de l’autre bout du fil est si paniquée qu’elle ne la reconnaît pas.
    - Qui est-ce ?
    - Il faut que je parle à Fahima ! Passez-la moi !
    - C’est moi, répond-elle. Qui êtes-vous ? Que me voulez vous ?
    - Fahima, c’est toi ?
    - Mais oui !
    - Il faut que tu rentres…Maintenant, tout de suite !
    Fahima raccroche, tout en tentant de mettre un nom, sur la voix. Elle ne l’a pas reconnue. Que lui veut cette personne ? Pourquoi doit-elle rentrer, maintenant ?
    La sonnerie reprend et cette fois, elle ne la laisse pas parler.
    - Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?
    - C’est moi…Dounia…Il faut que tu rentres, crie-t-elle. Appelle Madjid…Je n’ai pas son numéro !
    - Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?
    - il est arrivé malheur…Rentrez !
    Sans lui donner plus d’explication, elle raccroche. Fahima ignore d’où elle a pu l’appeler. Dounia s’est certainement rendue chez un cousin mais qui ? Les rares numéros qu’elle a notés dans son agenda, ne sont plus en service.
    Elle appelle son mari et le met au courant.
    - Tu ne sais rien de plus ? lui demande-t-il.
    - Elle n’a rien dit d’autre, répond-elle. Je passe te prendre et on rentre…Je n’ai pas le cœur tranquille…
    - Viens ! Tu me trouveras près de l’entrée !
    Djamila qui a entendu la conversation, la rassure.
    - Pars…Je m’occupe de tout. Tu n’as pas à t’en faire, lui dit-elle. Allez, va ! J’espère qu’il n’y a rien de grave…Appelle-moi !
    - Promis ! J’espère qu’il n’est rien arrivé à mes filles !
    - Je l’espère aussi !
    Fahima prend son sac et les clefs de sa voiture. Elle court beaucoup plus qu’elle ne marche. Elle bouscule dehors des collègues qui se retournent, surpris. Ce n’est pas dans ses habitudes de ne pas s’excuser. Vu son visage blême et sa façon de démarrer en trombe, ils en concluent qu’il est arrivé malheur dans sa famille.
    Fahima conduit sans avoir mis sa ceinture de sécurité. Elle fait de l’excès de vitesse et à deux reprises, des motards lui demandent de se garer. Ils la reconnaissent et la grondent presque.
    - La prudence est la mère des sûretés, lui dit l’un d’eux. Que se passe-t-il ? Tu as quelqu’un à l’hôpital ?
    - Non, je dois chercher mon mari, répond-elle. Je suis pressée…
    - Ce n’est pas une raison pour conduire de la sorte ! Mets ta ceinture et conduis doucement ! Mari ou pas à chercher, tu mets ta vie et celles des autres, en danger lui rappelle-t-il. Promets-moi de conduire doucement !
    Fahima promet et redémarre aussitôt, après avoir mis sa ceinture. Elle récupère son mari. Il tient à conduire. Ils changent de place. Madjid conduit nerveusement et il accélère tant qu’il peut. Plusieurs fois, il faillit percuter la voiture devant lui lorsqu’elle ralentit. Il peste et klaxonne, l’injuriant lorsque le conducteur ne veut pas le laisser passer.
    - Qu’est-ce que tu as ? Y a-t-il quelque chose que tu sais et que tu ne m’as pas dit ? l’interroge-t-elle.
    - Non, répond-il sans la regarder.
    Mais Fahima ne le croit pas. Il a des larmes dans les yeux. Il s’est passé quelque chose. Mais quoi ?

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    7eme partie

    -Mais qu’est-il arrivé ? demande-t-elle, le cœur serré. Pourquoi gardes-tu le silence ?
    Madjid hausse l’épaule, une grimace au coin de la bouche. Son visage a pris une couleur foncée, sous le coup de l’émotion qu’il tente de lui dissimuler. Fahima ne comprend pas. Elle s’emporte.
    - Tu es au courant de quelque chose ! devine-t-elle. Pourquoi ne dis-tu rien ? J’ai le droit de savoir! Est-il arrivé quelque chose aux filles ?
    - Non, non…
    - Quelqu’un a eu un accident dans la famille?
    - On peut dire, répond-il évasivement, évitant toujours de la regarder.
    - Qu’est-ce que tu veux dire par « on peut dire » ? l’interroge Fahima. Pourquoi ne me réponds-tu pas clairement ? Qu’est-ce que tu me caches ?
    - Rien…
    La réponse est loin de la satisfaire. Elle saisit son mari par le bras et le secoue.
    - Hé! Mais qu’est-ce qui te prend , crie-t-il. Tu veux qu’on fasse un accident ?
    - Quoi qu’il se soit arrivé, je veux savoir! rétorque-t-elle en élevant la voix. Que s’est-il passé ?
    - Un accident, lâche-t-il. A la maison…
    - Rassure-moi, les filles n’ont rien?
    - Elles vont bien, répond-il. Seulement, notre appartement…Il est en feu…
    Madjid vient à peine de se taire qu’une fumée épaisse apparaît au loin.
    - Mon Dieu !
    Ils ne sont plus très loin du village, mais Fahima a l’impression que les deux kilomètres se sont alongés et qu’ils ne veulent plus finir. Pourtant, lorsqu’ils arrivent, une vision de cauchemar les attend. Les flammes sortent des fenêtres. Les pompiers présents se débattent et luttent pour éteindre l’incendie. Le rez-de-chaussée et le premier étage ont été épargnés. Il y a le feu uniquement chez eux.
    - Mais comment est-ce arrivé ?s’écrie Fahima en s’élançant vers sa belle-mère entourée de la famille et des curieux.
    - Je l’ignore J’ai voulu ouvrir la porte et j’ai été projetée en arrière, par une explosion ,raconte-t-elle en larmes. Je ne sais pas ce qui a pu se passer…d’où le feu a pu partir…Fahima regarde autour d’elle, cherchant ses filles. Les rares enfants présents sont des garçons. Elles sont certainement chez l’oncle Ali. Il a dû les emmener, refusant de les laisser regarder un spectacle aussi désolant. Surtout que c’est leur foyer qui est en train de brûler.
    - Tu as bien fait de les envoyer chez aami Ali, dit-elle à sa belle-mère. Les filles n’auraient pas supporté ça!
    Dounia échange un regard avec ses neveux. Ces derniers se sont tournés vers Madjid et deux d’entre eux, lui parlent à voix basse. Il regarde vers l’ambulance dont les portes viennent d’être fermées et s’y dirige.
    Le médecin urgentiste lui parle en le prenant par le bras. Il a l’air désolé. Fahima sent que quelque chose lui échappe. Lorsqu’elle voit Madjid tomber à genoux et se cacher le visage, elle comprend qu’il est aussi arrivé malheur à ses filles.
    Les jambes lourdes, elle voudrait se diriger vers lui mais sa belle-mère la prend dans ses bras, devinant qu’elle avait compris. Personne n’a osé le leur dire…
    - Laisse-moi! Dis-moi où sont mes filles ! crie-t-elle. Je les avais laissés chez toi…
    - Elles voulaient regarder la télé, chez toi, répond Dounia. Et jouer à la poupée là-bas…Comme elles sont tranquilles, je n’ai pas refusé!
    - Rassure-mo! Elles ont eu le temps de s’échapper?
    La belle-mère secoue la tête. Les fillettes sont restées coincées à l’intérieur…

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  7. Artisans de l'ombre Dit :

    8eme partie

    -Non ! Pas mes filles…Rassure-moi, j’ai mal compris ! Mes filles ne sont pas coincées en haut ?
    Dounia pleure et tente de garder sa belle-fille dans ses bras mais celle-ci réussit à se libérer. Elle se met à courir derrière elle mais les pompiers parviennent à la retenir.
    - Laissez-moi… Mes filles sont à l’intérieur… Faîtes quelque chose !
    - Allah ghaleb, répond un pompier. Courage madame !
    - Courage ?
    Fahima se met à crier comme une folle. Madjid parvient à surmonter sa peine et revient près d’elle, la prenant dans ses bras pour la réconforter.
    - Mes filles, je veux tenir mes filles, dans mes bras ! Sabah ! Majda !…
    - Fahima…
    Madjid la gorge nouée, ne sait pas quoi dire. Il la serre fort dans ses bras, pour qu’elle sente sa présence. Elle n’est pas seule. Il est avec elle. Il veut qu’elle ne ressente pas le sentiment de solitude qui lui donne la chaire de poule. Car il a beau être entouré de sa mère, de toute sa famille, il a l’impression d’être seul. Sa femme doit ressentir la même chose que lui. Ils regardent leur malheur. Ils ont tout perdu. Leurs filles, leurs biens…
    Le médecin urgentiste parvient à les convaincre de les suivre jusqu’à l’ambulance. Tout en leur parlant, il leur donne deux comprimés à boire. Il reste avec Fahima qui regarde l’intérieur de l’ambulance.
    - Tout ce que vous avez apporté ne sert à rien ! Personne n’a pu sauver mes filles, des flammes… Elles sont des anges, si innocentes…
    Elle pleure sur l’épaule de son mari tout en regardant le spectacle désolant. Ce dernier pleure sans honte. Les spectateurs de leur malheur jettent parfois un œil, vers eux. Lorsqu’il n’y a plus de flammes, les pompiers laissent place à des hommes en tenues blanches. Elle reconnaît tout de suite, l’équipe de la police scientifique. Ils font un va-et-vient qui pousse Fahima, à se lever.
    - Et si elles n’étaient pas là, dit-elle avec espoir. Et si elles ont eu l’idée d’aller jouer dehors… Peut-être qu’elles sont en train de jouer dans la ferme, avec les chevreaux ?
    Dounia qui vient de les rejoindre, veut la réconforter mais elle la repousse.
    - Tu ne les as pas entendues sortir ? Et si elles étaient sorties pendant que tu étais occupée ?
    - Non, ce n’est pas possible, répond la grand-mère. J’étais sortie acheter des œufs et des fruits, leur confie-t-elle avant de baisser les yeux. J’avais fermé derrière moi…
    - Tu ne veux pas me laisser un seul espoir ? Cela te plaît de me torturer ? crie Fahima qui, l’ombre de quelques secondes, s’est sentie revenir à la vie rien qu’en pensant que ses filles aient pu désobéir et sortir sans permission.
    Un officier de police fait signe à Madjid de venir. Fahima le connaît et elle voudrait entendre ce qu’il a à dire à son mari. Mais ce dernier refuse.
    - Non, reste ici la prie-t-il. Je reviens tout de suite…

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  8. Artisans de l'ombre Dit :

    9eme partie
    -Nous allons effectuer une enquête, pour définir s’il s’agit d’un accident domestique ou si c’est d’origine criminelle, dit l’officier. Est-ce que vous aviez des ennemis ?
    Madjid secoue la tête.
    - Non… Je ne connais personne qui oserait s’en prendre à mes filles.
    - Pourtant, il est arrivé malheur. Racontez-moi ! Ce matin, vous êtes partis à l’heure habituelle ?
    Madjid répond affirmativement. Lui et sa femme se sont levés à six heures, comme d’habitude, afin d’être prêts à partir à sept heures. Ils n’ont pas eu le courage de réveiller leurs filles, si tôt. Il se rappelle que Fahima leur avait préparé du lait et des biscuits pour le petit-déjeuner. Il n’avait pas osé les embrasser, de peur de les réveiller. Elles dormaient comme des anges lorsqu’il est sorti. Il regrette de ne pas être entré le faire. Il n’a pas eu l’occasion de les revoir une dernière fois. Peut-être que sa femme l’a eu ? Au moins, elle pourra se réconforter en se disant qu’elle n’a pas raté une occasion de sentir leur chaleur et de leur dire combien elle les aime.
    Sorti en premier, il ignore si elle a pu.
    - Lorsque vous êtes sorti, vous n’avez rien remarqué ?
    - Il faisait à peine jour et si je suis sorti en premier, c’est pour mettre le moteur en marche pour le chauffer, précise Madjid.
    - Il n’y avait personne dehors ? Pas de visage inconnu, même un peu plus loin ?
    - Non, pas même un chat…
    - Pensez-vous que votre femme soit en état de répondre à mes questions ? l’interroge l’officier.
    - Je l’ignore. Que pourrait-elle avoir vu de plus que moi.
    L’officier reçoit un appel et son visage se ferme. Il pose une main sur le bras de Madjid.
    - Emmenez votre femme chez vos voisins ! lui dit-il. Ils viennent de trouver ce qui reste de vos filles… Ils doivent emporter les corps pour effectuer des autopsies…
    - Ah !
    - Je vous rejoins pour interroger votre femme et votre mère… C’est elle qui les gardait ?
    - Oui…
    Madjid et l’officier se rendent auprès d’elle et ils doivent presque forcer Fahima à les suivre chez l’oncle Ali. Sa femme et sa fille se retirent dans la cuisine. Ainsi Fahima ne pourra rien voir. Alors qu’ils les interrogent, les corps calcinés des fillettes sont emportés jusqu’à l’ambulance. Ils partent aussitôt.
    - Il n’y avait personne… Et puis, lorsqu’on part, on est toujours pressé, répond-elle sans comprendre pourquoi il leur posait ces questions. On regarde le paysage et les gens sans vraiment les voir.
    - Et vous, el hadja ?
    - Aucun inconnu, répond Dounia. Lorsque je suis revenue de chez l’épicier, la porte était fermée à clef.
    - Même celle de l’appartement ?
    Elle hoche la tête.
    - Oui… Je ne voulais pas qu’elles jouent dans l’escalier… J’avais peur qu’elles tombent.
    Fahima se lève et se dirige vers la fenêtre.
    - Lorsque vous êtes revenue, vous avez vu le feu ?
    - J’étais sur le chemin lorsque j’ai entendu mes neveux crier… Ce sont eux qui ont appelé les pompiers, précise-t-elle. Lorsque je suis arrivée, il y avait des flammes qui sortaient des fenêtres. Je ne me souviens pas si c’était ouvert ou non… Je me rappelle être montée la première. Quand j’ai voulu ouvrir la porte de l’appartement, un souffle m’a comme poussé en arrière…
    - Est-ce que vous les avez entendu crier ? demande doucement l’officier, croyant que Fahima ne les entend pas d’où elle se tient.
    - Non…
    Fahima s’emporte et s’en prend à sa belle-mère.
    - Pourquoi a-t-il fallu que tu sortes ? Que tu fermes les portes ? Est-ce que tu te rends compte qu’à cause de toi, elles n’ont pas pu s’échapper ?
    Dounia s’effondre en larmes. Elle ne le sait que trop. Mais elle ignorait alors…

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  9. Artisans de l'ombre Dit :

    10eme partie

    - Vos filles ne reviendront pas, dit l’officier. Inutile de vous entredéchirer… Vous avez autant besoin l’une de l’autre ! Soyez fortes.
    Il s’apprête à les laisser quand Fahima se rappelle les menaces de l’ex-petit ami de Djamila. Elle lui en parle même si elle le sait encore en prison.
    - Vous croyez qu’il pourrait avoir demandé à quelqu’un ?
    - S’il l’a fait, nous le saurons ! affirme l’officier.
    Madjid le suit dehors. Son oncle les rejoint.
    - Quand pourra-t-on les enterrer ?
    - L’autopsie ne devra pas prendre beaucoup de temps, répond l’officier. Demain matin… une ambulance apportera les défuntes et elles devront être mises sous terre, sans être vues, les prévient-il. Vous n’avez jamais vu un corps calciné, c’est horrible à voir ! Autant que vous gardiez un bon souvenir d’elles ! Mes condoléances… Bon courage !
    Après le départ des pompiers et de la police scientifique, Madjid et ses cousins entrent dans l’appartement dont il ne reste rien. Tout a brûlé.
    - Savez-vous où ils ont trouvé les corps ? demande-t-il.
    - Tu as un placard mural, dans leur chambre ?
    - Oui…
    Les portes du placard ont été réduites en cendre. Tout ce qu’il y avait à l’intérieur aussi. Sabah et Majda ont cru pouvoir se protéger des flammes, en s’y cachant. Mais même là, elles n’étaient pas à l’abri.
    - Pourquoi n’ont-elles pas crié ?
    - Elles étaient trop loin pour que quelqu’un puisse les entendre, répond Madjid. Et les fenêtres étaient trop hautes pour qu’elles puissent les ouvrir. Elles n’ont eu aucune chance !
    - El Mektoub ! dit un cousin. Il était écrit qu’elles partiraient ainsi !
    Madjid s’emporte, donnant des coups de poing au mur noirci.
    - Dès qu’on est dépassé par les évènements, on dit que c’est la faute au « Mektoub » et lorsque l’on manque à ses responsabilités, on dit « Allah ghaleb » !
    - Tu n’aurais rien pu faire ! insiste son cousin. Elles auraient pu être prises dans les flammes, en ta présence, et tu n’aurais pas pu les sauver, car, il est écrit qu’elles retourneront auprès d’Allah !
    - C’est ça ! Mais pourquoi tout cela n’est pas arrivé qu’à moi ou à quelqu’un d’autre ? s’écrie Madjid, fou de douleur. Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’elles me soient enlevées maintenant ?
    - Cesse de blasphémer ! Inutile de t’en prendre à Dieu ou à toi-même ! Elles ne sont plus là, autant t’y faire dès maintenant !
    - Je plains Fahima, soupire Madjid. Elle tenait à ce qu’on revienne ici, par mesure de sécurité. Finalement, le danger est partout !
    L’oncle Ali les a rejoints et propose de redescendre.
    - Vous n’avez rien à faire ici ! Allez en bas… il y a du monde qui vous attend.
    La nouvelle a vite fait le tour du village et du monde, ils en viennent de partout. La famille, les amis et même des inconnus sont venus compatir à leur douleur. La veillée funèbre les réunit tous. Ils sont restés jusqu’au matin attendant le retour des corps des fillettes par les pompiers, pour être enterrées. Les pompiers se rendent directement au cimetière. Même si Fahima demande à les voir une dernière fois, ils refusent. Il n’y a rien à voir. Madjid, au cimetière, parviendra à le faire. Il le regrettera car la vision d’horreur l’empêche de dormir depuis…

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  10. Artisans de l'ombre Dit :

    11eme partie
    -La vie continue Fahima ! Tu ne peux pas rester sans manger, sans boire…Si tu persistes à refuser de te nourrir, tu sais quoi ? Tu vas te retrouver à l’hôpital !
    - Je veux mourir, réplique celle-ci. Ma raison de vivre était mes filles et elles ne sont plus là…Je n’en peux plus…Est-ce que tu peux comprendre qu’en les perdant, la vie n’a plus aucun sens pour moi ?
    Djamila ignore quoi faire et quoi dire. Son amie et collègue ressemble beaucoup plus à une morte qu’à une mère endeuillée. Plusieurs jours ont passé depuis l’enterrement et elle refuse de retourner chez elle, de se nourrir, de se changer. Elle ne la reconnait plus. Elle a toujours cru qu’elle est de nature forte et une vraie battante. Fahima a déjà connu le deuil en perdant ses parents, l’un après l’autre, en l’espace de quelques mois. Elle garde le souvenir d’une femme qui ne s’est pas laissée aller. Elle ne peut pas rester indéfiniment, dans l’ancienne demeure familiale, seule.
    Elle craint pour sa santé morale. Fahima est en train de se laisser mourir. Qui sait si elle ne songe pas à se suicider ?
    Cette pensée lui donne la chaire de poule. L’amie est décidée à ne pas l’abandonner dans cette dure épreuve.
    - Maman et papa veulent que tu viennes quelque temps, à la maison…Je suis venue te chercher, lui dit-elle. Allez, lève-toi !
    - Non, je veux rester ici! Je ne partirai pas…
    - Et moi, je ne rentrerai pas sans toi, affirme Djamila. Je t’emmène même si je dois te traîner de force !
    - Tu ne fais pas le poids, réplique Fahima. Je ne me laisserai mourir.
    - Pourtant c’est ce que tu fais en refusant de te battre! La vie est ainsi, on n’y peut rien ! Penses-tu que tes filles seraient d’accord avec ta façon d’agir ? l’interroge-t-elle en remarquant que son visage a rougi. Si elles te voient d’où elles sont, je suis sûre qu’elles n’approuveraient pas ! Pense à réaliser ce qu’elles voulaient !
    - Quoi que je fasse, elles ne peuvent plus en profiter ! Elles ne sont plus là pour partager avec moi leurs moments de joie et de peine, réplique la mère en pleurant. Elles sont mortes, seules, terrorisées par les flammes…Je n’étais pas là…
    - Tu n’aurais rien pu y changer ! Il était écrit qu’elles s’en iront en ton absence ! Il faut accepter les choses, s’écrie Djamila. Et aller de l’avant…Rien que pour chérir tous les souvenirs qu’elles t’ont laissés !
    - Mais tout est parti dans les flammes !
    - Et ceux de ton cœur ? l’interroge l’amie qui reprend espoir. Ne me dis pas que tu les as jetés aux oubliettes!
    Fahima ne répond pas, elle secoue la tête. Comment aurait-elle pu ? Si elle n’a pas sombré dans la folie, c’est tout simplement parce qu’elle a le cœur plein de doux souvenirs. Le fait de se dire qu’il n’y en aura plus, est une torture sans fin. Dans sa douleur, elle voudrait les rejoindre. Elle n’exagérait pas en disant que la vie n’a plus de sens, pour elle. Elle veut se rapprocher de ses filles. Même par la mort…
    - Devine sur qui je suis tombée, il y a quelques jours?
    - Pas sur mes filles, en tout cas!
    - Elle et tes filles avaient passé beaucoup de temps avec elle, lui rappelle Djamila. Elles étaient devenues très liées, très complices…
    - Lila les adorait!
    - En effet…Si tu veux, on va la voir, propose l’amie. Elle a des choses, à te raconter…que tu dois savoir! Et des choses à récupérer…
    Fahima ne se rappelle pas avoir oublié une seule chose, chez la nourrice.
    - Non, elle n’a rien! J’ai tout récupéré…
    Djamila secoue la tête.
    - Si tu viens, tu verras de toi-même! insiste-t-elle. Si tu le veux, elle te les donnera…Allez, viens, je vais t’aider à te préparer…On va les récupérer ensemble.
    Fahima ne refuse pas. Si son amie insiste, c’est qu’il y a vraiment des choses à ses filles. Elle tient à les récupérer. Car elle n’a plus rien d’elles…

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  11. Artisans de l'ombre Dit :

    -Qui est-ce ? – Ouvre ! Ce n’est que nous, Djamila et Fahima, répond Djamila.
    Lila ouvre et elle ne peut pas cacher sa surprise. Elle n’a pas reconnu Fahima. Elle l’accueille chaleureusement dans ses bras et tente de la réconforter. Elle aussi pleure la mort des fillettes. Elles étaient les enfants qu’elle n’a pas eues.
    - Figure-toi qu’il y a quelques jours, ton mari est venu ! lui apprend-elle. Pour discuter avec mon mari et pour se rappeler le bon temps où elles étaient encore parmi nous !
    Fahima tourne la tête. Elle ne veut pas entendre parler de son mari.
    - Lui aussi souffre, poursuit Lila. Il n’a pas seulement perdu ses filles mais toi aussi ! Pourquoi ne fais-tu pas un effort ? Il a autant besoin de toi que toi de lui !
    - Il ne souffre pas ! Il n’a pas vécu longtemps avec Sabah et Majda… Il était tout le temps sur les routes !
    - C’était son gagne-pain ! le défend Djamila. Et puis, n’est-il pas revenu lorsque vous aviez besoin de lui ?
    - C’était trop tard…
    - Non ! Ne dis pas ces choses ! la prie Lila. J’ai eu de la peine en le voyant… Surtout lorsqu’il a parlé de l’envie des filles, d’avoir un petit frère !
    - Il est fou ! Jamais plus…
    - Il n’est pas prêt, lui aussi ! le défend Lila. Mais Sabah et Majda étaient impatientes d’en avoir un… Elles m’avaient demandé de lui tricoter des pulls bleu et blanc… Elles devaient te les remettre à la naissance du petit…
    - Il n’y en aura pas de petit ! réplique Fahima. Puisqu’elles ne sont plus là…
    - Si tu n’étais pas venue, je me serais déplacée jusqu’à toi, poursuit Lila. J’ai des souvenirs des petites… Veux-tu les voir ?
    Fahima la suit à sa chambre, ne supportant pas d’attendre. Elle la regarde sortir une petite malle en bois d’un grand placard. Elle la dépose devant elle et lui dit d’ouvrir.
    Pour Fahima, c’est le choc quand elle soulève le couvercle. Lila a gardé précieusement toutes les photos des petites. Il y a des portraits faits à la main.
    Ils sont récents.
    - Elles ne m’en avaient rien dit ! murmure-t-elle, la gorge nouée par l’émotion. Il y a même des mèches de cheveux…
    Elle les saisit et en respire l’odeur. Les larmes glissent sur ses joues. Comme c’est bon de sentir leur parfum ! pense-t-elle en regardant avec reconnaissant Lila.
    - Si seulement je pouvais revenir en arrière et être restée avec elles… Je ne les aurais pas perdues. Je pourrais encore les serrer dans mes bras…
    - Un jour, vous vous retrouverez ! En attendant, pourquoi ne pas réaliser la famille dont elles ont toujours rêvée ? lui demande Lila avant de lui montrer des dessins qu’elles ont fait quelques jours avant le drame. Elles voulaient que vous soyez unis et que la famille s’agrandisse !
    Les dessins parlent d’une grande famille. Ses filles tiennent deux garçons, par les mains. Derrière elles, leurs parents…
    - Mes chéries…
    - Tu sais, ces souvenirs sont à toi maintenant ! Ils te reviennent de droit… Je sais que tu n’en as plus… Enfin, j’ai donné deux photos à Madjid. Lui aussi souffre de leur disparition ! Tu devrais le revoir et rentrer chez toi… Pour mieux chérir vos souvenirs, pour être plus forts à l’avenir…
    Lorsqu’elles retournent au salon, Fahima a un geste de recul. Madjid est là. Djamila a pris le soin de l’appeler. Il est vite venu, espérant qu’elle accepterait de l’écouter. Il tient à elle. Son départ a été une vraie torture qui ne finit pas.
    Djamila et Lila les laissent discuter et se réconforter. Elles sont heureuses et soulagées de voir que le lien n’est pas rompu et qu’ils vont se retrouver. Les souvenirs partagés avec leurs fillettes leur permettront d’avancer. Certes, lentement mais ensemble, ils pourront reconstruire leur famille. Le rêve de leurs petites filles doit se réaliser.
    La conclusion de l’enquête menée par la police dévoilera que Ahmed est bien derrière l’incendie de l’appartement. Un ancien drogué qui a fait de la détention, s’était chargé de leur donner une bonne leçon, en mettant le feu à l’appartement. Il croyait les fillettes ailleurs. Même s’il ne voulait pas leur faire de mal, c’est arrivé. Il est vite passé aux aveux. Condamné à plusieurs années de prison, il aura le temps de bien comprendre qu’on ne joue jamais avec le feu…
    Fahima et Madjid ont de nouveau quitté le village et tentent de reconstruire leur foyer, même si c’est en puisant leur force dans les souvenirs. Cinq années ont passé depuis. Une fille est née entre-temps, leur rappelant celles qui ont disparu si tragiquement. Ils jurent d’en prendre grand soin…

    FIN
    ADILA KATIA

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