Au-delà du résultat de ce soir, et bien qu’on souhaite forcément une petite victoire des Verts dans l’absolu, je dois avouer que je ne sens pas vraiment ce match comme les autres. Je n’ai pas envie comme d’habitude, de faire sortir de ma poitrine cette rage bestiale enfouie dans le nationalisme exacerbé qu’on nous a inculqué depuis 1962. Pourquoi ? Parce qu’on aura en face un adversaire blessé par une guerre qui torture son peuple. Bien qu’elle renferme des individualités de taille XXL, l’équipe du Mali donne moins envie que pitié, du fait de l’incertitude sécuritaire qui pèse sur son pays. Je suis peut-être trop idéaliste, mais je ne saurai me réjouir d’une victoire des Verts face au Mali. A la limite, je me contenterai bien d’un petit match nul sympa. Et même si l’Algérie perd les trois points, je crois qu’on ne se forcera pas beaucoup pour me consoler. Tout cela n’a rien à voir avec une quelconque mauvaise pensée enfouie dans l’arrière boutique de l’hypocrisie humaine. Rien de rien. C’est juste que je n’éprouve aucun sentiment de fierté en pensant que je pourrais me réjouir aux dépens de nos frères maliens. Ma fierté d’algérienne est telle qu’elle m’interdit de tirer sur les ambulances. Franchement, quel plaisir tirer d’une victoire sur une équipe qui joue en dehors de chez elle, sans son public, et qui, de surcroît, a la tête dans les fosses qu’on creuse au nord du pays pour enterrer les morts ? Quand je pense que le peuple malien en entier attend que Seydou Keita et ses camarades leur fassent oublier leur douleur, l’espace de 90 minutes, je ne peux que baisser les bras et espérer les voir jubiler à ma place. Je dis cela parce que chez nous aussi, on a connu cette tristesse et cette incertitude. Dieu comme une simple victoire nous faisaient renaître de nos cendres l’instant d’un match de foot ! Je compatis aujourd’hui, tout simplement, en solidarité avec un peuple cher aux Algériens.
9 juin 2012
SUZANNE AMOKRANE.