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Nager dans un mur par Kamel Daoud

24 juin 2012

Kamel Daoud

Nager dans un mur. C’est sur le sable, face à la mer que l’Algérien est face à son corps et à l’intérieur du corps des autres. Sur la plage, on peut voir la nationalité, sans les vêtements, justement. Le corps de l’Algérien, l’Algérien le porte sur le dos, souvent. Parfois, il le tient à distance, dans le soupçon ou la honte. S’il est islamiste, conservateur ou honteux métaphysique, l’Algérien tient son corps pour un crime ou une culpabilité. Le corps est coupable dans le dos du corps, en somme. Du coup, il faut le laver, lui interdire la nudité et la présence, puis la beauté, la visibilité et, enfin, même l’existence. Le corps est aussi sommé d’exprimer la richesse sur les autres corps : le ventre bedonnant est signe extérieur de richesse et d’importation massive, au lieu de signifier l’inesthétique. Et chez la femme algérienne ? C’est pire. C’est là où le corps est coupable de tous les crimes possibles de tous les autres corps. Le corps de la femme est traqué, fouillé, refusé, refoulé et accusé. Non seulement d’être le corps d’une femme mais d’être la cause du malaise du corps de l’homme. Le corps de l’homme algérien est un crime possible, le corps de la femme est la preuve de ce crime même quand il n’est pas commis.

Donc, au-delà, c’est à la plage, sur le sable, entre la mer et le soleil, que le corps de l’Algérien est au plus mal, méfiant, animal dans son soupçon, sali par des tas d’idées mortes et violentes. Nus, les Algériens sont plus agressifs que lorsqu’ils sont armés. Entre le parasol et l’infini, le corps de l’Algérien est dans le malaise : il ne sait pas nager en se dénouant, ni comment s’habiller ou se dénuder ou s’approcher l’un de l’autre sans se soumettre ou se dominer. Flotter ou se faire pardonner. Les vivants y ont presque honte devant les martyrs qui ont réussi à se débarrasser de leurs corps justement. Dans le pays de la mort comme valeur, le corps est un cabas sans importance, sur une route sans buts ni sensualité.

Donc, dans l’eau, les Algériens, des Algériens ont ce mouvement impossible qu’ont les dessins quand ils nagent dans un mur. A côté, les dessins rupestres du Sahara semblent des champions de l’aisance et des talentueuses légèretés. Ensuite, la plage est traitée elle-même comme le corps : bétonnée, volée, violée, salie, piétinée, privatisée. La plage algérienne est le corps nu de l’Algérien, vu de l’intérieur. Dans les vieilles métaphysiques, le corps habille l’âme. Ici, dans le pays, l’âme est ce qui salit le corps et l’empêche d’être nu, beau et léger et admirable. Il suffit de se promener dans une plage algérienne pour voir ce qui se passe dans les têtes.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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