RSS

PREDATEUR

16 juillet 2012

Rachid Bali

Chronique

Détails
Publié le Dimanche, 24 Juin 2012 12:39
Écrit par Rachid Bali

Le mot appartient au règne animal. Il a été souvent utilisé pour désigner le système politique algérien qui ponctionne plus que ce dont il a besoin pour se maintenir et se régénérer. Au rythme où vont la gestion et l’exploitation des ressources humaines et naturelles du pays, l’Algérie sera atomisée dans sa territorialité, asséchée dans ses capacités morales et intellectuelles et définitivement privée de son potentiel économique.
Le régime qui a dilapidé tant et tant d’opportunités à même de le doter d’outils et de mécanismes d’une gouvernance restituant à la collectivité une partie de ses richesses décide, cette semaine, de se pencher sur nos réserves en gaz de schiste et évoque même la perspective de son exploitation. Les techniques d’extraction en sont à leurs balbutiements et, plus grave,  les menaces environnementales des procédés mis en œuvre à tire expérimental interdisent tout emballement.
En Algérie, les enjeux d’avenir et les dangers  que ferait peser sur les populations une industrie à risque ne constituent pas matière à dissuasion. On vit et on exerce le pouvoir pour en jouir sur le champ, indépendamment des implications que peut engendrer à distance cette boulimie. De ce point de vue, celui qui a dit que le système algérien relevait du règne animal n’a pas tort. L’action politique est guidée par l’instinct et non la raison.
Le pétrole baisse, les réserves s’épuisent alors que le pays végète dans une régression chronique. Il faut penser à prélever encore et toujours plus, quitte à ce que cette fringale finisse par atteindre les centres vitaux de la nation. On ne se posera pas la question de savoir pourquoi est-ce qu’une  manne aussi colossale n’a pas empêché un naufrage général.
Notre système éducatif sombre dans une médiocrité irréversible. Jusqu’à  la fin des années 60 et même au début des années 70, la faculté de médecine d’Alger avait pignon sur rue en Méditerranée. L’Ecole nationale polytechnique rivalisait avec les structures équivalentes d’Europe ; structures avec lesquelles elle coopérait avec une réelle crédibilité.
Dans les services administratifs, les ravages sont les mêmes. Le cadastre laissé par la puissance coloniale pouvait porter de vraies politiques d’aménagement du territoire. Nous nous rappelons tous de la qualité des transports offerts par la RSTA avec des agents portant uniformes réglementaires,  accueillant les voyageurs avec courtoisie et veillant à la ponctualité des horaires avec une minutie d’horloger. Qui n’a pas entendu, dans des moments de sincérité non dissimulée, un parent ou un ami s’épancher sur le temps où les facteurs rasés de frais livraient le courrier avec célérité et respect du secret des correspondances ? Qui n’a pas regretté la discrétion et l’efficacité des agents de Sonelgaz qui annonçaient leur passage par avance pour permettre aux usagers de se préparer le jour des relevés ?
On pourra toujours dire que la dégénérescence des institutions et la voracité ambiante qui meurtrissent l’Algérie ne sauraient être mises exclusivement  au débit du système en place puisque les performances rappelées plus haut existaient du temps de Boumediene, inspirateur des us et coutumes du clan d’Oujda. Encore faut-il rappeler que les acteurs qui ont fait perdurer les pratiques administratives efficientes étaient formés par  la pédagogie de l’école française. Boumediene ayant mené, dès sa prise de pouvoir, une politique de l’enseignement destinée à produire des adeptes et non des citoyens. La pensée cartésienne n’a pas survécu au tsunami arabo-islamiste.
Dire aujourd’hui  encore les implications de ce cataclysme et procéder à des comparaisons de bon sens expose aux pires admonestations des gardiens du temple. Ces gardiens qui, comme tous les prédateurs, protègent leur descendance des avanies qu’ils font subir à leur milieu. Comme tous les enfants des dirigeants qui chantent les vertus d’un arabisme mutilant, ceux d’Ouyahia reçoivent leur instruction à l’étranger.  Abdelkader Hadjar, antique pionnier de la commission d’arabisation, vient de se faire soigner à l’hôpital américain de Paris. On sait qu’avant d’être rapatrié pour maladie incurable, Ben Bella avait été hospitalisé dans une clinique du XVéme arrondissement parisien. Ne parlons pas du chef de l’Etat qui télécommande épisodiquement des exigences de repentances et qui se fait suivre à l’hôpital militaire français du Val de Grace.
Ce n’est pas par ce que cela a été dénoncé à mille et une reprises qu’il ne faut pas le rappeler ici : tous ceux qui ruminent une francophobie primaire ont leur dossier médical et leur compte en banque outre méditerranée. Il est vrai que sur ce dernier sujet, certains préfèrent, ces dernières années,  les établissements financiers des pays du Golfe, moins regardants sur les blanchiments d’argent…En attendant que la communauté internationale impose ses normes à ces contrées.
Est-il indécent de demander à ces vampires de se mettre en cohérence avec leur vulgate populiste et de renoncer à solliciter des autorités françaises une inscription dans un établissement scolaire métropolitain pour leurs enfants ou une hospitalisation quand ils doivent gérer un problème de santé. Le moment n’est-il pas venu d’exiger publiquement de ces rentiers de la décolonisation de s’appliquer ce qu’ils infligent à la plèbe algérienne ?
Le lycée Descartes d’Alger est resté sous administration française jusqu’en 1988, soit 26 ans après l’indépendance. Pendant toute cette période, qui couvre une génération, ce lycée a été, pour l’essentiel, réservé aux  héritiers de la nomenklatura. Celle qui se distingue régulièrement par ses flambées anti occidentales. Une fois récupéré par Chadli, les dirigeants qui avaient abandonné l’Ecole algérienne à un ministre terne et définitif, ont confisqué les bourses à l’étranger pour sauver leur progéniture. Après l’ouverture du lycée Alexandre Dumas à Alger, la colonisation  de l’établissement par les clientèles du régime n’a pas tardé. Comme une meute qui interdit une source aux autres espèces, le système FLN a radié de la modernité le citoyen algérien.
On imagine l’autonomie et la crédibilité de ces abonnés à l’anticolonialisme d’arrière-garde devant un pays qui détient le savoir de leur enfants, leurs carnets de santé et, bien souvent, le secret de leurs détournements.
Quel ennemi extérieur aurait dilapidé autant de ressources et neutralisé autant d’intelligences ?
Le colonialisme a ébranlé la terre algérienne. Ceux qui ont débarrassé le pays de ce fléau n’ont, à aucun moment, fait de l’effacement de cette parenthèse ni de la guerre des mémoires un fondement de leur combat. Comme par hasard, les premiers dans la lutte, les plus visionnaires, les plus dévoués et les plus crédibles ont été tués par les bourreaux d’aujourd’hui ou les occupants de naguère. Il y a bien, dans le carnage qui déchiquète le tissu social algérien, une complicité entre les cyniques d’hier et les rapaces d’après-guerre. Ce  qui est terrible à constater, et que les démocrates algériens peinent à construire en tant que vision politique, c’est que hizb frança, existe bel et bien. Il a pris le pouvoir en juillet 1962 et il dure aujourd’hui encore. Comble de supercherie, ses forces se revendiquent du « courant nationaliste » et sont nourries à l’arabo-islamisme. Il ne faut jamais oublier que c’est la propagande française qui a façonné la légende de l’adjudant Ben Bella et que c’est ce marketing qui l’a, de fait, imposé à l’Algérie décolonisée : la brutalité, la confusion et la rusticité du personnage, autant dire une certaine bestialité, ont fait merveille dès le premier jour de l’indépendance.
Hier, nous avons éprouvé la nationalisation des hammams et des épiceries qui a ruiné un petit commerce modeste mais industrieux, support d’une économie naissante et lien social décisif dans une société meurtrie. Aujourd’hui, nous sommes prêts à embarquer le pays dans la galère de l’exploitation du gaz de schiste, quitte à condamner des générations entières. Le monde animal ne sait pas corriger par lui-même ses bas instincts, constitutifs de son patrimoine génétique.
Demeure cette question posée cette semaine par un internaute commentant un article d’Algérie-Express : existe-t-il une solution pacifique au système algérien ? Il faut espérer que dans l’espèce dont descend le règne politique qui sévit depuis 1962, il se trouve des biotypes sensibles au dressage. Encore faudrait-il trouver le dompteur.

 

Rachid Bali

http://algerie-express.com/index.php/chronique1/1100-predateur?tmpl=component&print=1&layout=default&page=

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

Inscrivez vous

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.

Pas encore de commentaire.

Laisser un commentaire

Les livres de K79 |
liremapassion |
Le phaéton véloce |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Des histoires plein la tête.
| Oaristys
| jonathanjoyeux