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PRINTEMPS AMAZIGH : DES CLES ET DES ALERTES

16 juillet 2012

Rachid Bali

Chronique

PRINTEMPS AMAZIGH : DES CLES ET DES ALERTES

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Publié le Dimanche, 22 Avril 2012 18:32
Écrit par Rachid Bali

La commémoration du 32éme anniversaire du printemps amazigh mérite que l’on s’y attarde. A plus d’un titre. Et d’abord de l’intérieur. La mobilisation a été puissante sans que le pouvoir ait commis d’erreurs ou de fautes patentes dans la proximité de l’anniversaire. Certes, la détresse endurée par les populations de Kabylie cet hiver a été vécue comme un abandon de l’Etat mais d’autres régions ayant pâti de la même incurie, on peut estimer que la colère ne peut être le moteur essentiel de cette vigueur retrouvée.

D’autres causes lointaines et immédiates sont à rechercher pour comprendre cette nouvelle dynamique et, phénomène inédit, une certaine convivialité entre des acteurs plus portés à s’entredéchirer qu’à se tolérer.
La répression et les agressions subies par des manifestants de l’hiver 2011 dont la majorité est venue ou issue de Kabylie a marqué les esprits, y compris parmi les habitants de cette région qui ne s’étaient pas mobilisés à l’époque. Les baltaguis, bras armés des tous premiers cercles du pouvoir, ont assumé leur animosité et sectarisme à l’encontre « d’envahisseurs, amis des Juifs ». L’épreuve a laissé des traces qui n’ont pas fini d’indigner mais aussi d’interpeller une région dont les relations avec le pouvoir central n’ont jamais été simples depuis l’indépendance. Même si la majorité de ces manifestants sont des militants ou des sympathisants du RCD, l’affront qui leur a été fait a atteint beaucoup de citoyens de Kabylie. Ces attaques qui ont, par la force des choses atténué les polémiques, ont, dans la foulée, généré une cautérisation des fissures qui ont toujours lézardé la scène politique régionale.
Plus près de nous, l’arrogance et la légèreté avec lesquelles Aït Ahmed a humilié ses militants et, au-delà, les citoyens, à l’occasion d’une annonce de participation aux législatives, sur fond de rentrée clandestine et de vente d’un patrimoine incessible, a définitivement libéré une opinion qui a longtemps préféré subir ses ruses, caprices et outrages pour ne pas avoir à donner prise à un pouvoir toujours à l’affut de la moindre division ou tension entre les acteurs de l’opposition. La faute de trop d’Aït Ahmed a réanimé des énergies marginalisées ou étouffées dans le parti et cassé le tabou qui a autorisé tant et tant des décisions incongrues voire franchement dangereuses pour la région et le pays et qui l’a immunisé contre des ripostes qui auraient laissé peu de dirigeants indemnes. Cette fois, les cadres les plus effacés ont dit non. La toile et la jeunesse ont fait le reste.
Autre évènement : le retrait de Saïd Sadi de la présidence du parti qu’il a fondé. Imprévue, la décision, un fois la surprise passée, a provoqué dans le RCD une responsabilisation qui a, ici aussi pour des raisons et par des ressorts différents,  entraîné une mise en mouvement des capacités organiques qui étaient bien obligées d’assumer la situation. La réaction en chaîne gagne des secteurs extérieurs au parti concerné et vaut, notamment, dans le milieu universitaire.
Enfin, on n’apprécie pas encore à sa juste mesure l’écho qu’a eu dans toutes les régions berbérophones et en Kabylie plus particulièrement, l’officialisation de la langue amazigh au Maroc. Cet acquis considérable a remis au devant de la scène la revendication identitaire ( langue, culture et histoire) quelque peu émoussée par les faibles résultats d’un enseignement mis sous haute surveillance par le pouvoir et l’effondrement du niveau intellectuel des universités qui a vu la réduction drastique sinon l’extinction des débats et des productions culturelles de qualité qui avaient conceptualisé et révélé le combat indentitaire dans les années 70/80.
Les attaques physiques et politiques de 2011, l’erreur fatale d’Aït Ahmed, l’acte pédagogique de Said Sadi et les avancées marocaines ont créé une synergie qui a engendré un sursaut et une autonomie politique et intellectuelle, internet aidant, qui a projeté la jeunesse sur le champ clos des responsabilités confisquées par les hiérarques de l’âge ou de la légitimité historique. Et ceux qui ont participé aux marches d’avril 2012 ont pu constater l’ampleur de la présence de la nouvelle génération mais, et cela est nouveau, leur implication dans l’organisation et la prise de décision et de parole. Les officines du pouvoir ne manqueront pas de pointer cette évolution car elle signe leur véritable échec : c’est dans les catégories supposées être les plus conditionnées que le rebond s’est produit. S’il est trop tôt pour dire quand et comment cette mutation a eu lieu, il est d’ores et déjà acquis que la Kabylie s’est dotée d’une nouvelle génération d’acteurs politiques avec laquelle le régime algérien, s’il reste en place, devra compter.
Regardons maintenant comment cette reconfiguration a été vécue par les instances pouvant offrir un minimum de lisibilité politique. Il est toujours difficile de deviner à chaud les intentions des dirigeants algériens sur la vie publique en général et a fortiori sur les questions sensibles comme celles de l’amazighité ou de la femme. Néanmoins, les corps intermédiaires, pour reprendre une expression en vogue, parmi lesquels les médias, sont toujours  un indicateur pertinent quand il faut décrypter les pulsions qui font vibrer le lourd et ténébreux système politique algérien.
Passons sur les medias publics qui ont de tout temps ignoré les actions non reconnues officiellement. La lecture de certains titres privés du lendemain des marches donne une idée assez précise de la perplexité  et de l’inquiétude qui habitent des centres de décision, éparses par construction, et qui prennent leur temps avant de réagir ou de produire un discours formellement identifiable. L’analyse qui ne peut donc être qu’indirecte n’en est pas moins éclairante. TSA, dont la manne publicitaire est, pour beaucoup de locataires de la maison de la presse, un indice probant d’un environnement rédactionnel labellisé a produit l’avant-veille du 20 avril un article surexposé dans son portail sur l’échec d’une déclamation de poèmes amazigh programmée dans une obscure librairie d’Alger. Et d’en déduire qu’avril 80, n’étant commémoré que par quelques hurluberlus, est de fait un passé éteint sinon un passif mémoriel. Ce journal électronique, par ailleurs si prompt à gloser sur le moindre incident en Kabylie, n’a pas écrit une ligne sur des marches dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont les plus importantes depuis dix ans. La narration d’El Watan, plus complexe, offre une lecture plus fine. Le journal qui écrase l’évènement par diverses informations, évacue dans son article le RCD pour souligner la présence du MAK, non pour une quelconque sympathie pour le mouvement de Ferhat M’henni, mais pour agiter le péril scissionniste et occulter l’esquisse de rapprochement qui semble se dessiner entre le RCD et le MAK, virtualité dont on apprend qu’elle est déjà un vrai casse-tête pour Alger, habitué à susciter et entretenir, pour s’en nourrir, le pain béni des divisions. Plus surprenante est la réaction du Soir d’Algérie, pourtant très lu en Kabylie. Pas une ligne sur la marche de Tizi-Ouzou. Pour ce journal, qui se débat dans de réelles difficultés de trésorerie, le ratage peut avoir été préféré à la manipulation sollicitée par les donneurs d’ordre.
Ces différences de traitement reflètent les relations très complexes qu’entretiennent les journaux algériens avec une administration qui peut conseiller, infléchir, imposer et, au besoin, sévir selon le niveau de dépendance, de fragilité ou d’adhésion du journaliste ou de son employeur. La somme de ces commentaires est une résultante assez fidèle de la vision de décideurs évoluant dans une période historique peu favorable.
En effet, aux frontières sud, la question touarègue surprend un pouvoir qui pensait avoir cadenassé ce dossier par vingt ans de manipulations. Dépassé par une situation dont il a sous-estimé les enjeux, le régime algérien bricole : du jour au lendemain, un plan de développement du grand sud est annoncé en grande pompe. Après plus d’un siècle d’abus, d’humiliations et, occasionnellement, de répressions sanglantes, la France avait conçu un plan de Constantine autrement plus rigoureux que la promesse précipitée d’Ouyahia pour le Hoggar et le Tassili. On connaît la suite.
La question amazigh et celle de la femme ne sont pas seulement des revendications légitimes en suspens. Le sort réservé aux problématiques qu’elles soulèvent et aux projections qu’elles appellent, est le témoignage le plus fiable sur la nature, les méthodes et les objectifs du système algérien et, par voie de conséquence, sur le devenir national.

 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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