Par : Adila KATIA
1re partie
-Sais-tu depuis quand je t’aime ?
La question de Kenza semble surprendre son mari. Il lui jette un coup d’œil en souriant, se demandant où elle voulait en venir ? Lui et Kenza ne s’étaient pas connus avant leur mariage. Leurs parents avaient tout arrangé en se passant de leur consentement. Enfin, lui, Djamel ,n’était même pas là le jour du mariage. Il était encore à Lyon, où il était vendeur dans un centre commercial. Quelle ne fut sa surprise en venant rendre visite à sa famille. Une femme l’attendait. Kenza était celle que ses parents avaient choisie pour lui. Elle venait de terminer ses études en lettres françaises quand elle a été mariée de force à cet émigré, originaire du village de son père.
Kenza, à défaut de pouvoir fuir le mariage, ne s’était pas faite belle ce jour-là et elle en fit voir de toutes les couleurs à sa belle-mère et à ses belles-sœurs.
Plusieurs mois avaient passé avant la visite de Djamel. Kenza avait profité de ce temps pour se reposer et être servie par ses belles-sœurs qui enrageaient d’être à sa merci. Elle était la femme de Djamel et qui sait si elle ne se plaindra pas auprès de lui ? De réputation, il était coléreux et n’avait de respect pour personne quand il s’emportait. Même ses parents n’avaient pas droit à des égards. Ils avaient pris un gros risque en décidant de le marier à son insu. Comme ils le craignaient, il piqua une colère en apprenant qu’il était marié.
- Qu’est-ce qui vous a pris ? Me croyez-vous incapable d’en choisir une, tout seul ?
- Elle nous plaisait ! C’est pourquoi nous avons eu la certitude qu’elle fera ton bonheur ! C’est pourquoi nous n’avons pas hésité…
- Qu’est-ce qui vous a pris ? Il ne vous est pas venu à l’esprit, un seul instant, que je puisse être marié ! leur reproche Djamel. Que je puisse être père ? Non, vous avez seulement voulu en faire qu’à votre tête ! Cette femme, vous n’avez qu’a la prendre pour bonne à tout faire !
- Voyons, mon fils ! Un peu de sérieux ! On ne peut pas en faire une bonne, a rétorqué sa mère. C’est ta femme aux yeux de tous ! Tu n’as quand même pas l’intention de la renvoyer chez ses parents ? Tu l’ignores, mais, tout comme toi, elle n’était pas d’accord. Elle ne voulait pas se marier avec toi.
- Pour qui elle se prend de refuser de se marier avec moi ? s’est écrié Djamel. Comme si elle pourrait se trouver meilleur parti !
Leur première rencontre avait laissé leur entourage bouche béé. Kenza avait perdu ses grands airs et la colère de Djamel était tombée comme par enchantement. Tous n’en étaient pas revenus. Car tous avaient pronostiqué un mariage fait de coups et de cris. Kenza et Djamel étaient tombé amoureux l’un de l’autre. Les parents de Djamel ne s’étaient pas trompés dans leur choix. Ils lui avaient trouvé la femme idéale.
- Je croyais que tu m’aimais depuis le premier instant où on s’est vus ? répond Djamel en la regardant du coin de l’oeil, délaissant pour un moment son journal sportif.
- Non, la première fois, tu m’as beaucoup plu physiquement, dit Kenza en souriant. Je te parlais d’amour, du vrai. Djamel, je te repose la question. Sais-tu depuis quand je t’aime ?
Djamel feint de réfléchir après avoir fermé son journal. Les bras croisés sur la poitrine, il réfléchit longtemps. Au point où Kenza commençait à s’impatienter.
- Depuis que je t’ai giflée ? Depuis que je t’ai refusé de partir chez ta mère ? Kenza, je donne ma langue au chat !
- Tant mieux ! Tu n’as vraiment pas deviné, insiste-t-elle ?
- Non, mais je peux savoir ?
Kenza a un sourire. Aussi, quand elle prend tout son temps pour répondre, Djamel commence à s’impatienter. Maintenant qu’elle avait éveillé sa curiosité, il tenait à savoir.
8 mai 2012 à 22:01
2eme partie
-Alors ?
– Depuis quand je t’aime ? Depuis le jour où tu m’as dit qu’on devrait vivre pleinement notre vie de couple avant d’agrandir la famille, répond Kenza. Tu te rappelles du jour où tu me l’as dit ?
- Du jour ? Non, mais je me souviens que c’était au début de notre mariage, murmure Djamel. Pourquoi tu m’en parles aujourd’hui ?
- Cela fait deux ans depuis qu’on est ensemble. Rien que tous les deux. Tu ne trouves pas qu’il est temps d’avoir un enfant ?
Djamel est si surpris qu’il en rit. Lui, avoir un enfant ?
- C’est encore trop tôt, répond-il. On a tout le temps pour en avoir, rien ne presse.
- Je vais bientôt avoir trente ans, lui rappelle sa femme. Il est vrai que la nature vous a gâté puisque vous, les hommes, vous pouvez en avoir à tout âge, même à soixante-dix ans ! Mais nous, les femmes, au-delà de trente-huit/quarante ans, les grossesses sont risquées et après, il y a la ménopause. Tu imagines, Djamel, les années passent si vite, j’ai peur de me retrouver sans rien.
- Mais je serai toujours là ! la rassure-t-il, avant de lui confier : Tu sais, les enfants, ça ne me dit pas grand-chose ! Je me vois mal avec un gosse…
- Tu t’y feras avec le temps. Tu es d’accord ?
- Ah non ! Demande-moi tout ce que tu veux, sauf de t’en faire un ! Il tomberait vraiment mal, parce que je ne suis pas prêt, explique-t-il. Parce que je me sens incapable d’aimer les enfants… ça ne m’a jamais rien dit.
- Quand on aura le nôtre, tes sentiments changeront ! dit-elle avec certitude. Tu n’as qu’à en parler à tes parents, à tes cousins… tu auras leurs avis, leurs expériences pour te faire une idée…
- T’es folle ! s’écrie Djamel. En parler à ma famille ? Ils vont me prendre pour un taré ! Ils vont tout faire pour exaucer ton vœu ! Ne va surtout pas en parler à ma mère ! Je ne veux pas qu’on me parle d’enfant ! Je ne veux pas en avoir.
- Pourquoi ?
Djamel soupire bruyamment en voyant sa femme toute triste. Il ne supporte pas de la voir ainsi. Rien que des sourires sur le visage et dans les yeux. C’est tout ce qu’il veut voir : la joie, du bonheur. Rien d’autre…
- Pardon chérie mais je ne peux pas ! Essaie de me comprendre.
- J’essaie, mais je n’y arrive pas ! Tout ce que je vois, c’est que tu es égoïste ! Ce n’est pas parce que toi, tu n’en veux pas, que je devrais ne pas en avoir !
- Kenza ! Je refuse d’en avoir pour l’instant. Et si on changeait de sujet ?
- Est-ce que tu es prêt à m’accorder autre chose ? demande sa femme.
- Oui.
- Je m’ennuie à mourir à la maison. Avec ma licence, je pourrais me trouver du travail. Est-ce que tu ne vois aucun inconvénient à ce que je dépose des demandes d’emploi à la mairie et ailleurs ?
- Non ! si tu veux, je m’adresserais à des amis bien placés, propose-t-il, ne voulant pas la peiner davantage en lui refusant aussi de travailler.
- Je suis sur qu’ils auront quelque chose pour moi.
Djamel ne perd pas de temps. Le lendemain même, il va leur rendre visite et demande leur aide. Certains sont désolés. Il n’y a aucun poste vacant. L’un d’eux le laisse espérer en lui proposant de passer en fin de journée chez lui.
- Je ne peux rien te promettre, lui dit-il. Avec un peu de chance, il y a un poste de libre; Enfin, il y a trois semaines, il l’était mais pour l’heure, je l’ignore !
Djamel n’en dit rien à sa femme. Il ne veut pas la voir espérer et être déçue une nouvelle fois. Il tient à lui trouver du travail, uniquement pour qu’elle oublie son envie d’avoir un enfant. Parce qu’il avait d’autres raisons.
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8 mai 2012 à 22:01
3eme partie
Lorsqu’on frappe à la porte, Kenza pense que son mari a encore oublié de prendre son thermo de café. Elle se presse d’aller ouvrir ne voulant pas lui faire perdre de temps.
La surprise la laisse figée deux secondes puis elle sourit.
- Bonjour ! dit-elle au facteur qui ouvrait sa sacoche pour lui remettre deux courriers. Bonne journée !
- Pouvez-vous demander à Djamel de passer signer, il a une lettre recommandée de l’étranger !
- Bien sûr ! Merci !
Adossée à la porte qu’elle venait de fermer, elle prend le temps de lire les expéditeurs. Des amis de Djamel. Tous deux avaient vécu avec lui à Lyon. Ils regrettaient d’être rentrés au pays, d’après son mari.
- Heureusement qu’il ne regrette pas, j’aurais eu du mal à le retenir, se dit-elle. J’espère que mon envie d’enfant ne va pas le faire fuir !
Kenza voudrait parler du problème à sa belle-mère et à sa mère mais les connaissant elles viendraient le trouver pour en savoir un peu plus sur le sujet et les raisons de son refus.
Elle regrette d’avoir perdu contact avec ses amies. Aujourd’hui, elle aurait pu se confier à elles. Elles étaient toutes mariées et mères plusieurs fois. Elle aurait pu savoir auprès d’elles si tous les hommes sont comme son mari.
- Si seulement il acceptait d’avoir un enfant !
Kenza reconnaissait sans peine qu’il était exceptionnel.
Il était bon, aimant et plein de sollicitude envers son entourage. Tous au village et dans leur quartier l’appréciaient. Étant dans l’importation, il avait beaucoup de relations au pays et en France. D’après le courrier qu’il recevait régulièrement et le nombre d’appels aussi, il était apparent qu’il avait le sens du contact. Ce doit être aussi pourquoi ces affaires marchent bien.
En regardant autour d’elle, elle se dit que la chance l’a gâtée.
Elle a une grande villa pour elle seule et meublée avec goût. Le salon est plein d’objets précieux. Dans sa chambre, elle a un coffret plein de bijoux en or. À chaque fête, elle fait bien des envieuses tant par ses tenues et ses parures. Cela lui plaît qu’on l’envie, que d’autres donneraient cher pour être à sa place.
Si elle l’avait voulu, elle aurait pu avoir une femme de ménage et une cuisinière mais elle n’aimait pas l’idée d’avoir quelqu’un à la maison. Elle aurait l’impression d’être épiée. Et puis, elle s’ennuie beaucoup, même quand elle faisait tout, il restait beaucoup de temps à tuer.
Elle ne pouvait pas rester assise à regarder la télé plus d’une demi-heure et aucun livre ne réussissait à accrocher son attention plus de trois ou quatre pages. Ce qu’elle voulait, c’était avoir du nouveau dans sa vie.
Elle pensait bien faire en parlant de bébé à son mari. Elle croyait pouvoir combler le vide qui l’entourait lors des absences répétées de son mari. Elle avait été très déçue de son refus. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi. Si elle n’avait pas insisté, c’était uniquement pour ne pas se fâcher avec lui. Le connaissant très bien, il n’aurait pas répondu à ces questions. Les réponses évasives, elle n’en voulait plus. Le téléphone sonne, mettant fin à ses pensées qui risquaient de la peiner encore plus. Kenza prend tout son temps pour aller décrocher. Elle pense que c’est encore une relation de son mari qui demandera après lui. Ou le joindre ? S’il allait tarder ? Quand allait il rentrer ?
- On me prend pour sa secrétaire !
Kenza prend un bloc note et un stylo, sachant qu’il y aurait aussi un message à remettre a son mari.
- Allo ! Bonjour ! Puis je parler à Djamel ?
- Il est absent.
- Quand il rentrera, dites-lui que j’ai trouvé du travail pour sa femme, dit l’interlocuteur, ignorant à qui il parlait. Qu’il m’amène son dossier sans tarder !
Kenza n’en revient pas. Elle ne s’était pas attendue à ce que cela soit si rapide. Elle n’a pas le temps de se ressaisir. Il venait de raccrocher.
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8 mai 2012 à 22:02
4eme partie
-Tu rentres quand ? demande Kenza à son mari lorsqu’il appelle pour avoir de ses nouvelles. J’ai besoin de savoir !
- Pourquoi ? Tu veux me préparer une surprise ?
- Oui. Mais il y a aussi autre chose, il y a eu un appel tout à l’heure, lui dit-elle. C’est à propos du travail. Il te demandait de lui apporter mes papiers. C’est urgent !
- Il n’a pas dit son nom ? veut savoir Djamel.
- Non. Je pense que d’après lui, tu saurais qui il est ! Comment vas-tu faire pour le retrouver ?
- Les amis à qui j’ai demandé de l’aide, je les contacterai, la rassure-t-il. Je raccroche pour te rappeler plus tard, après lui avoir parlé.
- Essaie de savoir de quoi il s’agit. Je ne voudrais pas faire un travail qui ne me plairait pas.
- Il faudra te contenter du premier en attendant le prochain, répond Djamel. Je t’embrasse. Prends soin de toi !
- N’oublie pas de me tenir au courant ! lui rappelle-t-elle avant qu’il ne raccroche.
Kenza est si excitée qu’elle ne tient plus en place. Elle est impatiente de tout savoir. Elle est si heureuse. Elle allait, enfin, pouvoir sortir, se faire de nouveaux amis, avoir une vie professionnelle. Elle allait enfin pouvoir être utile. Elle n’aurait plus à attendre le retour de son mari, parti pour une énième affaire.
Elle se sentait déjà mieux en sachant qu’elle pourra travailler. Avec un peu de chance, ce sera un métier qui la passionnera. Kenza prie pour ne pas se retrouver dans une école. Elle ne supporte pas le bruit et le fait de s’occuper d’enfants qui ne sont pas les siens !
Elle se demande si c’est le fruit de son imagination ou frappe-t-on vraiment à sa porte. Par précaution, elle va regarder de la fenêtre de sa chambre qui donne sur la rue. Elle peut voir le facteur, un courrier en mains. Malgré l’heure tardive et toutes les recommandations de son mari, elle va ouvrir.
Le facteur, sans sa tenue, s’excuse. Il est à préciser qu’il est de la famille de sa belle-mère.
- Ce courrier est très urgent. Il faut le faire parvenir à Djamel, c’est urgent !
- Je ne vois pas comment le lui parvenir… Djamel est au port d’Annaba. Dès qu’il en aura terminé avec la douane, il rentrera. Mais pas avant !
- Prenez-le quand même.
Kenza ferme à clé après le départ du facteur. Elle est perplexe sur l’urgence de ce courrier. Curieuse, elle ouvre l’enveloppe, remarquant que la lettre a été envoyée de Suisse. L’expéditeur est une femme au prénom de Gislaine.
Kenza hésite à ouvrir la lettre, se demandant si Djamel ne se fâcherait pas. Jamais auparavant elle n’avait ouvert son courrier. Saura-t-il comprendre que l’urgence avait éveillé sa curiosité et son inquiétude ?
- Tant pis !
- Quand elle déplie la feuille, elle découvre qu’une amie de son mari était morte quelques jours plutôt, Gislaine lui demandait aussi de prendre contact avec elle le plus rapidement possible.
- Pourquoi ? Aurait-il hérité quelque chose d’elle ? Pour qu’il ne l’oublie jamais ?
Kenza comprend sans peine que cette amie avait dû être très proche de lui. Elle est surprise d’en être jalouse, même si elle la savait morte. Elle n’allait pas lui permettre de tout gâcher entre elle et Djamel.
Kenza va brûler la lettre, persuadée de bien faire, pour elle, pour lui, son mari. Cette lettre allait réveiller en lui de vieux souvenirs, peut-être meilleurs que ceux qu’il a partagé avec elle. Kenza se donne toutes les excuses pour expliquer son geste. Pour se le pardonner…
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8 mai 2012 à 23:32
5eme partie
Il ne doit jamais savoir. Après tout, ça appartient au passé. Son avenir c’est moi. Cette femme ne fait plus partie de sa vie.
Kenza passe la nuit à se raisonner et se rassurer. Elle avait bien fait de détruire la lettre. Elle prie pour que le facteur ne vienne pas en parler à Djamel. Il voudrait connaître l’origine de la lettre. Il lui demandera où elle se trouve. Si le facteur n’est pas là elle mentira en insistant sur le fait qu’il n’y avait eu que deux lettres en son absence. Si le facteur ne lui parlait pas de la lettre recommandée, elle n’en ferait rien elle aussi. La vie continuerait sans embûches, sans ombre pour menacer son bonheur. Pour la première fois depuis leur mariage, elle sentait son bonheur très fragile. Elle avait eu un soupçon lorsqu’il avait refusé d’avoir un enfant mais maintenant qu’elle a eu connaissance de cette femme, elle se rendait compte d’un vide immense dans sa vie de couple. Djamel ne lui avait jamais parlé des cinq années vécues en France. Elle savait qu’il avait beaucoup souffert la première année, qu’il avait fait toutes sortes de boulots pour pouvoir s’en sortir. Parti terminer ses études par ses propres moyens, il avait dû vite abandonner et se consacrer à autre chose. Après avoir fait son expérience en travaillant au noir, il avait pu être embauché comme magasinier dans un centre commercial, en plus d’être videur dans le bar d’un ami tunisien, quand il était revenu au pays voir sa famille, il travaillait encore à ces deux endroits. En se découvrant marié, il avait hésité à l’emmener avec lui, à Lyon malgré l’insistance de ses parents. Victime du coup de foudre, il était parti quelques mois, le temps juste de se mettre dans les affaires en achetant et en revendant des voitures. Djamel était parti de rien. C’est ainsi qu’il a fait fortune. Une fortune capable d’offrir à lui et à sa famille la belle vie. Après avoir acheté une carcasse de maison, il avait embauché un architecte à qui il confia les finitions après lui avoir expliqué ce qu’il voulait, comment et à quoi devrait ressembler sa maison une fois finie. Il avait tout dessiné avec son avis.
Le résultat fut comme il le voulait après avoir maintes fois chargé l’équipe de tout refaire. Un des maçons avait abandonné, ne supportant pas les coups de gueule de Djamel. Quand ce dernier n’était pas satisfait, il était préférable de se mettre à l’abri de ses colères. Mais quand il était satisfait, on pouvait tout lui demander.
L’équipe composée de maçons et de manœuvres avait été recomposée, tous avaient droit à une prime. Kenza a le cœur qui se réchauffe en se rappelant leur joie.
Mais qui n’aurait pas été heureux de travailler pour lui ? Djamel savait être bon, généreux. Surtout quand il voulait se faire pardonner.
Aujourd’hui encore, elle en avait la preuve. À défaut de lui faire un enfant, il venait de lui trouver du travail.
- Ça te dit d’être l’assistante d’un avocat ?
- Qu’est-ce qu’il faudra faire ? s’inquiète Kenza.
- L’aider dans ses recherches, rédiger à sa place… enfin, tu devras le seconder !
- Ça ne me plaira pas, dit-elle. Je ne veux pas rester enfermée dans un bureau, à consoler les autres, d’une querelle de famille, d’un divorce, dans une atmosphère glaciale !
- Et travailler dans un centre culturel, ça te tente ? Ils ont besoin d’une programmatrice. Un truc de ce genre. Tu devras t’occuper des expositions et des contacts avec les centres culturels des autres wilayas !
- Dans un centre culturel, j’accepte ! tant que je ne m’ennuie pas !
Qu’elle pourra donner un autre sens à sa vie. Elle sait aussi d’avance que, quel que soit le métier qu’elle fera dans ce centre, elle le fera avec amour.
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8 mai 2012 à 23:35
6eme partie
Kenza est toute transformée. Le travail fait d’elle une nouvelle femme. Sa belle-famille le remarque. Son mari aussi.
- Si j’avais su, il y aurait longtemps que je t’aurais trouvé du travail, lui dit-il un soir. J’ai été bête de te refuser de travailler au début de notre mariage.
- Moi, ce qui me fait plaisir, c’est que tu reconnais tes erreurs, soupire-t-elle. Djamel, je t’aime !
- Moi aussi. À chaque fois que je pars, je laisse mon cœur près de toi. Tu ne peux t’imaginer combien tu me manques quand tu n’es pas près de moi.
- Je t’avoue qu’il y avait des nuits très longues et froides, murmure Kenza, je t’en voulais de ne pas m’emmener avec toi. Je m’ennuyais de toi, plus rien n’avait de sens. Mais, maintenant, que je travaille, je peux me consacrer à autre chose qu’à penser à toi et à compter les heures durant ton absence !
- Qu’est-ce que tu fais précisément ? demande son mari.
- Je remplace le directeur. Je vais préparer une exposition de peinture sur soie. Il y a aussi des soirées artistiques à programmer pour le mois de Ramadhan. Je vais contacter des chanteurs. Avec un peu de chance, il y aura une troupe de théâtre de passage dans la région !
- Tu dois être présente le soir ? s’inquiète Djamel.
- Non, je dois seulement organiser, mais si tu veux qu’on y assiste, ce sera avec joie !
- À Alger ou ailleurs, je n’y verrais aucun inconvénient, mais, ici, je suis désolé, ce serait très mal vu ! Personne n’aura de respect pour toi ! Tu connais notre milieu, il est fait uniquement pour les hommes !
- Inutile de me rabattre les oreilles avec ce sujet ! je le connais par cœur, l’interrompt Kenza. Je te donne raison sur un point, si je me familiarise avec eux, ils n’auront plus aucun respect pour moi. Dis, je pourrais t’accompagner à Alger ou à Annaba ?
- Hélas, pas cette fois. Tu me rappelles que je dois préparer mes papiers !
Djamel va dans leur chambre et sort son cartable en cuir de la garde-robe. Il prend la paperasse se trouvant dans les tiroirs de son bureau et commence à les trier. Il abandonne le tri des papiers pour les lire. Deux de ses amis avaient tenu à le rappeler à leurs bons souvenirs.
- Kenza, tu ne m’as rien dit sur ces courriers ? pourquoi les avoir mis dans la commode ?
- J’ai dû oublier. C’était sûrement pour ne pas les égarer que je les ai mis là, répond-elle depuis la cuisine.
- Mais tu aurais pu me le dire ! Et si cela avait été urgent ? crie-t-il, de la colère dans la voix. Et si j’avais raté un rendez-vous ?
- Pour les rendez-vous, ils se seraient servis du téléphone, répond Kenza. Tu les as lues ?
- Oui.
- C’était urgent ? demande-t-elle.
- Non.
- Pourquoi te mettre en colère, alors ? dit-elle, en le rejoignant dans la chambre. Parce que j’ai oublié de te les remettre ?
- Parce que cela aurait pu être urgent et puis, ce n’est pas la première fois, remarque Djamel. Depuis que tu travailles, tu oublie tout !
- Non, je n’ai pas oublié. Une surprise t’attend au salon, si tu veux bien y aller ?
Djamel ne la croit pas. Il pense qu’elle veut seulement se rattraper. Il prend tout son temps pour ranger ses papiers avant de se rendre au salon. Une vraie surprise l’attend. Il la découvre en ouvrant la porte !
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8 mai 2012 à 23:36
7eme partie
-Merci Kenza.
Djamel est tout ému de découvrir que sa famille est là pour assister à son anniversaire. Elle a préparé une petite fête. Il ne les avait pas entendus entrer. Kenza a su être discrète pour créer la surprise.
Tous étaient là pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Djamel profite de leur présence pour prendre de leurs nouvelles. Kenza sert du jus pendant que sa mère fait passer les gâteaux. Une fois tous servis, Kenza va s’asseoir près de son mari. Sa belle-mère et lui parlaient à voix basse. Kenza doit tendre l’oreille pour les entendre.
- Tu ne trouves pas qu’on commence à vieillir, lui disait-elle. Moi, je me sens parfois à bout. Tu sais, mon vœu le plus cher, c’est de quitter ce bas monde après avoir vu tes enfants, d’avoir pu les bercer contre mon cœur !
- Mes sœurs en ont eu suffisamment pour te fatiguer, répond Djamel. Regarde autour de toi, ils sont si nombreux que je ne peux même pas les compter ! Allah ibarek !
- Mais ce ne sont pas tes enfants !
- Il y en a pour tous les goûts, plaisante Djamel. Tu devrais te contenter d’eux, je n’aurais jamais d’enfant ! On en a assez pour ouvrir notre propre école !
- Mais ce ne sont pas tes enfants, insiste sa mère.
- C’est pareil. S’il te plaît, ne m’en parle plus ! Kenza s’est faite à mon refus, pourquoi pas toi aussi ?
- Tu me peines !
Kenza sourit aux autres invités et se lève pour resservir. Elle en profite pour se rendre à la cuisine. Elle a besoin d’être seule un petit moment. Tout comme sa belle-mère, elle a beaucoup de peine. Elle espérait qu’avec le temps, il changerait. Cela faisait des mois depuis qu’il avait expliqué ses raisons. Il était toujours aussi ferme sur le sujet au point de clouer le bec à sa mère.
- Kenza ! ils s’apprêtent à partir. Il commence à se faire tard, lui dit son mari quand elle les retrouve un moment après.
- Pas avant que je leur remette quelque chose !
Kenza a préparé un cadeau pour sa belle-mère et des boîtes de gâteaux aux autres. Une fois qu’elle les a distribuées, tous partent.
Ils se retrouvent seuls. Comme elle a encore beaucoup de peine, elle va au salon et entreprend de ramasser les verres et les assiettes de gâteaux. Elle est en train de tout mettre dans des plateaux quand Djamel la rejoint. Il veut l’aider mais elle refuse.
- Laisse ! J’y arriverai toute seule, dit-elle, redoutant d’avoir à parler avec lui du sujet qu’avait abordé sa belle mère.
- J’ai envie de t’aider ! Il est près de onze heures. Toi aussi, tu as besoin de repos !
- Oui, mais je dois terminer tout ça avant de me mettre au lit ! Et ça ne me gêne pas de le faire seule, lui assure-t-elle. Tu peux te mettre au lit et m’y attendre !
- Puisque tu insistes.
Kenza prend tout son temps pour ramasser la vaisselle, la rincer et ranger le salon. Avant de se mettre au lit, elle prend un bain chaud, sentant que c’était l’unique moyen de se détendre un peu. La discussion que son mari avait eu avec elle lui était revenu à l’esprit. La peine était loin de s’être dissipée. Elle lui en voulait. Il ne devait pas les priver d’une telle joie.
- Pourquoi ? se demande-t-elle pour la énième fois de la nuit. Pourquoi il refuse ?
Quand elle va enfin se coucher, Kenza prie pour qu’un jour, elle puisse connaître les vrais raisons qui le poussent à les priver d’un tel bonheur !
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8 mai 2012 à 23:38
8eme partie
Kenza se donne à fond à son travail pour oublier sa peine et le fait que son mari ne l’aime pas au point de vouloir un enfant avec elle.
Elle se demande les raisons qui l’ont poussé à avoir une aussi grande maison qui ne servira à rien. Puisque aucun enfant ne pourra en profiter. Pas le leur, en tout cas.
Kenza, malgré son envie de tout oublier, n’y parvenait jamais. Il suffit qu’elle ait une minute d’inactivité pour que les questions reviennent gâcher le peu de paix qu’elle avait au fond du cœur. Elle avait des difficultés à pardonner à son mari son égoïsme. Temps qu’elle ne saura pas pourquoi, elle ne sera jamais tranquille.
- Tu ne veux pas qu’on en parle ?
La question de son mari la surprend. C’est quelques semaines après la petite fête. Depuis ce soir-là, Kenza ne se confiait presque plus à son mari. Et puis, elle avait maigri. C’était visible !
- Tu as un problème à ton travail ? demande-t-il.
- Non, pourquoi es-tu ouvert à tout sauf pour avoir un enfant ? répond-elle. Et c’est le plus important, non ?
- Tu as discuté avec ma mère ? lui demande Djamel.
- Non, j’ai tout entendu, répond-elle. Je ne voulais pas qu’on se dispute.
- Tu en souffres ?
- Très.
- Qu’est-ce je dois faire pour être pardonné ? demande-t-il en la prenant dans ses bras.
- M’accorder ce que tu me refuses depuis longtemps, répond-elle en levant la tête vers lui.
En le regardant dans les yeux, elle se rendait compte qu’elle avait beau lui en vouloir, elle l’aimait toujours aussi profondément. Au fond de son cœur, elle était prête à accepter mais elle voulait seulement connaître les raisons de son mari. Rien que ça.
- D’accord, mais je veux une fille !
- Et moi, un garçon, dit- elle, avant de s’apercevoir qu’il venait d’accepter. C’est vrai ? J’ai bien entendu ? Djamel, tu veux vraiment avoir un enfant ? Je t’en prie, dis-moi ! Tu ne plaisantes pas ?
- Je veux une fille. Tu pourras en avoir une ?
- Même deux. Pourquoi tu acceptes maintenant ?
- Je veux ton bonheur !
Kenza se presse d’aller appeler sa belle-mère pour la mettre au courant.
- Profite-en pour en faire deux ! plaisante sa belle- mère, tout aussi heureuse qu’elle. Mon vœu sera enfin exaucé ma fille ! Tu as ma bénédiction.
Après avoir raccroché, elle se demande si elle n’est pas en train de rêver.
- Ce serait le pire cauchemar de ma vie, dit-elle en regardant vers le ciel. Ce serait affreux !
- Si cela peut te rassurer, tu n’es pas en train de rêver. Si c’est un rêve, je peux te jurer qu’il finira comme tu le veux ! On tentera notre première expérience dès mon retour de Paris !
- Tu vas tarder ? lui demande-t-elle.
- Je l’ignore . Dès que j’aurais terminé, je prendrai le premier vol du matin . Il se peut que je sois absent deux semaines ou trois !
Si cela avait été possible, Kenza aurait retenu son mari. Maintenant qu’il était d’accord, elle aurait voulu ne pas perdre de temps.
En le regardant partir le lendemain, elle a conscience d’une seule chose, plus que jamais, il allait lui manquer. Si elle espère et attend son retour dans deux semaines, elle sera très déçue de le voir reporter à plus tard. Pour des raisons qu’il ne lui dit pas et cela l’inquiète.
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8 mai 2012 à 23:39
9eme partie
Djamel avait cru que c’était une grippe qui allait vite passer. Il se fit soigner au début, restant chez son ami Tarek quand il se sentait incapable de faire plus de trois pas sans avoir de vertiges. Son état s’était empiré au point où il ne pouvait plus se lever. Son ami fit appeler un médecin à son chevet un soir où il avait des difficultés à respirer.
- Son état est très inquiétant, dit le médecin. Il doit être hospitalisé tout de suite.
Tarek ne perd pas une minute pour appeler les urgences et une ambulance est vite envoyée chez lui. Djamel semble dormir. Il n’ouvre même pas les yeux quand il est transporté sur une civière. Tarek, qui est avec lui dans l’ambulance, s’inquiète en voyant les infirmiers s’affairer autour de lui.
- Depuis quand est-il ainsi ? lui demande le médecin des urgences.
- Ce matin… J’attendais, répond l’ami. J’espérais qu’il irait mieux.
Tarek doit attendre dans le couloir de la salle d’attente. Pendant plus d’une heure, il fait les cent pas. Lorsque le médecin sort de la salle de radio, il se dirige vers lui.
- Comment va-t-il ?
- Son état est stationnaire, le rassure-t-il. Son cœur est très faible.
- La grippe n’y est pour rien ?
- En effet… J’attends les résultats d’autres examens avant de pouvoir me prononcer.
Je pense qu’il est en train de couver une autre maladie.
Mais les autres examens ne révèlent rien. Tarek a dû rentrer chez lui. Le médecin pensait en savoir un peu plus sur son état. Dans le bilan sanguin qu’ils ont fait à Djamel, ils ne découvrent rien de particulier.
Djamel est resté deux jours faible au point de ne pas pouvoir garder les yeux ouverts.
S’il n’avait pas reçu les meilleurs soins, il serait peut-être mort. Tarek en était persuadé. Il était très inquiet pour son ami. Il ne comprenait pas comment et pourquoi le bilan sanguin n’avait rien d’anormal alors que Djamel était dans un état presque comateux. Et si les médecins n’avaient rien voulu lui dire ?
Tarek ne peut s’empêcher de penser au pire. Il se sent mieux lorsque Djamel revient à lui.
- Tu as fait de bons rêves j’espère ?
- Rêve ou cauchemar, je ne me rappelle de rien, murmure Djamel, regardant autour de lui de ses yeux clignés. Mais où suis-je ?
- À l’hôpital.
- Pour une simple grippe. Tu n’aurais pas dû !
- Je n’avais pas d’autre solution pour te sauver.
- Je faisais semblant de dormir, uniquement pour te faire peur, plaisante Djamel. ça a marché alors ?
- Semblant ou pas, tu as réussi, soupire Tarek. Le médecin t’a dit quelque chose sur ton état ?
- Je ne l’ai pas encore vu. Et toi, tu ne sais rien ?
- Non.
- C’est bizarre, lâche Djamel.
- C’est ce que je pensais aussi. Maintenant que tu es bien entouré, tu devrais vite te remettre.
- Je l’espère. Kenza doit m’en vouloir. Elle voulait qu’on fasse un bébé, lui confie Djamel. Pour cette fois, c’est raté.
- Tu veux que je l’appelle pour lui apprendre ce qui t’est arrivé ? propose son ami.
- Non, elle s’angoissera. En revanche, tu pourrais reprendre mes affaires là où je les ai laissés. Je pourrais rentrer plus vite au bled et retrouver ma belle Kenza !
Tarek lui promet de s’occuper de tout. Leur conversation est interrompue par l’arrivée du médecin. Ce dernier venait d’apprendre son réveil.
- Bon retour parmi nous ! lui dit-il.
- Merci !
- Si cela ne vous…
Tarek fait un signe de la main, interrompant le médecin, voulant lui signifier qu’il avait compris. Il prend sa veste et sort. Le médecin voulait discuter avec Djamel. Tarek reste dans le couloir, refusant de partir. Le cœur serré, il s’attendait au pire. Il tenait à savoir de quelle maladie est atteint son ami !
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8 mai 2012 à 23:39
10eme partie
-Qu’est-ce que j’ai, docteur ? Pourquoi êtes-vous si grave ?
Le docteur se tient au pied du lit et le regarde dans les yeux pendant un moment, il ne parle pas. Djamel ne comprend pas pourquoi.
- C’est si grave que ça ?
- Qu’est-ce qui vous le fait penser ?
- Votre silence, répond Djamel. Sinon vous ne seriez pas en train de chercher les mots !
- Le mot est très simple et il est connu de tous : sida !
- Non !
Pas lui. Djamel a l’impression que les murs tournent autour de lui. Un long cri sort de sa poitrine.
- Ce n’est pas possible !
Le médecin pose sur le lit les résultats. Il n’y a pas d’erreur possible.
- Si vous y tenez, on vous fait un autre test de dépistage du sida, si vous croyez vraiment qu’il y a eu erreur, propose le médecin.
- Il n’y a pas de doute possible, s’écrie Djamel. Je n’ai pas cette maladie !
- Un autre test ? insiste le médecin.
- Oui.
- Je vous envoie une infirmière !
Tarek est là quand celle-ci vient faire un prélèvement de sang. En sa présence, il n’ose pas l’interroger. La mine de Djamel ne lui dit rien qui vaille. Il sent que ses craintes sont fondées. Djamel a une maladie grave.
- Tu as un cancer ?
- Non.
- La tuberculose ?
- Non.
- Alors, pourquoi fais-tu cette tête ? insiste Tarek.
- Ce sont les seules maladies graves que tu connais ?
- Les plus graves, répond son ami. J’en aurais oublié une ?
- Oui.
- Tu hésites à me dire ta maladie, remarque Tarek. Pourquoi ?
Djamel soupire en fermant les yeux, comme pour cacher le nom de la terrible maladie. Tarek aurait pu le lire dans son regard.
- Je suis fatigué. Je voudrais dormir.
- Je comprends, murmure son ami, qui aurait voulu lui dire qu’à son réveil, les choses n’auront pas changé mais il sera toujours là pour lui. Je reviendrais plus tard. J’aurais certainement fait avancer tes affaires. Est-ce que je peux conclure à ta place ?
- Oui, répond Djamel, avant de revenir sur la réponse. Non, arrange-toi pour avoir les papiers et tout. Dès que j’aurais tout vérifié, on conclura !
- Comme tu voudras !
Malgré le calmant qu’on lui donne le soir, Djamel ne dormira pas une seule minute. La peur d’avoir contracté la maladie l’en empêchait. Le cœur serré, il se rappelle les aventures qu’il avait eu durant les premiers années de son arrivée en France. Il avait connu une dizaine de femmes. Comme un papillon, il était allé de l’une à l’autre. Au début des années 1980 les médias commençaient à parler du sida. Il se rappelle avoir vu des reportages tournés en Angleterre et en Allemagne. Il les avait regardés par curiosité mais jamais il ne s’était senti concerné par la maladie. Il n’avait jamais pris de précaution et aucune de ses partenaires d’alors ne lui avait proposé de le faire.
Le résultat était là maintenant, dix ans après. Il avait le sida, il ne se faisait plus d’illusion quant au résultat du dernier test. Djamel a l’impression d’étouffer en pensant à sa femme. Et si par malheur il l’avait contaminée ?
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8 mai 2012 à 23:41
11eme partie
Le résultat est le même. Quand Djamel le lit, il a l’impression de ne plus sentir ses jambes. Quand il se lève pour prendre un verre d’eau, il manque de tomber. Le verre s’écrase par terre et attire l’attention du médecin. Il passait près de la chambre, et il était venu voir ce qui se passait. Le visage pâle de Djamel l’inquiète.
- Vous avez eu un vertige ?
- Oui, mais je me sens mieux, répond Djamel, en retournant à son lit.
- Tant mieux, je voudrais vous poser quelques questions.
Le médecin l’aide à s’installer avant de commencer. Sur le formulaire, il n’y avait aucun renseignement personnel. Et il devait tout savoir sur lui.
- Vous êtes marié ?
- Oui.
- Depuis quand ? veut savoir le médecin. Avez-vous des enfants ?
- Non, répond Djamel, les larmes aux yeux. Je lui avais promis qu’à mon retour, on en ferait un !
- Vous comprenez que maintenant, vous ne pourrez pas tenir cette promesse, dit le médecin. Tout rapport pourra mettre la vie de votre femme en danger. Vous n’avez eu aucun rapport extra-conjugal ?
- Depuis que je suis marié, je ne me suis jamais permis de la tromper. Kenza est une femme formidable !
- Vous ne résidez plus ici ?
- J’étais venu pour affaires. Ma femme doit s’inquiéter !
- Vous allez la mettre au courant ? demande le médecin.
- Elle doit savoir !
- Il faudra qu’elle fasse un test de dépistage du sida, ajoute le médecin, vous saurez ainsi si elle a contracté la maladie ou pas !
- J’ai très peur, docteur ! lui confie Djamel. Pas pour moi, mais pour elle ! Elle est si jeune, si belle. J’ai peur que ces années de mariage lui coûtent la vie ! Elle ne le mérite pas !
- Est-ce que vous vous souvenez de toutes vos amies ? demande le médecin.
- Oui, pourquoi ?
- L’une d’elle vous a sûrement refilé le virus, vous devez les contacter pour les mettre au courant et savoir pour elles. Vous allez peut être découvrir qui vous l’a transmis !
- Je n’ai pas envie de savoir qui.
- Vous devez les contacter, c’est urgent ! C’est une question de vie… Si vous voulez, je vous fais amener un téléphone, propose le médecin. Vous n’aurez pas à aller à la cabine.
Djamel ne peut refuser. Le médecin lui apporte le téléphone et le laisse seul. Djamel prend tout l’après-midi pour contacter ses ex-petites amies. Ce ne devait pas être un hasard si Tarek en lui apportant ses affaires avait joint son agenda. Les noms des personnes et leurs numéros de téléphone y étaient écrits par ordre alphabétique. En se mettant dans les affaires, Djamel en avait réservé un, uniquement pour les amis, ceux avec qui il traitait. Pour ne pas encombrer l’agenda, pour séparer celui des amis du cœur et ceux des affaires.
- Malgré le bon souvenir qu’il garde de ses ex, il est tout troublé en les appellent. Il a des difficultés à s’exprimer. Il ne sait pas comment aborder le sujet. Il y a si longtemps qu’ils ne se sont pas parlés au téléphone ni même vus. Mais Djamel est contraint. Un peu maladroitement, il explique pourquoi il appelle, pour les prévenir et leur demander de faire le test.
- Enfin…
Djamel pensait en avoir terminé puis il se rappelle une amie avec qui il était sorti pendant plus de six mois. Elle l’avait quitté pour un autre. D’après ses souvenirs, elle était mariée et installée en Suisse.
Pour avoir de ses nouvelles, il est contraint à appeler chez ses parents, ce n’est qu’à travers eux qu’il pourrait savoir ce qu’elle est devenue depuis.
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8 mai 2012 à 23:53
12eme partie
-Mon garçon, ce sujet m’est encore très pénible, dit la mère de Samantha. Gislaine pourra répondre à toutes tes questions !
- Je peux avoir son numéro ?
La vieille dame le lui dicte. Djamel ne peut rien savoir de plus auprès d’elle. Il l’avait sentie très troublée et même bouleversée dès qu’il avait demandé des nouvelles de sa fille Samantha. Il ne comprenait pas pourquoi.
Le coup de fil qu’il donne à Gislaine lui révèle la terrible nouvelle.
Djamel est bouleversé. Il en tremble.
- Elle est morte… de quoi ?
- Elle avait le sida. Djamel, je t’ai envoyé une lettre il y a quelques mois. Je savais que vous aviez été très proches. Je t’avais informé de sa mort brutale en te demandant de vite me contacter. Djamel, as-tu fait un test de dépistage ?
- Oui, lâche ce dernier avant de soupirer. Il est positif !
- Ta femme est là ?
- Non, mais j’ai hâte de la retrouver. Elle me manque. J’ai peur pour elle. On est mariés depuis presque trois ans. J’ai peur de le lui avoir refilé !
- Je ne sais pas quoi dire Djamel ! Je sais que c’est très difficile à vivre ! Il faut être courageux ! Il y a des précautions à prendre ! Le médecin qui te suit, te conseillera mieux que moi. Bonne chance Djamel !
Celui-ci, en raccrochant, pensait que sa chance était loin derrière lui. Lui, qui s’était cru à l’abri de tout, avait dû mal à accepter que la maladie allait gâcher tous ses projets d’avenir. Il regrette de ne pas avoir eu d’enfants. Si avant, il n’en avait pas voulu, maintenant il craignait d’en avoir et de leur transmettre la maladie. Si Kenza n’a rien, il pourra mourir tranquille.
Djamel pleure en songeant aux projets qu’il avait l’intention faire avec sa femme. Elle l’avait rendu si heureux. Il ne se pardonnerait pas d’être la cause de son malheur. Kenza ne méritait pas d’avoir une fin aussi tragique.
Lui seul méritait ce qu’il lui arrive. Il aurait dû prendre ses précautions. Il savait pour cette maladie mais jamais il n’avait été inquiété. Il croyait que cela n’arrivait qu’aux autres. Et voilà, lui aussi…
- Salam alikoum ! Le médecin m’a dit que tu pourrais sortir demain ! J’ai arrangé quelques affaires, il ne manque que ta signature !
Tarek a deviné pour son ami mais il ne dit rien. Il préfère attendre que ce dernier en parle lui-même. Il peut comprendre qu’il tarde à pouvoir en parler. Au fond, malgré son léger sourire rassurant, il était bouleversé. Même s’il n’en disait rien.
- Passe-moi un stylo ! le prie-t-il.
Sans même prendre connaissance des arrangements faits par son ami, il signe tous les papiers qu’il vient de lui remettre.
- Peux-tu me réserver dans le vol de l’après-midi ?
- Bien sûr, tu es vraiment pressé de rentrer ? demande Tarek en rangeant les papiers dans la serviette de Djamel.
- Oui.
Djamel est heureux en quittant l’hôpital. Il n’a plus de vertiges et il a toute une trousse médicale à portée de main. En plus des conseils médicaux.
La bouffée d’air frais qu’il respire dans la rue l’enivre un peu. Il est heureux malgré tout. Plus que jamais il saura apprécier la chance qu’il a d’être encore de ce monde et de pouvoir terminer sa vie près de celle qu’il aime.
En pensant que c’est peut-être bientôt la fin et qu’il n’aura pas beaucoup de temps à partager avec elle, des larmes mouillent ses yeux. Pourquoi ça lui arrive à lui ? Et maintenant ? Djamel se demandait comment il allait l’apprendre à Kenza, comment elle allait réagir !
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8 mai 2012 à 23:53
13eme partie
-Oh Djamel ! je suis si heureuse ! Si soulagée. Je ne savais plus quoi penser, dit la jeune femme. Je n’osais pas contacter tes amis. Je peux savoir ce qui t’a retenu pendant tout ce mois ?
Djamel profite du moment où il la serre dans ses bras pour ne pas répondre. Il hésite à lui dire la vérité tout de suite. Il ne s’en sent pas la force. Pas aujourd’hui, une autre fois.
- Les affaires, répond-il. C’est tout ce qui m’a retenu là-bas ! Je te demande pardon. Je te promets que plus jamais je ne me séparerais de toi ! Je ne vis plus en étant loin de toi.
- Moi aussi, confie Kenza. Heureusement que je travaille et puis, ta famille venait souvent me rendre visite. Je ne m’ennuyais pas, mais tu me manquais terriblement !
- Je vais appeler ma famille et leur demander de venir passer la nuit avec nous, dit-il en joignant la parole au geste. Tu ne peux pas savoir comme ils m’ont manqué !
Il est en train de composer le numéro quand Kenza vient lui prendre le combiné et le pose à sa place.
- Qu’est-ce qui te prend ? lui demande-t-il. Pourquoi ?
- Leur visite peut attendre demain ! Ce soir, je te veux rien qu’à moi !
- Toi aussi, tu peux attendre demain, répond Djamel en se détournant d’elle alors qu’elle voulait l’enlacer. Je suis mort de fatigue. Tu seras encore plus déçue !
- J’aurais dû m’en douter, réplique-t-elle, se mettant en colère. Tu t’es dépensé là-bas… avec une amie ?
- Avec une amie, ment Djamel.
- Tu as au moins pris des précautions ? Et si elle a le sida, tu n’y as pas pensé ?
- C’est bien que tu penses au sida. Si tu veux, je ferais un test dans quelques jour, comme ça tu seras fixée, dit Djamel en espérant qu’elle le prendrait au sérieux. Et même toi, tu devrais le faire, on ne sait jamais ? Je t’ai peut-être refilé la maladie ?
- Tu plaisantes, j’espère ?
- Prends-le comme tu veux.
- Et pour ce soir ? demande-t-elle.
- N’attends rien de moi et même si l’idée te déplaît, je vais inviter ma famille à venir passer la nuit avec nous, dit-il en reprenant le téléphone pour les appeler.
- Avec toi, rectifie-t-elle. Moi aussi, je suis fatiguée ! Demande à ta mère d’apporter le dîner ou à ton frère de passer au restaurant !
- Kenza ! Reviens !
La jeune femme ne se retourne même. Djamel soupire de soulagement. Si elle s’était retournée, il aurait été contraint à faire une geste vers elle pour calmer les choses et qu’elle lui pardonne.
Depuis le salon, il l’entend claquer la porte de leur chambre. Si ce n’était pas la crainte de se retrouver seul avec elle, il n’inviterait pas sa famille. Mais ce soir, il avait besoin d’être entouré afin de repousser leur tête-à-tête. Kenza ne lui pardonnera jamais de refuser de partager des moments forts avec elle.
Elle devait encore penser à sa promesse. Alors que jamais il ne pourra la tenir.
- Djamel ! Sois le bienvenue à la maison !
Sa famille est toute aussi heureuse de le revoir que lui. Elle lui avait manqué. Sa mère remarque tout de suite l’absence de sa belle-fille et prend Djamel à part.
- Kenza n’est pas bien ? Ce n’est pas dans ses habitudes de ne pas nous accueillir. Te serais-tu fâché avec elle ?
- Oui, répond Djamel, tout penaud. Elle ne voulait pas de ce dîner !
- Je suis sûre qu’elle avait ses raisons, dit sa mère. Je ne peux que la comprendre ! Tu lui as terriblement manqué. À sa place, j’aurais coupé le téléphone. Mon fils, elle t’aime ! lui rappelle la vieille femme. Tu devrais monter la voir !
- Plus tard ! répond Djamel, en retournant au salon pour échapper à sa mère.
Celle-ci est surprise. Elle décide d’aller voir sa belle-fille. Auprès d’elle, elle connaîtra toute la vérité.
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8 mai 2012 à 23:53
14eme partie
-Va rejoindre ton fils ! crie Kenza quand sa belle-mère vient frapper à sa porte. Vous lui avez terriblement manqué !
- Je t’en prie, ouvre-moi ! Sache que je te comprends ! Djamel mérite d’être corrigé, répond la vieille. Je te comprends ma fille ! Mais pourquoi tenait-il tant à ce qu’on vienne ? Pourquoi vous êtes fâchés ?
Kenza ouvre enfin à sa belle-mère. Celle-ci remarque ses yeux rouges et lui prend le bras pour aller s’asseoir sur le bord du lit.
- Pourquoi ? Je suis si peinée. Au lieu de fêter vos retrouvailles, vous êtes fâchés. Kenza, pourquoi ?
- Je l’ignore, il m’a dit de ne rien attendre de lui. Je crois qu’il ne veut pas avoir d’enfant, conclut la jeune femme. Il ne me l’a pas dit ouvertement ! Mais mon cœur ne peut pas me tromper. Djamel ne tiendra pas sa promesse. J’étais si heureuse de le retrouver. Il a réussi à gâcher ce moment de joie intense. Dommage !
- Je suis fatiguée et je n’ai pas le cœur à le voir de si tôt, répond Kenza. Aux autres, dis-leur que je suis couchée, que j’ai une migraine !
- Si tu ne descends pas avec moi les rejoindre, je vais repartir chez moi ! menace sa belle-mère. Je jure de le faire !
Kenza ne se laisse pas impressionner. Si sa belle-mère veut rentrer chez elle, elle ne la retiendra pas. Elle n’était pas près de céder. Elle avait encore trop de peine pour supporter la présence de son mari. En y pesant bien, elle aimerait bien que sa belle-famille reparte. Djamel se retrouve seul.
De sa chambre, Kenza guette le moindre bruit venant du rez-de-chaussée, tenant à voir si elle tiendra parole. Mais Kenza pouvait la comprendre. Sa belle-mère n’aura pas le cœur à peiner Djamel. Elle l’avait toujours adoré.
- Alors comme ça, on te préfère à moi ! crie Djamel au moment même où Kenza pouvait voir partir le fourgon. Toute la famille était partie. Qu’est-ce que tu as bien pu dire à ma mère pour la monter contre moi ?
Kenza ouvre la porte et regarde son mari dans les yeux.
- Elle trouvait que cette nuit était à nous, répond-elle. Elle ne comprenait pas pourquoi tu étais pressé de les voir, de les avoir près de toi !
- Parce que…. Je n’ai pas de raison à te donner et encore moins des excuses ! Bonne nuit !
- Je dors ici !
- C’est ta chambre, dit Kenza en allant prendre sa robe de chambre et les habits qu’elle porterait le lendemain à son travail.
- Où vas-tu ? demande Djamel.
- Je dormirais dans la chambre d’amis, répond-elle. Je ne veux surtout pas m’imposer !
- Kenza ! Kenza !
Mais elle-ci s’était déjà enfermée dans la chambre en face. Djamel ne peut pas la prier de revenir. Elle croirait qu’il avait changé d’avis. Mais il ne pourra jamais le faire avant longtemps. Plus tard, quand il saura si elle a été contaminée ou pas. Pour l’instant, malgré son envie d’elle et son amour, la peur le paralysait.
Durant toute la nuit, il se demande quand et comment il va lui apprendre la terrible nouvelle. Saura-t-elle le comprendre ? Djamel redoutait cet instant. Il ne voulait plus parler d’amour. Elle lui en voulait tellement qu’en apprenant la réalité des choses, cela risquait d’empirer entre eux.
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9 mai 2012 à 0:00
15eme partie
Djamel se redresse en sursaut dans son lit. Il lui a semblé avoir entendu du bruit. Un coup d’œil au réveil lui révèle qu’il est huit heures et demie.
- J’ai fini par m’endormir, se dit-il en se levant. À sept heures, j’étais encore éveillé !
En sortant de la chambre, il regarde vers la chambre d’amis mais il n’ose pas s’en approcher. Kenza prendrait très mal sa curiosité. Si elle le découvrait sur le seuil de la porte, elle n’hésitera pas à lui crier après. Elle lui en veut tellement. Il ne peut que la comprendre.
- Kenza ! Tu es réveillée ?
Djamel pose la question tout en frappant à la porte. Seul le silence lui répond. Il hésite à entrer et se détourne pour ne pas être tenté. Actuellement, il a besoin de tout sauf d’être en froid avec elle. Elle est tout pour lui. Il sait qu’elle hésiterait à le croire mais c’était la vérité. Toutes ses pensées étaient pour elle. Durant toute la nuit, il n’a pu fermer l’œil tant la paix n’était pas revenue en lui. La fatigue avait eu raison de lui au matin, au moment où d’autres se lèvent pour aller travailler.
Quand il découvre dans la cuisine, les restes d’un petit-déjeuner, Djamel ne peut se retenir de crier. Kenza s’était levée sans lui et était déjà partie, sans même lui avoir laissé un mot sur la table.
La maladie venait de gagner un pas. En plus de ne plus avoir d’avenir, elle lui prenait ce qu’il avait de plus cher ; l’amour de sa femme. Kenza était en train de se détacher de lui. Il le voyait et cela était pareil à une torture. La douleur ne le quittait plus.
S’il perdait Kenza, il mettra fin à ses souffrances. Il ne pourra jamais les supporter sans aide. Djamel est décidé à la prier pour qu’elle lui pardonne, pour que tout redevienne comme avant.
Aussi, comme il se sent très seul, il va s’habiller pour sortir. Il va au café, heureux de retrouver les gens qu’il connaît. Il aurait voulu aller voir ses parents mais il craignait que ces derniers ne le harcèlent de questions. Surtout sa mère…
Sachant qu’elle avait déjà pris parti, il aurait eu du mal à expliquer son comportement. Pour se défendre, il devra leur dire la vérité mais il ne s’en sentait pas la force. Plus tard, quand Kenza saura tout. C’est elle qu’il chargera de leur dire ce qu’il en est.
Djamel ne s’en rend pas compte, tout de suite mais en prenant le volant, son cœur l’a guidé jusqu’au centre culturel où Kenza travaille. Il hésite à aller la voir. Comme il est presque midi, il a une idée. Pourquoi ne pas déjeuner ensemble ? Ils pourraient discuter de tant de choses.
_ Djamel ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je passais, répond ce dernier. Je m’étais dis que tu aurais peut-être envie de déjeuner avec moi !
- Et si je n’en ai pas envie ? émet Kenza, heureuse au fond de son cœur qu’il soit venu jusqu’à son travail pour la voir.
- Je t’invite !
- Je t’ai manqué au réveil ? demande-t-elle en montant dans la voiture.
- Même la nuit, avoue Djamel qui refusait de mentir par orgueil, je n’ai pas dormi… C’est ce que tu voulais ? Que je souffre de ton absence ?
- En effet, c’était pour que tu souffres autant que moi, dit Kenza. Puisque les souffrances ont été partagées, tu es pardonné !
- Pour tout ?
- Oui, surtout si tu m’emmènes manger du poisson, ajoute-t-elle.
- C’est comme si c’était fait, répond Djamel en prenant sa main, tout en conduisant. Dorénavant, je tiens à connaître le moindre de tes désirs ! Je veux te combler… pour toujours ! Comme ça, tu auras que de bons souvenirs de moi !
Il parlait sans la regarder. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir. Pourquoi tant de tristesse dans sa voix ? Pourquoi ces larmes dans ces yeux ? Kenza sent son dos se glacer en se demandant s’il ne lui aurait pas caché quelque chose de grave. Sinon, pourquoi parlait-il de souvenir de lui ?
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9 mai 2012 à 0:01
16eme partie
Qu’est-ce que tu veux dire par là ? demande Kenza en scrutant son visage. Djamel, pourquoi parles-tu de souvenirs ?
- Rien, je veux seulement te laisser de bons souvenirs de moi. Imagine qu’il m’arrive un malheur, que je disparaisse brusquement et que je n’ai pas le temps de te demander pardon. En pensant du bien de moi, tu m’aurais pardonné du fond du cœur, n’est-ce pas ?
- Je n’ai rien à te pardonner. Mais pourquoi me parles-tu de ça aujourd’hui ? Le lendemain de ton retour, remarque Kenza. Aurais-tu découvert que tu es atteint d’une maladie grave ? Tu as un cancer ? C’est ton cœur ? Tes poumons ?
- Non… je n’ai rien !
Djamel a beau avoir un sourire qui se veut rassurant, Kenza n’est plus sûre de rien. Durant tout le déjeuner, Djamel évite de parler de lui, restant sur ses gardes. S’il n’avait pas eu ce regard pensif, si elle ne le sentait pas aussi loin, elle aurait pu le croire. Mais le Djamel d’aujourd’hui est différent de celui qu’elle avait connu.
La veille au soir, elle était si furieuse qu’elle n’avait rien remarqué. Sa belle-mère aurait pu s’être coupée les cheveux que cela lui aurait échappé. La colère l’avait aveuglée.
Quelque chose de grave se passait à son insu. Son cœur le lui disait. Mais que faire pour en avoir la certitude ou pour être rassurée que tout va bien ?
- Je voudrais aller à la mer, dit-elle à Djamel.
- Tu en as vraiment envie ?
- Oui, j’ai besoin de changer d’air ! Tout de suite…
Kenza a l’impression d’étouffer. Elle pense qu’en s’éloignant d’ici, le pressentiment qui lui serre le cœur disparaîtrait. Lorsque Djamel prend la route nationale, elle est convaincue que quelque chose de grave s’est passée sinon il n’aurait pas accepté de l’emmener si loin et à l’improviste. Kenza ne sait plus quoi penser. En fermant les yeux, elle tente de chasser l’angoisse qui lui étreint le cœur.
- Ce n’est pas possible…
L’air marin est très froid mais il ne semble pas parvenir à ses poumons. Le va et vient des vagues se fracassant sur les rochers où ils étaient assis ne l’apaise point. Pourtant, avant, il lui aurait suffi de voir la mer pour retrouver son calme intérieur. Mais elle-même, tout comme son cœur, était agitée par des remous.
Le silence de son mari laisse ses interrogations se répéter en elle. Djamel semble si loin. Elle s’appuie sur lui gardant la tête au creux de son épaule. Dans ses moments-là, elle avait besoin de le sentir près d’elle. Surtout maintenant. Elle donnerait cher pour connaître les pensées de son mari.
_ Djamel, j’ai peur. Mon cœur est si serré par l’angoisse. Qu’est-ce que tu me caches, Djamel ?
- Ton cœur ne te trompe pas.
Des larmes coulent sur les joues de Kenza. Elle a l’impression que son cœur a été transpercé. En voyant les yeux larmoyants de son mari. Elle a eu la confirmation de ses doutes. Mais à quoi devait-elle s’attendre ?
- Tu as des dettes ? Tu as tout perdu au jeu ? Ils ne vont pas s’en prendre à toi, n’est-ce pas ?
- Cela n’a rien à voir avec mes affaires et nos biens, répond Djamel. Non, j’ai perdu à un autre jeu… ou le hasard est maître du destin !
- Je ne te comprends pas, Djamel. Tu fais allusion à quoi ?
- Je suis malade ! gravement malade, Kenza.
Celle-ci le presse de questions. Elle veut tout savoir. Elle ne veut pas rester dans l’ignorance. Elle s’emporte quand Djamel s’éloigne d’elle, uniquement pour ne pas lui répondre.
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9 mai 2012 à 0:01
17eme partie
Djamel ne peut plus garder le silence sur le nom de sa maladie. Kenza s’accroche à lui et elle veut savoir. Elle ignore que c’est si terrible qu’il a du mal à le prononcer. Il a l’impression de s’écorcher vif quand il lâche enfin le mot.
- J’ai le sida.
Kenza a l’impression de tomber dans le vide, même en étant accrochée à son bras.
- Pas ça !
- Si.
Djamel allume nerveusement une cigarette alors qu’elle s’asseyait sur un rocher ; le visage caché dans ses mains. Le mot terrible a été jeté.
Il n’aurait pu y avoir pire. Il n’y a plus aucun espoir possible. Elle sait qu’il n’y a aucun remède pour cette maladie.
- Kenza ?
Quand elle lève les yeux vers lui, il peut voir son visage mouillé de larmes. Il pleure lui aussi.
- Pourquoi ? s’écrie-t-elle.
Des images choquantes s’imposent à elle et même ces pubs qui passent sur les chaînes étrangères pour la prévention de la maladie. Hier encore, elle trouvait cela hors de propos. Hier encore la maladie était pour les autres. Tout change aujourd’hui. Sa vie en était bouleversée maintenant que Djamel en était atteint.
- Tu vas devoir faire des analyses, lui dit Djamel. On ne sait jamais ? Je t’ai peut-être refilé la maladie ?
- Je l’espère ! Je ne veux pas vivre sans toi !
- La révolte gronde en elle. Elle n’a même pas la force de se lever tant elle tremble. C’est injuste ce qu’il leur arrive. Pourquoi maintenant ?
- On n’a même pas fait de bébé ! Ce n’est pas juste. Pourquoi nous ?
- Je ne sais pas, murmure Djamel. Je ne sais pas !
- Djamel, est-ce que tu m’as menti ?
- Non, je ne t’ai jamais trompé ! Tu m’a rendu si heureux depuis le premier jour que je regrette de ne pas t’avoir connu plus tôt. Jamais, je te le jure, je ne t’ai trompé, même par la pensée !
- Alors cette chose monstrueuse ?
Kenza a besoin de savoir. Pour comprendre. C’est si terrible et si malheureux ce qui leur arrive. Elle s’était toujours imaginée terminer sa vie avec lui. Vieux, ils se seraient soutenus et les souvenirs heureux leur auraient permis de tenir jusqu’au bout.
- C’était avant. J’était alors jeune et la solitude m’avait poussé dans les bras des jeunes femmes. C’était là-bas. Je n’aurais jamais tenu le coup ! Alors, la maladie venait juste d’être découverte. Pas plus que les autres, je ne m’étais senti concerné !
- Tu ne sais pas de quoi ? De qui ?
- Si, elle s’appelait Samantha. Elle en est morte il y a quelques mois, lui apprend Djamel. On m’a dit qu’on m’avait envoyé une lettre, mais je ne l’ai jamais reçue. Elle a dû être égarée par la poste !
- Je l’ai détruite, lui avoue Kenza. J’avais peur que tu lui retournes. Parce que votre relation avait pu être plus passionnée que la nôtre !
- Passionnée ou pas, c’est avec toi que j’ai voulu faire ma vie dès l’instant où je t’ai connue ! Mais si elle ne le voulait pas, elle aura eu le dernier mot puisque je vais la rejoindre !
- Je partirais aussi avec toi ! dit Kenza. Tu seras bien entouré.
Djamel ne l’espère pas. Il ne connaîtra jamais la paix, même après sa mort, si par malheur, Kenza était aussi atteinte de ce mal incurable.
Le lendemain, c’est par la force qu’il l’emmènera faire un prélèvement sanguin. L’attente est plus angoissante encore. Il ne supporte pas de voir Kenza sereine et souriante, comme si elle n’avait pas vraiment conscience de ce qu’elle endurera si le test se révèle positif.
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9 mai 2012 à 0:01
18eme partie
Djamel ne tient plus en place. L’inquiétude a chassé toute envie de manger et de dormir. Les jours qui suivent le prélèvement, il ne sort pas. Le médecin avait promis d’appeler dès qu’il aurait les résultats du bilan sanguin.
Pendant des heures, il reste près du téléphone. Pour être plus à l’aise à la maison, il avait prié Kenza de partir à son travail. Celle-ci avait émis quelques réticences avant de céder. Elle avait compris qu’il avait besoin d’être un peu seul. Elle voulait bien lui donner du temps pour accepter sa nouvelle vie. Tout comme lui. Elle sait que son avenir n’aura pas le temps de se concrétiser. D’ici quelques temps, la maladie creusera ses traits et un vide autour de lui. Kenza veut être là pour lui.
Elle ignore encore si les résultats sont négatifs mais elle donnerait cher pour être comme Djamel et être avec lui jusqu’au bout. Pour l’instant, ils ne sont que les deux, en plus de ce médecin, à connaître la vérité. Kenza tient à être près de lui lorsqu’il aura à affronter les autres. Elle sait qu’il craint leurs réactions même s’il ne le dit pas.Il préfère garder tout pour lui et taire la peur qu’il a en lui.Kenza ignore qu’il n’a plus peur pour lui mais pour elle. Il ne pense qu’à ce qui pourrait lui arriver si les résultats sont positifs. Il ne supporterait pas qu’elle souffre par sa faute.
Djamel sursaute quand le téléphone sonne. Il décroche à la première sonnerie et croit que c’est la secrétaire du docteur.
- Vous avez les résultats ?
- De quoi parles-tu, Djamel ?
Il n’avait pas reconnu la voix de sa sœur et lui demande de rappeler plus tard car il attendait un coup de fil urgent.
Djamel aurait dû se rendre au laboratoire mais il savait qu’il aurait mis les employés sur les nerfs à force de tourner en rond en attendant les résultats.
Il reçoit enfin l’appel en début d’après-midi. La secrétaire lui passe le médecin. Il a l’impression qu’une chape de plomb lui est enlevée de la poitrine quand il apprend que les résultats sont négatifs. Le médecin lui recommande de prendre des précautions et aussi qu’elle refasse le test plus tard.
Djamel est si heureux que pour la première fois depuis longtemps, il met de la musique. De la musique de fête jouée par des troubadours. Kenza n’en revient pas lorsqu’elle rentre du travail. Elle devine en voyant son visage serein pourquoi.
- Je n’ai rien ?
- Dieu merci, répond Djamel. Je n’aurais pas supporté que tu sois malade. Un malheur suffit. Tu pourras te consacrer à moi !
Kenza y a aussi pensé. Même si elle ne travaille que depuis six mois, elle a décidé de se retirer dès que Djamel ira mal. Pour être près de lui. Elle veut tout partager avec lui, le soulager si possible.
Kenza le trouve égoïste quand il décide qu’ils ne dormiraient plus ensemble. Elle se met en colère, refusant d’écouter les raisons de son mari.
- Je me sens sale ! je me déteste parfois. Parfois je pense à repartir pour ne plus revenir pour t’éviter de souffrir. Oui, je crois que je vais repartir !
- Comment ? Et qu’est-ce que tu fais de mon amour ? Tu trouves que le destin n’est pas assez cruel avec moi ? Il faut que toi aussi, tu t’y mettes ! Ne me mets pas l’écart de ta vie ! Je ne supporterais pas d’en être exclue ! Surtout maintenant ! Tu te rends compte de ce que cela exige de moi ? Alors que tu sais que tu es condamné ! Que ce voyage risque d’être le dernier. Djamel ne me force pas à te détester !
Djamel voudrait que cela soit le cas. Il pourra partir plus facilement. Et elle souffrirait moins pour lui. Mais comme il le craint, Kenza ne veut pas le laisser faire comme il veut.
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9 mai 2012 à 0:02
19eme partie
Demande-moi tout ce que tu veux. Je suis prête à tout supporter, sauf de me séparer de toi ! Je t’en prie, Djamel, ne me laisse pas. Tu sais combien je t’aime ! Je ne pourrais jamais supporter d’être séparée de toi ! Je t’en prie !
Kenza pleure. Au fond de son cœur, elle a le sentiment que si elle le laissait partir, plus jamais il ne reviendra. Ce sera la fin pour eux. Djamel fera comme il venait de lui dire. Il s’exilera pour mourir en paix et éviter aux autres de souffrir avec lui. Maintenant qu’il savait qu’elle n’était pas atteinte du virus et à l’abri du danger, il lui sera facile de se séparer d’elle. Mais elle, elle ne le pourra jamais.
- Inutile de pleurer ! Je reste mais, tu es prévenue, ce ne sera pas facile ! Tu te crois assez forte pour tenir jusqu’au bout ? Ça risque d’être long !
- Je veux tout partager avec toi ! Djamel.
Kenza est si heureuse qu’elle se serre contre lui. Djamel enlève doucement ses bras. Il ne supporte pas le contact de son corps sain contre le sien. Il se détourne d’elle. Kenza ne dit rien même si elle en est un peu peinée. Elle ne peut que le comprendre. Dorénavant, elle tentera de retenir ses élans même s’il lui manque terriblement. Il y a si longtemps qu’ils n’ont rien partagé.
- Tu prends ton traitement régulièrement ? Tu n’as raté aucune prise ?
- Non, la rassure-t-il. Je tiens à me tenir debout jusqu’au bout. Je ne veux pas de la pitié des gens ! Même de ma famille. Tu ne diras rien à personne, pas même à mes parents ! Ils ne comprendront pas !
- Kenza a beau avoir une opinion différente de la sienne, elle respecte la volonté de son mari. Elle ne dit rien de sa maladie, même à sa belle-mère quand celle-ci s’inquiète sur la santé de Djamel. Tous avaient remarqué qu’il flottait dans ses vêtements. Il faisait peine à voir. Kenza en avait le cœur fendu. Elle se rendait compte que les médicaments prescrits n’arrêtaient pas l’évolution de la maladie. Celle-ci faisait son travail de sape. Le visage de Djamel était encore marqué. Djamel semblait avoir pris vingt ans d’un coup.
Comme il l’avait exigé, ils faisaient chambre à part. Si Kenza l’avait supporté pendant les six mois qui avaient suivi son retour de France, dès qu’elle remarque qu’il était souvent fiévreux, elle décide de regagner leur chambre.
Djamel lui fait toute une scène mais elle ne se laisse pas intimider.
- Ma place est près de toi. Même par la force, tu ne pourras pas me mettre dehors !
- Physiquement, je n’en ai plus la force, répond Djamel. Si seulement tu acceptais de m’écouter !
Mais Kenza fait la sourde oreille. Pendant près d’une heure, elle réaménage leur chambre, plaçant une armoire à pharmacie dans un coin et déplaçant une des tables de chevets. Elle en profite aussi pour les débarrasser des livres et des revues que Djamel avait lus. Il y avait aussi des papiers.
- N’y touche pas ! Laisse-les comme tu les as trouvés !
Même si la maladie avait réussi à bouleverser sa vie et à le transformer en loque, Djamel avait gardé l’esprit vif. Il chargeait ses amis de voir pour lui, monnayant leurs services, et concluait des affaires depuis sa chambre. Kenza aurait voulu l’aider mais il refusait.
- Je ne suis pas invalide, juste malade ! Dis, tu pourrais allumer le chauffage ? J’ai froid !
- Tu ne veux pas que j’appelle un médecin ? propose-t-elle inquiète.
- Non, il ne peut plus rien faire !
À la façon dont il le lui dit, Kenza en a froid dans le dos. Elle tente d’accrocher son regard. Elle n’ose pas lui demander, même si elle le pense, s’il sent que c’est bientôt la fin. Ses yeux la fuient. Kenza a peur. Et si c’était réellement la fin ?
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9 mai 2012 à 0:04
20eme partie
-Comment te sens-tu ?
- Bien.
Mais Kenza n’est pas très rassurée par la réponse de son mari. Depuis plusieurs jours, Djamel n’avait pas la force de quitter son lit. Il était souvent fiévreux et toussait parfois à en perdre le souffle. Les médicaments semblaient sans effet sur lui. De ses yeux fiévreux, il se remplissait d’images, de souvenirs. Il n’aimait plus rester seul. S’il le pouvait, sa famille et ses amis ne le quitteraient même pas la nuit. Mais comme il avait tenu à ce que tous ignorent sa maladie, il ne pouvait pas les prier de rester plus longtemps qu’ils ne l’avaient prévu.
À deux ou trois reprises, Kenza avait proposé de les mettre au courant mais Djamel n’y tenait pas. Elle le sentait à bout. Elle aurait donné cher pour qu’ils soient entourés de leurs familles. Elle craignait de rester seule avec son mari. Il était si souffrant ces derniers temps qu’elle avait peur que son état empire durant la nuit. Bien souvent, elle se réveille en sursaut, le cœur serré par l’angoisse. Elle regarde Djamel puis se penche sur lui pour l’écouter respirer. Elle a si peur qu’une fois rassurée, elle n’hésite pas à se réfugier contre lui. Elle était si bien contre lui. Jamais elle ne pourra vivre sans lui. La vie sans lui n’a aucun attrait.
- Kenza, Tu dors ?
- Non. Tu ne te sens pas bien ? demande-t-elle, inquiète.
Elle allume la lampe de chevet et se tourne vers lui. Elle scrute son visage et ne remarque rien. Elle touche son front. Djamel n’a pas de fièvre. Ce n’est qu’après qu’elle comprend.
- Tu n’as plus envie de dormir ?
- Il y a longtemps que je suis réveillé, répond-il. Je n’osais pas te réveiller. Tu es tellement fatiguée mais je n’avais pas le choix. Je n’en pouvais plus d’être seul, j’ai besoin de toi !
- Tu veux quelque chose ?
- Oui, un peu de chaleur.
Kenza regarde les larmes couler sur ses joues creuses. Elle devine pourquoi. Pour la première fois depuis des mois, ils s’aiment.
Elle se rend compte que ces moments de bonheur partagés sont volés à la maladie. Elle sait que Djamel a beau se battre contre la maladie, il ne vaincra pas. Le combat était truqué d’avance. Ce qu’elle admirait en son mari, c’est son courage. Il faisait comme s’il ne savait pas. Depuis le lit, il continuait à conclure des affaires, à recevoir ses amis avec le sourire et joie. Tous ignoraient qu’il avait le sida mais seulement qu’il est gravement malade. Tous pensaient au cancer. Kenza ne pouvait pas les détromper. Elle se demandait parfois si leurs relations seraient restées les mêmes s’ils avaient su quel mal rongeait Djamel. Il devait douter d’eux puisqu’il refusait de leur dire la vérité. Il ne voulait pas mourir seul, abandonné de tous.
- Tu sais chérie, on a oublié de fêter quelque chose !
Kenza a beau chercher, elle ne trouve pas. Mentalement, elle passe tout en revue. Il n’y a aucun doute. Elle n’a oublié aucune fête.
- Cela fait un an que je combats le mal qui est en moi, dit Djamel, très amer. J’ignore combien de temps encore, je pourrais tenir ? Kenza, parfois, je me sens à bout, mais je ne veux pas abandonner. Je ne veux pas mourir tout de suite ! Kenza ignorait alors que Djamel n’en aurait plus longtemps, que cette nuit d’amour serait un adieu pour eux, un souvenir de plus pour elle. Car, quelques jours après, Djamel rend son dernier souffle alors qu’il se reposait après avoir reçu la visite de leurs familles. Sa sœur lui avait apporté une revue scientifique qu’il n’aura pas pu lire. Le médicament miracle ne sera pas conçu à temps pour le sauver. Las, Djamel avait rendu les armes. De sa vie, il en avait fait ce qu’il voulait. Seulement, il n’aura pas été de taille pour l’unique combat de sa vie. Le sida aura eu raison de lui. Comme de tant d’autres…
FIN
A. K
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