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16 juillet 2012

Rachid Bali

Chronique

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Publié le Dimanche, 06 Mai 2012 15:11
Écrit par Rachid Bali

Le 10 mai prochain est une date importante dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Ce sera une opération électorale blanche,sans crédit ni suspens, mais nous aurons une évaluation d’étape politique essentielle. Cinquante ans après l’indépendance, les deux protagonistes, classe(s) politique(s) et système en place sont face à face, chacun sachant que le statuquo a vécu sans entrevoir, pour autant, quelles conséquences tirer de cet implacable diagnostic.

Le pouvoir qui a senti siffler très près le boulet des révolutions régionales  avait, dans un premier temps, entrepris de faire mine de prendre acte d’une page qui se tourne. Il lève un état d’urgence qui traînait depuis dix-neuf ans, admet le principe d’une surveillance internationale et annonce un processus de réformes politiques.

A cause de la peur de devoir assumer un bilan inavouable, par incompétence et du fait de division qui déchirent des centres de décision historiquement marqués par les tergiversations face à toute demande d’évolution, l’ensemble des engagements pris ont été réduits à néant par  un réflexe sectaire qui fait que  chaque personne admet en privé qu’il est vain et dangereux de nier une faillite systémique sans pouvoir donner à cette secrète lucidité une traduction politique cohérente et collective. Les manifestations publiques sont toujours interdites ou violemment réprimées. Les observateurs étrangers voient les termes du mémorandum signé avec le gouvernement rognés les uns après les autres ; le refus d’accéder au fichier électoral, malgré la promesse du ministre de l’intérieur, n’est pas le moindre des reniements. Pour faire bonne mesure et leur mettre la pression, on relance contre eux les propagandes de la guerre froide en  lâchant deux activistes de service ( Ennahar et le MSP ) qui accusent des membres de la mission européenne d’être des espions. Les réformes politiques sont concrétisées par un tour de vis supplémentaire qui paralyse encore plus les partis, la presse ; les associations et les élus locaux déjà réduits à une représentation symbolique. S’ensuit alors une campagne électorale à l’ancienne dans une conjoncture politique inédite: chantage à l’islamisme, menace de chaos en cas de changement, menace d’invasion étrangère en cas d’abstention et promesse, cette fois, de régler les problèmes du peuple…

Du côté de l’opposition (islamiste et démocrate), les choses évoluent sans qu’apparaisse une quelconque esquisse d’alternative. Le basculement du FFS vers une clientélisation assumée laisse l’espace démocratique au RCD, à des structures associatives et des personnalités qui n’ont pas encore trouvé le modus operandi d’une initiative consensuelle qui regrouperait celles et ceux qui conçoivent l’avenir national en dehors d’un champ institutionnel que les uns et les autres condamnent sans réserve. L’aile fondamentaliste est déchirée entre « les islamistes alimentaires » et les militants de conviction dont la plupart furent des acteurs essentiels du FIS. Et sur le terrain – en fait dans les mosquées – la bataille est rude entre les partisans de Djaballah dopé par le DRS et les irréductibles du parti dissous.

Le retour à la case départ du pouvoir et les temporisations des principaux acteurs de l’opposition ont créé au cours de cette campagne une situation inconnue dans la vie politique algérienne. Faute d’être encadrés et orientés dans un schéma classique où diverses organisations élaborent un compromis, militants et sympathisants de toute obédience se sont retrouvés dans une dynamique de contestation massive, offensive voire franchement agressive qui a ébranlé un pouvoir rivé sur ses recettes de toujours: verrouillage médiatique et étouffement organique des structures non domestiquées. Du coup, l’ex-militant du FIS revenu de ses illusions mystiques, l’adhérent du RCD écrasé tout au long de l’année 2011, le partisan du FFS qui veut en découdre avec une direction qui l’a trahi , le syndicaliste lassé par une lutte dont les lois sociales sont violées par les pouvoirs publics eux-mêmes se retrouvent côte à côte pour conspuer les candidats, détruire les panneaux d’affichage et défier les responsables de l’Etat…Le deal politique tant attendu s’est élaboré par et grâce à une campagne prévue pour tout sauf pour précipiter la dynamique de convergence de l’opposition. Le mot d’ordre est simple et unanimement adopté : changement de système. Au-delà des candidatures folkloriques, le citoyen s’adresse au pouvoir. Et ce n’est sans doute pas un hasard si dans l’avalanche de contestations multiformes, où l’imagination de la jeunesse, notamment, fut digne des plus grands bureaux de communication, l’homme qui aura été le plus attaqué est le premier ministre Ouyahia, symbole du cynisme et de l’arrogance du pouvoir.

Une chose est sûre : les artifices par lesquels le pouvoir a atomisé et manipulé le champ politique et social ont vécu. Le chantage à l’islamisme tourne au ridicule, la peur est méprisée et les tentations ont trouvé un traitement à la mesure de l’indignité qui les génèrent: à M’sila, les jeunes qui ont été mobilisés pour garnir le meeting d’Ouyahia, contre rémunération de 2000DA, furent les premiers à le chahuter. Quand le rabatteur essaya de se défiler au moment de régler la note, les jeunes menacèrent de transformer la réunion en manifestation dévastant la ville. Le sénateur local les a payés sur le champ…pour avoir conspué son premier ministre. Un monde s’en va.

A l’heure où nous écrivons cette chronique (dimanche), dans les cénacles du sérail, on semble résignés à la déconfiture. Le propos porte sur la manière de gérer l’affront. Trois hypothèses sont en étude : annoncer, comme par le passé un taux de participation invraisemblable, quitte à essuyer quelques remontrances des observateurs que l’on a eu l’imprudence d’inviter et essayer de racheter le prix politique de la fraude par les traditionnelles concessions économiques et diplomatiques, atténuer l’abstention tout en l’assumant en partie et la banaliser en expliquant que le désintérêt politique affecte beaucoup de pays, mettre sur le dos des compétiteurs l’échec de la campagne dans la mesure où ils n’auraient pas su se montrer à la hauteur d’une situation d’ouverture voulue et créée par le chef de l’Etat. La panne est réelle, l’échec est constaté, le changement revendiqué est verbalement accepté mais il ne faut pas toucher au système. La quadrature du cercle. La cocotte bout et le couvercle bloqué. Le futur immédiat en Algérie sera éruptif.

Reste à assumer le carnaval d’une assemblée constituée de délinquants, de corrompus notoires et de marginaux dont les affiches, à l’instar de cet apprenti karatéka, ont eu le mérite de dérider une population écrasée par un quotidien aux contraintes inextricables.

Le blocage des organes de l’opposition et l’autisme du pouvoir ont été contournés et débordés par l’énergie et l’intelligence de jeunes cadres confinés dans des instruments étouffés, contrôlés ou gérés par le système. La solution est venue des lieux extérieurs à un jeu politique factice et biaisé. Ce n’est pas la première fois que le destin algérien s’accomplit en dehors et contre les appareils.  En un sens Bouteflika a raison : il y a quelque chose de novembre dans cette campagne.

Rachid Bali

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À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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