Syndrome de la femme violée, du peuple cassé. C’est ce que pensait l’homme occidental de « l’Arabe » voisin, voilà donc que l’Arabe le répète de lui-même. Piégé entre les militaires et les islamistes, il a, un moment, cru en la possibilité d’être libre avant de s’effrayer de sa propre liberté et de la transformer en asservissement et, pire encore, en demande d’asservissement volontairement réclamée et signée.
C’est ce qu’on entend aujourd’hui dans la rue algérienne, entre le soupir et la télécommande. Une théorie auto-raciste sur l’exception culturelle et la nécessité de la dictature et du bâton comme moyen unique de gouvernance. Le cas égyptien va être utilisé à outrance pour inculquer au « colonisé » la théorie de son infériorité politique « tout à fait naturelle » et prouvée par l’image et la violence. Frantz Fanon encore une fois aurait eu plaisir à analyser cette négritude de « l’Arabe » et de l’Algérien qui se repeint le visage en esclave par peur de la responsabilité d’être libre. Il en est même difficile d’en faire une conversation ou en débattre, sans provoquer le ricanement et le doute.
L’idée de la liberté et de la démocratie est donc pour longtemps enterrée. Chez nous, le régime a été sauvé par le 11 septembre américain. En Egypte, le régime est sauvé par le cas algérien. En Syrie, le régime est sauvé par le crash libyen. L’un s’appuie sur l’autre pour prouver l’impossibilité d’avoir un avenir sain et même l’indécence de le demander ou de l’attendre. Sur le cadavre des milliers « d’Arabes » morts l’année dernière, un rire franc et indécent promène ses dents en désordre. La négritude de « l’Arabe » est désormais une conviction de l’esclave.
18 juin 2012
Kamel Daoud