Faut-il s’en étonner ? Non. On a confectionné un peuple presque entier à l’image de cette synthèse qui produit de l’idéologie facile et pas de la plus-value marchande. La possible présidence de Belkhadem est préparée depuis deux décennies par l’école algérienne, les mosquées algériennes, les fatwas algériennes, les kasmas algériennes et le bigotisme algérien et les zaouïas algériennes. On est passé de cette conviction séculaire de Ferhat Abbas, à la version soft d’un Messalisme assis. Une sorte de Messali sans grandeur nature, sans combativité, prompt à l’alliance et pas à la révolte, amateur de la réunion et pas de la prison pour convictions, proche du monde rural et ennemi des classes moyennes urbaines. Cinquante ans après l’indépendance, on remonte le temps à cinquante ans avant la guerre de libération.
L’Algérie ne sera donc pas un Algérinistan, pas un pays taliban, mais une sorte de grande zaouïa avec pour triptyque le conservatisme, le culte des ancêtres et la flûte et le tambour comme base de l’économie et instruments pour marcher sur la lune. Non seulement le pays est bloqué, mais il remonte le temps. Tous ou presque ont observé ce retour aux tribus, oubliant que c’est aussi un retour au Caïd et au chef de tribu et à la logique de la «grande tente» aux lieu et place du grand Etat. Même la France sera pour cette présidence: elle aime le genre depuis un siècle et demi et sait lui parler. Donc, cap sur le passé. Dans deux ans, vous aurez cent deux ans.
16 mai 2012
Kamel Daoud