Ça commence à s’expliquer: l’article 85 de la loi électorale impose qu’un parti qui n’a pas réalisé un score de 5% des voix des électeurs, perd toute sa mise au profit de ses adversaires. C’est ce qui explique que sans frauder, les partis du régime aient décroché parfois la totalité des sièges de députation dans une wilaya. Dans l’arnaque du multipartisme post- «printemps arabe»et dans la distribution en vrac d’agréments pour les nouveaux partis, il y avait donc une clause de sécurité que permettait l’antique système de la proportionnelle. C’est l’article 85. Il explique que la victoire électorale « donne lieu à une répartition des sièges proportionnelle au nombre de voix obtenues par chaque liste avec application de la règle du plus fort. Les listes qui n’ont pas obtenu au moins cinq pour cent (5%) des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges». Donc quand sept petits partis n’atteignent pas 5% des voix, ils sont éliminés. Du coup, ceux qui restent sont ceux qui ont voté pour un parti précis et qui donc rafle toute la mise.
Avec 100 votants dans un village imaginaire, un parti peut être majoritaire avec seulement 10 votants si les 90 autres sont émiettés entre 50 autres petits partis qui n’ont pas dépassé 5%.
Cet article veut dire que vous pouvez créer un parti en 40 jours, le faire agréer par le ministère en 5 jours et servir à colorer et aromatiser le pluralisme d’une élection pour parti unique et se faire avoir à la fin, car c’est la règle proportionnelle.
Aujourd’hui, ces micro-partis nés en fast-food pour la vitrine et la consommation internationale, se réveillent à l’arnaque : on les a utilisés pour mieux s’en débarrasser.
La dernière législative et une élection multipartiste qui consacre le monopartisme donc. C’est l’avantage et l’inconvénient de ce système de scrutin.
Du coup, il faut saluer. Bas, front contre terre, le régime et son intelligence : enfariner tout le monde. Pour le moment, ce sont les petits partis, anciens serviteurs du régime souvent, dissidents parfois, honnêtes en de rares occasions, qui viennent de découvrir la profondeur de la ruse qui est légale. Ensuite les autres : ceux que le régime a toujours clientélisés par des promesses de quotas.
La recette du «tout va basculer et on est avec toi» de certains centres décideurs a fonctionné pour tromper Benflis, les démocrates participationnistes et, aujourd’hui, dit-on, les islamistes du MSP et surtout Soltani. On se souvient de l’ébahissement de certains démocrates, il y a dix ans. A chaque saison, le Régime a promis le mariage à quelques concubines avant de revenir sur sa décision et vers sa maison. Les femmes esseulées et souvent trompées, tentées par le statut de seconde épouse, connaissent ce genre d’homme mais se font avoir à chaque fois.
Donc, aujourd’hui, on commence à comprendre: il y avait un verrou dans le programme, on a agréé des partis à la pelle pour attirer les électeurs, puis on a appuyé sur le bouton « on» et le bouton «vidanger».
A la fin, cela vous donne, sans fraude directe, un résultat garanti. Par le bas.
15 mai 2012
Kamel Daoud