Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Acculé, Nicolas Sarkozy a montré un triste visage : celui d’un homme ayant pris à son compte les idéologies les plus réactionnaires. En font foi ses appels à l’électorat du Front national, aux harkis dont il s’est rappelé l’existence en fin de mandat, à cette frange extrémiste des rapatriés nostalgiques de l’Algérie française, le tout sur fond de stigmatisation de l’immigration non européenne, génératrice, selon lui, de chômage, d’insécurité, d’islamisme et de terrorisme.
Il aura tout fait pour réveiller les peurs et les craintes de «l’autre» — le Maghrébin, l’Arabe, le Noir — devenu, l’instant d’une élection, responsable de la crise qui frappe la France et, partant, l’Europe blanche ! Comme l’écrit Libération, «il restera dans l’histoire comme le chef de l’Etat n’ayant pas hésité à fouler aux pieds de grandes valeurs républicaines pour tenter de se faire réélire avec une campagne aux relents d’extrême-droite». Bien plus, après la Côte d’Ivoire, puis la Libye, dont on mesure aujourd’hui les dégâts – un pays menacé d’implosion – Nicolas Sarkozy avait d’autres projets belliqueux en tête : une intervention militaire en Syrie, mais aussi en Iran qu’il ne cessait de menacer de ses foudres si Téhéran ne mettait pas fin à son programme nucléaire. Et dans cette éventualité, la France a renforcé récemment son dispositif militaire à Abou Dhabi, où elle dispose d’une base aéronavale. Pour toutes ces raisons, sa défaite électorale est une bonne chose. Car elle ouvre objectivement d’autres perspectives si le président François Hollande optait pour une politique étrangère moins atlantiste que celle de Nicolas Sarkozy. A ce propos, il faut s’attendre à ce que le nouveau président soit soumis à la pression des lobbys atlantiste et pro-israélien afin que la politique étrangère de la France ne s’écarte pas trop de celle de son prédécesseur à l’Elysée. Concernant les rapports avec l’Algérie, il faut s’attendre à ce qu’ils soient détendus, moins crispés. Il y aura sans doute des gestes, des signaux forts en vue d’une normalisation, disons dépassionnée, des relations entre les deux pays. Mais là, également, l’Algérie ne figure pas au rang de ses priorités. La crise qui sévit en Grèce et la menace qu’elle fait peser sur la zone euro, l’axe Paris-Berlin, le sommet de l’Otan, seront les priorités du nouveau président français. Seule certitude, avant de clore ce chapitre algéro-français, le rapprochement attendu avec Alger ne se fera pas au détriment de Rabat. Il ne faut pas rêver. Car la France socialiste ne sacrifiera pas le Maroc au profit de l’Algérie comme l’escomptent certains milieux algériens. Et à l’instar de ses prédécesseurs, François Hollande effectuera certainement un voyage en Algérie mais aussi au Maroc et en Tunisie. Dans le reste de l’actualité, un mot sur les législatives algériennes. Hier, le chef de l’Etat a lancé un dernier appel pour un vote massif, estimant que «la génération qui a libéré le pays a fait son temps». Une phrase qui va certainement être longuement commentée. Est-ce à dire qu’il va bientôt passer le relais ? Pour l’heure, la question est plutôt de savoir si son ultime appel aux jeunes, car c’est vers cette catégorie, la plus nombreuse, à laquelle il s’adressait, ira massivement voter. C’est une évidence : les jeunes ne se sont pas bousculés aux meetings et rassemblements organisés par les partis politiques. De manière générale, les Algériens n’avaient pas la tête aux élections. Le cœur n’y était pas. Les partis peinaient à mobiliser, à remplir des salles. La désaffection populaire est manifeste, visible. Rien ne sert de se voiler la face. C’étaient à l’évidence des signes qui ne trompaient pas. Il n’empêche, ce désintéressement populaire, le risque d’un boycott massif n’ont en rien perturbé la tranquille assurance de certaines formations politiques. L’Alliance verte, par exemple, a déjà formé son gouvernement. Abdallah Djaballah assure que le cœur des Algériens bat islamiste ! Le FFS, à travers une randonnée pédestre à La Casbah, croit à sa bonne étoile ! Toutes ces formations politiques disent craindre la fraude. Soit. Mais si jamais la participation électorale n’est pas au rendez-vous, si elle est en deçà des 20%, voire des 30%, comme le pensent de nombreux observateurs, quelle légitimité aura alors un parlement à légiférer sur l’avenir du pays, voire à amender la Constitution ?
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/10/article.php?sid=133985&cid=8
10 mai 2012
Hassane Zerrouky