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19 MARS : FIN D’UNE GUERRE QUI CONTINUE

16 juillet 2012

Rachid Bali

Chronique

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Publié le Dimanche, 18 Mars 2012 14:48
Écrit par Rachid Bali

Cela fait 50 ans jour pour jour, le 18 mars 1962, qu’un homme qui a dédié sa vie à son pays, a apposé son paraphe au bas d’un document mettant fin à huit ans d’une terrible guerre. Au plus profond de chacun d’entre nous, cette date est synonyme d’ambiguïté. Signant la fin de la nuit coloniale, elle n’a pas arrêté de se  confondre dans notre inconscient avec une histoire, nouvelle certes, mais aussitôt calquée sur la précédente.

En mars 1962, nous apprenons que nous ne sommes plus des colonisés  avant de découvrir, quelques semaines plus tard, que nous ne serons pas, pour autant, des citoyens. L’encre encore fraîche, le clan d’Oujda qui confisquait une guerre qu’il n’a pas livrée, contestait le bien fondé des accords d’Evian au nom d’une surenchère qui exigeait par pure démagogie une poursuite des combats dans un pays exsangue. N’ayant pas vécu les affres du conflit, ce clan n’éprouvera aucun remord à provoquer en juillet 1962 des affrontements sanglants qui n’en finissent pas de nous tenir à la marge du monde.
Que recherchaient les hommes de novembre ?…
Probablement la dignité pour leur peuple avant même le pain, leur vie étant l’illustration d’une loi mille fois vérifiée qui leur a enseigné que la faim est le lot des oubliés de l’Histoire.
Pourquoi une guerre de libération engagée dans la précipitation, miraculeusement rattrapée en cours de route à la Soummam, a-t-elle si tragiquement dérapé au point de devenir, 50 ans après l’indépendance, un des derniers contre-exemples de l’émancipation dans le sud ?
Avec le recul, on peut repérer les origines internes et externes de ce gâchis.
Il y a deux catégories de dirigeants qui savent s’élever dans les grandes occasions pour se mettre au diapason de l’Histoire et servir l’intérêt général : certains sont préparés par un environnement favorable à l’art de la politique ( histoire familiale, formation académique, rencontres fécondes…), d’autres, plus modestes s’insurgeant contre l’injustice et se retrouvant propulsés aux avant-postes des responsabilités se bonifient avec l’exercice du pouvoir. Dans la première catégorie, on peut compter les Abane, Dahlab, Debaghine, Hassiba bent Bouali, Francis,  Abbas…, dans la seconde figurent les Krim, Ben Mhidi, Ben Boulaid, Amirouche, Zighout qui compensent leur manque d’expertise initial par des qualités humaines exceptionnelles…
Il se trouve que l’Algérie fut prise en otage, dès 1957, par un troisième segment politique caractérisé par le double handicap de l’inculture et d’une vraie faille narcissique. Outre Ben bella, on  peut citer dans cette caste des hommes comme Boussouf, Boumediene, Yahiaoui, Kafi, Messaadia, l’actuel chef de l’Etat…A chaque fois que de tels éléments ont pris le pouvoir, il a été extrêmement difficile de les en dessaisir car ils lient leur existence au contrôle et à la soumission de la collectivité.

Les tenants du déterminisme moral avanceront que la vertu n’est pas une manifestation spontanée dans l’Histoire des hommes, particulièrement dans ses périodes de transition tourmentée. Et il est vrai que l’instabilité et la confusion ont généralement profité aux moins scrupuleux.
Ceux qui analysent plus prosaïquement les évènements assurent qu’en plus de la violence de la colonisation qui a privé l’Algérie d’une élite conséquente, des intervenants extérieurs ont grandement contribué à empêcher son arrimage au monde moderne. Les calculs de DeGaule et de Nasser qui ont, chacun à sa manière et pour ses raisons propres, dopé un Ben Bella dont ils ne connaissaient que trop les limites, ont favorisé l’installation d’un système politique qui ne laissait aucune chance à l’émergence d’une nation qui devait  inventer un destin national avec ses identités, ses codes, ses instances de représentation…toutes choses qui appellent capacité d’écoute, sens du compromis et de la perspective historique ; autant dire une culture politique et un capital moral dont était dénué un ben bellisme rivé sur le conjoncturel et dicté par l’improvisation.
La conjugaison du national-populisme et de cette double intrusion a eu des résultats terribles sur le devenir algérien.
Saisissant raccourci de ce drame, Krim Belkacem, assassiné à Frankfort par Boumediene, vient d’être tué une deuxième fois par des sous-traitants de la culture de palais qui ont bloqué le film censé relater sa vie quand bien même le scénario n’est ni un exemple de rigueur intellectuelle ni de courage politique. Traduction banale de cette censure : c’est au nom d’un combat que Krim a initié dans les maquis dès 1947 et qu’il a fait aboutir à Evian en 1962 que Bouteflika, qui en est l’un des adversaires les plus patentés, continue de sévir. Détournant en 2012 le 1er novembre, pour le souiller par des comparaisons grotesques, il ordonne aux citoyens de voter massivement le 10 mai, les dépossédant du dernier choix qui leur reste : ne pas applaudir à leur négation.
Reste l’imprévu comme seule l’Histoire sait en réserver : la jeunesse que d’aucuns pensaient définitivement captive du Léviathan FLN s’est ressourcée dans une histoire miraculeusement retrouvée, retournant à ses tuteurs la falsification par laquelle il croyait l’avoir domestiquée.
Ceux qui s’en souviennent constatent en 2012 que le discours et la pratique politiques du pouvoir algérien recoupent à maints égards ceux du colonisateur. La guerre d’Algérie n’est pas finie.

 

Rachid Bali

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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