… NOIR ET BLANC
Pour ne pas être réveillés au beau milieu de la nuit par des noctambules en quête de java qui pensent que tous les chats, le soir, sont gris, des pères de famille, qui avaient construit leur haouch en bordure de certaines zones de non-droit, ont été obligés de coller à leur porte la précision suivante : “Maison honnête”. Grâce à cet avertissement qui était une sommation déguisée, aucun ivrogne n’a jamais tenté de franchir leur mansarde. Loups et prédateurs solitaires se sont toujours tenus à distance de la bergerie.
Cette peur irraisonnée de l’inconnu et du tout-venant a fini par donner des idées à quelques commerçants qui croient avoir trouvé le moyen imparable de se prémunir contre les mauvaises surprises. Séparer le bon grain de l’ivraie d’accord, mais comment ? Apparemment, chacun a sa propre martingale. Un restaurateur par exemple a ajouté à son enseigne accrochée sur un grand boulevard du centre-ville la mention “établissement respectueux”.
Mais respectueux de quoi ? Du comportement des convives qui braillent ? De leurs plaisanteries de bivouac ? Des cendriers qui puent, des cigarettes qui dérangent et des garçons qui s’oublient ? Vous ne pouvez rien garantir chef, et vous nagez dans le yaourt.
Le respect n’a jamais rien assuré, ni dans votre crémerie ni dans une autre, et vous êtes en principe bien placé pour le savoir. Pour moi, votre enseigne n’est qu’un clin d’œil pour dire aux clients qu’une tenue de rigueur est exigée s’ils souhaitent toujours taper dans la chorba, à moins qu’elle ne soit une mise en garde adressée aux gueux pour les prévenir que la note est toujours salée à la fin du repas.
Deux précautions valent mieux qu’une, et un homme averti en vaut deux. Avec tout le respect que je dois à vos fourneaux.
16 juillet 2012
Mustapha Mohammedi