Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
arezkimetref@free.fr
La génération des caciques du FLN,— ses hommes et son idéologie, — est-elle encore politiquement convenable pour l’Algérie ? Doit-elle décrépir au pouvoir ? Non, a martelé Bouteflika à Sétif. Oui, plus que jamais, affirme l’urne – ou son double – qui a donné vainqueur… le FLN. Du tac au tac : un truc se dit, le contraire se produit ! Aussitôt ! Pas croyable comme elle est bien réglée, cette horlogerie-là !
Si tout le reste était aussi bien huilé, on caracolerait en tête dans bien des domaines… Mais… On ne pige rien. Enfin, à première vue. On essaie de se convaincre qu’il faut peut-être, pour comprendre un tantinet, placer le discours prononcé par Abdelaziz Bouteflika le 8 mai dernier à Sétif dans la rubrique «discours de campagne ! Paroles de salle de fêtes ou de gymnase destinées à provoquer un effet immédiat ! Vite aux urnes ! Le monde nous regarde. Mais les paroles font un petit tour. Puis s’en vont ! Auquel cas, deux remarques s’imbriquent. D’abord, on n’est pas obligé de prendre. Les grandes affirmations lyriques, c’est comme les promesses, elles n’engagent que celles et ceux qu’elles émeuvent. Deuxio : il n’est pas incongru, dans une campagne où l’on s’implique avec armes et bagages, de titiller un peu l’instrument de l’histoire et même celui de la religion pour gagner des auditoires, en l’occurrence déjà acquis. Oui, comparer l’acte de voter au 1er Novembre ou au 8 Mai et évoquer les forces du mal, c’est être en plein dedans. Des commentateurs ont qualifié de «sortie» ce discours. Je dis bien sortie, c’est-à-dire contraire d’entrée. Et cette «sortie était, nous diton, attendue. Très attendue même. Et de longue date». Au vrai, la seule sortie attendue, c’est celle à laquelle semble se résigner la génération en question. Sincèrement ou tactiquement ? Biologiquement, c’est sûr ! La génération des «vieux» qui tire la légitimité du pouvoir de sa participation à la libération — réelle ou fantasmée — du pays pour conduire ce dernier dans le mur, cette sortie-là, les jeunes l’attendent depuis quasiment toujours ! Ça y est, c’est fini. C’est même un chouïa trop. Ils ont trop tardé. Ils auront tout plombé. Pas un jeune ne peut surgir s’il n’est adoubé par eux-mêmes et sitôt béni, il est déjà «vieux». On a vu des «vieux» de trente ans. Comme quoi, si le courage n’attend pas le nombre des années, la vieillesse non plus… Les «vieux» de la guerre de libération ont pris goût au pouvoir qu’ils ne quitteraient pour rien au monde ! Ça, on le sait depuis toujours. Alors qu’est-ce qui justifie cette «sortie» de Bouteflika ? Comme tous les observateurs, on a saisi qu’il lui est essentiel d’invoquer des arguments attractifs pour que les Algériens, désabusés, aillent voter aux législatives. Et quoi de plus attractif que de dire, en quelque sorte, votez et je vous promets que l’on s’en ira. Que ne feraient pas les Algériens dans cette réjouissante perspective ? Faut-il se rappeler que de tels propos sur l’obsolescence d’une génération au pouvoir ont été tenus par lui en 2005. Ce n’est pas de l’inédit !… C’était formulé autrement mais c’est bien de cela qu’il s’agissait lorsqu’il déclarait au début de son deuxième mandat : «La légitimité révolutionnaire, c’est fini, c’est fini, c’est fini.» Nul n’ignore que la «légitimité révolutionnaire», c’est ce par quoi les déficients démocratiques ont pris et conservé le pouvoir qu’ils conçoivent visiblement comme un don de quelque force divine qu’ils garderont à vie. Raison de plus pour se méfier. Après 2005, on a eu le pire dans le contraire. «La légitimité révolutionnaire» est en quelque sorte entrée dans la Constitution. Troisième mandat et tutti quanti… Voilà donc pourquoi il ne faut pas prendre pour argent comptant les flammes d’un discours électoral. Cependant, dans l’absolu, il a raison. Dans ce pays peuplé massivement de jeunes, c’est le mince pourcentage des «vieux» qui impose encore la manière de diriger dans une sorte de pathétique navigation à vue, à une immense majorité qui, par l’âge et la culture, n’entend rien aux références brandies par le pouvoir. Devant la manipulation des symboles, les jeunes se posent, tout le monde le sait, une seule question : «Ça rapporte quoi d’être ancien moudjahid ?» De même que quand on parle des élections législatives, l’unique interrogation qui manifeste sa pertinence est : «Ça gagne quoi, un député ?» Le seul fait que ces deux questions deviennent inévitables est en soi la condensation d’un immense échec. Et l’échec n’est pas seulement dans le fait que l’écrasante majorité des jeunes Algériens ne connaissent pas les noms des héros de la libération. Il est aussi et surtout dans ce gâchis moral découlant de la prouesse d’avoir transformé l’or de l’enthousiasme populaire pour le pays en plomb de sosie de dictature réglable en intensité. La «sortie» de Bouteflika à Sétif procède de ce qu’elle dénonce, c’est-à-dire une certaine forme de messianisme résumant toutes les exigences en une seule : l’homme providentiel ! Le président, et cela aussi n’a échappé à personne, jouait dans ces législatives sa propre image. Il a projeté celle-ci au miroir du «printemps arabe». La meilleure preuve est qu’au lieu de recevoir le constat de la fatigue d’une génération comme l’espoir de l’arrivée au pouvoir de jeunes issus des réalités d’aujourd’hui, la salle s’est mise à le «supplier» de rempiler pour un… quatrième mandat. On ne se refait pas !
A. M.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/13/article.php?sid=134104&cid=8
13 mai 2012
Arezki Metref