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L’EXIL ET LE ROYAUME

16 juillet 2012

Rachid Bali

Chronique

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Publié le Dimanche, 03 Juin 2012 14:09
Écrit par Rachid Bali

Une vérité s’impose depuis le 10 mai. Le scrutin aura été l’occasion d’une insurrection populaire pacifique. L’abstention fut massive et délibérée. Le rejet du vote n’a pas été seulement une réaction de lassitude ; il fut pour beaucoup, dont l’immense majorité de la jeunesse qui s’est illustrée par l’intrusion dans les meetings ou le sabotage de l’affichage, un acte de défi.

Les conséquences de ce phénomène non  encore analysées  n’ont pas fini de se dupliquer.
Il est, dès lors, intéressant de voir comment le pouvoir essaie de gérer une défiance dont il a pu prévoir l’ampleur mais pas les prolongements.
Par tradition, le système algérien a toujours privilégié la stratégie de l’invective extérieure pour masquer, réduire ou faire diversion sur ses échecs. A chaque fois qu’il est contraint de commenter une contre-performance, une contestation ou, pire, un crime, Alger a régulièrement invoqué les complots de l’étranger dont les manœuvres des nostalgiques du colonialisme et, à l’occasion, la complicité de leurs suppôts sont des ingrédients récurrents. A contrario, le régime a systématiquement veillé à entretenir le mythe de sa  symbiose sinon sa fusion avec le peuple.
Cette  fois, la stratégie de la  gestion de la catastrophe – car le 10 mai en est une – participe d’une démarche rigoureusement inverse de ce qui a caractérisé la propagande officielle en pareille circonstance, même si on a entendu ici et là quelques avertissements contre les menaces d’une invasion des ennemis extérieurs pendant la campagne. Désormais, et c’est là une première, le pouvoir algérien admet son divorce avec  l’opinion interne et s’évertue, avec une pusillanimité de boutiquier, à rassurer, séduire et, pourquoi pas, intoxiquer les partenaires étrangers. En moins d’une semaine, le besogneux Medelci et le fantasque Ould Abbas se sont rendus à Genève pour vendre le succès de « réformes politiques démocratiques voulues par le chef de l’Etat et concrétisées par l’apothéose du 10 mai. » Les deux ministres n’ont pas trop insisté sur la participation – le taux réel de 18% et celui de 43%, officiellement revendiqué, étant difficilement conciliables – mais l’un et l’autre ont glosé tant et plus sur le calme qui a entouré le vote et, surtout l’irruption massive de la présence féminine dans la représentation nationale. Le ministre des Affaires étrangères, qui était auditionné devant la commission des droits de l’homme de l’ONU,  s’est livré à des  exercices dignes d’un contorsionniste pour trouver des vertus démocratiques aux lois liberticides de décembre 2011 interdisant à la société civile les relations internationales, assujettissant les décisions souveraines des partis aux contrôle du ministère de l’intérieur, maintenant  le monopole de l’Etat sur les media audio-visuels ou dépossédant encore plus l’élu local de ses prérogatives. Ould Abbas, fidèle à sa réputation, ne s’est embarrassé ni de cohérence ni de crédibilité. Il a transformé la décrépitude du  système de santé algérien en exemple dont il a proposé les performances au continent africain et expliqué qu’un tel bilan ne pouvait être que le résultat de la clairvoyance du chef de l’Etat dont la consécration populaire fut le 10 mai.
Il ne reste plus qu’à compter sur la bienveillance de l’Union européenne qui a montré une composition confinant à la compromission ; la délivrance par anticipation d’un brevet de transparence de l’Espagnol Salafranca et de l’Italien  Panteri qui ont dépassé l’obséquiosité de certains membres de la commission nationale installée par le gouvernement lui-même pouvant être un avant-goût de la teneur d’un rapport plombé par les reculs et les concessions consentis avant même le jour du vote. Il apparaît cette fois clairement que c’est par la prestidigitation internationale que le pouvoir algérien veut récupérer une autorité irrémédiablement perdue sur la scène interne.
Cela marque une incontestable nouveauté dans  la stratégie de confiscation du pouvoir en Algérie.
Pourtant, à l’intérieur, le DRS avait tout prévu. La domestication du FLN, savamment maintenu en survie artificielle par une mise sous pression d’un Belkhadem coulé dans le béton de sa compromission iranienne était acquise. La mise en mouvement des factions maisons du RND ne pouvait, par définition, poser problème et le jeu, plus ou moins bien masqué d’un Aït Ahmed, préposé au sabordage des initiatives fédératrices de l’opposition, arrivait, l’âge aidant, à un point de maturation tel que le complément démocratique, longtemps négocié avec parcimonie, ne pouvait faire l’ombre d’un doute. Enfin, la manipulation du courant islamiste, largement clientélisé, est une opération maîtrisée de longue date. Il suffisait de sécuriser le process du 10 mai par l’injection massive de partis et listes puisés dans les besaces  des services spéciaux et le tour était joué. Les empêcheurs de tourner en rond seraient, en principe, faciles à isoler. Le RCD, épuisé par sa mobilisation de l’hiver 2011, ne pouvait repartir seul au front, d’autres opposants, aux rangs des quels figurent des islamistes radicaux, des personnalités politiques ou des intellectuels qui n’ont pas encore, pour diverses raisons, trouvé l’occasion de transcender leurs différences pour se  connecter sur  le seul objectif qui vaille engagement aujourd’hui en Algérie : le changement de système politique, composent un éventail trop hétéroclite pour peser efficacement sur une séquence électorale verrouillée de toute part. Les media publics, En-nahar, Ech-chourouk et les légions des indicateurs infiltrés dans les rangs des chauffeurs de taxi, des tenanciers des salons de coiffure ou de l’administration feront le reste : la disqualification par la rumeur de tout acteur non « gérable ». Pour l’instant,  le slogan du DRS est invariable : «  les politiques sont tous les mêmes ». Cousue main, l’affaire du 10 mai ne devait, en théorie, en aucune façon dévier de son objectif : mettre en scène le scénario du lustrage de la vitrine du système en attendant de pouvoir spéculer sur les inévitables hiatus des révolutions arabes et de régler le problème d’une succession agonisante.
Sauf que l’Histoire, en Algérie, autant sinon plus qu’ailleurs en ce début de siècle bouleversé, n’est pas écrite d’avance.
Après le 10 mai 2012, le système tangue de l’intérieur. Les provocations instrumentalisées du FLN s’abcèdent, les tensions courtisanes du RND explosent et le vieux fardage du FFS craque. Le trépied sur lequel  le DRS a assis son protocole vacille. Même les commissions électorales, pourtant rigoureusement filtrées, projettent leurs turpitudes sur un scrutin que plus rien, à l’intérieur du pays, ne peut  protéger de la condamnation annoncée par le boycott.
L’argent, la violence ( qu’elle s’exprime par la répression, la contrainte à l’exil ou la soumission des élites par la corruption ), la censure ont pu faire gagner du temps au régime, ils ne lui ont pas ouvert de perspectives dans un monde en mouvement autant dans ses dimensions nationales qu’environnementales. Le chantage à l’islamisme ou au chaos a vécu. Les islamistes sont au pouvoir au Maroc.  Ils viennent d’essuyer leur première  contestation populaire dans les rues de Casablanca cette semaine contre leur incapacité à répondre aux attentes des citoyens. La Libye, dont l’Algérie se plait à pointer  l’instabilité pour justifier son immobilisme et son incurie, tient tant bien que mal et cherche son destin.
Depuis 1962, les dirigeants algériens n’ont jamais hésité à choisir l’extérieur pour protéger leurs enfants, leurs fortunes et leur santé. C’est  la première fois qu’ils s’exilent politiquement pour chercher un soutien contre un peuple au nom duquel ils ont, jusque-là, revendiqué leur imposture.
Une page se tourne.

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À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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