C’est d’ailleurs comme une rouille hargneuse : c’est sortie de chez Al Saoud il y a un siècle, puis s’est répandue par les livres et les premiers porteurs du virus formés en Egypte et venus ici, puis a atteint les populations jeunes des années 80. La pandémie sera ensuite générale : elle touchera le peuple entier et provoquera la guerre et la mort et la destruction après de terribles fièvres et des délires du verbe divin. Puis il y a eu mutation : la rouille touche aujourd’hui les bancs publics, les métaux, les constantes nationales, le pays, les femmes dans leurs corps, la beauté, les vêtements, les convictions intimes, l’hymne national et la manière de se laver les mains ou de juger l’univers comme un arrêt de bus et pas comme un splendide mystère. Et du coup, après sa mutation, le virus a attaqué les parties faibles du corps national : les zones pauvres et décentrées, le lointain Sahara par exemple, la Kabylie. Là, il pense un jour reconquérir le nord et le regarde comme une Andalousie perdue. D’où vient le virus ? On le sait. Mais pourquoi le régime le laisse-t-il se reproduire dans le pays, l’encourage, le finance puis s’en va crier à la menace, à la lutte antiterroriste et à supplier pour qu’on relâche ses otages sans rien ébruiter sur la rançon ? D’où vient cet aveuglement du régime algérien par exemple qui construit la plus grande mosquée d’Afrique et produit la plus grande cellule d’El Qaïda puis va se plaindre de mener la guerre seul contre le mal et d’avoir perdu 200.000 Algériens quand personne ne le croyait ? Comment expliquer ce paradoxe entre une armée poussée à l’éradication comme idéologie et un régime qui affiche son conservatisme religieux comme preuve de sa foi ? N’y a-t-il personne pour constater que lorsqu’on ramène un calife comme chef, on finit par subir le califat comme échec de la nation ?
L’étrange myopie pharaonique par Kamel Daoud
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16 juillet 2012
Kamel Daoud