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LES RÉVOLUTIONS ARABES, AN II Fin d’une parenthèse ou flux continu ? Par Zineddine Sekfali

1 juillet 2012

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En égypte, pour la première fois dans l’histoire de ce grand pays, un président de la République a été élu démocratiquement. En effet, contrairement à ces prédécesseurs qui ont toujours été des candidats uniques, automatiquement élus lors d’un scrutin à un tour, avec des scores pharaoniques, le nouveau président n’était pas le seul à se présenter au suffrage de ses concitoyens ; il n’a pas été élu du premier coup, mais a dû passer par un deuxième tour, et il n’ a obtenu que 51,73% des voies exprimées…
Les révolutions arabes n’ont donc pas fini de nous surprendre par les horizons démocratiques qu’elles ont ouverts dans le Machrek et le Maghreb. C’est bien cela que voulait exprimer Marco Vargas Llosa, écrivain et homme politique péruvien, prix Nobel 2010, en déclarant : «Après l’effondrement du communisme, le Printemps arabe est l’évènement le plus important de l’histoire récente.» Et pourtant, il y a encore ici et là des gens qui affirment obstinément que les Tunisiens, les Libyens, les Égyptiens… vivaient mieux «au temps béni du petit père du peuple» qu’ils ont renversé et que la démocratie n’a pas d’avenir dans ces pays ni dans aucun autre pays arabe. D’autres insinuent que ce printemps est terminé et que les révolutions sont déjà en situation d’échec. Ces esprits obtus et ceux qui ont la démocratie en sainte horreur sont encouragés et soutenus dans leur résistance au mouvement libertaire qui traverse le monde arabe, par ce qu’on appelle la «presse bashing» spécialisée dans la calomnie et le dénigrement, de même que par toute une faune de «complotistes» qui squattent Internet, et enfin par tous ces avocats du diable, défenseurs zélés des régimes autoritaires ou totalitaires. Voyons un peu en quoi ils commettent une erreur grossière.
Faux frères, faux amis et suppôts du despotisme
Tous ces faux frères et faux amis des Arabes, tous ces vrais suppôts du despotisme oriental ont pour mission de formater les Arabes et d’en faire des sujets livrés pieds et points liés aux monarques régnant ou aux oligarchies dominantes. Or, ce qui vient de se passer en Égypte est la preuve que ni le désordre qu’on attise ni l’autoritarisme qui frappe n’ont d’avenir dans le monde arabe. Les années 2011 et 2012 sont des années-phares dans l’histoire du monde arabe. Elles mettent un terme à une époque révolue et ouvrent pour les peuples arabes, en même temps que la voie vers la liberté, de nouvelles et prometteuses perspectives économiques, sociales et culturelles. L’avenir est à la démocratie dont chacun doit se convaincre qu’elle n’a ni de race, ni de couleur, ni de religion, qu’elle n’a pas de propriétaire exclusif et qu’elle n’est le monopole d’aucun pays ni d’aucun peuple. Ce qui a réussi en Europe occidentale, en Europe orientale, en Amérique du Nord et en Amérique latine, en Asie et en Extrême- Orient, sur le continent noir et en Afrique du Sud notamment, ne saurait que réussir dans le monde arabe, tôt ou tard. Le changement fait peur, non seulement à ceux qui s’accrochent au pouvoir, mais aussi à une certaine frange de la société politique qui aspire à prendre la relève des régimes autoritaires en place. Cette frange-là, balayant de la main des siècles d’évolution politique, annonce à ses ouaillesmilitants, qu’elle va restaurer le «califat» des premiers âges de l’Islam. On feint de ne pas savoir que le Califat n’a jamais été un modèle exemplaire de gouvernance des Etats et de croissance économique et sociale. Il n’a pas non plus laissé un souvenir impérissable par son attachement à la justice ni par son respect de la dignité humaine. Il s’en faut de beaucoup ! Faut-il à cet effet rappeler que sur les quatre califes «orthodoxes», trois ont été assassinés pour des motifs politiques, que le calife Muawiya 1er qui a ordonné la mort du calife Ali pour lui prendre sa place a fait du califat, à l’origine électif, une institution dynastique et héréditaire, que son fils Yazid a mis à mort la descendance d’Ali qui lui contestait sa légitimité, que la dynastie abbasside de Baghdad a chassé la dynastie Omeyyade de Damas d’où un seul a pu s’échapper pour créer à Cordoue un autre califat qui disparut sous les coups conjugués des Almohades venus de l’Ifrikiya et des chrétiens d’Espagne, que les Fatimides installèrent à leur tour un califat au Caire jusqu’à ce que Salah Eddine (Saladin) le détruisit, enfin qu’à partir de 1515 le monde musulman est passé sous l’autorité, à bien des égards théorique et symbolique, du califat «ottoman » lequel sera purement et simplement supprimé par le général Atatürk en 1924… Le califat a été instauré aux premier siècle de l’Islam, il a vécu dans les troubles et les divisions, et il a sombré corps et biens du côté d’Istanbul : c’est du passé et c’est un passé révolu. Il n’y aura à l’avenir pas plus de califes que d’empereurs du Saint Empire romaingermanique, de Basileus à Constantinople ou de pape avec les pouvoirs de César ! On ne refait pas l’Histoire. Et enfin, que je sache : ni les Turcs y compris ceux de l’AKP, ni les Egyptiens y compris les Frères musulmans d’aujourd’hui, ni les Tunisiens d’Ennahda, ni les Irakiens chez qui il y a du reste une forte communauté chiite qui, comme chacun sait, n’a pas le califat en odeur de sainteté, ni les Syriens qui souffrent le martyre, ni les Arabes de la Péninsule éponyme qui n’en demandent pas tant, ne revendiquent la restauration du califat ! Il paraîtrait qu’il n’y aurait que les chouyoukhs qui ont élu domicile dans les monts de l’Hindou-Kouch, qui veulent avoir un calife ou le devenir ! On voit bien qu’en matière de revendications politiques, il y a des limites qu’on ne peut franchir sans se ridiculiser. Restaurer le califat, c’est LOL, diraient nos jeunes branchés sur le web ! Islam et islamisme : assez d’amalgame ! Il n’en demeure pas moins que les démocrates se fourvoient à mon avis, quand sous le prétexte formel de combattre l’islamisme qui est un mouvement politique avec lequel chacun a le droit de ne pas être d’accord, s’en prennent en réalité à l’Islam, à son dogme, à ses principes et à ses institutions notamment aux règles du corpus composant le droit de la famille ou statut personnel. Il importe ici de rappeler qu’en terre d’islam, l’islam est forcément majoritaire par rapport au christianisme qu’il soit catholique, protestant ou orthodoxe. En terre d’islam, l’islam est naturellement préféré à l’athéisme et au matérialisme. En terre d’Islam, la vie de chacun des musulmans est jalonnée, comme le fut celle de ses parents, de ses grandsparents, de ses aïeux et de ses ancêtres, de rites, de pratiques et de cérémonies religieuses ; si donc nous n’admettons pas qu’on vienne nous dire qu’on va nous convertir à l’Islam, de la manière et avec la même force même nous nous inscrivons en faux contre ceux qui osent prétendre que la démocratie est incompatible avec l’Islam. En Algérie, notre islamité est restée intacte malgré 130 années de colonialisme. Nous n’avons pas attendu les islamistes pour embrasser l’Islam : notre islamité est de beaucoup antérieure à leur islamisme et nous sommes de plus en plus convaincus que l’Islam est victime d’un détournement politique effectué par une minorité de gens que le pouvoir et ses avantages financiers et matériels ont fascinés. En terre d’Islam, il n’y a rien de surprenant que les musulmans se soulèvent pour chasser ceux qui, sous prétexte qu’ils sont des «wali el amr», s’exercent à les opprimer ; de ce point de vue aussi, les musulmans n’ont pas attendu l’apparition de l’islamisme pour se soulever et réclamer leurs droits. En terre d’Islam, on nomme les combattants «moudjahidine» et le combat «jihad» ; on y appelle aussi «chouhada» ou «martyrs» ceux qui meurent au combat. Ce vocabulaire fortement empreint de religion est précisément celui pour lequel la Révolution algérienne a opté dès le premier jour. Je conviens cependant, qu’on n’a jamais parlé à propos de notre Révolution, en termes de «foutouhat » ni d’ailleurs de «ghanima» : c’eut été totalement hors sujet ! Voilà brièvement indiqué ce qui distingue en terre d’Islam la religion musulmane du mouvement politique islamiste. A l’étranger, l’anti-islamisme de certains politiques et journalistes cache mal en vérité une islamophobie quasi maladive. C’est chez ces gens-là qu’on retrouve ceux qui soutiennent que «les indigènes» étaient mieux sous Bénali, Kadhafi, Moubarek… Pourquoi ? Parce que «les indigènes» ignorent selon eux ce qu’est la liberté, ce que signifie la démocratie et ce qu’on entend par droits de l’homme. De Gaulle a dit : «Il y a en France un esprit de Vichy.» ; on voit bien aussi qu’il existe encore «un état d’esprit colonial». Mais le plus choquant c’est que cet état d’esprit colonial, très réducteur de «l’indigène», est approuvé et partagé par certains indigènes. C’est en tout cas le désagréable constat que l’on fait parfois en suivant certains débats télévisés diffusés par des chaînes étrangères ou en lisant certaines tribunes ou articles de presse internationale. Ces débats et écrits, loin d’éclairer les esprits, ajoutent au contraire de la confusion à l’incompréhension.
De vraies révolutions, pas des feux de paille
Il reste à dire quelques mots à ceux qui croient que les révolutions arabes sont d’ores et déjà terminées et qu’elles n’ont été qu’un feu de paille. Ils ont bien tort de le croire ; nous les renvoyons à ce grand succès démocratique qu’a été l’élection présidentielle pluraliste égyptienne. Certes, il y a encore, en place dans le monde arabe, des pouvoirs despotiques. Mais on sait qu’aucun despote ne part de lui-même et moins encore n’accepte de céder sa place à un pouvoir démocratique. La démocratie ne se réalise pas du jour au lendemain, comme d’un coup de baguette magique. Cela prend du temps, contrairement au despotisme qui, lui, est capable de se mettre en place en quelques heures, dès lors en effet qu’il dispose de moyens armés, qu’il fait occuper de force les lieux de pouvoir et mettre en prison les récalcitrants. N’oublions pas non plus de jeter un regard rapide ou un coup d’œil à deux révolutions connues : la révolution française et la révolution russe, pour en tirer quelques enseignements. La première, déclenchée en juillet 1789, fut, au départ, un immense mouvement populaire improvisé, libertaire, sans parti ni leader politique. En 1793, avec la «Convention», a commencé l’une des périodes les plus sanglantes de l’histoire de France. La «terreur» devint institutionnelle et la guillotine fonctionna à plein régime. C’est en référence à cette époque qu’on a inventé, je crois, cette formule effrayante : «La révolution mange ses enfants.» Les choses ne deviendront calmes qu’après plusieurs années de troubles et de violences. La situation se normalisera, si j’ose dire, avec le coup d’Etat du général Bonaparte, de novembre 1799. Ce général se fera proclamer, peu de temps après, «empereur des Français ». C’est lui qui a dit : «Il y a ceux qui font les révolutions et ceux qui en profitent. » Il me semble intéressant de signaler qu’un écrivain slovène, Zlavoj Zizek, rapporte dans un livre publié en 2007, qu’à un journaliste occidental qui l’interrogeait en 1953, sur le point de savoir quand s’est achevée la révolution française, le Premier ministre Chou Enlai a répondu, après une longue réflexion : «Il est trop tôt pour le savoir !» La révolution russe d’octobre 1918 a été, elle aussi, l’une des plus violentes de l’Histoire. Elle submergea le pays, mis à mort le tsar, sa femme et tous leurs enfants, massacra la noblesse. La Russie connut la «Terreur blanche», la «Terreur rouge», la guerre civile, la «Grande terreur», les purges et liquidations de la Tcheka, des procès kafkaïens. Les leaders politiques de cette révolution seront tués les uns après les autres, d’autres jetés dans le goulag, peu parviendront à fuir à l’étranger où ils ne seront pas toujours en sécurité. Dans tout le lot, un visage va émerger : celui de Staline. S’accaparant de tout le pouvoir, il sera jusqu’à sa mort en 1953 le nouveau «tsar de toutes les Russies ». Ses successeurs ont tenté de déclencher un processus de normalisation ou de démocratisation, dans ce pays profondément imprégné d’autocratie et de traditions orthodoxes. Les choses ont quelque peu évolué dans les années 1980, mais il y a eu des rechutes autoritaires. Dans l’ensemble, il semble bien qu’il reste beaucoup à faire pour que la démocratie s’instaure en Russie. Et puis, il est opportun de rappeler que chez nous, l’arrêt de la guerre de Libération n’a pas été suivi d’une longue période de stabilité politique. Moins de trois mois après le cessez-le-feu, de graves dissensions et divisions ont éclaté au grand jour, le Congrès de Tripoli ayant mis en minorité le GPRA, lequel a réagi en démettant le chef d’état-major de «l’armée des frontières». Deux clans se sont alors créés : l’un à Alger favorable au GPRA et l’autre à Tlemcen avec un «bureau politique». Puis, on est passé à l’usage de la force. Des combats ont en effet opposé les hommes des Wilayas aux troupes dites des frontières, à Constantine, à Alger, à Ksar-El- Boukhari et près de Chlef. Ces combats ont fait des centaines de morts et de blessés dans les deux camps. D’où les manifestations populaires aux cris de «7 snin barakat !» Pis encore, en 1964, des insurrections se sont produites : l’une dans le sud du pays menée par le colonel Chabani, l’autre en Kabylie sous la houlette du colonel Mohand Oulhadj et de Hocine Aït Ahmed. Des attentats ont été perpétrés dans la capitale qui n’avait pas encore oublié ceux de l’OAS. Des partis politiques ont été créés (PRS, FFS, ORP…) en violation du principe de l’unicité du parti, principe «sacro-saint» à cette époque. Les fondateurs et militants de ces partis clandestins furent pourchassés. Des juridictions spéciales ont été instaurées pour juger les insurgés et les opposants ; des condamnations à mort ont été prononcées et plusieurs ont été exécutées. Courant 1965, le président Ben Bella démit trois à quatre ministres réputés proches du ministre de la Défense nationale et s’attribua plusieurs portefeuilles ministériels. Il sera à son tour destitué les 19/06/1965, et gardé en détention durant quinze années. Le 15 décembre1967, le colonel Tahar Zbiri lançait un putsch qui échoua, en entraînant de nombreux morts et blessés et des arrestations massives. Le 27 avril1968, le président Boumediène a fait l’objet d’un attentat au cours duquel il a été blessé au visage. N’oublions pas d’ajouter à cette triste liste des faits plus récents, comme : l’apparition au début des années 1980 du maquis de Bouyali, les émeutes d’octobre 1988, la terrible «décennie rouge», le lâche assassinat du Président Boudiaf, le sinistre «terrorisme résiduel» qui ne finit pas de tuer militaires et policiers… Non ! l’histoire politique de l’Algérie n’a pas été «un long fleuve tranquille », mais, hélas, une série épouvantable de violents et sanglants soubresauts. Et nous sommes toujours en quête de démocratie ! D’où cette conclusion que j’emprunte à un écrivain et politicien brésilien, fou de liberté et de démocratie, Ruy Barbosa (mort en 1923) : «La pire des démocraties est préférable à la meilleure des dictatures !»
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/06/30/article.php?sid=136126&cid=41

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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