RSS

Un panthéon pour nos gloires nationales Par Ahmed Halli

22 mai 2012

Ahmed Halli

Chronique du jour : KIOSQUE ARABE

halliahmed@hotmail.com
Des questions lancinantes à propos des «Gloires» nationales : à quel moment on a droit à ce titre, et en contrepartie de quels signalés services rendus à la patrie reconnaissante. Le titre de «Gloire» nationale est-il décerné par les médias, par cooptation, ou par référendum populaire ? Faut-il attendre d’être mort pour mériter cette distinction ? La réponse est oui, et souvent pour ce qui concerne des pays comme le nôtre.
Ailleurs, on peut être une «gloire» nationale et se faire délivrer l’attestation ad hoc pour tout le reste de son existence. Toutefois, la consécration n’est pas réservée au tout-venant et n’est pas «gloire» nationale qui veut. Les héros déchus sont malheureusement légion, victimes de leurs propres turpitudes ou de caprices d’autocrates. Qui de nos concitoyens de Mascara s’est souvenu du glorieux Belloumi, en allant voter aux législatives du 10 mai dernier ? Apparemment, ils n’étaient pas très nombreux, ou pas assez, à considérer que l’ancienne star du football national était de taille à dribbler dans les surfaces de réparation parlementaires(1). J’ai ouïdire que Belloumi avait même été battu dans son fief par un candidat venu d’ailleurs, ce qui prouve que les Mascaréens savent rire d’eux-mêmes à l’occasion. Espérons que le député qu’ils ont élu en lieu et place de l’homme qui battit l’Allemagne ne leur fera pas regretter cette mauvaise blague faite à une authentique gloire du football algérien. Cela dit, Belloumi aura peut-être trop gardé la balle et a dû susciter des antipathies par ses prises de position politiques. En attendant que la postérité reconnaisse les siens, admettons, cependant, qu’en dehors de sa déconvenue électorale, Belloumi n’a pas eu une destinée aussi paradoxale que celle de feu Ben Bella. Voici un homme qui a fait un coup de force, à l’aube de l’indépendance, qui est renversé alors que le bébé commençait à peine à marcher, puis jeté aux oubliettes, et qui finit enterré près de son geôlier numéro un. Pendant une quinzaine d’années, le nom même de Ben Bella pouvait vous écorcher les lèvres et vous faire prendre en charge par les équarrisseurs de service. Remis en liberté, il a continué à être regardé avec suspicion par le cercle du pouvoir et par les clients qui gravitaient autour. Et le voilà consacré héros national et inhumé en grande pompe, par la volonté d’un président jadis au cœur du complot qui avait mis fin à sa brève carrière de chef d’État. Je sais qu’il n’a pas été consulté sur la date de sa mort, mais je présume que Ben Bella aurait préféré suivre les funérailles nationales d’un autre, ou d’autres, que lui. On peut se demander aussi s’il a vraiment désiré tout ce dispositif démagogique, larmoyant et ce voisinage post mortem. Avant lui, Mohamed Arkoun avait eu le bon goût de mourir ailleurs, et il avait fait surtout le choix de ne pas se faire enterrer par la troupe de ses détracteurs. Les anciens fatalistes déploraient l’impuissance d’un décédé entre les mains du préposé à sa toilette mortuaire. Les nouveaux fatalistes, de plus en plus nombreux, pourraient dire la même chose d’un défunt tombé entre les mains des autorités. Quoique je lui souhaite de vivre encore de longues années, je serais curieux de savoir si M. Aït- Ahmed souhaiterait avoir le carré des martyrs comme ultime demeure. Adulée et considérée comme l’une des plus grandes chanteuses arabes, Warda n’a pas été toujours choyée dans son pays natal, l’Algérie, et dans son pays d’adoption, l’Égypte(2). Ici ou là-bas, elle n’a pas échappé aux critiques et aux attaques les plus vulgaires. Pendant des années, les responsables de la culture algérienne l’avaient pratiquement inscrite sur leur liste noire. Puis Warda, un moment oubliée, a su reconquérir sa place dans le cœur des Algériens et pas seulement, en interprétant des chansons patriotiques(3). On ne saura jamais si le plus cher désir de Warda était d’être enterrée(4) au carré des martyrs d’Al-Alia, mais il est sûr que l’initiative ne fait pas l’unanimité. Il n’y a aucun doute que Warda est une grande patriote, doublée d’une artiste renommée, et qu’elle a droit à tous les honneurs, mais il est à craindre que son cas suscite des polémiques, voire des vocations. Ce choix relance, en effet, le débat sur la destination de cet espace et sur la qualité des personnes qui doivent y reposer pour l’éternité. A moins de le rebaptiser carré des «Gloires nationales », le carré des martyrs devrait faire l’objet d’un débat politique et d’un texte de loi, afin de sauvegarder son caractère de sanctuaire. Sinon, on risque de voir demain des décideurs autoritaires, et l’Algérie dispose d’un grand gisement en la matière, tenter de défaire ce que d’autres potentats ont fait avant eux. Pourquoi pas un panthéon algérien où seraient transférés les restes de grands hommes et femmes qui ont servi le pays, sans trop se servir, et qui ne devraient rien aux humeurs de leurs contemporains. Ainsi, pourrait-on y transférer les restes de ceux que l’Histoire aura reconnus et qui n’auront pas eu l’heur de plaire aux dirigeants du moment. Et puisque la politique dénature tout et que les hommes politiques sont versatiles, essayons d’abord de créer un panthéon pour les artistes. On pourrait y transférer les cendres de toutes les gloires nationales du genre, comme Slimane Azem, El-Hasnaoui, Guerrouabi, Wahbi et Warda, bien sûr.
A. H.

(1) Entendons-nous bien : je ne m’avance pas à affirmer que les élections du 10 mai 2012 étaient propres, honnêtes, etc., etc. Je pars seulement de l’hypothèse, aussi absurde qu’elle puisse paraître, que le scrutin a été régulier, pour étayer mon raisonnement.
(2) Au fait, qu’est-il advenu du drapeau égyptien qui recouvrait, avec le drapeau algérien, le cercueil de Warda, au départ du Caire ?
(3) L’une de ses chansons que je préfère, et dont j’ai oublié le titre, c’est celle où elle dit : «Un jour, je t’ai aimé, un jour, je t’ai trahi, un jour je t’ai quitté.»
(4) Je l’entends d’ici répliquer : va t’y faire enterrer toi-même «Fi rassek inch’Allah !».

     Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/05/21/article.php?sid=134450&cid=8

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

Pas encore de commentaire.

Laisser un commentaire

Les livres de K79 |
liremapassion |
Le phaéton véloce |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Des histoires plein la tête.
| Oaristys
| jonathanjoyeux