Du coup, l’expression de «succession ouverte depuis huit ans» prend tout son sens : il ne s’agit pas d’une hésitation sur une transition possible mais d’une hésitation sur une succession floue. Bourguiba est devenu inutile mais le bourguibisme est nécessaire à tous. On ne lui trouve pas de palliatif. Bouteflika n’est peut-être plus malade, mais le reste du pays est alité. Depuis presque une décennie.
Du coup, la question favorite des Algériens exprime un fatalisme incroyable : qui va-t-on nous ramener cette fois ? Un fondateur du FLN ? Piste fermée. Un Général «civilisé» ? Déjà essayé. Un ancien Boumedienniste ? Il est justement au cœur de la crise. Reste celle d’un islamiste soft genre Belkhadem. L’Algérie étant un pays rural pétrolier, cela pourrait «coller» si on adjoint à l’acteur principal, un chef de gouvernement proche des «élites» urbaines. On comprend donc l’essentiel de la décennie : le régime n’arrive pas à élire quelqu’un alors qu’il excelle à pousser les Algériens vers les urnes. Pour une fois, la transition se pose entre deux époques et pas entre deux clans apparemment. Par qui remplacer Bourguiba tout en sauvant le bourguibisme ? Que faire quand on met un pays dans les mains d’un homme et que cet homme a les mains derrière le dos, reste assis et ne sait pas ce qu’il veut ? Rien, justement. Le vide, ce but de certaines religions. On laisse les finitudes biologiques décider du cas algérien. L’Algérie, ce pays riche justement par ses fossiles. D’où cet étrange sens de l’expression «énergie fossile» quand on parle chez nous de politique et de légitimité. Chez nous, les lents vieillissements méditatifs donnent toujours deux produits : du pétrole au sud, et de la légitimité au nord. Donc on attend. La formule est : «une crise de succession qui dure depuis 8 ans est mieux qu’une solution qui dure six mois».
23 juin 2012
Kamel Daoud