Un loup se désaltérait à un ruisseau, et il lui arriva de lever la tête. Un peu plus en aval, il aperçut un agneau qui buvait un peu d’eau.
- Oh! Oh! se dit le loup, voilà mon souper! Je n’ai besoin que d’une bonne raison pour l’avoir. Alors j’aurai du même coup nourriture et breuvage.
- Eh! vous là-bas, gronda-t-il. Qu’est-ce qui vous prend de troubler ainsi mon eau ?
- Pardon, dit l’agneau. Mais il n’est pas possible que je trouble votre eau. Si votre eau est boueuse, ce n’est pas ma faute. Vous pouvez voir que je n’emploie que le bout de ma langue. Et puis je bois plus bas que vous, en-dessous du courant, il n’est donc pas possible que je puisse troubler l’eau en-dessus de l’endroit où vous êtes.
- Ne discute pas avec moi, grogna le loup en montrant les dents. J’ai mes renseignements sur toi. Voilà plus de six mois que tu vas colportant des horreurs sur mon compte.
- Impossible, bêla l’agneau. Il n’y a que trois mois que je suis né.
- Eh bien, répartit le loup, si ce n’est toi, c’est donc ton frère, et ça ne vaut guère mieux.
Et, avant que l’agneau ait pu dire un seul mot de plus, le loup sauta sur le pauvre petit et le dévora.
Mauvaise raison est toujours assez bonne pour un brutal.
11 mai 2012
Contes