Culture : Le coup de bill’art du Soir
Mardi, en cette fin d’après-midi à la place Audin à Alger, la plupart des passants s’arrêtaient pour voir travailler l’artiste. Sur son échelle, l’homme avait presque terminé son œuvre en céramique.
Au milieu, un portrait de Maurice Audin et tout autour sa biographie en arabe et en français. En avril 2003 et au même endroit, l’artiste français Ernest Pignon-Ernest avait collé une sérigraphie représentant Maurice Audin. Cette sérigraphie malheureusement avait rapidement disparu. Maurice Audin (1932-1957), assistant de mathématiques à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien, a été un militant anticolonialiste. A cause de son engagement en faveur de l’indépendance de l’Algérie, il sera arrêté par l’armée française le 11 juin 1957. Selon la version officielle, Maurice Audin s’est évadé et n’a plus donné signe de vie. Mais Josette Audin refuse de croire à cette version. Le 4 juillet 1957, elle porte plainte contre X et se constitue partie civile. «Mon mari a été étranglé le 21 juin 1957 au centre de tri de la Bouzaréah, à El Biar, au cours d’un interrogatoire mené par son assassin, le lieutenant Charbonnier, officier de renseignements du 1er RCP… Le crime fut commis au su d’officiers supérieurs qui se trouvaient soit dans la chambre des tortures soit dans la pièce attenante. Il s’agit du colonel Trinquier, alors adjoint du colonel Godard, du colonel Roux, chef du sous-secteur de Bouzaréah, du capitaine Devis, officier des renseignements attaché au sous-secteur de la Bouzaréah, et qui avait procédé par ailleurs à l’arrestation de mon mari, du commandant Aussaresses, du commandant de la Bourdonnaie», écrit-elle. Le 19 juin 2007, Josette Audin envoie une lettre ouverte au président de la République française pour lui demander «simplement de reconnaître les faits, d’obtenir que ceux qui détiennent le secret, dont certains sont toujours vivants, disent enfin la vérité, de faire en sorte que s’ouvrent sans restriction les archives concernant cet évènement…» Elle n’a pas reçu de réponse. Le 30 décembre 2008, le président de la République française informe la fille aînée de Maurice Audin, Michèle, de sa décision de lui décerner le grade de chevalier de la Légion d’honneur, pour sa contribution à la recherche fondamentale en mathématiques et la popularisation de cette discipline. Michèle Audin a refusé cette distinction. «Je ne souhaite pas recevoir cette décoration… parce que vous n’avez pas répondu à ma mère…», a-t-elle écrit au chef de l’Etat français dans une lettre ouverte qui a fait le tour du monde. Le corps de Maurice Audin repose quelque part en terre algérienne.
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/19/article.php?sid=134354&cid=16
19 mai 2012
Kader Bakou