Ingénieur de formation, promo 1983, après le service national, j’ai entamé ma carrière professionnelle dans un laboratoire d’études et de recherches que j’ai dû quitter à cause du problème de logement, la trentaine à peine entamée, j’ai été recruté par l’ECE (entreprise de céramique EST) pour le compte d’un projet d’usine de carreaux sis à Tidjelabine, dans la wilaya de Boumerdès, avec condition d’être logé.
En 1991, l’entreprise a acheté 15 logements préfabriqués (type ENMGP) et les a installés sur un terrain domanial à quelques centaines de mètres du projet. En 1992, l’entreprise tient sa promesse et m’affecte un logement au niveau de cette cité. En 1993, j’ai mis fin à ma vie de célibataire car je croyais avoir réglé le problème du logement et faire carrière au niveau de l’usine en construction. En 1994, le constructeur étranger décida de quitter l’Algérie (problème de sécurité), nous, au nombre de quatre ingénieurs et notre directeur, fûmes invités par la DG à terminer le montage de l’usine en contrepartie d’une prime «conséquente» qu’on n’a jamais reçue, défi qu’on a réussi et l’usine entama les essais de production en 1995. En 1997, l’entreprise décida de fermer l’usine pour privatisation et de mettre l’ensemble des travailleurs dehors, le volet social portait sur trois possibilités (retraite anticipée pour les plus de 50 ans, Caisse de chômage, départ avec indemnisation (1 mois de salaire / année travaillée). A noter qu’aucune allusion n’a été faite quant aux logements dans la mesure où j’ai reçu un certificat de travail portant mention libre de tout engagement. Les logements, étant à l’extérieur de l’enceinte de l’usine, n’étaient pas concernés par la privatisation. En l’an 2000, nous avons reçu 5 de mes collègues et moi des lettres de la nouvelle direction de l’usine (fermée) nous demandant de restituer les clefs de logements sous prétexte d’assainissement de la situation de l’usine avant sa vente. Devant notre refus, car n’ayant pas d’autre refuge, l’entreprise saisit la cour de Boumerdès en référé. La cour s’est déclarée incompétente car ne voyant pas où réside l’urgence. Après cassation, le tribunal prit une décision diamétralement opposée et ordonna notre expulsion, décision qui fut exécutée manu militari en plein mois de Ramadhan, 3 jours avant l’Aïd, dans un pays qui se dit musulman. En novembre 2003. La Cour suprême reconduit la même décision en 2004. (Le jugement d’expulsion s’est basé sur une jurisprudence relative à la rupture des relations de travail – quelles que soient les raisons de la rupture –). Le comble, c’est que mon logement se voit attribué je ne sais par quel autre «ijtihad ou jurisprudence» à une personne qui n’a eu, n’a et n’aura aucune relation de travail avec l’entreprise et très loin d’être dans le besoin. Les différentes démarches effectuées auprès des autorités locales (APC de Tidjelabine, daïra de Boumerdès) et lettres adressées à toute autorité pouvant nous venir en aide se sont avérées vaines, malgré la coïncidence avec la disponibilité des chalets (séisme) dont la distribution a enregistré un très grand nombre d’anomalies, d’ailleurs le problème demeure toujours d’actualité au niveau de la wilaya. Vu la cherté de la location et l’accès pratiquement impossible au logement, ma famille et moi sommes devenus des nomades, tantôt chez des parents, tantôt chez des amis, meubles, effets et bagages éparpillés. Nous vivons le calvaire au quotidien, plus aucun goût à la vie, sentiment d’injustice, de politique populiste des autorités offrant des logements aux habitants des bidonvilles, tout en laissant souffrir d’autres dont la dignité ne permet pas et d’ailleurs ne peuvent pas survivre dans un bidonville. Mes enfants ont étés traumatisés et marqués à vie par le dispositif des gendarmes le jour de l’expulsion, et croyez-moi, malgré leur jeune âge, ils commencent malheureusement d’ores et déjà à parler de la harga. Ni l’APC de Tidjelabine et la daïra de Boumerdès, ni le wali, ni le juge, ni le procureur, ni l’AADL, ni le FNPOS, ni les partis, ni les différentes lettres adressées ou publiées à travers la presse, ni…. ne sont venus à notre secours ou servi à quelque chose, et maintenant, tous ces gens-là, nous demandent, avec «sahaniet el oudjh» d’accomplir notre droit et devoir. Encore, même si je m’efforcerai d’avoir l’obligeance de croire en leur sincérité et leur désir du changement, je voterai où ? Car, ni à Boumerdès, ni d’ailleurs à Alger, ne sont prévus des bureaux de vote pour SDF et nomades qu’ils ont fait de nous. Les droits et devoirs des uns et des autres doivent être réciproques et former un ensemble indissociable. Qu’en est-il de leurs devoirs envers nous ?
Rabah Bouscletsp
bousclet.rabah@gmail.com
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/06/article.php?sid=133737&cid=49
6 mai 2012
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