Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Il désirait, voulait et même exigeait que ces législatives viennent conforter sa démarche et les vagues engagements contenus dans son discours d’avril 2011. Il en a fait son affaire et ne s’est pas dérobé en devenant le chef d’orchestre de la campagne. Pari gagné donc si l’on se fie au taux honorable de 42 % de participation. Désormais, l’humiliation de 2007, consécutive à une abstention record qui ressemblait à un boycott, est oubliée.
Et si les prochains députés doivent se réjouir d’une relative légitimité des urnes, ils ne doivent surtout pas oublier qu’elle n’est pas la traduction de leurs haut-faits d’armes sur le terrain mais uniquement celle du chef de l’Etat ayant pesé de tout son poids. Sans doute que son discours de Sétif y fut pour quelque chose. Tout au moins a-t-il suscité quelques intérêts dans l’opinion à partir d’un thème qui, sans être exclusivement centré sur la nécessité immédiate de faire reculer l’indifférence électorale, a mis en perspective claire la vieille exigence de l’alternance à laquelle il répondit positivement. Le fait qu’il se soit prononcé sans ambiguïté sur le sujet et qu’il admette que sa succession est ouverte à partir de 2014 aurait, semble-t-il, donné du lubrifiant au scrutin de jeudi. Quelles que soient les «chikayate» des uns et des autres ainsi que les soupçons qui pèseront certainement sur les statistiques officielles, ceux-là alimenteront de moins en moins les passes d’armes de la critique future. En effet, dès l’instant où le solde de tout compte de la «génération (politique) de 196» structurera globalement les débats prochains, le reste apparaîtra presque secondaire. Dernier chef d’Etat d’une époque cinquantenaire, Bouteflika est depuis ce vote sous le strict contrôle politique d’un pays et de ses élites qui examineront à la loupe l’agenda des 24 mois qui lui restent. Sans tarder, il devra expliquer et s’expliquer sur la procédure qu’il compte mettre en œuvre pour la rédaction de son projet de Constitution et sa validation. Parallèlement et dans l’immédiat, il sera jugé sur la recomposition de l’exécutif qui l’accompagnera dans cette ligne droite. Optera-til pour un cabinet technocratique qui exécuterait ses directives à défaut de programme, auquel cas, il émancipera le Parlement en lui concédant le droit de le censurer ? Ou, au contraire, ira-t-il vers une nouvelle combinaison de sa majorité au sein de l’APN à laquelle il livrera les clés de l’intendance ? Autant la première hypothèse l’exonérerait enfin des connivences traditionnelles afin qu’il puisse conduire ses consultations politiques bien au-delà de sa famille pour plus de crédit ; autant la seconde présente le risque pour ses réformes de n’être que des ersatz à la crise existentielle qui frappe le pays. Il est par conséquent clair que tout se jouera dans sa manière d’organiser son rôle par rapport à cette nouvelle chambre. En attendant de connaître le spectre des tendances qui y siégeront, ce que l’on sait, d’ailleurs, par avance est qu’elle n’aura pas belle allure en termes de qualité. Comme il a été souligné plus haut, la plupart des députés qui y siégeraient ne doivent les voix qui les ont portés que par l’entremise de la communication présidentielle. C’est cette dernière qui les a faits en quelque sorte princes par délégation comme ne manquera de le leur rappeler le chef de l’Etat à la première saute d’humeur. En effet, pour peu qu’aucun appareil ne prédominera, par son nombre, cette Assemblée, il sera aisé à Bouteflika de lui faire jouer toutes les partitions de sa politique à l’avenir. D’où la crainte, qu’à propos de la loi fondamentale, il sera tenté de l’adopter par voie parlementaire au lieu de l’acte référendaire, qu’il considérerait comme un piège surtout après qu’il eut pris l’engagement public de mettre fin à l’esprit de système ayant prévalu jusque-là. Ce sont ces quelques repères énoncés en vrac qui pourraient constituer la trame de l’action et du comportement du président de la République. Car si a priori il semblerait que celui-ci soit sorti du doute avec ce demi-succès des urnes, ce n’est pourtant que pour entrer dans la redoutable solitude du chef qui n’a plus de fusible à sacrifier quand il faut, ni de tremplin pour amortir les erreurs probables. Bouteflika est désormais seul face à son propre destin historique. Dans moins de 700 jours, il quittera la scène et sera orphelin de courtisans intéressés.
B. H.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/12/article.php?sid=133998&cid=8
12 mai 2012
Boubakeur Hamidechi