Chronique
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- Publié le Dimanche, 19 Février 2012 12:18
- Écrit par Rachid Bali
Paradoxe de week-end. Les activités qui précèdent les prochaines élections – conçues pour brouiller la vie publique – contribuent à clarifier les choses, y compris dans les formations extérieures au système.
Commençons par le plus simple.
Le RCD a confirmé une option qui transpirait depuis longtemps : le boycott. Les raisons données sont technique et géopolitique. Pour le premier point, le parti de Said Sadi pointe l’impossibilité d’avoir une surveillance internationale sérieuse et un fichier électoral source de tous les abus ; pour le second il est avancé que dans un climat national pré-insurrectionnel, une situation régionale en pleine recomposition , avec ce que cela génère comme impact direct ou subjectif sur l’Algérie, l’implication dans une élection disqualifiée aura pour principal effet de prolonger une crise dont le dénouement sera d’autant plus sanglant qu’il est retardé. On est d’accord ou pas mais l’analyse a sa cohérence.
Du côté du FFS les choses sont plus complexes. Les colères explosent et les langues se délient. En marge du parti, le management du parasitage des manifestations de l’hiver 2011 est en débat depuis qu’Aït Ahmed a franchi un pas de plus en rentrant secrètement à Alger pour rencontrer Bouteflika. La nouvelle paralyse des commentateurs longtemps laudateurs et qui préfèrent ne pas entendre, attendant de voir un miracle démentir les faits; un peu comme on s’efforce de sortir d’un cauchemar. Et pourtant.
La nouvelle direction est fermement décidée à s’engager dans une opération politique qui révolte une base ébranlée. Est-ce une surprise ? En suivant les responsables actuels, on constate qu’aucun n’est issu des luttes de la clandestinité qui ont façonné une génération définitivement réfractaire à de telles manigances. Beaucoup ont même fait leur classe dans les rangs de l’UNJA ou du FLN. Bénéficier d’une fraude électorale ne leur pose pas de problème de conscience ; la pratique étant de tout temps imprimée dans leur patrimoine politique.
Reste l’autre versant de la question. Pourquoi Aït Ahmed, à l’automne de sa vie, a-t-il commis un tel sacrilège ? Des explications avancées par les anciens sont reprises et mises sur la toile. Elles donnent une partie de la réponse. Aït Ahmed n’a jamais été celui qu’il prétendait être. En 1949 il a mis un soin particulier à se démarquer des Benaï Ouali, Ould Hamouda, Mbarek Aït Menguellat et autres Rachid Ali Yahia, quitte à laisser courir, après coup, le mythe de la victime du sectarisme anti-berbère quand cela l’arrangeait. En 1963, tout en annonçant un front, il commence par humilier et rejeter Krim Belkacem au grand dam de tous les maquisards de Kabylie. En 1991, il appuie les islamistes tout en gardant un contact étroit avec Nezzar, alors à la tête du Haut comité d’Etat et Betchine, tortionnaire d’octobre 88, fut son confident attitré…Quand Aït Ahmed lance une accusation contre quelqu’un c’est qu’il est entrain de la commettre lui-même, disait feu Omar Oussedik. Ces faits ne suffisent pas à expliquer pourquoi un homme qui a toujours veillé à se fabriquer un profil d’opposant radical tombe brusquement le masque et assume le rôle de pompier du régime qu’il a si souvent imputé à d’autres. .
- Il subit un gros chantage suite à la vente illégale de la villa incessible mise à sa disposition par le pouvoir, avouent certains militants dépités.
- La haine du RCD l’aveugle à un tel point qu’il est prêt à tout, avancent ceux qui l’ont vu se rabibocher avec Ben Bella qui l’avait condamné à mort, recommander entente et composition avec Mehri et Hamrouche mais interdire à tout jamais le moindre contact avec le RCD.
- Il est très fatigué et ne dispose plus de toutes ses facultés, confie un de ses parents. Plus personne du parti ne peut accéder à lui. Même ses messages sont inspirés et même écrits par d’autres. Et à croire cette gorge profonde, la polémique dans laquelle il traitait de joggers les manifestants de la place du 1er mai serait l’œuvre d’une journaliste hamrouchienne.
Ces trois raisons ne sont pas antinomiques, la faiblesse physique et mentale pouvant conduire à un déclin de vigilance et une flambée de haine.
Si ces informations devaient se confirmer, Aït Ahmed n’a pas fini de servir d’instrument de division en Kabylie, d’agent de perturbation du courant démocratique et, accessoirement, de faire-valoir à des badauds politiques en mal de légitimité.
En attendant, il lui est attribué une correspondance où on peut lire cette fantaisie: « vous pouvez débattre démocratiquement mais le boycott n’est pas une option. » S’il était établi que cette lubie vient effectivement de lui, alors, oui les élections du 10 mai auront mis à nu une évolution de taille : le FFS a quitté les rangs de l’opposition. Reste à voir la réaction de la base. C’est la seule force qui peut encore arrêter la dérive.
16 juillet 2012
Rachid Bali