Né en 1942 à La Casbah, Kader Benamara a fréquenté les universités de France et des Etats-Unis.
Après des études de sociologie et d’économie, il a entrepris une carrière de fonctionnaire internationale. Aujourd’hui à la retraite, il vit sur les rives du Danube, au cœur de la Mitteleuropa. Comme la plupart des Algériens, il a connu la misère et les privations durant son enfance à cause du système colonial français. Tout ce qu’il a vu, ressenti, observé, entendu… Kader Benamara le restitue dans ce récit. Rue de la Lyre, rue Marengo, Djama’a Lihoud, Sidi Abderrahmane, Baba Salam, Boualem Titiche, l’école de la rue Tanger, le cours Sarrouy, le lycée Bugeaud… L’auteur nous livre ses souvenirs d’enfance en les replaçant dans le contexte de l’époque : l’occupation coloniale française. Et puis il y a toutes ces anecdotes cocasses ! A 4 ans, il fait sa première fugue en échappant à la vigilance de sa maman, après s’être «rincé les yeux» : «Des femmes mûres à la chair abondante et aux seins croulants, des jeunes aux seins à peine esquissés… et des vieilles toutes rabougries abandonnant leurs os âgés aux mains expertes des masseuses » P. 127. Le jour de sa circoncision reste un souvenir des plus traumatisants pour ce petit Casbadji. «Il n’est pas question que cette opération soit exécutée par un docteur. Personne n’y aurait songé… Le barbier du coin est chargé de faire respecter cette coutume qui m’apparaît comme barbare. Il le fait, armé de ses seuls ciseaux et sans se soucier d’administrer une anesthésie locale. Ni mes pleurs ni mes cris de douleur ne l’émeuvent…» P.130. Kader Benamara raconte que son père décède alors qu’il est à peine âgé de 8 ans. Pour nourrir ses trois fils en bas âge, sa mère doit faire des ménages : «Elle quitte la maison tôt le matin et ne revient que tard le soir. Les travaux domestiques et le travail à l’extérieur l’épuisent mais elle ne se plaint pas.» P.131. Puis un peu plus loin : «Combien de fois n’a-t-elle pas rendu visite au mont de piété ou Caisse de crédit municipale, qui accordait des prêts sur gages à la place d’Isly… Elle y échangeait des objets personnels contre l’argent qui lui sert à régler ce maudit loyer». P.132. Vie personnelle et histoire de l’Algérie se côtoient tout au long de ce récit. La guerre de Libération y est évoquée par l’auteur avec force détail. Comme la bombe du Casino de la Corniche le 9 juin 1957. «Une bombe de deux kilos a été introduite par un jeune plongeur de 18 ans, employé au restaurant du Casino, Lounès Imkhlef. Il a réussi à glisser le paquet contenant la bombe sous l’estrade de l’orchestre… L’horloge accrochée au-dessus de l’orchestre indique 18h55. Soudain, le cataclysme se déclenche. Une immense déflagration secoue le dancing, remplissant la salle de poussière et de fumée dense…» PP.245 et 246. Les représailles ne vont pas tarder. «… quelque 1 500 jeunes se dirigent vers la ville hurlant Algérie française et Mort aux assassins… Ils saccagent des magasins tenus par des Algériens, s’en prennent aux voitures conduites par eux et y mettent le feu. Quelques Européens envahissent une boucherie et, se saisissant de son propriétaire musulman, le tuent à coups de crochet… » P.247. Eclats de soleil et d’amertume rapporte avec précision les gros événements qui ont marqué notre pays. C’est très bien raconté et très agréable à lire. Des photos en noir et blanc, dont certaines sont inédites, agrémentent ce récit. A lire absolument et à faire partager. La préface est signée Kaddour M’hamssadji. Quant à l’auteur, il dédie cet ouvrage «aux jeunes Algérois d’aujourd’hui qui n’ont pas connu cette capitale grouillante et bigarrée d’autrefois, celle d’avant l’indépendance».
Sabrinal
Éclats de soleil et d’amertume, Kader Benamara, Editions Barkat, 2012, 390 p., 800 DA.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/06/19/article.php?sid=135683&cid=16
19 juin 2012
Auteurs Algériens